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2 L’effet des réformes : un modèle théorique illustratif

2.2 L’effet attendu des réformes

A partir de ce modèle, nous pouvons présenter les effets attendus des différentes réformes possibles du système de retraite sur l’âge effectif de départ en retraite. Les différents types de réformes considérés sont les suivants : une baisse du niveau de pension à âge de départ en retraite donné, un décalage dans les paramètres d’âge du système (âge minimal, âge du taux plein), une augmentation des incitations à la poursuite d’activité, et enfin un renforcement de la protection de l’emploi pour les travailleurs seniors.

CHAPITRE1 – SYSTÈME DE RETRAITE ET COMPORTEMENTS D’ACTIVITÉ

FIGURE1.2 – Choix de l’âge de départ en retraite

(a) Cas général

Utilité−Consommation

Age de départ en retraite

55 56 57 58 59 60 61 62 63 64 65 66 67 68 69 70

AOD ATP

Préférence pour le loisir: Forte Moyenne Faible

(b) « Bunching » au taux plein

Utilité−Consommation

Age de départ en retraite

62 65 68 ATP ● ● Contrainte budgétaire : Coudée (réelle) Sans coude Préf. pour le loisir : Forte Faible

Baisse du niveau de pension

Un premier type de réforme possible est la baisse du niveau de pension, à âge de départ en retraite donné. Un changement dans la formule de calcul diminuant le montant de pension pour chaque âge de départ en retraite, par exemple via une baisse du taux de liquidation10, conduit à un décalage vers le bas de l’ensemble de la contrainte budgétaire. Ceci est illustré à la figure 1.3a, modélisant une baisse du taux de remplacement nominal de 70 à 50 %. La baisse du niveau de pension change aussi légèrement la pente de la contrainte budgétaire, car l’incitation à la poursuite d’activité est diminuée : une baisse du taux de remplacement rend aussi moins important le gain, en termes de consommation, à travailler une année sup- plémentaire.

Il y a donc deux effets de sens opposé : la baisse du revenu sur cycle de vie induit par la réforme peut conduire à augmenter la durée travaillée pour maintenir un niveau de consom- mation élevé (effet revenu) ; la diminution des incitations financières à la poursuite d’activité rend plus attractif un retrait du marché du travail (effet substitution). La baisse du niveau de pension conduit donc à une augmentation de l’âge de départ en retraite si l’effet revenu do- mine l’effet de substitution, c’est le cas qui est représenté sur le graphique 1.3a.

10Dans les faits, une baisse du taux de remplacement peut être introduite par l’ensemble de ses déterminants, par exemple en modifiant les règles de calcul du salaire de référence.

PARTIEI – PROLONGER LA DURÉE EN EMPLOI: QUEL EFFET DES RÉFORMES?

FIGURE1.3 – Effet des réformes

(a) Baisse du niveau de pension

Utilité−Consommation

Age de départ en retraite

55 56 57 58 59 60 61 62 63 64 65 66 67 68 69 70

AOD ATP

● ●

(b) Décalage des paramètres d’âge

Utilité−Consommation

Age de départ en retraite

55 56 57 58 59 60 61 62 63 64 65 66 67 68 69 70 AOD ATP ● ● ● ● ●

(c) Hausse des incitations financières

Utilité−Consommation

Age de départ en retraite

60 61 62 63 64 65 66 67 68 69 70 ATP ● ● ● ● ●

(d) Décalage de l’âge de mise à la retraite

Utilité−Consommation

Age de départ en retraite

55 56 57 58 59 60 61 62 63 64 65 66

Age de mise à la retraite d'office

Décalage des paramètres d’âge du système

Nous modélisons la réforme suivante, similaire dans l’esprit à la réforme des retraites de 2010 en France : un décalage de deux ans de l’âge d’ouverture des droits (AOD, de 60 à 62 56

CHAPITRE1 – SYSTÈME DE RETRAITE ET COMPORTEMENTS D’ACTIVITÉ

ans) et de l’âge du taux plein (ATP, de 65 à 67 ans). Avec le relèvement de 60 à 62 ans de l’âge minimal de départ en retraite, un retrait du marché du travail avant 62 ans diminue la durée durant laquelle l’individu perçoit sa retraite par rapport à la situation précédente avec un AOD à 60 ans, ce qui conduit à une translation horizontale vers la droite de la contrainte budgétaire, pour la partie située avant l’âge d’ouverture des droits (de la courbe en tirets à la courbe en pointillés sur la figure 1.3b). Le décalage de l’âge du taux plein diminue le taux de liquidation à âge de départ donné, puisqu’il augmente l’âge de référence à partir duquel est calculé le taux de décote de 65 à 67 ans. Cela se traduit en une nouvelle translation horizontale de la contrainte budgétaire, pour la partie située avant l’âge du taux plein (de la courbe en pointillés à la courbe pleine sur le graphique).

Même si toutes deux impliquent une baisse du revenu sur cycle de vie pour un âge de départ en retraite donné, les réformes du décalage des paramètres d’âge et de la baisse du niveau de pension n’ont pas le même effet sur le barème, et donc sur les comportements de départ en retraite. Avec un barème « coudé », une translation verticale, comme lors d’une baisse uniforme du niveau de pension, n’a pas le même effet qu’une translation horizontale des paramètres d’âge. En effet, une translation horizontale décale également la localisation des points d’inflexion dans le barème, ce qui peut avoir pour effet de modifier l’âge de départ en retraite des individus regroupés à ces points, qui partiront en retraite plus tard, avant ou au niveau du nouveau « coude » (figure 1.3b). Si l’attraction de ces points d’inflexion est forte, le décalage des bornes d’âge aura un effet important sur les comportements de départ en retraite.

Développer les incitations à la poursuite d’activité

Une autre possibilité pour encourager le prolongement de la durée d’activité est d’augmen- ter les incitations financières à travailler une année supplémentaire. La possibilité de liqui- der une pension de retraite rend, toutes choses égales par ailleurs, plus couteux le fait de res- ter en emploi, car outre la désutilité associée à la poursuite d’activité, on renonce à une pen- sion de retraite. Il est possible de rendre plus attractive la poursuite d’activité quand celle-ci permet de bonifier le niveau de pension, ce dont l’individu peut bénéficier tout au long de la durée passée en retraite.

Dans le cadre d’un modèle de choix d’âge de départ en retraite, augmenter les incitations à la poursuite d’activité revient à rendre plus pentue la contrainte budgétaire. Nous considé- rons la réforme suivante, similaire à la réforme française de 2003 instaurant la surcote : les années travaillées au-delà du taux plein donnent droit à un surcroit de pension, dont le taux est égal au taux de décote avant le taux plein.

La figure 1.3c illustre l’effet potentiel d’une telle réforme sur les comportements de dé- part en retraite. Pour les individus qui partaient en retraite avant l’âge du taux plein, une 57

PARTIEI – PROLONGER LA DURÉE EN EMPLOI: QUEL EFFET DES RÉFORMES?

réforme de ce type n’a pas d’effet. En revanche, les individus qui partaient au taux plein peuvent voir leur âge optimal de départ en retraite augmenter. En effet, la disparition de l’in- citation à partir exactement au taux plein devrait conduire à un report de la masse de départ au taux plein vers les âges supérieurs. Enfin, pour les individus qui partaient déjà au-delà du taux plein, l’effet de la mise en place de la surcote est incertain, et dépend de l’ampleur respective des effets revenu (plus de revenu à âge de départ en retraite donné) et substitu- tion (prix relatif du loisir qui augmente). Sur le graphique présenté, l’effet de substitution l’emporte et l’individu repousse son départ en retraite.

Notons que des réformes visant à rendre plus souples les conditions de cumul des re- venus de retraites et d’activité peuvent s’appréhender dans le même cadre d’analyse. Une contrainte de cumul se traduit en général par une diminution de l’une des deux sources de revenu au-delà d’un plafond, et donc un fort taux marginal d’imposition implicite sur la poursuite d’activité. Relâcher cette contrainte revient donc à augmenter les incitations à la poursuite d’activité au-delà du seuil de revenu, et est donc susceptible de retarder le retrait du marché du travail.

Augmenter la protection du travail des travailleurs séniors

Sur ce dernier point, nous nous éloignons légèrement du cadre précédent, d’une part en pre- nant en compte la demande de travail, d’autre part en envisageant l’effet d’une réforme du marché du travail plus que du système de retraite. Nous modélisons une réforme similaire à celle étudiée dans le chapitre 2 de cette thèse, à savoir une hausse de l’âge de mise à la retraite d’office, âge à partir duquel un employeur peut licencier un employé sans justification autre que son âge. Nous modélisons cette réforme de la manière suivante : nous supposons une augmentation de l’âge de mise à la retraite d’office de 60 à 65 ans, en supposant également que l’employeur fait usage de ce dispositif dès que possible.

Pour un individu dont l’âge optimal de départ en retraite est plus élevé que l’âge de mise à la retraite d’office, la hausse de ce paramètre conduit, avec l’hypothèse que l’employeur aurait fait usage de cette possibilité, à une hausse de l’âge de départ en retraite. En effet l’individu peut alors partir en retraite à son âge optimal, si celui-ci est inférieur au nouvel âge de mise à la retraite d’office (1.3d).