• Aucun résultat trouvé

L'histoire de vie comme méthode clinique

A la recherche d'une spécificité de "l'histoire de vie", nous rencontrons moultes affirmations relativement divergentes.

Tantôt l'on propose de considérer "l'histoire de vie" comme une technique somme toute fort proche de l'entretien semi-dirigé, tantôt comme une méthode de recherche ou d'intervention. Dans ce cas, elle relève, soit d'un projet d'investigation intrapsychique destiné à identifier les variables "processus" (de l'éducation, de l'apprentissage, de la formation de soi, etc.), soit d'une mise au jour de l'interface du social et du psychologique dans la trajectoire de l'individu, soit encore d'un renforcement de l'identité subjec­

tive par la réappropriation de l'histoire de sa vie.

Notre propos est de tenter d'isoler, au-delà de ces différentes visées, l'un ou l'autre invariant structural caractéristique de

Guy de Villers est Professeur à l'Université de Louvain-La-Neuve.

"l'histoire de vie". Dans la perspective du présent numéro des Cahiers 1 , notre attention sera particulièrement dirigée vers la question de savoir quelle est la nature et quelles sont les conditions de production du "récit de vie" en formation d'adultes. L'idée est que le récit de vie n'est pas réductible à une technique et que si l'on en fait une méthode, la nature du champ où celle-ci s'inscrit est telle qu'il faut lui rendre sa véritable dimension, bien au-delà de sa valeur d'instrument heuristique.

Le champ d'inscription du récit de vie

Nous venons d'utiliser le terme de "champ". Il s'avérera très utile si nous en donnons une définition précise. En effet, au-delà de sa connotation spatiale évidente, la notion de champ permet de subsumer l'idée qu'il existe "un réseau de relations dont les noeuds correspondent à l'individuel". 2 L'histoire de vie autobiographique, à l'honneur dans les pratiques de formation d'adultes, manifeste la gageure qui consiste à produire des connaissances ayant pour objet l'individuel.

Or, à s'en tenir à une compréhension de la notion de champ encore trop marquée par la physique, on risque fort d'en éliminer justement la place particulière qu'y occupe le sujet humain. En effet, pour le physicien, "un champ est une partie de l'espace où se produit un effet donné." 3 Ceci veut dire que le sujet humain est réduit à un point d'application et/ou de diffusion de forces, ce qui manque l'irréductible de sa singularité en tant que foyer déci­

sionnel. N'étant plus que l'effet d'une causalité énergétique, le su­

jet perd son statut particulier pour se dissoudre dans la généralité des forces causales qui s'appliquent à lui. Aussi, faut-il, avec G.- G.

Granger, considérer le champ non seulement "comme milieu

1 L'éducation des adultes : implications épistémologiques.

2 G.- G. GRANGER, Pensée formelle et sciences de l'homme, p. 2 13.

3 J. ROSMORDUC, "Champ" rphys .l, Encyclopédie philosophique universelle; Les Notions Philosophiques : Dictionnaire, Tome 1 : Philosophie occidentale : A-L, p. 300.

déterminant l'action du sujet", mais au moins autant "comme dé­

cor, construit et interprété par l'individu". 1

Remarquons la distance qui sépare cette compréhension de la notion de champ de celle de P. Bourdieu, du moins lorsqu'il fait jouer la métaphore du champ physique : "Quand je parle de champ intellectuel, je sais très bi.en que, dans ce champ, je vais trouver des 'particules' (faisons pour un moment comme s'il s'agissait d'un champ physique) qui sont sous l'empire de forces d'attraction, de répulsion, etc. , comme dans un champ magné­

tique. Parler de champ, c'est accorder la primauté à ce système de relations objectives sur les particules elles-mêmes. "2 La consé­

quence est immédiate : l'objet de la science sociale ne peut plus être l'individu mais le champ où interagissent des agents por­

teurs de propriétés (de capital) qui les poussent à l'action dans tel ou tel sens. Dès ce moment, nous comprenons que nous n'avons pl.us ici de connaissance de l'individuel, ce qui était pourtant le défi à relever.

Le problème épistémologique

Ainsi, en déterminant le sens de la notion de champ, nous avons pénétré au coeur du problème épistémologique que nous paraît poser l'histoire de vie. Car, d'une certaine manière, l'histoire de vie exacerbe la question générale que l'on peut adres­

ser aux sciences humaines, à savoir justement celle de leur scientificité. Puisque 1'objct que construit le récit de l'histoire de vie est la mise en forme d'un savoir individuel, la question doit être posée du type de connaissance qui peut s'en extraire et selon quelles modalités.

l G. -G . GHANGER, Op. c l ! . , p.2 1 :l.

7, l'. 130URD I E U , avec Loïc J. D . WACC:.}UJ\N'l', 1/<lponse.1· ; pour une anthropologie réflexiuc, p. 82. NoLon;; que dans Leçon sur la leçon, p. 46, Bourdieu soulign e l a disconLinuiLé du ch amp social par rapport a u champ magnétique.

On connaît l'adage aristotélicien : il n'est de science que du général. Toutefois la formule n'est pertinente qu'à propos de la science spéculative. Car, lorsque la science se dote des moyens de son application, elle s'adresse nécessairement à l'individuel. Mais qu'advient-il lorsque cet "individuel" est un fait humain? G.- G.

Granger fait observer que le propre d'une science appliquée est de maîtriser une pratique dans un domaine spécifique. Si une science de l'individuel est possible, c'est par la vertu de son inté­

gration à une pratique, c'est-à-dire en tant qu'elle "tend à se constituer comme praxis intégrale dans son domaine. "1 La pro­

position de G.-G. Granger est d'appeler "pôle clinique" cette ten­

dance des sciences de l'homme à s'intégrer dans une pratique qui, par définition, concerne des individus.

Le concept de clinique

Mais qu'est-ce que cet adjectif "clinique "peut bien signifier?

G.-G. Granger ne manque pas de noter que le terme "clinique" est obscur en raison de son identification à la pratique médicale. 2 Mais est-il possible de dégager un concept général de la clinique?

En une première approximation, nous dirons que l'adjectif

",•lininnr>" nr>n t r, 1 i <:1 l i fiPr n n r> ..,-i t11 !l t-Ï on rh ,::i r, 1 1 p fni c: r,1 1 '1 1 n P nr<=iti n 1 1 P

... "-1. .__ ... y .... - ... "-1_ '-'-... ... .... .... ... ... .. .__ ... ... � .... -- -- - -- ... "-1. ..,.. ... ..._ ...,...._o..J "-1_ - ... ...., .t-' ... ... .., .... "1. ... ...

met la science en contact avec l'homme concret. On voit ainsi se construire le triangle constitutif de la scientificité des sciences hu­

maines, à savoir : le corpus théorique de la science, la pratique qui assure le rapport de la science à l'objet humain et enfin cet objet lui-même. Est clinique ce lieu où s'opère la mise en relation de la science à l'individu humain par le biais d'un rapport direct entre l'observé et l'observateur. Suivant la suggestion de Jean

1 G.- G. GRANGER, Op. cit., p. 186.

2 Nous ajouterons que la confusion vient aussi de l'insuffisante détermination des traits capables de différencier les pratiques elles-mêmes. Gageons qu'un des traits distinctifs majeurs sera celui qui définit ce que nous choisissons d'entendre par "individu".

Gagnepain 1, nous dirons que la situation clinique vaut pour les sciences humaines ce que le lieu de l'expérimentation vaut dans les sciences dites exactes.

L'intérêt de ce repérage de la situation clinique comme un des pôles nécessaires à la constitution d'une science humaine est de mettre en évidence que cette clinique ne peut être considérée indépendamment des buts qui orientent la pratique et qui relient le corpus scientifique à l'individu concret.

A titre d'exemple, citons la tentative de P. Fédida de formuler le sens commun du terme clinique : "la signification habituelle­

ment reconnue au concept de clinique et à la pratique qu'il com­

prend est celle d'une observation singulière et concrète de l'individuel. "2 Se confirme ici l'impossibilité de définir la clinique sans la pratique qui la constitue. Si cette pratique est de l'ordre de l'observation, ce qui semble être le terme le plus "innocent" dont disposent nos auteurs pour la caractériser, alors c'est le voir qui va appparaître comme le mode d'accès privilégié à l'individu con­

cret. L'observation clinique se fait lecture des signes que présente l'individu. Mais le regard n'est pas l'écoute et ce qui s'entend de ce qui se dit n'est pas du même ordre que ce qui se voit de ce qui se montre. En d'autres termes, la notion d'individu est à son tour modifiée par la modalité retenue pour effectuer la mise en rela­

tion avec l'objet. Il y aura donc autant de cliniqu�s qu'il y a de pratiques pour accéder à l'individuel. Ces pratiques elles-mêmes se différencieront non seulement en fonction du "véhicule" choisi pour rencontrer la particularité du cas, mais aussi en raison des buts qui lui sont assignés. Quant à la théorie scientifique de réfé­

rence , sa détermination dépendra également de l'orientation adoptée dans la pratique d'application au cas.

1 Cfr Jean C AGN E!'AIN, Du Vuuloir Dire, Traité d 'Epistémologie des sciences h u m a i n e s , I, Du Signe, De / 'Outil, p. l l . C i té par l'. MARC HAL, "La position épistémologique de l'anth ro pologie clinique", p. 60 clans An thropo-logiques, 11°1 ( 1988) lpp. 43-72 1, Bibliothèque des Cahiers de l'Institut deLi nguistique de Louvain , 11° 40, Louvain-la-Neuve, Peders, 1988, 202 p.

2 P. FEDIOA, "Clinique" Jpsycha J, Encyclopédie philosophiqu.e un iuerselle; Les Notions Philosophiques : Dictionnaire, Tome 1 · Philosophie occiden tale : A-L. p. :-l38. Nom;

soulig11011 s,

Cette forte interdépendance des éléments constitutifs d'un science appliquée à l'individu humain nous conduit à préconiser l'usage du terme "approche" lorsque nous voulons désigner ce complexe polarisé par la clinique. Mario Bunge a donné du terme

"approche" une définition qui nous paraît rendre compte de cette complexité : "un corps B de connaissances de base (background) , conjoint à une collection P de problèmes (problematics), à une sé­

rie A de buts ( a i m s ) et à une collection M de méthodes (methodics) . " 1 Reste l'objet-cible (que nous pourrions désigner de la lettre T, pour target) qu'est l'individu concret. Ainsi pensons­

nous avoir justifié le recours à l'expression "approche clinique"

pour désigner cette démarche visant à rejoindre la particularité du cas individuel en fonction d'objectifs déterminés et selon une méthode appropriée, à partir d'un référentiel théorique et en vue

de

produire une connaissance

de

cet individuel.

La clinique médicale

Il n'est pas douteux que c'est dans le contexte médical que cette approche clinique trouve sa concrétisation la plus évidente, sinon la plus ancienne. Mais nous comprenons sans doute mieux maintenant que l'art de guérir recourt à l'approche clinique d'une manière particulière, qui est loin de couvrir l'ensemble de ses usages. Certes l'étymologie du terme "clinique" renvoie au grec div17, qui veut dire "couche" ou "lit de table". Et c'est Littré qui fournit du terme "clinique" la signification bien connue : "ce qui se fait au lit du malade". La clinique a donc été d'abord l'apanage des médecins, du moins de ceux qui avaient pris le parti de l'observation contre celui des théorisations, ces dernières étant assimilées à des élucubrations métaphysiques. Le grand tournant

1 Mario BUNGE et Ruben ARDILA, Philosophy of Psychology, pp. 44-45; cité par Michel LEGRAND, "Du behaviorisme au cognitivisme; à propos de la "révolution cognitive" en psychologie expérimentale", p. 1 1 ; publié p . m . s . en annexe du cours d'Histoire et épistémologie de la psychologie, Faculté. de Psychologie et des Sciences de l'Education, Louvain-la-Neuve, 1991, 45 p.

clinique s'est produit en médecine à la fin du XVIIlème siècle, lorsque "pour la première fois depuis des millénaires, les méde­

cins, libres enfin des théories et des chimères, ont consenti à abor­

der pour lui-même et dans la pureté d'un regard non prévenu l'objet de leur expérience".1 En psychiatrie, cette subordination de la théorie à l'observation, voire cet athéorisme, étaient surtout re­

vendiqués par l'Ecole française, celle de Pinel et de son élève Esquirol, principaux initiateurs de l'approche clinique. Mais, dans sa protestation-même, nous pouvons lire l'incontournable con­

frontation à une théorie de référence. C'est ainsi, en effet, qu'Esquirol affirmait : "j'ai observé les symptômes de la folie; j'ai étudié les moeurs, les habitudes et les besoins des aliénés au milieu desquels j'ai passé ma vie; m'attachant aux faits, je les ai rappro­

chés par affinités, je les raconte tels que je les ai vus et je me suis arrêté devant les systèmes qui m'ont toujours paru plus sédui­

sants par leur éclat qu'utiles dans leurs application." 2 Ces queques lignes manifestent clairement, nous semble-t-il, la fonc-·

tion de la situation clinique comme lieu sui generis de contrôle des théories scientifiques, là où dans les sciences dites exactes opèr�

l'expérimentation. D'autre part, il est sensible que le narrateur est ici incarné par le psychiatre: à lui revient de construire le récit de ce qu'il a vu. Dans le récit de vie, cette fonction est inversée puisque c'est le sujet de l'histoire de vie qui en est le narrateur. Ce qui change tout, comme nous le verrons bientôt. Notons une coïncidence curieuse et éloquente. P.Pichot rappelle la distinction établie par K. Jaspers entre les partisans de la clinique et ceux de la théorie.3 Selon le grand psychiatre et philosophe allemand, la tendance française regroupe les Schilderer qui restituent un

ta-1 M. FOUCAULT, Naissance de la Clinique; une archéologie du regard médical, Paris, PUF, 1963; cité par P. PICHOT, "Introduction : approche clinique et psychiatrie", p. 9 clans L 'approche clinique en psychiatrie, Histoire, rôle, applications, Volume I, sous la direction de P. Pichot cl W. Rein.Paris, Coll . Les empêcheurs de penser en roncl,1992, 224 p . 2 ESQUIROL, Traité des maladies mentales, 1838; cilé par P. PICHOT, Ibid.

3 Cfr K JASPERS, Allgemein e Psyclwpathologie [Psyclwpâthologie générale .1, Berlin, Springer, 191 l ; cité par P. PICIIOT, Op. cil., p. 11.

bleau vivant de la vie psychique des aliénés, alors que la tendance allemande, celle des "analystes", "pensent plus qu'ils ne regardent [. .. ], fournissant une fondation sur laquelle on puisse bâtir." 1 Ces Schilderer , P. Pichot les appelle les "narrateurs"! Voilà une attri­

bution bien éclairante lorsque l'on veut identifier l'auteur du récit de l'histoire de sa vie quand on est pris dans les rêts du discours médical.

Si la méthode de la clinique médicale est bien l'observation et la narration de ce qui a été observé, l'objet de l'observation sera le pathologique. C'est ce que constate G . -G. Granger : "dans l'attitude clinique du médecin prédomine assurément la visée du pathologique". 2 Mais cette visée, en ce moment tournant pour le savoir médical, s'accompagne d'une sorte de "meurtre de la chose" observée. Car le mot d'ordre de la nouvelle clinique est d'y aller voir à l'intérieur des corps en disséquant les cadavres. M.

Foucault souligne la portée des termes de la recommandation de Bichat : "ouvrez quelques cadavres, vous verrez aussitôt dispa­

raître l'obscurité que la seule observation n'avait pu dissiper. "3 C'est-à-dire que l'objet de la clinique médicale est le corps mort du sujet : "c'est du haut de la mort que l'on peut voir et analyser les dépendances organiques et les séquences pathologiques."4 De là à considérer que le regard clinique consacre la mort du sujet, il n'y avait qu'un pas, que Foucault n'hésita pas à franchir. Pour nous, la pratique de l'histoire de vie nous oriente tout autrement, puisque c'est de vie qu'il s'agit, quand bien même les récits nous enseignent l'incidence significative des effets rétrogrades de notre mort sur l'histoire de notre vie. Il nous appartiendra de définir la spécificité du sujet-cible de l'approche auto-biographique. Mais, dès à présent, nous comprenons sans doute mieux pourquoi l'on

1 Jbid.

2 G.- G. GRANGER, Op. cit. , p. 188.

3 Cité par M. FOUCAULT, Naissance de la Clinique. Une archéologie du regard médical, "Préface" , p. V.

4 M. FOUCAULT, Op. cil., p. 1'16.

doit attribuer à la clinique médicale une méthode anatomo-cli­

mque .

Poursuivant notre inventaire des éléments constitutifs de l'approche clinique en médecine, rappelons que les buts poursui­

vis par le clinicien se rangent, très classiquement, sous les caté­

gories du diagnostic, du pronostic et du traitement.1 Quant aux théories de références, quoiqu'en disent les initiateurs de la mé­

thode clinique, elles sont bien présentent dans l'évaluation du cas, même s'il existe une incontestable circularité entre la science médicale de référence -la pathologie- et l'approche clinique. Les cliniciens sont en effet les créateurs et les utilisateurs de la dite science. Pour rendre compte de ce rapport entre les "données" de la clinique et la théorie de base, G. -G. Granger propose de distin­

guer du corpus scientifique en tant que tel des constructions schématiques auxquelles le fait humain examiné est rapporté. La

"valeur" de l'individu dans la production d'une connaissance cli­

nique sera mesurée à l'aune du gradient de déviance que cet in­

dividu présente au regard de la construction schématique qui fait office de référence. L'enjeu d'une telle conception de la clinique est d'éviter le double écueil d' "une technique brute d'objectivation mécanique" ou d' "une pratique incantatoire" fondée sur le mythe de la communication intuitive susceptible de saisir la personalité totale.2

On devine qu'en limitant à ces quelques éléments notre ré­

flexion sur l'épistémologie de la clinique médicale, nous laissons dans l'ombre bon nombre de problèmes considérables et passion­

nants. Mais puisque tel n'est pas notre propos, nous nous permet­

tons de renvoyer le lecteur aux études fort stimulantes qu'ont rassemblées les Professeurs P. Pichot et W. Rein, déjà cités.

l C/'r P. PICHOT, "Introduction approche clinique et psychiatrie", p . 1 7 dan s L 'approche clinique en psychiatrie, Histoire, riile, applications, sous la direction de P.

Pichot et W. Rein.

2 G.- G. GHANGEJ{, Op. cit., p. 1 88.

D'autre part, il ne nous semble pas nécessaire de nous étendre longuement sur la psychologie clinique, dans la mesure où celle-ci peut être rangée sous le même paradigme que la mé­

decine clinique. P. Fédida n'hésite dailleurs pas à unir ces deux perspectives en une approche "médico-psychologique" dont il dira qu'elle "permet une compréhension approfondie et intrinsèque­

ment comparative de l'individu, du point de vue de son efficience intellectuelle, sensorielle, psychomotrice, en rapport avec une conjoncture socio-professionnelle et familiale, l'expérience de sa vie passée, ses motivations et ses projets, et dans la connaissance de sa personnalité propre."l Que la psychologie clinique ne diffère guère de la médecine clinique se déduit principalement des buts assignés à sa pratique. Ses objectifs sont de diagnostic et de clas­

sement, la compréhension n'étant ici que l'antichambre de la prescription du traitement de la psychè, lequel traitement repose sur une intervention du praticien à des fins d'adaptation, de réé­

ducation, voire de psychothérapie.

La clinique psychanalytique

Plus significative est sans aucun doute la clinique psychana­

lytique, dont nous croyons pouvoir dire qu'elle est responsable d'un renversement majeur de l'approche clinique. Ce fait n'a pas échappé à G.-G. Granger, puisqu'il considère que la psychanalyse est le siège d'élection des enjeux épistémologiques du conflit "entre les normes traditionnelles du savoir et le type de connaissance nouvellement promu que l'on espère dériver" de la clinique psy­

chanalytique.2 Encore faut-il remarquer que LA psychanalyse n'existe pas. Il y a DES psychanalyses. Avec Mr A. Zenoni, on peut distinguer au moins deux perspectives différentes. La première replace la clinique psychanalytique sous la tutelle de la médecine

1 P. FEDIDA, "Clinique" ipsycha], Encyclopédie philosop hique universelle; Les Notions Philosophiques : Dictionnaire, Tome 1 : Philosophie occidentale : A-L, p. 338.

2 G.- G. GRANGER, Op. cit., p. 189.

et de la psychologie. La théorie que cette perspective permet de produire est rabattue au plan d'une description des phénomènes qui "ne peut se faire, en définitive, qu'en termes génétiques et in­

trapsychiques" . 1 La seconde prend en compte la spécificité de la pathologie humaine en tant que sa causalité s'interprète à partir de ce fait élémentaire et fondamental qu'est l'inscription de l'être humain comme "être parlant dans la dimension transindivi­

duelle qui le détermine", à savoir le langage.2 C'est à J. Lacan qu'est revenue la tâche de restaurer la spécificité freudienne de l'orientation psychanalytique à partir de ce repère central, et ce

duelle qui le détermine", à savoir le langage.2 C'est à J. Lacan qu'est revenue la tâche de restaurer la spécificité freudienne de l'orientation psychanalytique à partir de ce repère central, et ce