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Penser la formation : contributions épistémologiques de l'éducation des adultes

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Penser la formation : contributions épistémologiques de l'éducation des adultes

BAUDOUIN, Jean-Michel (Ed.), JOSSO, Marie Christine (Ed.)

BAUDOUIN, Jean-Michel (Ed.), JOSSO, Marie Christine (Ed.). Penser la formation : contributions épistémologiques de l'éducation des adultes. Genève : Université de Genève Faculté de psychologie et des sciences de l'éducation, 1993

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:92950

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PRATIQUES ET THÉORIE

PENSER LA FORMATION

Contributions épistémologiques de l'éducation des adultes

Edité par Jean-Michel BAUDOUIN et Christine JOSSO

Cahier N

°

72

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FACULTE DE PSYCHOLOGIE ET DES SCIENCES DE L'EDUCATION SECTION DES SCIENCES DE L'EDUCATION

Penser la for,nation

Contributions épistémologiques de l'éducation des adultes

Edité par Jean-Michel Baudouin et Christine Josso

Cahier N° 72 Pour toute correspondance :

SECTION DES SCIENCES DE L'EDUCATION

9, Route de Drize 1227 Carouge-Genève (Suisse)

Octobre 1993

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Christine Josso

Présentation et petite histoire d'une publication

Matthias Finger

Considérations socio-épistémologiques sur l'éducation des adultes aujourd'hui René Barbier

Recherche en sciences de l'éducation ou/et recherche en éducation

Jean Vassileff

Du Besoin au Désir

Sommaire

p.5

p. 11 p.31 p.47

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Pierre Dominicé

L'originalité épistémologique

du savoir de la formation p. 89

Philippe Poussière

Sur le statut de la vérité dans un enseignement de psychosociologie de l'éducation

ou le passage d'une vérité personneUe

à une vérité partagée p. 103

Bernard Liétard Itinéraires Guy de Villers

L'histoire de v ie comme méthode clinique Ernst Jouthe et Danielle Desmarais

Un projet intercompréhensif de théorisation des pratiques sociales

Christine J osso

Peut- on séparer la recherche de la formation et la fonnation de la recherche

en éducation des adultes ? Jean-Michel Baudouin

« Epouse et n'épouse pas ta maison »

Formation : unité éthique d'un objet divisé Carlos Moya Ureta

Intégration des sav oirs et situation de formation Jean-Louis Le Grand

Implexité : implications et complexité

p. 117 p. 135

p. 157

p. 173

p. 197

p.223 p.251

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Présentation et petite histoire d'une publication ...

Amenée à offrir un séminaire de 3ème cycle lors de l'année académique 1991/1992, il m'a paru opportun d'offrir un travail de réflexion sur les fondements théoriques d'un certain nombre de concepts qui circulent dans le champ de l'éducation des adultes et de la formation continue. Le séminaire, intitulé

"L'éducation des adultes : implications épistémologiques" fut introduit de la façon suivante :

Bien que les études de deuxième cycle offrent, ici et là dans les divers enseignements, l'opportunité de se poser des questions épistémologiques par la médiation des a pproches méthodologiques présentées ou à travers la méthodologie propre à l'enseignement, l'épistémologie n'est pas vraiment abordée en

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tant que telle. Ce cours propose donc d'entrer dans le vif du sujet autour de concepts fondateurs des pratiques de formation et de recherche.

Les pratiques de formation en éducation des adultes et en formation continue semblent privilégier, à des degrés divers, les principes de responsabilisation et d'implication de l'apprenant dans son projet de formation et dans ses processus d'apprentissage. Si les acquis expérientiels y sont fréquemment utilisés comme ancrage pour de nouveaux apprentissages, les trajets de formation y sont questionnés et accompagnés à partir d'un travail sur la demande de formation et le rapport au savoir des apprenants.

En parallèle, des pratiques de recherche ont été développées au sein même des pratiques éducatives faisant émerger la notion de recherche-formation comme pratique "transfrontalière"

entre des territoires jusqu'alors distincts. Un courant pédagogique francophone est repérable autour de la notion de formation expérientielle par production de savoir en situation d'autoformation assistée et en prise avec les pratiques professionnelles des apprenants. Ces pratiques de connaissance sont développées en articulant implication, distanciation, respünsabilisation et construction intersubjecLive ùes connaissances.

A partir de ses pratiques de formation et de recherche, la question épistémologique sera travaillée en tenant compte de deux axes:

* Sur quels soubassements (idéologique, utopique, éthique, scientifique, politique) sont pensés et mis en oeuvre ces concepts de l'éducation des adultes et de la formation continue?

* Quelle est la valeur de vérité des savoirs ainsi élaborés ?

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Le déroulement d'un séminaire, pour autant qu'il s'adapte aux acquis et aux questionnements des participants ne se déroule que partiellement tel qu'il a été projeté et programmé lors de sa conception en l'absence de son public concret. Ce séminaire n'a pas échappé à cette règle, en fin de compte pour mon plus grand intérêt et celui des participants. En effet, constatant une carence sur la notion-même d'épistémologie, il a fallu consacrer un bon nombre de séances à son exploration à travers la littérature de base. La notion de rupture épistémologique de Bachelard a servi de point d'entrée dans les questions qui orientaient le travail du séminaire : "sur quoi je me fonde pour penser ce que je pense, pour faire ce que je fais comme je le fais (crois le faire), pour dire ce que je dis comme je le dis?". Elle a permis une première réflexion sur les événements qui introduisent le doute ou la remise en question dans des certitudes, des convictions, des conventions bien établies. La sociologie et l'anthropologie de la connaissance ont alimenté la réflexion en contextualisant les options théoriques et méthodologiques des recherches dans leur horizon spatio-temporel. La psychologie génétique a permis d'introduire la dimension épistémique du sujet connaissant, tandis que la psychologie analytique a permis de redimensionner la rationalité du chercheur en introduisant la dialectique entre conscient et non-conscient. Nos travaux avec les histoires de vie ont permis de contextualiser ce sujet connaissant abstrait dans la dynamique d'un parcours intellectuel et de pratiques de connaissances des chercheurs, en particulier en lien avec leurs appartenances socio-culturelles.

C'est à ce moment qu'il m'a paru indispensable d'inviter quelques collègues de l'éducation des adultes et de la formation continue à présenter leur itinéraire de chercheur autour d'un des concepts-clefs de leurs travaux de recherche et de leur

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enseignement. L'intérêt suscité par ces exposés aussi bien du côté des collègues invités que des participants m'a donné l'idée de concevoir une publication autour de la question épistémologique.

Je me suis dès lors efforcée de construire un sommaire qui offre un panorama diversifié de l'entrée dans la question épistémologique de chercheurs et de formateurs aujourd'hui engagés dans le champs de l'éducation des adultes et de la formation continue. Pour cela, il fallait bien sûr sortir des frontières helvétiques et solliciter des collègues susceptibles d'être intéressés par une réflexion critique sur les fondements de leurs pratiques et de leurs discours. Le résultat des transactions multiples sous-jacentes à la production de textes relativement impliquant pour leur auteur est presque ce que j'avais souhaité au départ. Cependant les styles de réflexion et d'écriture m'ont amenée à réorganiser le sommaire autour d'une autre logique que celle prévue initialement.

Ce Cahiers des sciences de l'éducation se présente donc en quatre sections

La première offre un regard global sur les fondements de nos pratiques en recherche et en formation dans nos sociétés occidentales, s'y trouvent réunis les contributions de René Barbier, Matthias Finger et Jean Vassileff.

La deuxième présente trois approches d'analyse et de compréhension de la formation et des processus de formation comme objet théorique central en éducation avec les contributions de Pierre Dominicé, Bernard Liétard et Philippe Poussière.

La troisième section rassemble les contributions de Christine Josso, Guy de Villers, Ernst Jouthe et Danielle Desmarais centrées sur des démarches éducatives accordant une place

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privilégiée à la recherche-formation, à l'approche clinico­

phénoménologique et au récit de pratiques.

La quatrième réunie des contributions qui proposent un ré­

flexion sur des concepts spécifiques à notre champ : Carlos Moya développe le concept d'intégration et de production de savoir, Jean-Louis Le Grand celui d'implexité qui articule le concept d'implication à celui de complexité, Jean-Michel Baudouin développe une réflexion éthique articulée aux pratiques de formation.

Le lecteur pourra ainsi entrer dans la réflexion épistémolo­

gique qui lui est proposée par la porte qui est le plus directement en lien avec son questionnement actuel et se diriger ensuite au gré de son appétence vers d'autres perspectives. Quoiqu'il en soit de l'itinéraire de lecture, il importe que chacun de ces textes puisse offrir l'opportunité d'une sensibilisation à l'exigence d'une réflexion critique sur ses pratiques, ses options théoriques et méthodologiques afin d'éviter l'écueil du faire pour faire qui caractérise trop souvent le développement de l'éducation des adultes et de la formation continue auxquelles il est demandé de résoudre trop de problèmes qui ne sont pas les siens.

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Considérations socio-épistémologiques sur l'éducation des adultes aujourd'hui

Dans cet article j'aimerais contribuer à une discussion cri­

tique du rapport que l'éducation des adultes entretient avec la so­

ciété. J'examinerai en particulier si ce rapport est à la hauteur des exigences de la société industrialisée avancée aujourd'hui. Je montrerai comment ce rapport a été défini historiquement dans notre domaine, notamment dans la perspective du changement social, et comment la société moderne a évolué depuis.

Finalement, nous verrons comment l'éducation des adultes est venue, dans le contexte des sociétés industrialisées avancées, à jouer un rôle contraire à ses objectifs initiaux de changement so­

cial.

Matthias Finger est Professeur au « Teachers College » de Columbia University.

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Les paradigmes dominants en éducation des adult.es

Il est frappant de constater que le développement rapide de l'éducation des adultes en tant que champ de pratique ne trouve pas vraiment son équivalent dans les domaines philosophique, théorique, et plus généralement dans la réflexion de l'éducation des adultes sur elle-même. En effet, à un niveau philosophique et théorique, l'éducation des adultes a eu sa période de croissance principalement dans les années 1960 et au début des années 1970 (voir Jarvis, 1985). C'est à cette époque - marquée par les mou­

vements sociaux, par l'activisme politique, et par la contre­

culture - que les principales contributions théoriques ont été faites dans notre domaine. Je pense ici en particulier aux contributions dans les trois orientations philosophiques suivantes, à savoir (1) la pédagogie critique et la pédagogie de la libération (voir Freire, 1974; Freire & Shor, 1987; Horton & Freire, 1990), (2) l'andragogie (voir Knowles, 1973), et (3) l'Education Permanente telle qu'elle a été promue par l'UNESCO (voir Faure et al., 1972;

Lengrand, 1975). C'est aussi à cette époque que la psychologie dé­

veloppementaliste et cognitive a été importée dans l'éducation des adultes, ce qui a contribué par la suite à focaliser l'attention de l'éducation des adultes presqu'exclusivement sur 'l'adulte appre­

nant', ou comme on dit en anglais 'the adult learner' (voir Cross et al., 197 4). La plus grande partie des recherches et des contri­

butions intellectuelles faites dans le domaine de l'éducation des adultes se laissent donc catégoriser dans une des trois principales orientations paradigmatiques suivantes, à savoir le paradigme de l'humanisme séculaire proposé par l'UNESCO, le paradigme du développement de l'adulte (incluant les approches d'inspiration humaniste et cognitiviste), et le paradigme de la conscientisation politique. Peu de recherches et de contributions théoriques origi­

nales ont été conduites depuis les années 1970 en-dehors de ces trois orientations paradigmatiques.

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C'est à cette époque, c'est-à-dire dans les années 1960 et au début des années 1970, que l'éducation des adultes a défini son rapport dominant à la société, et a ainsi conceptualisé le lien entre individu, formation et société: ce lien est synonyme de promotion de changement social. Rappelons que nous sommes dans les pays de l'hémisphère Nord depuis la fin de la Deuxième Guerre Mondiale et jusqu'au début des années 1970 dans une période de forte croissance et de développement économiques. Cependant, ce développement n'a pas vraiment eu son équivalent à un niveau humain et socio-culturel. Par conséquent, dès les années 1960 un changement social et politique apparaît de plus en plus comme nécessaire afin de maîtriser et d'humaniser ce développement.

Un tel changement social devrait notamment être atteint au tra­

vers de la formation des individus . Autrement dit, le développe­

ment de la personne adulte allait, dans cette conception des an­

nées 60, de pair avec le développement de la société: d'un côté, on considérait que si l'on voulait maîtriser et humaniser le dévelop­

pement des sociétés industrialisées, l'éducation, la formation et le développement des adultes étaient indispensable afin d'amener l'humanité à la hauteur des nouvelles exigences professionnelles, technologiques, sociales, politiques et humaines émergentes. De l'autre côté, la formation et le développement de l'adulte devien­

nent donc automatiquement bénéfiques pour la société.

A un niveau paradigmatique -- que ce soit épistémologique, philosophique ou théorique -- l'éducation des adultes est donc un produit typique des années 1960 et du début des années 1970: ca­

ractérisée par une euphorie généralisée pour le 'développement', l'expansion, et la croissance économique (voir Sachs, 1992), ce type de développement est mis en cause pendant les années 1960 notamment par les mouvements sociaux de l'époque, concernés qu'ils étaient par les problèmes politiques et les conséquences hu-­

maines du développement. Si ce développement devait être maî­

trisé et canalisé dans des directions plus humaines -� ce point de vue était notamment défendu par l'UNESCO (voir Faure et al., 1972) -- l'humanité devait se mettre à la hauteur des défis que le

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processus du développement industriel avait créé. Elle devait re­

gagner le contrôle sur ce processus. En bref, le développement devait être humanisé. Et cet objectif pouvait être atteint au tra­

vers de la formation des adultes, la conscientisation politique, et plus généralement au travers de la formation permanente. Une telle éducation des adultes incluait la vulgarisation des progrès scientifiques et technologiques, la compréhension des méca­

nismes politiques et économiques, mais aussi le développement de compétences, de connaissances, d'attitudes, et de valeurs (éthiques, morales, etc.) correspondantes. En bref, le développe­

ment industriel, tel était l'argument, devait être assorti d'un dé­

veloppement humain correspondant, conduisant à un développe­

ment social, politique et culturel à la hauteur des défis de la so­

ciété industrielle.

Cette réaction humaniste (séculaire) aux défis du développe­

ment industriel avait son équivalent, à la même époque, dans une réaction plus politique: basé sur une analyse marxiste, c'étaient surtout les conséquences sociales négatives qui attiraient l'attention des auteurs et des mouvements sociaux. Le dévelop­

pement, tel était l'argument des marxistes et des théoriciens cri­

tiques, crée des injustices, des disfonctionnalités, et des rapports de pouvoir inégaux, tout en contribuant, du moins potentiellement, à l'émancipation de l'homme (voir Horkheimer & Adorno, 1944).

Les raisons pour lesquelles ce potentiel pour l'émancipation lm­

maine généré par le développement industriel n'est pas utilisé pleinement, sont à rechercher, selon cette analyse, dans la sphère politique, en particulier dans les rapports de pouvoir inégaux. Le principal défi (politique) pour l'éducation des adultes consiste par conséquent à élever la conscience politique, amenant les individus à comprendre comment les intérêts politiques et les rapports de pouvoir empêchent l'émancipation humaine (voir Giroux, 1983;

Greene, 1988). Si les paradigmes de l'humanisme séculaire et du développement de l'adulte sont le résultat d'une interprétation humaniste des défis du développement, le paradigme de la cons­

cientisation politique par contre est le résultat d'une interpréta-

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tion politique des mêmes défis. Dans les deux cas, cependant, le but ultime reste l'humanisation du développement et la maîtrise de son processus.

Mais, toutes les trois orientations paradigmatiques en édu­

cation des adultes cherchant à contribuer à ce que la société in­

dustrialisée avancée puisse faire face aux défis du développement industriel de l'Après-Guerre restent bel et bien dans la tradition des Lumières. En effet, aucune des trois orientations ne constitue une réponse particulièrement originale aux défis posés par le dé­

veloppement industriel. On peut même dire que la perception de ces défis dans les années 1960 et au début des années 1970, n'ont fait que ressusciter les réponses traditionnelles en éducation, à savoir : plus de connaissances, plus de compétences, plus d'humanisme, plus de conscience politique, et plus de développe­

ment d'adultes. Il s'agit en fait de la même vieille idée qui dit que l'éducation des individus est automatiquement bénéfique pour la société. Enracinée dans la tradition occidentale des Lumières, la réponse aux défis des années 1960 était donc identique à la ré­

ponse aux défis du début de l'industrialisation de la fin du 19ème siècle, étendue et appliquée cette fois également aux adultes. A l'aide de personnes compétentes et responsables, tel était l'argument, la société humaine sera capable de maîtriser le déve­

loppement. La relation entre l'individu, la formation et la société restait par conséquent une relation linéaire: l'éducation, la for­

mation et le développement de l'adulte sont vues comme étant automatiquement bénéfiques pour la société. De plus, si l'éducation des adultes contribue à ce projet, l'ensemble du champ de l'éducation des adultes est donc aussi automatiquement béné­

fique pour la société. Tel est le paradigme dominant de l'éducation des adultes, soutenu par les principales orientations philoso­

phiques et théoriques dans notre domaine, institutionnalisé dans nos livres, dans nos bibliographies, et dans nos auteurs de réfé­

rence. Ce paradigrne a perduré jusqu'à aujourd'hui. Le contexte de son émergence, cependant, a rapidement changé.

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La raison principale en est que depuis le milieu des années 1970 les sociétés industrialisées avancées se transforment rapi­

dement, transformation illustrée par l'idée que l'on était en train de passer d'une société industrielle à une société post-industrielle (voir Bell, 1973; Kumar, 1978). De plus, les mouvements sociaux ont perdu leur élan et les sociétés industrialisées avancées sont rapidement devenues plus individualistes. Ce climat d'individualisation généralisé, ainsi que l'orientation croissante de l'éducation des adultes aux besoins du marché, ont significative­

ment contribué à la promotion du paradigme du développement dans notre champ. Quoique ce paradigme ait émergé dans les années 1960 et au début des années 1970 et dans le contexte de l'humanisation du développement, c'est celui des trois para­

digmes en éducation des adultes qui a porté le moins d'attention aux contextes social, politique et culturel de son émergence. Par conséquent, et sous la pression de l'individualisation croissante, ce contexte constitutif du paradigme a rapidement été oublié: le dé­

veloppement de l'adulte était de moins en moins vu comme ayant lieu dans un contexte socio-politique spécifique, et de plus en plus dans un 'environnement' plus ou moins favorable à l'apprentissage (voir Finger, 1990). D'une manière semblable, le développement de la société industrialisée avancée qu'il s'agissait d'humaniser au travers de l'éducation des adultes a été réduit à une série de 'changements', auquel les individus devaient faire face. L'Education Permanente - l'UNESCO continuait à la voir comme une société de personnes en formation permanente - était vue comme une réponse à ces multiples 'changements'. Plus il y avait de changements, mieux c'était pour l'éducation des adultes.

Il en résulte que l'éducation des adultes n 'a pas, depuis les années 1960, réfléchi d'une manière critique sur ses propres pa­

radigmes dominants. Nous avons simplement déclaré que la formation de l'adulte était notre créneau et notre mission, faisant implicitement la présomption que formation et développement des adultes sont automatiquement bénéfiques pour la société.

Nous dérivons cette croyance du contexte socio-politique des an-

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nées 1960 et de l'aspiration, à cette époque, de complémenter et de contrôler le développement industriel par un développement humain et politique correspondant. Malheureusement, il s'avère, dès la fin des années 1980, que cette aspiration est essentiellement restée un voeu pieux. Ainsi, nous devons nous demander au­

jourd'hui si l'humanisme envisagé par l'UNESCO, si la cons­

cientisation envisagée par Freire et d'autres, et si le développe­

ment de l'adulte étaient des réponses suffisantes et adéquates aux défis de la société industrialisée avancée. En bref, nous devons aujourd'hui remettre en doute nos propres paradigmes.

Les nouveaux défis des années 1980

En effet, le contexte socio-politique et socio-culturcl des an­

nées 1960 dans lequel les paradigmes dominants en éducation des adultes avaient été développés, a profondément changé. Les an­

nées 1960 étaient encore marqués par l'idée qu'un développe­

ment humain était possible, car l'idée d'un développement con­

tinu n'était pas mis en doute. L'humanisation du développement était vue comme une contribution à la réhabilitation du projet original des Lumières (voir Habermas, 1985), étant donné que le développement de l'Après-Guerre avait considérablement changé le paysage. Comme preuve il faut invoquer le fait que l'éducation des adultes continuait à reposer sur les approches conventionnelles en éducation, telles que la promotion des con­

naissances, des compétences, de la prise de conscience, et de la pensée critique.

Mais, au cours des années 1970 et surtout pendant les an-­

nées 1980 les choses ont considérablement commencé à changer, et ceci aussi bien dans le domaine bio-physique que dans le do­

maine culturel. Le début du questionnement bio-physique ou écologique remonte au premier rapport du Club de Rome con­

cernant les limites de la croissance (voir Meadows et al., 1972), suivi une année plus tard par ladite 'cri.se du pétrole'. Ces deux

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événements nous rendaient surtout attentifs au fait que le déve­

loppement industriel rencontrera tôt ou tard des limites phy­

siques: à cette époque, on pensait essentiellement aux limites d'input et l'on imaginait que le développement industriel allait bientôt manquer d'essence et ressources naturelles. Mais depuis la deuxième moitié des années, il est également devenu de plus en plus évident que ce développement industriel, avant même de rencontrer des limites d'input, sera confronté à des limites d'output. En effet, la continuation du développement industriel avait déjà causé et causera de plus en plus, ainsi les scientifiques nous alertaient, des changements sans précédents à l'échelle glo­

bale (voir Malone & Roederer, 1985 ; McKibben, 1989). Les deux types de limite au développement industriel - les limites d'input et d'output - constituent des défis sans précédent et en fait bien plus profonds que le défi de l'humanisation du développement. En ef­

fet, il s'avère que d'un point de vue bio-physique, le développement industriel - sur lequel reposaient encore les espoirs de son huma­

nisation - n'est simplement pas durable, comme ceci a récem­

ment été reconnu même par les Nations-Unies (voir WCED, 1987). De plus, considérant que le développement industriel a déjà causé des changements globaux sans précédent (réchauffement du climat, diminution de la couche d'ozone, etc.) et que l'inertie de sa dynamique continuera même si le dévelop­

pement industriel était stoppé demain, le défi posé aujourd'hui est énorme et dépasse de loin le défi de l'humanisation du dévelop­

pement. Car en fait tous les problèmes sociaux existants et toutes les tendances socio-politiques et socio-culturelles négatives que l'on avait déjà identifié dans les années 1960 se trouveront ren­

forcés et non pas abolis par la dégradation écologique globale (voir IUCC, 1992). Ainsi, les dégradations écologiques seront autant de stress additionnels pour la société. Ces stress prendront, par exemple, la forme de protestations et d'instabilités sociales.

Couplée avec la croissance de la population et d'autres problèmes a priori sans rapport, la dégradation écologique accentuera éga­

lement famines et pauvreté. Finalement, la dégradation écolo-

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gique créera des conflits sociaux et politiques additionnels, par exemple entre les 'gagnants' et les 'perdants', pour autant que cette distinction ait encore un sens. Par conséquent, l'humanisation du développement, à laquelle l'éducation des adultes s'était donné pour mission de contribuer, pourrait bien devenir une tâche insurmontable, voire impossible.

Mais en plus des défis écologiques, les choses ont également profondément changé depuis les années 1980 à un niveau cultu­

rel. Déjà à la fin des années 1970, l'occidentalisation du monde et l'uniformisation culturelle, étaient de moins en moins vues comme une étape en direction de la modernité, mais de plus en plus comme une perte de la diversité et de l'identité culturelles (voir Charbonneau, 1973; Gauchet, 1985 ; Latouche, 1989). Dans les années 1980 -- et ceci n'est probablement pas sans rapport avec la globalisation généralisée -- se développait la conscience que la modernisation culturelle, même dans l'hémisphère Nord, n'avait pas donné naissance à la modernité telle que les Lumières l'avaient imaginée. Plutôt, elle avait donné naissance au post­

modernisme (voir Bauman, 1992; Baudrillard, 1983b; Harvey, 1989; Lyotard, 1979; Rose, 1991; Smart, 1992; Vattimo, 19B5).

Non seulement la modernisation avait omis de conduire à une culture mondiale éclairée ainsi qu'à des sujets autonomes, res­

ponsables et émancipés, mais au contraire elle avait donné nais­

sance à une nouvelle réalité culturelle dite post-moderne, c'est-à­

dire une réalité socio-culturelle fragmentée, marquée par l'érosion des projets collectifs, par la perte de cohérence des vi­

sions du monde et par le déclin des identités culturelles, ainsi que par un individualisme sans précédent, et la montée de tendances fondamentalistes partout dans le monde. Cet individualisme et l'érosion corn!spondante du sujet autonome et responsable sont probablement les conséquences les plus dramatiques de la mo­

dernisation culturelle (voir Berger et al., 1973; Dumont, 1983;

Elias, 1987; Lasch 1979 & 1984; Lipovetsky, 1983; Meyer, 1989).

Il est probable que dans ce nouveau contexte dit post-moderne, l 'humanisation du développement que l'éducation des adultes

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s'était chargée de promouvoir, se pervertit et se transforme en promotion de l'individualisme.

Pire, la dégradation écologique d'une part et l'érosion cultu­

relle d'autre part ont commencé à interagir et à se renforcer mutuellement. D'une part, l'érosion culturelle, l'individualisme et le post-modernisme contribuent maintenant activement à la dé­

gradation écologique: l'individualisme, par exemple, est proba­

blement aujourd'hui une des principales causes de la dégradation écologique dans les pays industrialisés avancés. Et cette re­

marque s'applique en fait à la culture post-moderne toute entière.

D'autre part, la dégradation écologique renforce, et non pas af­

faiblit les tendances post-modernes te11es qne l'érosion culturelle, le fondamentalisme, l'individualisme et les conflits, ce qui conduit, en contre-partie, à une accélération de la dégradation écologique.

En d'autres termes, le développement industriel et la modernisa­

tion culturelle tournent, dès la moitié des années 1980, en cercle vicieux.

Et étant donné l'existence de ce cercle vicieux, les méca­

nismes traditionnels pour la résolution des problèmes s'avèrent aujourd'hui dans le meilleur des cas inadéquats. Dans le pire des cas, ils sont maintenant contre-productifs, car ils contribuent à la dégradation écologique et érodent ce qui nous restait de bases so­

cio-culturelles pour faire face R la c.r·se. Par exemple, des cam­

pagnes publiques d'information conduites dans cette période d'individualisme et de conscience environnementale déjà élevée, loin de conduire à des changements de comportements, risquent de conduire à l'apathie, au cynisme et même au désespoir. Des solutions purement scientifiques et technologiques, en particulier si elles manquent de perspectives socio-culturelles, risquent d'accélérer l'érosion des ressources sociales et culturelles qui au­

raient permis à la science et à la technologie d'être transformées en actions sociale et culturelle qui font un sens. La politique et les politiques traditionnelles, généralement obsédées par la crois­

sance économique, deviendront de plus en plus défensives et réactives: en effet, la politique traditionnelle à un niveau de l'état-

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nation essaiera de sauver ce qui reste du développement indus­

triel sans pour autant offrir une issue. Et ce n'est pas seulement le développement industriel qui doit être transformé: des change­

ments radicaux dans la nature même du développement indus­

triel sont impératifs si l'on veut stopper la dégradation écologique et l'érosion culturelle.

En d'autres termes, la poursuite de solutions exclusivement économiques, politiques, technologiques ou même éducationnelles ne suffira pas. Plutôt que de faire une confiance aveugle en ces solutions miracle, nous devons reconnaître la nécessité de collec­

tivement 'apprendre une issue ' (Finger, 1989a). Tous ceux qui activement promeuvent des stratégies traditionnelles doivent de­

venir partie intégrante d'un tel processus collectif. Les experts doivent rejoindre des groupes d'apprenants travaillant sur des problèmes concrets et avec des personnes réelles. L'enseignement de solutions préétablies à des individus isolés doit être remplacé par une formation collective , verticale, horizontale et transdis­

ciplinaire. Une telle formation doit être reconnue comme étant probablement la seule 'ressource' encore disponible aujourd'hui pour nous sortir de ce cercle vicieux de la société industrielle avancée. Apprendre une telle issue sera nécessairement une en­

treprise collective. En effet, il n'y a pas d'issue individuelle. Nous devons par conséquent, probablement par le biais de l'éducation des adultes, promouvoir des unités d'apprentissage collectives, fonctionnant à l'intérieur de limites bio-physiques concrètes. Ces limites, en retour, devront être introduites dans les processus de formation à un niveau local et global. Par conséquent, apprendre une issue ne porte pas seulement sur le contenu, mais également sur le processus, c'est-à-dire sur la manière de prendre cons­

cience et d'intégrer les limites bio-physiques et les contraintes culturelles, gardant en particulier dans l'esprit que le cercle vi­

cieux sus-mentionné a déjà mis en branle un processus qui conti­

nuera à restrei ndre , et non pas à étendre ces limites.

Globalement, ceci signifie que l'apprentissage d'une issue se fera contre l'arrière-plan d'une planète finie et d'un horizon de plus en

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plus bouché. Localement, l'apprentissage d'une issue se fera contre les limites de la subsistance locale, puisant sa force dans les ressources socio-culturelles encore disponibles à ce niveau.

Certaines unités d'apprentissage s'avéreront certainement plus appropriées que d'autres: les état-nations et d'autres acteurs so­

ciétaux dont la seule mission est le développement industriel ne sont probablement pas des unités pertinentes pour apprendre une issue. Des villages, des communautés, des bio-régions, et quelques organisations apparaîtront probablement comme étant des uni­

tés plus appropriées.

En bref, les questions politiques et économiques qui domi­

naient les années 1960 et le début des années 1970 ont été rem­

placées, dès la fin des années 1970 et surtout pendant les années 1980, par des questions de nature culturelle et bio-physique. Ceci est, me semble-t-il, une mise en question beaucoup plus fonda­

mentale du développement industriel et de la modernisation culturelle. Aux défis des années 1960 portant essentiellement sur l'humanisation du développement se sont maintenant substitués les nouveaux défis des années 1990: plutôt que de se demander comment humaniser un processus de développement industriel qui de toutes façons n'est pas durable, le principal défi consiste à mon avis aujourd'hui à apprendre une issue de l'impasse bio­

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la modernisation culturelle nous manoeuvrent, tout en essayant de préserver autant que possible certains acquis de la modernité (justice, liberté, égalité). Ceci ne signifie bien sûr pas que l'humanisation du développement - à laquelle l'éducation des adultes continue à aspirer - soit devenue une tâche obsolète.

Probablement que c'est le contraire qui est le cas: car la dégrada­

tion écologique et l'érosion culturelle renforceront, et non pas af­

faibliront, les tendances anti-humanisatrices des sociétés mo­

dernes. Il y aura, à l'avenir, certainement moins d'égalité, moins de justice, et moins de liberté. Mais sans prise en compte de ces nouveaux défis écologiques et culturels, la proclamation et la poursuite des objectifs certes louables de l'humanisation du déve-

(23)

loppement, deviendra, à l'âge de la crise actuelle, purement réac­

tive et défensive. Par conséquent, nous devons réviser notre mis­

sion originale en éducation des adultes à la lumière de ces nou­

veaux défis. Notre paradigme dominant doit être examiné d'une manière critique et intégré dans la perspective plus large de l'apprentissage d'une issue. Nos théories et nos pratiques éduca­

tives doivent être revues: contribuent-elles, oui ou non, à l'apprentissage d'une issue? Si nous omettons de faire cela et que nous continuons à opérer simplement dans le cadre du para­

digme de l'humanisation du développement, la plupart de ce que nous préconisons et faisons deviendra rapidement obsolète, voire contreproductif. J'aimerais brièvement montrer comment et

pourquoi.

Le rôle de l'éducation des adultes dans la crise actuelle

Quelle rôle l'éducation des adultes joue-t-elle aujourd'hui dans la crise actuelle? Comme nous l'avons vu, dans le meilleur des cas son impact sociétal est désormais négligeable, l'humanisation du développement n'étant plus vraiment au­

jourd'hui le défi principal. Dans le pire des cas, certaines pra­

tiques de l'éducation des adultes sont aujourd'hui franchement contreproductives, comme l'avait déjà vu Illich (1971). Comment l'éducation des adultes pourrait-elle devenir à nouveau une force contribuant à l'apprentissage collectif d'une issue ? Pour ré­

pondre à cette question nous devons maintenant examiner de plus près chacun des trois paradigmes identifiés - l'humanisme séculaire, le développement de l'adulte et la conscientisation poli­

tique. L 'humanisme séculaire , pour prendre le premier para­

digme, considère le développement comme un fait accompli et cherche à l'humaniser par le développement de connaissances, de compétences, de consciences et de valeurs correspondantes.

Confronté aux nouveaux défis destructeurs, particulièrement des défis écologiques du développement, l'humanisme séculaire

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semble maintenant se tourner de plus en plus vers le New Age, cherchant une issue dans une conscience de plus en plus poussée, de plus en plus planétaire et de plus en plus spirituelle.

Cependant, il est permis de douter si une telle conscience pure et purifiée, à elle seule, suffira pour trouver une solution à la crise.

Le développement de l'adulte est aujourd'hui le paradigme le plus répandu et le plus important dans notre champ. Comme nous l'avons vu, ce développement de l'adulte se concentre sur l'individu et son épanouissement personnel. Dans les années 1960 et au début des années 1970 ceci faisait en effet parfaitement sens, puisqu'en se faisant l'éducation des adultes contribuait acti­

vement et automatiquement à l'humanisation du développe­

ment. Dans le contexte de la société post-moderne par contre, continuer à promouvoir le développement de l'adulte pourrait bien s'avérer contre-productif. En effet, dans une société haute­

ment fragmentée et individualisée, continuer à promouvoir le développement de l'adulte équivaut probablement à la promotion de l'individualisme. Et cet individualisme est aujourd'hui, comme je l'ai montré, un des moteurs principaux de la dégradation éco­

logique. Je ne nie pas que le développement de l'adulte en tant que paradigme en éducation des adultes n'aide pas les individus à s'adapter et à faire face aux changements de plus en plus rapides dans leurs vies personnelles et professionnelles. Cependant, il est douteux que le fait d'aider les individus à faire face à ces change­

ments et à survivre constitue une réponse collective adéquate à la crise. En tous les cas, le développement de l'adulte en tant que pratique d'éducation des adultes n'a probablement plus le droit de se considérer comme étant une force de changement social.

Nous, praticiens et théoriciens de l'éducation des adultes, de­

vons réaliser que, même si nous avons certainement aiguisé nos théories et amélioré nos pratiques du développement de l'adulte, de l'autoformation ('self-directed learning', voir Brook.field, 1985) et de la pensée critique (voir Brook.field, 1987), le contexte dans lequel nous continuons nos pratiques et nos théories a fondamen­

talement changé: si dans les années 1960 et au début des années

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1970 nous étions des agents du changement social, aujourd'hui, dans le contexte de la crise globale, ces mêmes théories et pra­

tiques ont effectivement perdu leur force de changement social.

Pire encore, beaucoup de ces pratiques et théories contribuent maintenant aux modes réactifs et défensifs qui prédominent partout dans nos sociétés industrialisées avancées: il est vrai que l'éducation des adultes aide maintenant les individus à survivre individuellement aux défis personnels et professionnels que la so­

ciété post-moderne leur pose. Quoique le terme de 'self-directed learner' - l'individu qui prend en charge sa propre formation - ait eu une connotation positive dans le contexte des années 1960 et au début des années 1970, il caractérise aujourd'hui principale­

ment ceux qui réussissent à tirer leur épingle du jeu. La pensée critique, conçue originalement comme un moyen pour promou­

voir simultanément le développement individuel et collectif, est devenue, dans le nouveau contexte de la société post-industrielle, un outil particulièrement approprié à la compétition et à la sur­

vie.

Et même la conscientisation politique , le troisième para­

digme principal dans notre champ de l'éducation des adultes, doit être mis en question à l'âge des nouveaux défis globaux. En effet, ce paradigme, aussi, rencontre aujourd'hui une série de pro­

blèmes épistémologiques, basé qu'il est sur des présomptions do­

rénavant intenables. Il assume, par exemple, que le système poli­

tique est encore le système en charge pour diriger une société, que les problèmes d'aujourd'hui sont encore principalement de na­

ture politique, et que la culture politique reste intacte. Cependant, il devient de plus en plus évident que les décisions 'politiques' les plus importantes sont aujourd'hui faites soit au-dessus (global) soit au-dessous (local) du niveau traditionnel de l'état-nation, que les défis principaux aujourd'hui sont de nature bio-physique et culturelle, et que la culture politique est aussi fragmentée, indivi­

dualisée, et érodée que la société post-moderne dans son ensemble (voir Finger & Sciarini , 1990). En réalité, la conscientisation poli-·

tique en tant que théorie et pratique d'éducation des adultes pour-

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rait simplement avoir perdu son terrain d'activité et sa perspec­

tive d'action. Dans le meilleur des cas, la conscientisation politique aide maintenant des groupes d'intérêt particuliers à articuler leurs demandes spécifiques. En ce faisant, elle contribue au bruit généralisé de la société post-moderne. Aujourd'hui, la conscienti­

sation politique, si elle veut continuer· à faire une contribution si­

gnificative au changement social, doit être repensée et enracinée dans des considérations plus profondes, bio-physiques et cultu­

relles.

En somme, si l'éducation des adultes veut être à la hauteur des défis d'aujourd'hui et peut-être à nouveau contribuer signifi­

cativement à la société, elle doit profondément repenser son pa­

radigme de l'humanisation du développement. Continuer à pra­

tiquer ce vieux paradigme dans le contexte actuel - c'est-à-dire promouvoir l'humanisme séculaire, de développement de l'adulte et la conscientisation politique - contribue dans le meilleur des cas à la promotion de certains individus et de certains groupes d'intérêt particulier, leur permettant de se défendre contre et peut-être survivre aux changements qui s'accélèrent. Dans le pire des cas, ce paradigme contribue maintenant activement à la dynamique destructrice de la civilisation industrielle. Ce qui est requis, par conséquent, aujourd'hui est une nouvelle approche dont la perspective est l'apprentissage collectif d'une issue. Dans son essence, un tel apprentissage collectif opère contre rarrière­

plan d'une menace à la survie collective et individuelle. Sa pra­

tique consiste à reconnecter, par le biais de la formation, l'individu au collectif. L'apprentissage d'une issue a par conséquent trait à l'apprentissage collectif, collaboratif, et social.

Des modèles pour conceptualiser l'apprentissage d'une issue peuvent être trouvés aujourd'hui dans le champ du développe­

ment communautaire (voir Ghai & Vivian, 1992; Korten, 1990;

Ostrom, 1990; Pradervand, 1989). Certaines de ces pratiques, en particulier dans le Tiers-Monde illustrent probablement le mieux comment les aspects sociaux, politiques et économiques peuvent s'intégrer dans des considérations bio-physiques et culturelles,

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tout en contribuant à l'apprentissage d'une issue. A un niveau conceptuel, cependant, il me semble que la contribution la plus si­

gnificative à l'apprentissage collectif est à chercher dans le do­

maine de l'apprentissage organisationnel (voir Marsick &

Watkins, 1990; Senge, 1990). Ainsi, développer de tels modèles d'apprentissage collectif constitue probablement la contribution la plus significative que l'éducation des adultes puisse faire au­

jourd'hui pour sortir de la crise globale.

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Recherche en sciences de l'éducation ouf et recherche en éducation

Recherche en Sciences de l'éducation ou recherche en éducation Commençons par préciser ce que j'entends par "recherche en sciences de l'éducation" et par "recherche en éducation".

La recherche en sciences de l'éducation construit un objet scientifique, élabore un modèle, détermine une méthodologie suivie d'un protocole ou d'un processus de recherche, présente ses résultats suivant des normes établies, à partir d'une pratique, d'un fait, d'un discours éducatif ou pédagogique. Elle applique dans sa construction et son interprétation, les théories et les mé­

thodologies, légitimement reconnues et sanctionnées par la Cité savante, en sciences humaines et sociales.

La recherche en éducation vise à créer ou à développer des objets concrets, des dispositifs symboliques, des pratiques, des si­

tuations, d'ordre éducatif et pédagogique. Elle s'efforce d'en dé- René Barbier est Maître de Conférence en Sciences de l'Education à l'Université Paris VIII.

(32)

gager du sens, une certaine intelligibilité ou une certaine com­

préhension, par un effort de réflexion globale, d'intuition et d'écoute sensibles, qui débordent les sciences humaines et sociales, sans pour autant les exclure.

La recherche en sciences de l'éducation risque-t-elle d'éliminer la recherche en éducation : telle est la question qu'il nous faut prendre à bras le corps aujourd'hui.

L'hypothèse m'est venue en constatant la faiblesse quantita­

tive d'expériences de créations pédagogiques relatées dans cet éventail important de plus de trois cents cinquante communica­

tions présentées lors de la Biennale sur l'Education et la Formation (UNESCO, Paris 1992). En effet nous réalisons, à lire attentivement les résumés des communications, que les exposés présentant des créations de dispositifs ou de véritables innova­

tions pédagogiques par les praticiens eux-mêmes, avec un essai de théorisation de la pratique, constituent une portion congrue de l'ensemble. La plupart des communications reflètent des re­

cherches menées par des spécialistes, dépendant d'organismes de recherche institutionnalisés ou d'Universités, mettant en oeuvre des problématiques et des méthodologies de recherche qui sont légitimées depuis longtemps en sciences sociales. Il apparaît, en clair, que la scientificité acceptée dans la recherche portant sur la question éducative, demeure celle des sciences sociales. Les tra­

vaux qui prétendent s'inspirer de la recherche-action ne remet­

tent pas en cause, du moins avec assez de vigueur, le sens de cette scientificité. Il a fallu attendre et entendre la conférence de Pierre Dominicé pour entrevoir une autre perspective, à la fois beau­

coup plus large et plus questionnante. L'auteur affirme que la connaissance ne saurait se réduire au savoir savant. A ses côtés, nous nous devons de reconnaître d'autres formes de connais­

sance relevant de la pratique.

Il me paraît important de montrer l'impact de cette ten­

dance classique de la recherche en sciences de l'éducation car elle devient, imperceptiblement, hégémonique.

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- Hégémonique dans le choix des objets de recherche qui sa­

tisfont de plus en plus une commande sociale affolée par les à­

coups des conflits sociaux.

- Hégémonique dans le choix des méthodes de recherche qui se cantonnent presque toujours dans un ordre scientifique établi depuis longtemps.

Tout se passe comme si la seule forme d'intelligibilité recon­

nue comme pertinente se moulait dans celle issue des sciences sociales, le plus souvent largement dépendante de celle des sciences expérimentales, en particulier depuis la croissance ré­

cente des neuro-sciences. On oublie que la plupart des rapports de recherche iront dormir dans les tiroirs des ministères ou des uni­

versités. Certains chercheurs pourront, à la longue, s'interroger sur le sens de telles recherches. C'est ainsi que le doyen Bayer, de l'Université de Genève, se questionnait, non sans un certain tra­

gique, après une longue pratique de chercheur classique, lors d'une soutenance d'Habilitation à diriger des recherches de Guy Berger en 1988. L'Analyse institutionnelle a proposé de parler d'

"effet luckacs" pour nommer cet épaississement du rapport de sens de la société sur elle-même, au fur et à mesure qu'elle déve­

loppe ses moyens de recherche.

Il devient très difficile à un praticien créateur en éducation de faire valider son expérience en sciences de l'éducation.

L'équipe doctorale lui imposera, peu ou prou, d'analyser sa pra­

tique par un dispositif "scientifique", sans toujours se rendre compte que l'objet en question relève d'une invention méthodolo­

gique et d'un dérangement épistémologique impertinents par rapport à l'habitus scientifique. Dernièrement des universitaires de province , qui me connaissaient, m'ont envoyer une jeune candidate à une maîtrise en sciences de l'éducation dont ils n'arrivaient pas à comprendre le sujet. Ils reconnaissaient son sérieux et sa rigueur, son intelligence et sa culture, mais ne pou-·

vaient évaluer son travail parce que celui-ci portait sur une

"autre" façon de voir le monde. J'ai commencé à travailler avec elle en lui signifïant les enjeux institutionnels de sa recherche et

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les médiations nécessaires qu'elle devait faire pour éviter une marginalisation catastrophique. Mais j'ai pris le temps de com­

prendre son univers symbolique et d'entendre l' "expérience" si­

gnificative qu'elle avait faite pour soutenir ce qu'elle présentait.

J'ai l'habitude d'être réceptif à la culture "autre", car dans le do­

maine du rapport intime au monde je reste persuadé, comme Umberto Eco, que tout est "signe", donc susceptible d'être inter­

prété en fonction du temps et de l'espace culturels du sujet. Un étudiant africain, en thèse de sciences de l'éducation, m'a soutenu un jour qu'il avait, de ses yeux vus, un sorcier de sa contrée se rendre invisible en s'enduisant le corps d'une substance magique.

Je ne l'ai pas pris pour un fou. J'ai simplement demandé à voir moi-même le phénomène, avec beaucoup de curiosité. Cet étu­

diant n'avait jamais pu en parler à un enseignant jusqu'à pré­

sent. J'attends encore l'observation du phénomène et son contrôle par des moyens scientifiques car, dans ce cas, je reste toujours dubitatif mais ouvert. Qui m'expliquera pourquoi depuis plus de mille ans le tombeau de deux saints reposant dans une petite bourgade des Pyrénées, se remplit régulièrement d'une eau très pure, dotée apparemment d'effets thérapeutiques bénéfiques, et se tarit à la veille de grandes souffrances collectives (guerres), comme nous le montrait une séquence intéresi:mnte d'une nou­

velle émission télévisée en juillet 1992 ("Mystères", TF1). Ou bien qui me donnera une interprétation plausible à "l'odeur de sain­

teté" (parfum floral de violette) provenant du corps de grands mystiques décédés souvent depuis des dizaines d'années (comme ce fut le cas pour Sainte-Thérèse d'Avila) et confirmée par des témoignages irréfutables ? Pourquoi n'a-t-on pas déjà fait de véritables recherches scientifiques sur ces phénomènes, et avec l'aide d'un prestidigitateur confirmé pour éviter les supercheries les plus subtiles, si ce n'est par peur de ne rien comprendre avec nos théories actuelles et, ipso facto, de remettre en question nos fondements épistémologiques et notre regard sur le monde ? Nous manquons sans doute à l'heure actuelle d'imaginatifs du

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genre de Giordano Bruno, même si les risques sont moms dangereux qu'à la fin du XVIè siècle.

Il est vrai que la question n'est pas facile à résoudre sur le plan universitaire. J'ai dû refuser de faire partie d'un jury de maîtrise parce que l'étudiant, par ailleurs très sérieux (trop sans doute car il se voulait "scientifique" au sens d'une nécessaire dé­

monstration "statistique" des données), proposait un thème de recherche sur !"'astrologie" en se bornant à une critique interne (l'astrologie "moderne" contre l'astrologie "traditionnelle"), sans remettre en question les présupposés de cette pratique signifiante et sans poser le problème dans son rapport avec l'éducation.

Demeurer réceptif ne veut pas dire accepter n'importe quoi ! Ce que je veux affirmer ici, c'est la nécessité de ne pas se lais­

ser enfermer dans des a priori épistémologiques, des blindages théoriques, des allant-de-soi méthodologiques. Il existe des régions de l'expérience humaine où nos méthodes "scientifiques" sont inopérantes ou inadéquates parce que trop contraignantes ou, surtout, parce que la philosophie de la vie implicitement inscrite dans la théorie refuse de considérer "autrement" les phénomènes observés. Ce sont ces régions où la sensibilité, "la voie du coeur"

comme disent les sages, est primordiale. Elles supposent une

"écoute sensible" qui n'est pas animée par le concept, la théorie et l'explication, mais par une forme élévée d'empathie et d'intuition compréhensives que je n'hésite pas à nommer "amour". Il fau­

drait s'entendre sur ce terme tant galvaudé dans nos sociétés de

"vide social" qui le confondent avec toutes les formes d'hystérie individuelle ou collective. Mais un nouveau discours sur ce terme n'a guère de sens. Est-ce la raison du relatif pessimisme de cette haute figure spirituelle que füt Krishnamurti à la fin de sa vie, après plus de soixante-dix ans d'enseignement devant des groupes du monde entier ? La meilleure façon de comprendre l'amour est d'en faire l'expérience personnellement et de parta­

ger ensuite sur le sentiment correspondant avec une personne qui en a fait elle-même l'expérience à un niveau plus élevé que soi. Lorsque nous rencontrons un être de cette trempe nous ne

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