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L’escalade en salle comme propédeutique à l’escalade en falaise

VI- LES REPRESENTATIONS ASSOCIEES AUX DIFFERENTES MODALITES DE

5. L’escalade en salle comme propédeutique à l’escalade en falaise

s’adonnent à la pratique de l’escalade en

salle. Nous pouvons toutefois noter que les

bretons investissent plus largement les SAE,

notamment au vu des obstacles freinant la

pratique extérieure en Bretagne. Cette

modalité de pratique est perçue pour les

bretons (7/9) comme pour les montagnards

(5/6) comme une réelle propédeutique à

l’escalade en extérieur. Nous pouvons toutefois

noter une différence dans le sens où les grimpeurs montagnards portent un avis très péjoratif

sur la pratique en salle, insistant sur la pénibilité ressentie à pratiquer dans de telles

conditions, alors que les bretons, eux, semblent aborder plus positivement cette forme de

pratique, évoquant fréquemment le plaisir de grimper en salle.

Nous retrouvons ce jugement très négatif et résigné attribué à la pratique en salle par

les montagnards :

p opos de l’es alade e salle] « Cest ai e t l id e de ga de u fo d ph si ue et un fond technique pour après arriver pas trop sec en extérieur quoi » (Benoit)

« La salle, est ai e t pou ga de la fo e l hi e , est ai e t pas o t u . Ouai, e salle des fois, j g i pe uasi e t pas. J ie s pou discuter, pour assurer et tout. » (Benoit)

« Jai toujou s p f g i pe e e t ieu . Mais diso s ue la salle, ça e permettait, oilà, de e t ete i , l hi e , e atte dant de regrimper en falaise au p i te ps et l t .» (Céline)

La pratique en salle apparaît dénuée de tout plaisir, clairement dénigrée par les

grimpeurs interrogés.

De leur côté, les grimpeurs bretons, semblent prendre plus positivement la pratique en

salle, y associant du plaisir et l’envisageant comme une pratique différente et complémentaire

à l’escalade en extérieur. Ainsi, Laurence affirme à propos de la pratique en salle qu’

« on est un peu obligés » mais relève toutefois le « côté sympa » de cette modalité de pratique, avant de Figure 13- Grimper en salle pour se préparer à l'extérieur : quand l'escalade sur résine s'avère une propédeutique à la grimpe en extérieur

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rappeler qu’il s’agit bien de s’entrainer pour l’extérieur, la salle permettant de

« ne pas être à la ramasse »

quand les beaux jours arrivent. La pratique de l’escalade en salle de cette grimpeuse

brestoise apparaît donc bien comme une propédeutique à l’escalade en extérieur. Anthony

partage la même conception, insistant lui sur l’intérêt d’évoluer au sein de clubs dynamiques

qui, en renouvelant régulièrement les voies proposées, participent à rendre plus agréable la

pratique en salle :

« La salle, est ie pou s e t ete i et heu euse e t u o a des lu s assez d a i ues ui pe ette t de ha ge eau oup les oies. Du oup, j e lasse pas »

Ce fort désir de grimper à l’extérieur s’explique pour diverses raisons.

D’une part, l’escalade en extérieur est considérée comme la pratique « légitime »,

culturellement parlant. En effet, la proximité qu’ont pu entretenir alpinisme et escalade ou

encore

les grandes figures de l’escalade évoluant en extérieur induisent cette forme de

pratique légitime qu’est l’escalade en milieu naturel. C’est ce qu’Hugo souligne, faisant appel

à diverses images pour montrer la décontextualisation et la quasi illégitimité dont ferait part

un grimpeur n’évoluant qu’en salle :

« Quelqu'un qui se dit grimpeur et qu'a jamais grimpé dehors, j'trouve que c'est

dommage pour lui ! Non mais ! [rires] J'pense que c'est dommage pour lui parce que, ben, il loupe quelque chose ! Enfin voilà, c'est quand même l'essence de l'activité quoi ! C'est o e u pla histe ui fe ait ue du speed sail. … Ou u pa a hutiste ui fe ait ue du e tilo. La salle, 'a des se satio s diff e tes. E e t ieu , j pe se u'il y a une richesse différente, une richesse de rocher et puis voilà tout l'reste, une

organisation différente, des contraintes différentes, une appréhension de l'extérieur,

du risque aussi et de l'engagement, des émotions, qui sont aussi très différentes. C'est

un milieu qu'est beaucoup moins standardisé. Et puis voilà, j'pense que c'est quand même l'essence de l'escalade quoi. C'est comme ça qu'c'est né aussi donc ! Donc, y'a, j di ais p es ue e u de oi des g i peu s uoi. A pas fe e les eu su e milieu-là. »

Loin de dénigrer la pratique en salle, il insiste sur le fait qu’un « vrai » grimpeur, un grimpeur

complet et « légitime » se doit de pratiquer un minimum en extérieur.

Outre cette question de la légitimité de la pratique, l’évolution en extérieur est prisée de

chaleur du rocher, ambiance « nature », engagement ou encore type d’effort différent mettant

plus en jeu l’endurance...

« J'ai tout de suite adhéré aux sensations nouvelles en quelque sorte quoi. Le

caillou, la chaleur, le vent... Tout ça qui t'arrive dessus. Le contact est différent. Pareil,

tu clippes alors qu'en salle les dégaines sont en poste. Là, y'a les dégaines à mettre, les a ips… Ce ui fait ue t'es toujou s plus epos ua d tu as da s u e oie. Ça p e d du temps les manips tout ça. C'est plus intéressant en quelque sorte. » (Anthony)

De plus, alors qu’en salle, c’est la voie qui dicte le parcours du grimpeur (en effet, il

est rare en salle que deux solutions pour un même passage soient possibles), en extérieur, le

grimpeur est plus libre. Le rocher offre bien souvent une multitude de solutions que celui-ci,

en fonction de sa taille, son bagage technique ou encore son état affectif va emprunter ou non.

Cette idée est relayée par Manuel :

« En intérieur, la voie est ouverte, avec une méthode, même si éventuellement tu

peux en trouver une ou deux autres. Les prises, elles sont fixées. Alors qu'en extérieur,

faut te trouver tes prises. Tu peux vraiment construire complètement ta méthode.

Enfin, c'est vachement plus riche quoi, sur le caillou que sur la résine. »

En outre, nous pouvons également noter la recherche d’un sentiment de liberté, d’évasion, à

pratiquer en extérieur. Certains grimpeurs considèrent également la pratique en extérieur

comme un moyen de s’approprier sa région, dévoilant un aspect sportivo-touristique de la

pratique :

« Après, moi j'pense que ce qui m'a vraiment plu à l'extérieur, c'est le fait de

m'approprier la région. Enfin, à côté d'chez moi à un quart d'heure, j'avais Primel, un

des plus beaux sites de Bretagne. Avec un panorama majeur, des belles voies, un beau caillou… Qua d il fait eau, il fait haud, les fa es ouest et sud pou g i pe …E fi , donc voilà quoi, une manière de s'évader près d'chez soi! » (Hugo)

Enfin, l’escalade en extérieur apparaît comme une modalité qui magnifie la relation de

confiance à créer avec son partenaire, qui survalorise la confiance en soi, l’engagement,

71 « C'est ai e t là u'tu o e es ai e t à d eloppe … Bah auta t e salle,

parce que t'es obligé d'faire confiance à l'autre, c'est assez fort les relations qu'tu lies.

Mais quand tu vas en extérieur, c'est dix fois pire ! Parce que toi, déjà, t'es moins à

l'aise parce que t'es pas habitué, donc tu t'reposes sur quelqu'un qu'est forcément plus

expérimenté, enfin quelqu'un qui va t'aider. Ce que tu mets en jeu, c'est beaucoup plus

fort en extérieur quoi. Donc du coup c'est vraiment là qu'tu sens, en fait, que tu rentres dans une communauté. En fait, tu rentres dans un groupe. » (Jean-Marc)

Aussi, si l’on en revient aux grimpeurs bretons, ils semblent limiter les obstacles à la

pratique de l’escalade en falaise, d’une part en considérant la pratique de l’escalade en SAE

positivement et comme une propédeutique pour les sorties extérieures et d’autre part en

organisant dès que possible des « périples », hors Bretagne, de préférence, afin de grimper en

falaise. Deux grimpeurs illustrent cette idée :

« C est e fo tio de ta ie aussi, de tes dispo i ilit s, ais juste e t ue, tout d u oup, tu te dis « Tie s, a u a o d soleil là, ça a s h , allez, o a fai e u oup d g i pe ! » uoi. Mais faut d jà j pe se ue t aies le, le p tit t u en plus quoi,

u t aies o pl te e t a o h et u tu sois da s t ip là uoi. » (Laurence)

« D s ue les eau jou s a i e t, là est l e t ieu , di e t uoi. Et ua d je dis l e t ieu , est auta t ue possi le e dehors de Bretagne. » (Anthony)

Dès lors, l’importance, pour les grimpeurs bretons, des séjours hors Bretagne, et, plus

spécifiquement, dans un des « hauts lieux de l’escalade », apparait comme un moyen de

réduire une certaine dissonance identitaire qu’ils peuvent ressentir, participant à renforcer leur

identité de grimpeur. Nous allons maintenant aborder cette question de la légitimité à se

considérer comme grimpeur.