L’enquête et l’entretien in-situ

L’enquête et l’entretien semi-directif sont des approches complémentaires qui font appel à une méthodologie statistique descriptive commune pour exploiter au mieux les contenus des informations collectées in situ12.

L’enquête - qualitative ou quantitative - est l’une des principales méthodes de recueil d’informations des sciences sociales, qui permettent de tester les hypothèses ou de chercher les réponses aux questions de la recherche en sciences sociales. La réalisation d’une enquête pane par la nécessité d’enregistrer de façon standardisée et auprès d’un grand nombre d’individus, ou ménages une série d’informations sur leurs caractéristiques sociales, leurs opinions et leurs pratiques. Les résultats de l’enquête sont des données qualitatives ou quantitatives qui facilitent :

- La compréhension d’un problème ou d’une activité.

- La prise de décision ; iii) la mise en place de démarches de projet ou de démarches qualités.

L’enquête repose sur un questionnaire moins fouillé que les entretiens semi-directifs, plus succinct mais elle concernera en revanche un plus grand nombre d’individus (558 en ce qui concerne l’étude sur l’industrialisation et l’urbanisation à Ha Long). On privilégie dès lors les questions fermées13 ou qualitatives – catégorielles qui se prêtent facilement à un codage adapté à une population importante. À de rares exceptions près de quelques variables quantitatives que l’on ramènera à des classes (par exemple, revenus, âges, années de déplacement, etc.), les données sont des modalités en nombre réduit que l’on interprète directement par leur fréquence d’apparition. Bien que fondée également sur des données qualitatives avec des questions ouvertes, les entretiens en revanche reposent sur un discours, sur une sémantique approfondie qui nécessitera une analyse approfondie, exigeante et délicate à mener du contenu. En quelque sorte, il faut extraire la « substantifique moelle » du discours avant de la résumer en une liste de points saillants, d’idées clés qui composent dès lors les modalités au même titre que celles évoquées avec le questionnaire. On peut dire qu’à une translation près, nous sommes en présence de matrices identiques, dans le cas de l’entretien on analyse l’organisation d’un nombre élevé de modalités par rapport à une population réduite d’individus (matrice large, beaucoup de colonnes, peu de lignes), avec le questionnaire (matrice haute, beaucoup de lignes, peu de colonnes). On résume l’organisation d’un grand nombre d’individus eu égard à un nombre réduit de variables (Figure 4.8).

Les enquêtes qualitatives consistent à interroger un nombre de personnes, qui s’expriment, par entretien, c’est une situation interpersonnelle entre l’enquêté et l’enquêteur, en face à face, par téléphone ou sur internet pour obtenir les idées personnelles de la part du sujet d’étude (Leplège & Coste, 2001). Selon le degré de liberté laissé à l’enquêté, il existe théoriquement trois types d’entretien individuel : l’entretien directif (ou l’entretien dirigé), l’entretien semi-directif (l’entretien semi-dirigé) et l’entretien non directif (l’entretien libre ou profond) (Tableau 4.7) (Imbert, 2010; Leplège & Coste, 2001; Rispal, 2002). Il y a certains points avantageux et limites pour chaque type d’entretien.

12 « In-situ », c’est-à-dire en situation réelle, à l’opposé de « en laboratoire »

Page | 153 Donc, le choix de la technique de l’entretien est déterminé en fonction du but, des objectifs poursuivis et du type de recherche.

Figure 4.8. Chaîne méthodologique de traitement de l’information

Source : Dominique Laffly (2009a) Parmi les types de conduire l’entretien individuel, l’entretien semi-directif est un compromis entre l’entretien directif et non directif (Leplège & Coste, 2001), et constitue la méthode qualitative la plus compréhensive et la plus fréquemment utilisée (Chiland & Castarède, 2006; Phelep, 2009; Ripon, 2000), notamment dans les sciences humaines et sociales (Sauvayre, 2013). Dans cet entretien, l’enquêteur construit une grille (ainsi qu’un guide d’entretien) très poussée et complète, c’est-à-dire une liste des questions, de

Page | 154 préférence « fermées » (Goeldner-Gianella & Humain-Lamoure, 2010), liées à l’hypothèse de recherche (Hampartzoumian, 2005), qui sont regroupées sous formes des thèmes principaux de l’entrevue (Baggio, 2011; Rispal, 2002) ; l’enquêteur peut recevoir les réponses dans l’ordre souhaité. Un guide d’entretien peut être un moyen approprié qui aide l’enquêteur à se rassurer et se concentrer sur le sujet de l’étude, de plus, l’enquêteur peut inviter l’enquêté à s’exprimer librement par rapport à un guide d’entretien ou sur les thèmes non abordés pour recueillir les informations approfondies. À l’opposé, il faut minimiser les effets négatifs de ce guide dans l’entrevue (Gay, 2006), parce que l’enquêteur, dans certains cas, se sent jugé et ne permet pas à l’enquêté de donner sa parole librement. Au cours de l’entretien, on peut même recourir à des zonages géographiques afin de délimiter ce qui fait sens dans la représentation de l’espace.

Tableau 4.7. Caractéristiques des trois types d’entretiens

Source : D’après De Ketele et Roegiers (1996, p. 172), Imbert (2010)

Figure 4.9. Étapes d’une recherche par enquête

Page | 155 Dans notre recherche, nous avons réalisé une enquête semi-directive individuelle avec les questions très diverses ayant pour un objet de recueillir les informations sur les attitudes et les comportements des citoyens, sur la tendance de la transition économique, surtout le développement industriel et l’urbanisation, et leurs impacts sur le changement paysager et environnemental, ainsi que sur les influences de ses changements sur la société locale. Cette enquête a été mise en place selon huit étapes : 1) Définir la conception générale ; 2) Choisir un mécanisme d’enquête ; 3) Elaborer, tester and ajuster le questionnaire ; 4) Définir un plan de sondage ; 5) Réaliser l’enquête sur le terrain ; 6) Codifier et saisir les données ; 7) Traiter les données ; 8) Interpréter les résultats (figure 4.9).

Nous procédons à des échantillonnages à trois niveaux d’emboîtement fondés sur la méthode raisonné et/ou statistique (Figure 4.10) :

- Premier niveau : les aires géographiques de la ville d’Ha Long, la ville de Cam Pha, et le district d’Hoanh Bo.

Ha Long, chef-lieu de la province de Quang Ninh, est une ville qui se trouve au bord

de la baie d’Ha Long, du nord du Viet Nam, à environ 160 km au nord-est d’Hanoi et à proximité de la Chine. Sa population était d’environ 240 000 personnes en 2013 (Département de la statistique de Quang Ninh, 2013). Cette ville comporte deux parties, Hon Gai (Ha Long Est) et Bai Chay (Ha Long ouest). Hon Gai, où se trouve la majorité des bâtiments officiels et des entreprises industrielles, est reliée à Bai Chay, plus consacrée au tourisme, par le pont de Bai Chay, un pont à haubans, construit en 2006. L’économie de la ville était jadis liée à l’industrie de charbon, mais elle s’était tournée progressivement vers le tourisme à grâce au grand nombre de visiteurs de la baie d’Ha Long, notamment depuis les années 2000, le moment que la baie d’Ha Long a été reconnu comme le patrimoine naturel mondiale.

Cam Pha est une ville industrielle située au bord de la baie d’Ha Long et Bai Tu

Long. Son économie était basée sur l’exploitation des mines de charbon, et d’autres domaines industriels, par exemple : la thermoélectricité, le ciment, etc. La population totale de la ville était d’environ 180 000 habitants en 2013 (Département de la statistique de Quang Ninh, 2013).

Hoanh Bo est un large district qui se trouve directement au nord de la ville de Quang

Ninh. Sa superficie est de 843,7 km2, et la population était d’environ 51 000 habitants en 2013 (Département de la statistique de Quang Ninh, 2013). L’économie du district est fondée sur la production agricole, sylvicole et l’industrie des matériaux de construction (ciment), qui était fortement développée depuis 2006 en raison de la construction de deux grandes usines de ciment (ciment Thang Long et ciment Ha Long) de 2,4 million de tonnes de ciment/an.

- Deuxième niveau : toutes les communes des trois districts ci-dessus pour l’impact supposé diffus de l’industrialisation et de l’urbanisation.

- Troisième niveau :

o Population sondée constituée par les « chefs » de foyer ;

Page | 156 Figure 4.10. Troisième niveau d’échantillonnage de l’enquête, des chefs de foyer

À l’échelle des villes/districts et communes qui le constituent, nous avons complété le processus d’investigation par un entretien semi-directif individuel, seule méthode habilitée pour la prise en compte des réalités du terrain au niveau local et aux pratiques socio-spatiales. Lors des entretiens, nous provoquons une expression organisée des personnes interviewées, en cherchant à les rencontrer en face à face à domicile, ou parfois sur le lieu de travail. Nous abordons avec elles des sujets liés aux objectifs opérationnels des études et recueillons des informations liées à leurs caractéristiques sociales. Il est presque impossible d’interviewer tous les habitants présents sur la zone d’enquête en raison de temps et de coût. Nous avons dû alors élaborer une statistique d’échantillonnage la plus efficace possible en faisant un compromis entre le degré de précision que nous souhaitons atteindre, le budget limité de l’enquête et le temps de la réalisation de sondage et d’analyse des résultats. À cet effet, un total de 558 enquêtes a été réalisé, dont 131 d’Hoanh Bo, 209 de Cam Pha, et 218 d’Ha Long, sur 51 communes de la zone d’étude (Figure 4.11, Figure 4.12).

Les données des 558 enquêtes peuvent être catégorisé dans 7 groupes principaux : - Les variables soumettant à l’indentification de l’enquêté : nom, âge, formation,

ethnie, nombre total de membres dans la famille, nombre total de travailleurs dans la famille, nombre total de travailleurs par domaine économique, salarie, dynamique démographique (motivation, année du déplacement).

- Les variables concernant les conditions de vie : type et surface des maisons, modalités d’usage de l’eau, type de latrines, commodités et équipements de vie (voiture, moto...).

- Les variables concernant les activités économiques et le revenu : pratique agricole (type, surface, revenu, mode de consommation), pratique sylvicole (type, surface, revenu, mode de consommation), pêche et aquaculture (type, revenu, mode de consommation), tourisme (type, temps consacré au tourisme, revenu), commerce et service (type, revenu, caractéristiques des clients),

Page | 157 industrie et petite industrie artisanale (type, revenu), niveau d’importance des activités économiques pour la famille, fluctuation du revenu aux années antérieures (20, 10 et 5 ans).

- Les variables concernant la situation de l’industrialisation et de l’urbanisation : apparence des entreprises/usines autour du village/quartier, impacts du développement industriel sur l’environnement, impacts de l’industrialisation et de l’urbanisation sur les conditions socio-économiques, influence de l’industrialisation et de l’urbanisation sur la famille, rationalité du développement industriel et de l’urbanisation, impacts du développement industriel et de l’urbanisation sur la baie d’Ha Long et sur le patrimoine mondial de la baie d’Ha Long, facteurs principaux ayant des impacts sur la baie d’Ha Long.

- Les variables concernant le changement d’occupation du sol et des paysages : changements des surfaces forestières, des surfaces agricoles, des surfaces bâtis en comparaison avec celles antérieures de 20, 10 et 5 ans, évolution dans le changement d’occupation du sol, causes de ces changements.

- Les variables concernant les impacts des changements d’occupation du sol et des paysages : impacts du changement sur les conditions économiques, sur le patrimoine mondial de la baie d’Ha Long, sur l’environnement.

- Les variables concernant les perspectives et les suggestions : recommandations pour un meilleur développement de l’industrie et de l’urbanisation, niveau d’acceptation du développement des certains types d’occupation du sol, recommandations à propos de la planification d’usage de sol, recommandations pour la gestion de l’environnement urbain et industriel.

Page | 158 Tableau 4.8. Distribution de l’enquête par district de la zone d’étude

District Nombre Pourcent Histogramme Hoanh Bo 131 23,48 %

Cam Pha 209 37,46 %

Ha Long 218 39,07 %

Figure 4.12. Répartition des enquêtes sur la zone d’étude