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Le dépassement de soi et l’engagement au cœur de l’activité

V- MOTIFS DE POURSUITE DANS L’ACTIVITE

2. Le dépassement de soi et l’engagement au cœur de l’activité

Le dépassement de soi et l’engagement apparaissent comme des dimensions

essentielles pour les pratiquants, bretons comme montagnards. Ceci peut se comprendre

au regard de l’essence de l’activité qui induit une confrontation au milieu naturel, plus ou

moins incertain et dont l’engagement fait partie intégrante de la pratique. Pour certains

grimpeurs, dès le plus jeune âge, dépasser ses peurs, rechercher la hauteur, la sensation de

vide apparaissaient comme la raison de leur pratique. Ainsi, Benoit et Cécile évoquent

cette recherche de sensations, de jeu avec le vide.

« Est- e ue tu te appelles ua d tu tais petit e ui t as plu e es alade ? [Rires] Ben du coup, ouai, e est u peu o e tous les gosses, j pe se. Le plaisi de i e, e fi , de o ait e d aut es se satio s. Bo , t as le ide, l app he sio du vide e fait uoi. Et puis o le, la gestuelle… Mais o , ua d t es petit, la gestuelle t fais pas t op atte tio . Mais est su tout e fait la peu uoi i es Le fait de g i pe , le fait de s le e e fait ui j pe se te oti e ie uoi. U peu o e grimper aux arbres, ça part un peu du même principe quoi. » (Benoît)

« Je grimpais beaucoup dans les arbres, pour aller faire des cabanes, des choses o e ça. Et ça ouai… Et j ado ais p e d e de la hauteu . Voilà, t e e haut et tout ce qui me faisait peur : j ado ais e fait. Et, tait plus…Ouai, j pe se ue tait plus ça ue je e he hais. Cette app he sio . … Au d ut, oilà, tait juste e fai e

peu , su des petits o he s. Et puis ap s, o deu i e o je tif, tait a i e e haut quoi. » (Cécile)

Ainsi, les grimpeurs trouvent dans la pratique de l’escalade un moyen de vivre des

sensations liées au « vertige par lâchage » et au « vertige par fusion », développés notamment

dans les travaux psychanalytiques de De Léséleuc et Raufast (2004). Pour autant, il ne faut

pas confondre cette recherche de sensations à une prise de risque volontaire et démesurée. En

effet, s’il serait tentant d’assimiler la pratique d’activités dites « à risque » telle que l’escalade,

à un besoin du pratiquant de relâcher momentanément l’auto-contrôle de ses pulsions, à

l’occasion de s’inscrire dans des « rites de passages des temps modernes » pour éprouver des

limites sans cesse policées dans nos sociétés ; ceci reviendrait strictement à assimiler ces

activités à des « activités déviantes ». Pourtant, bon nombre de travaux ont montré les limites

de ce postulat, au regard notamment de l’étude de Collard (2002), qui considère l’action de

ces sportifs comme des prises de risque « habilement calculé ». Ainsi, nous parlons bien

d’ « engagement » et non de « prise de risque » du grimpeur, celui-ci n’étant jamais en quête

délibérée d’une mise en danger. Aussi, c’est cet engagement qui permet de faire émerger la

dimension « aventure » de l’activité. Benoit insiste bien d’ailleurs sur cette distinction :

« C est pas fo e t d alle p e d e tous les is ues et tout ça, et le fait de te di e ue tu pa s

pour une aventure, entre guillemets. »

Aussi, les dimensions « aventure » et « engagement » associées à la pratique de

l’escalade, et plus particulièrement l’escalade en falaise, en grande voies induisent une

certaine ambiance et la nécessité d’atteindre un état de concentration important. Benoit

souligne cet aspect, l’importance d’être concentré dans ces moments « engagés » et le

plaisir qu’il en ressort :

« E e t ieu , est u t u ui est... Bah, est pas fo e t d alle p e d e tous les risques et tout ça, mais le fait de te dire que tu pars pour une aventure entre guille ets. Voilà, t as u topo, t as u he i e e t de oie ais oilà, ua d t a i es da s u e falaise, des fois, tu sais ja ais t op, t as du al à t ou e le elais… … Qua d tu fais u peu de te ai d a e tu e ou ue tu as fai e des oies en montagne, cette dimension-là, elle est h pe p se te. Et ça juste e t, est u fa teu de plus qui fait que finalement, tu dois atteindre un état de concentration. Enfin, voilà, cette p ise de is ue, e fi et e gage e t e t e guille ets, ça t o lige à te concentrer et à t e ai e t p se t à % da s ta ou se uoi, et est là où ta t te, t es o lig de ide ta t te uoi. Tu peu pas a oi , e fi , si t as la t te ailleu s et tout, tu as fai e

43 des o e ies, est là ue tu as p e d e peu ... E fin voilà quoi. … C est ai e t et

aspe t, je t ou e ue… Ça de a de u e o e t atio e fait, ui fait ue tu te ides vraiment la tête et ça fait beaucoup de bien quoi (rires). »

Aussi, comme le montrent les réponses des grimpeurs interrogés, il semble nécessaire de

conserver cette essence lors de la pratique de l’escalade, que ce soit en milieu scolaire ou en

milieu associatif. En effet, l’escalade permet de confronter les pratiquants à un univers où

prime l’exploit et où le plaisir est lié à la sensation d’un dépassement de soi et au ressenti

d’émotions fortes, vecteur de l’engagement et de la persistance dans la pratique. C’est ainsi

qu’en EPS, par exemple, il convient de conserver la dimension de risque dans les activités

physiques, sportives et artistiques (APSA), comme le préconise Delignières (1991), celui-ci

faisant selon lui « partie intégrante de la logique des activités sportives ». Ainsi, à l’instar des

propositions de Moreau (2006), il s’agirait, lors des cycles d’escalade en EPS, d’accorder une

place importante au risque subjectif en permettant aux élèves de grimper « en tête », plutôt

qu’ « en moulinette », et ce dès le premier cycle. La sécurité objective des élèves étant

toutefois assurée par l’apprentissage de tout un ensemble d’attitudes sécuritaires et, si besoin,

un contre-assurage. De telles perspectives s’inscrivent d’ailleurs dans les programmes de la

discipline (Programmes d’EPS du collège, BO du 28/08/08) qui stipulent que c’est notamment

en respectant l’essence émotionnelle des activités physiques sportives et artistiques (APSA)

que « l’EPS, par la pratique régulière d’une activité source de bien-être, favorise

l’acquisition d’habitudes de pratique nées souvent du plaisir éprouvé. » Au sein des clubs

d’escalade, de telles approches sont également à encourager, dans un contexte où la

démocratisation de la pratique à parfois tendance à induire la mise en place d’une pratique

aseptisée, où la pratique en moulinette est quasi exclusive, probablement par peur des

dirigeants et responsables de recours des pratiquants ou de leur famille en cas d’accident.