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L’emplecton (2, 8, 7) : une maçonnerie à l’aspect tressé

incertum, quasi-reticulatum, et reticulatum)

3.4.4. L’emplecton (2, 8, 7) : une maçonnerie à l’aspect tressé

Vitruve (2, 8, 7) expose enfin une technique constructive commune aux maçons grecs et romains, appelée en grec e[mplekton , dont se servent aussi les paysans italiques : « Les faces de parements (frontes) sont dressées, les autres pierres (reliqua) sont placées, à l’état brut, avec le mortier (uti sunt nata, cum materia conlocata) et assemblées à joints alternants (alternis coagmentis). Par souci cependant de rapidité, les Romains ne font de finition que pour les parements (frontibus seruiunt) en plaçant les pierres de chant (erecta conlocantes), et ils remplissent par ailleurs l’espace intermédiaire d’un mélange de fragments pierreux et de mortier (in medio farciunt fractis separatim cum materia caementis). On lève (suscitantur) donc trois sections (tres crustae) dans cette maçonnerie, deux de parement (duae frontium) et une, au milieu, de remplissage (una media farturae). Il n’en va pas ainsi cependant chez les Grecs : disposant les blocs à plat (plana conlocantes) et les agençant alternativement en longueur et en profondeur (longitudines eorum alternis in crassitudinem instruentes), ils ne font pas de remplissage intérieur (non media farciunt), mais établissent solidement, d'un bloc de parement à l'autre, une profondeur continue et cohérente du mur (e suis frontatis perpetuam et [in] unam

crassitudinem parietum consolidant). De plus, les Grecs intercalent de place en place

(interponunt singulos), sur toute l’épaisseur du mur, des blocs à double parement (utraque

169 Martin 1965, p. 190 sq. et p. 238 sq. ; Ginouvès, Martin 1985, pp. 55, 58, 103.

parte frontatos) qu’ils appellent diatovnoi “ parpaings ” 171 et qui, assurant une excellente cohésion, confortent la solidité des murs (qui maxime religando confirmant parietum

soliditatem). » 172

L’emplecton est donc constitué de trois sections (tres crustae). D’après P. Gros, le terme

crusta « section » n'a pas une connotation positive : la structure ainsi formée n'aurait pas de

véritable cohésion du fait de l'absence de liaison entre ses composantes. Le parement (frons) est le revêtement de la construction, mais il désigne aussi dans le texte, la face du « remplissage » : frons se rapprocherait alors d’un « parement couvert », même si le couvrement veut occulter un appareil considéré comme inférieur à l’effet souhaité. Quant à

fartura, il s’agit du remplissage situé entre les deux parois d’une structure complexe, qui peut

être en béton, etc. 173. Dans le syntagme nominal reliqua, uti sunt nata, « quant aux autres pierres, comme elles sont extraites », l’adjectif neutre pluriel reliqua « les autres (pierres) » peut se rapporter à caementa « moellons, cailloux » qu’on trouve plusieurs fois dans le chapitre 8 du livre II, ou à saxa « pierres », qui n’est pas usité dans ce chapitre : les deux substantifs peuvent se substituer l’un à l’autre, mais caementa peut être le nom le plus probable.

La méthode grecque d’édification est assez détaillée, puisque ce procédé a les faveurs de Vitruve. D’abord, bâtir une maçonnerie intermédiaire à joints verticaux alternés - vraisemblablement sous la forme d’un appareil rectangulaire - est une caractéristique de la conscience professionnelle des maçons grecs, par opposition à la recherche de la rapidité des promoteurs italiques, même si le texte de Vitruve n’est pas clair sur la spécificité géographique. Le syntagme verbal (saxa/caementa) alligare alternis coagmentis « assembler (les pierres) à joints montants alternés » dénote l’alternance des joints montants (alterna coria « assises alternées », alterna coagmenta « joints montants alternés »), et ce concept donne de la beauté à une construction, qui doit répondre à trois exigences, que Vitruve a définies en 1, 3, 2 : la solidité (firmitas), l’utilité (utilitas) et la beauté (uenustas). On peut rapprocher l’idée des joints verticaux avec le nom même de l’emplecton. Si, pour la littérature archéologique, celui-ci est un remplissage entre deux parements, à l’inverse, au sens propre emplecton est formé sur le verbe ejmplevkw « tresser » et désigne, comme e[mplexi~ , l'action d’entrelacer ou de tresser. Cette étymologie semble présente à l'esprit de Vitruve qui insiste, à la phrase suivante, sur le fait que la structure en question se définit par une alternance de cailloux et de mortier, dont chaque couche d’agrégats s’efforce de combler les vides laissés au niveau inférieur par la couche précédente. D’après P. Gros, il est possible que, dans ce contexte, le théoricien fasse du verbe alligare « lier, relier, assembler », implicitement le véritable

171 Les diatonoi correspondent aux parpaings, lesquels sont les blocs dont les deux faces opposées sont visibles sur chaque parement du mur : Ginouvès, Martin 1985, p. 59, Vitruve II, pp. 122-123, n. 8.

172 Trad. L. Callebat.

équivalent sémantique du grec ejmplevkw « tresser, entrelacer » 174. Dans l’absolu, emplecton peut se rapporter alors à toute maçonnerie dont les joints verticaux s’alternent, comme l’isodome et le pseudo-isodome et l’opus latericium.

Mais Vitruve donne le nom d’emplecton à une structure pourvue de trois parties. Selon sa description, à la différence des Romains, les Grecs ne remplissent pas l’espace intermédiaire (non media farciunt). Les trois sections de l'emplecton grec forment d'un parement à l'autre une épaisseur/profondeur cohérente et continue du mur (e suis frontatis

perpetuam et unam crassitudinem parietum consolidant) : Vitruve décrit là, en fait, une structure

à appareil rectangulaire disposant de parements assisés. Appliqué à la terminologie de l’architecture antique, l'emplecton grec à la mode vitruvienne ressemblerait (plus ou moins) à une maçonnerie de triples parements hétérogènes, c’est-à-dire à trois murs assisés collés les uns aux autres 175. Plus en détail, à la différence de l'opus caementicium, que l’on dame de banchée en banchée, l’espace intermédiaire de l'emplecton grec est constitué d'assises faites de blocs disposés selon des systèmes de joints alternants classiques. Le syntagme verbal

saxa/caementa plana conlocare « placer les blocs à plat » ne donne pas d’information sur la

forme des pierres dans la fartura : il pourrait s'agir de moellons travaillés sur plusieurs faces, voire même de moellons d'appareil, à savoir quadrangulaires. Ainsi cette fartura « remplissage » pourrait être en petit appareil. Curieusement, dans la notice vitruvienne, le terme caementa est usité seulement pour la description du remplissage de l'emplecton romain. En outre, pour ce dernier, les blocs des parements sont caractérisés par des adjectifs employés seuls, comme erecta « (blocs) posés de chant » 176, plana « posés à plat », conlocata « placés » et des noms, dont ces adjectifs devraient être épithètes, sont en fait sous-entendus : dans l'esprit du théoricien, le terme caementum « moellon » est-il tout juste bon à désigner cette abondance de matériau (caementorum copiae), telle qu’il l’a décrite en 2, 7, 5 pour les

structurae caementiciae romaines ? Caementum est-il un nom indigne d’être usité pour les murs

grecs ? Cela semblerait être le cas.

L’architecte oppose les vertus de la technique grecque aux procédés expéditifs des maçons italiques qui sacrifient à la rapidité (nostri studentes celeritati). D’après P. Gros, ce passage donne à penser que Vitruve ne songe pas seulement aux paysans, mais qu'il fait allusion aux méthodes liées à l’importante spéculation immobilière dans la Rome du dernier siècle de la République 177. À ce titre, in medio fractis separatim cum materia caementis farcire « remplir l’intervalle des parements au moyen de cailloux (employés) séparément avec du mortier, d’un mélange de fragments pierreux et de mortier » est instructif, car ce syntagme

174 Tomlinson 1961 ; Winter 1971, pp. 136-137 ; Vitruve II, pp. 119-120, n. 1.

175 Ginouvès 1992, pp. 30-33.

176 Ginouvès, Martin 1985, pp. 56-60.

constitue une définition précise de fartura « remplissage ». Le verbe farcire évoque l’idée d’un remplissage par bourrage, qu'on retrouve en 10, 14, 3 pour des sacs, contenant des algues, destinés à protéger une tortue de terrassier. L'adverbe separatim paraît indiquer une absence de mélange préalable des caementa concassés avec le mortier : pour l’ordre des opérations, on place le liant, puis les moellons et on tasse le tout (calcare : 2, 8, 3 et 8, 6, 14). Dans le procédé romain, l’édification des parois sert de coffrage à l’opus caementicium.

Vitruve envisage donc l’emplecton (grec ou romain) comme un mur à trois sections : un « remplissage », fartura entre deux parements (frontes). Le théoricien donne le choix entre deux méthodes, caractéristiques de deux peuples bâtisseurs. La première est romaine et cherche avant tout la rapidité d’exécution. Le remplissage de l’emplecton romain est un opus

caementicium, qu’on dame peut-être, même si cela n’est pas indiqué. Cette maçonnerie

romaine répond seulement à l’exigence d’utilitas (commodité, pratique). Les caementa fracta « fragments pierreux », employés dans le noyau central, sont mentionnés explicitement avec le mortier et les maçons romains ne sont pas disposés, semble-t-il, à obtenir des joints montants alternés, ce que regrette Vitruve. En ce sens pour le théoricien, le caementum n’est pas un matériau noble, comme la pierre de taille. La seconde méthode est grecque et sert de modèle théorique pour l’emplecton. Vitruve ne stipule pas les caementa et il utilise des adjectifs pour qualifier les agrégats et les blocs. Même si ces blocs et ces agrégats sont du tout venant (uti nata sunt, « tels quels » à la sortie de la carrière), et si on n’en précise pas la forme, ils sont adaptés (équarris, retaillés...) par le maçon, sur le chantier. Les trois sections de l’emplecton sont disposées en assises horizontales à joints montants alternants. Dans la description plus détaillée de l’emplecton grec, Vitruve peut suggérer que les pierres des parois et de l’espace intermédiaire sont peut-être aussi des moellons quadrangulaires. Il expose en fait, une structure à appareil rectangulaire pourvue de parements assisés qui rappelle beaucoup le mur à orthostates de 2, 8, 4. L’exigence de la beauté se retrouve dans le nom d’emplecton « maçonnerie à l’aspect tressé », qui caractérise à la fois son esthétique et sa technique d’assemblage à joints montants alternés.

On considère archéologiquement que l’emplecton est une maçonnerie tripartite : un remplissage (terre et cailloux, puis chaux) et deux parements de blocs appareillés (polygonaux ou quadrangulaires). Elle apparaît en Grèce dès la fin du VIIe siècle av. J.-C. C’est une technique qui précède l’opus caementicium : la chaux est de qualité médiocre dans le noyau central et celui-ci n’est pas damé 178.

178 Martin 1965, p. 373 et suivantes ; Blake 1947, pp. 326-327 ; Orlandos 1966, pp. 122-126 ; Lugli 1957, pp. 178-180 ; Vitruve II, pp. 119-120, n. 1.

3.5. Le concept de « maçonnerie plastique » (caementum molle) (2, 8)

Avec 2, 8, 8, Vitruve achève sa description des structurae caementiciae avant de passer en revue en une longue digression le site d’Halicarnasse, qui constitue la fin du chapitre 8. Pour le théoricien, « si un lecteur veut donc étudier et choisir un type d'appareil (genus

structurae) à partir des notes de ce chapitre 8 (ex his commentariis), il pourra savoir sur quoi

est fondée sa pérennité. Aucun appareil de maçonnerie plastique (quae sunt e molli caemento), d’une esthétique élégante et séduisante, ne peut en effet, avec le temps, échapper au délabrement. » 179

Comme en 2, 8, 5, on retrouve caementum molle, qui désigne le moellon tendre, qui est extrait des tufs volcaniques dans Rome ou dans ces environs, ainsi que Vitruve l’expose en 2, 7, 5. Comme indiqué supra, l’adjectif mollis dénote sous un sens figuré, la plasticité de l’ensemble moellons-mortier, qui caractérise l’opus caementicium et les remplissages. Pour le théoricien, même si les parements en réticulé créent une impression de beauté (subtili facie

uenustatis), les structurae caementiciae ne sont pas des maçonneries durables. L'idée de

l'écroulement d’une construction (la ruina est en latin le résultat d’un séisme ou d'un incendie) s’exprime dans les mêmes termes qu’en 2, 8, 2 : sed in uetustatem parietes efficiunt

ruinosos « de sorte que les murs finissent par s’écrouler » 180.

L’exposé taxinomique en 2, 8, 1-3 et 2, 8, 5-8, se place sous le signe des exigences de l’utilitas, de la uenustas et de la firmitas dont les modèles architecturaux sont grecs. La chaux, qui est présente dans les notices détaillées (5, 12, 3-4 ; 8, 6, 14), n’est pas mentionnée ou alors allusivement dans le compte-rendu classificateur : la lexie complexe caementum molle désigne par synecdoque la structura caementicia elle-même. Vitruve énumère des techniques de maçonnerie dont l’esthétique et la stabilité vont de pair. Ainsi, la solidité d’une construction dépend essentiellement de la forme du moellon et de son ordonnance dans les assises et les rangées : la supériorité des Grecs sur les maçons romains est le signe d’un procédé d’édification qui ne triche pas avec les exigences architecturales. Le caementum idéal, d’un point de vue de l’esthétique et de la technique, est le moellon d’appareil dont les arêtes forment des joints horizontaux et verticaux.

4. Conclusion

L’étude des occurrences de caementum « caillou, moellon » couvre une part importante du champ notionnel de l’architecture concrète romaine et grecque. On a ainsi une description des carrières, où l’on extrait les moellons et les pierres de taille, et une peinture

179 Trad. L. Callebat.

des réactions chimiques lorsque les blocs de tuf volcanique sont en contact avec la chaux, et enfin un inventaire des appareils architecturaux (réels et supposés) des Grecs et des Romains. En unité lexicale simple, caementum désigne, selon le contexte un moellon équarri ou travaillé sur plusieurs faces (1, 2, 8 ; 1, 5, 8 ; 2, 5, 3 ; 2, 7, 1 ; 2, 8, 2 ; 2, 8, 3 ; 2, 8, 6 ; 2, 8, 8 ; 5, 5, 7 ; 5, 12, 3-4).

En unité lexicale complexe, caementum, accompagné d’un adjectif, d’un participe passé ou d’un syntagme nominal, qualifie un bloc ayant une forme ou une nature particulière :

- incerta caementa « moellons de l’opus incertum » (2, 8, 1) ;

- fracta caementa « fragments pierreux, cailloux cassés » (2, 8, 7) ; on peut isoler le syntagme verbal : frangere camenta « concasser des moellons » (2, 8, 7 ; 8, 6, 14).

- caementa marmorea « éclats de marbre » (7, 6, 1) ;

- caementum ne grauius quam librarium « éclat qui ne pèse pas plus d’une livre » (8, 6, 14).

Molle caementum désigne par métonymie la maçonnerie concrète (2, 8, 5 ; 2, 8, 8). On a

deux adjectifs au neutre pluriel où caementa est sous-entendu : - reticulata (caementa) « moellons de l’opus reticulatum » (2, 8, 1) ;

- minutissima (caementa) « moellons aussi menus que possible » (2, 8, 2 ; 4, 4, 4).

Toutes les occurrences de caementum ont à voir avec la maçonnerie concrète sauf

caementa marmorea « éclats de marbre » (7, 6, 1).

Quant à caementicius, tous ses emplois concernent la maçonnerie concrète. Cet adjectif a un suffixe d’animé non nombrable ou de matière en –icius. Usité en unité lexicale complexe, il donne :

- structurae caementiciae « construction de maçonnerie concrète, opus caementicium » (2, 4, 1 ; 2, 7, 5) ;

- parietes caementicii « remplisssage d’opus camenticium » (2, 8, 17) ; cette lexie complexe est synonyme de fartura.

L’adjectif peut être aussi employé avec un substantif sous-entendu : - caementicium (saxum) « moellon » (2, 8, 16) ;

- caementicium (genus/opus) « maçonnerie concrète » (6, 8, 9).

Pour Vitruve, le caementum n’est pas un matériau noble pour l’architecture de prestige : par rapport à la pierre de taille (saxum quadratum), c’est une matière première abondante pour le bâtiment (2, 7, 5). Pourtant, ces deux matériaux sont extraits des mêmes carrières et subissent des contraintes identiques d’un cahier des charges. Selon la géologie locale, le caementum peut être un bloc brut, une projection volcanique grossière, un galet, une brèche ou un cailloutis de récupération. Malgré ce peu de considération de la part de Vitruve, le moellon est un élément important de toute construction : quelque forme qu’il puisse recevoir (brut, équarri, d’appareil), le bloc donne à une maçonnerie sa cohésion.

D’ailleurs en fréquence, caementum est usité vingt fois tandis que les lexies complexes lapis

quadratus et saxum quadratum atteignent ensemble dix occurrences dans le De architectura. Les

dimensions de la pierre sont établies par deux facteurs chez Vitruve : d’abord sa grandeur, dépendant de la taille du mur et donc du bâtiment lui-même (4, 4, 4), et ensuite sa masse (8, 6, 14). Ce sont les seuls renseignements donnés par notre architecte et apparemment, l’indication massique devait être une information suffisamment pertinente pour que les maçons antiques pussent s’en contenter, comme en témoigne le « Devis de Pouzzoles » 181. En effet, on peut définir une taille approximative des agrégats selon la nature de la roche. Avec ces maigres informations (grandeur et masse), il a été déterminé à partir des mesures de H. O. Lamprecht la dimension du caementum chez Vitruve (entre 2 et 200 mm). On retient aussi ses mesures sur un béton de conduit d’eau de Sötenich (échantillon nº 71) du IIe s. p. C. Pour l’ingénieur allemand, les techniciens romains connaissaient leur métier et savaient graduer, et tamiser leurs granulats, même s’ils ne possédaient pas notre technologie moderne. Avec le graphique de Sötenich, on peut désormais établir la quantité massique d’agrégats dans un texte vitruvien, à condition naturellement que notre théoricien indique un renseignement de poids ou d’épaisseur d’une maçonnerie. Ainsi, en 8, 6, 14, pour un calcaire considéré à densité 2,2 à titre d’illustration, le volume du moellon est de 0,149 l. Selon la forme cubique ou sphérique, ce moellon d’une livre romaine a un diamètre de 6,58 cm, pour une sphère, ou de 5,3 cm d’arête pour un cube. En se basant sur une convention du dixième de l’épaisseur d’une structure, ce moellon constitue 70 % du béton en masse et 11,66 l en volume.

Le caementum donne son apparence au mur, en même temps qu’il en révèle la structure interne, par le jeu de l’alternance des joints montants et verticaux : cette conception est héritée des modèles grecs où tous les critères sont établis en fonction de l’opus quadratum. C’est ce principe qui lui fait juger de la solidité de la maçonnerie concrète de manière parfois erronée.

Pourtant, la maçonnerie concrète est une technique sûre dont les multiples applications parsèment le texte vitruvien : les constructions terrestres et marines sont durables grâce à la chimie phlogistique de la ieiunitas. Vitruve cultive ainsi les contradictions. La chaux, le sable et le tuf volcaniques fournissent le trio essentiel de cette prise qui reconstitue les phénomènes naturels du volcanisme. C’est pourquoi caementum molle peut désigner par synecdoque le moellon de tuf volcanique et aussi la maçonnerie concrète.

181 C. I. L., X, 1781, 2, 20-22: Nive maiorem / caementa struito, quam quae caementa ar(i)da / pendat p(ondo) XV, nive angolaria altiorem (trientem semunciam) facito. « Que l’entrepreneur ne maçonne point de moellon plus gros que les moellons, qui, secs, pèsent 15 livres et qu’il ne fasse point de moellon d’angle plus haut que 4 plus un pouce. » Choisy 1909 (vol. 3), pp. 291-294.