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Le club, facteur explicite de persistance dans la pratique pour les bretons

V- MOTIFS DE POURSUITE DANS L’ACTIVITE

1. Le club, facteur explicite de persistance dans la pratique pour les bretons

Sur l’ensemble des grimpeurs bretons interrogés, 5/9 considèrent leur appartenance et

que l’appartenance au club, c’est essentiellement l’ambiance qui y règne, la convivialité qui

en sont les moteurs.

D’une part, dans une région où les grimpeurs sont peu nombreux, le club apparaît

comme une véritable instance socialisatrice permettant aux pratiquants d’intégrer une

« communauté de grimpeurs », qui est, nous l’avons vu, vecteur d’engagement et de

persistance dans la pratique. C’est ainsi que Jean-Marie et Laurence insistent sur l’intérêt du

club pour rencontrer d’autres pratiquants :

« J'pense que le club est un bon moyen de rencontrer des gens, de s'épanouir dans un groupe... » (Jean-Marie)

« Pou oi est, oui, aller dans un club pour rencontrer du monde quoi parce que j t ou e ue l es alade, est ua d e ça. » (Laurence)

Serge ajoute, en plus de l’ambiance, le rôle du club dans la transmission de connaissances et

compétences, via l’entraide :

« Ouai, j'aimais bien l'ambiance [du lu ] ! C tait s pa, d te du, tout ça. T'as

des gens qui t'expliquaient. Ils te laissaient pas dans ta mouise, tout seul à galérer

dans l'5a quoi ! Si tu veux, t'avais des gens à te conseiller, à te dire de t'placer comme

si, comme ça... Tout ça, ouai... »

Cette réflexion nous permet d’enchainer sur le deuxième intérêt du club, mis en

évidence par les grimpeurs bretons. Il s’agit du club comme lieu d’apprentissage,

d’acculturation. En effet, il apparaît comme LE lieu où apprendre les manipulations de cordes

et sécuritaires inhérentes à l’activité, mais aussi comme un moyen de s’approprier les codes et

les

valeurs de l’activité, que ce soit l’acquisition d’un bagage technique, le vécu et la

transmission d’expériences variées ou encore les apprentissages liés à la sécurité. Selon Hugo,

il y règne une « transmission horizontale » dans le sens où chaque membre apporte son vécu,

ses expériences, sa perception…

« Nous, on s'apportait des choses entre nous, les un-peu-plus-a ie s, les jeu es… qui nous apportaient des choses... Des mouvements techniques, des manips de corde,

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Hugo insiste d’ailleurs sur le fait que, dans toutes les autres activités sportives qu’il a pratiqué,

il n’a pas retrouvé une telle transmission, telle qu’il l’a vécu au sein de ce club. Le club

apparaît alors comme un catalyseur de partages et de transmissions de compétences inhérentes

à l’activité.

Enfin, le club jouit d’une importance particulière pour les bretons en vue de leur

conférer l’accès à une structure artificielle, permettant de pratiquer l’activité tout au long de

l’année. Cette idée est soulignée notamment par Laurence :

« Pou oi, est alle da s u lu pou pou oi a oi a s à u u . J e dis, ici, e tout as a e ot e t o et tout ça, si t es pas da s u lu , ça eut di e u au oi s si ois da s l a e, tu as pas grimper quoi ! Donc après, ça dépend aussi ce ue tu e he hes. Si est juste fai e u p tit oup d g i pe de te ps e te ps tu ois…Mais e fi , oi, j le o çois pas o e ça »

2. …plus implicite et ponctuel pour les montagnards

Notons qu’aucun grimpeur montagnard n’a évoqué explicitement le club comme

facteur de persistance dans l’activité, à comparer aux 5/9 des grimpeurs bretons. Nous y

voyons là une différence essentielle de statut du club, entre pratiquants bretons et

montagnards. Plus encore, le club est parfois considéré, par les grimpeurs montagnards,

comme un obstacle, une instance gênante:

« I i, si tu eu pas t e te a e u lu , tu peu t s bien trouver des gens en mettant quelques annonces sur Camptocamp » (Benoît)

Nous percevons bien

ici le caractère péjoratif associé au club. Toutefois, les grimpeurs montagnards ne rejettent pas

complètement, ni tous, l’adhésion à un club. D’ailleurs, l’ensemble des interrogés ont, à un

moment ou à un autre de leur carrière de grimpeur, été licenciés. Contrairement aux

grimpeurs bretons qui sont très majoritairement licenciés tout au long de leur parcours de

grimpeur, les pratiquants montagnards investissent le club plus ponctuellement, celui-ci

s’avérant une instance transitoire. Il s’agit, dans la plupart du temps, d’acquérir les

compétences sécuritaires voire même des techniques de progression mais aussi et surtout, de

se créer un réseau.

Concernant l’acquisition des manipulations et attitudes sécuritaires, et notamment pour

les grimpeurs initiés par la famille ou par des amis, le club s’avère particulièrement légitime à

transmettre ces compétences. Ainsi, Benoit insiste sur l’importance qu’il a accordé à

l’intégration d’un club pour consolider et améliorer, voire déconstruire les pratiques qu’on a

pu lui transmettre initialement :

« Une fois que tu as intégré le club, est ce que ça a fait évoluer ta pratique de

l es alade ? Heu. Oui, ben de toute façon oui. Ne serait-ce que pour connaitre les manips [manipulations sécuritaires] uoi. D jà sa oi fai e les œuds. Pa e ue o , e fait, tait es pa e ts ui faisaie t, ui ous o t aie t. Mais le lu , ça pe et ua d e de se ett e da s le ai . Et puis o a u p ofessio el ui ad e ie les hoses. ‘ie u au i eau sécurité, ça permet de bien caler les choses. Et après, et ie , a tout l aspe t te h i ue uoi, ui e t e e o pte. Do il a te o seille su o e t te pla e pou fai e oi s d effo t…C est ai ue oilà, il t ou e à u e aut e gestuelle, que es pa e ts o t pas t a s is, si tu eu uoi. »

Comme pour les grimpeurs bretons, le club d’escalade, pour les grimpeurs montagnards,

apparaît comme le lieu de la structuration d’un réseau de grimpeurs. Benoit souligne cette

fonction du club en montagne :

« Le fait de, d t e da s e lu , ça a pe is, quand même, de rencontrer d aut es pe so es. Et puis ap s, de se fai e u petit réseau et pouvoir partir le weekend a e les opai s uoi. J ois ue de oi e, j a ais a t à a s. Mais e fait, j a ais e o t des ge s da s e lu , et ap s o so tait e t e ous uoi. »

Toutefois, a contrario des bretons, une fois ce réseau formé, les grimpeurs montagnards se

détachent parfois de toute instance, jouissant d’une pratique complètement autonome, non

institutionnalisée et libre. En outre, certains grimpeurs ont mis en évidence l’aspect

relativement clos et fermé de certains clubs de montagne, où il est difficile de « faire sa

place », d’intégrer la communauté, comme Franck :

« Y a ait u g oupe ui faisait d la o tag e, un groupe de jeunes du pays. Mais oi j tais pas du pa s, et j tais pas assez jeu e pour le groupe jeune. Et do a des groupes, mais assez fermés. Des gens du pays qui se o aisse t ais ui ou e t pas forcément leur cercle. Et après, le contexte particulier de la Haute Maurienne, est ue les ge s de l e t ieu o t du al à s i t g e , à e o t e d aut es pe so es. Et du oup, t e e o t es u , deu , t ois et tu restes souvent... Tu restes à deu ou à t ois, ça este u g oupe est ei t, pas u g oupe… »

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Il semblerait donc que l’on soit, en montagne, en présence soit de groupes relativement

fermés au sein des clubs, soit de petits groupes qui se créent souvent au sein des clubs puis

s’en détachent rapidement, afin d’évoluer de manière autonome.

Notons que les grimpeurs montagnards, même s’ils ne sont pas toujours habitués de la

pratique en club, ont conscience de l’intérêt de celui-ci pour se constituer un réseau de

grimpe. Ceci se manifeste chez des grimpeurs montagnards qui, pour raisons professionnelles

ou d’études, ont dû quitter leur région montagnarde. Leur première intention s’avère alors

d’intégrer un club d’escalade, afin de rencontrer d’autres grimpeurs et de pouvoir continuer

leur pratique.

« Da s a p o o de aste d jà, a ait pas de g i peu appa t oi. Et do , j o aissais pe so e e deho s pou alle g i pe . Do est pou ça ue j e suis inscrite en club. Du coup, pour toi, les clubs, ça a vraiment le rôle de pouvoir former

un réseau ? Ouai, ouai, ça fa ilite les hoses uoi. E fi su tout si t es da s u e gio

ui est pas « montagne », où l es alade, est pas u spo t « classique », qui se pratique facilement comme ça quoi. » (Cécile)

Enfin, pour ceux qui adhèrent de manière régulière, le club leur permet, au regard des

grimpeurs bretons, mais dans une moindre mesure, de pratiquer toute l’année.

Ainsi, le club, même s’il détient un statut différent pour les grimpeurs montagnards,

occupe une place importante dans leur poursuite dans l’activité. D’une part, il permet au

grimpeur, en lui inculquant les apprentissages sécuritaires essentiels à la pratique de l’activité,

qui n’ont pas toujours été transmis lors de l’initiation à l’activité, de pouvoir évoluer en

autonomie. D’autre part, il permet aux grimpeurs qui s’investissent dans la pratique, de

progresser par le biais de transmission de compétences d’ordre technique, celles-ci n’étant pas

souvent véhiculées par la famille ou les amis. Enfin, il s’avère un levier pour se créer un

réseau de grimpeurs, levier qui n’est bien souvent toutefois que ponctuel, a contrario des

grimpeurs bretons.