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Les grandes étapes de la modélisation de la retraite

1 La microsimulation dynamique appliquée au système de retraite : problématiques générales

1.2 Les grandes étapes de la modélisation de la retraite

Si chaque modèle de microsimulation a ses spécificités, en termes de population d’intérêt ou d’objectifs de prévision, il existe des éléments invariants, que l’on retrouve dans tout modèle de microsimulation du système de retraite. Trois grands types de phénomènes sont simulés, qui sont généralement divisés en modules distincts que nous présentons plus en détails dans cette sous-partie : démographie, carrière, et départ en retraite. D’autres modules spécifiques peuvent exister selon les modèles (calcul de la réversion, passage en invalidité), mais nous nous concentrons ici sur ces trois dimensions, qui sont les plus générales.

Pour toutes les variables dont on souhaite pouvoir disposer à chaque date, soit pour les étudier directement, soit parce qu’elles ont un impact sur des variables d’intérêt, la simula- tion passe par différentes étapes. Il faut premièrement disposer de cette variable dans la base initiale en t0, ce qui peut nécessiter un travail de complétion en amont sur la base initiale,

pour imputer une variable manquante. Ensuite, il faut définir le processus d’évolution de la variable entre deux dates successives. Cette évolution peut être mécanique, comme l’évo- lution de l’âge d’un individu, ou plus complexe, par exemple le choix de départ en retraite pouvant reposer sur un arbitrage intertemporel à horizon lointain. Une modélisation plus complexe repose en général sur un modèle statistique explicatif de l’évolution de la variable considérée, qui peut être estimé sur la population d’intérêt ou sur données externes. Cette étape de calibration des modèles de comportement permet ensuite de simuler les événe- ments, en utilisant les probabilités prédites par le modèle. Enfin, la simulation peut nécessi- ter des procédures de calage, si l’on souhaite respecter certaines cibles au niveau agrégé, par exemple un taux de décès ou de chômage, à chaque date. Dans cette sous-partie, nous pré- 166

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sentons les processus que l’on retrouve dans tout modèle de microsimulation des retraites – module démographique, module carrière, et module de départ en retraite – en soulignant l’importance de chacun et les difficultés potentielles qu’ils peuvent présenter pour les diffé- rentes étapes de la simulation – complétion, calibrage et calage.

Module démographique

Nous regroupons sous l’appellation « module démographique » d’une part les processus dé- terminant la pyramide des âges à chaque date t de la simulation (fécondité, décès, migra- tion), élément essentiel de l’équilibre financier du système de retraite, et d’autre part les événements familiaux (unions, enfants) dont dépendent les dépenses associées à certains droits familiaux et aux pensions de réversion.

Une naissance correspond de manière générale à l’apparition d’un nouvel individu dans la population d’intérêt. Cela peut coïncider avec la naissance d’un enfant pour un individu de la base, mais ce n’est pas toujours le cas. Dans un modèle « régime » par exemple (cf. infra), où on ne modélise pas l’ensemble de la population mais les affiliés à un régime de retraite, la naissance dans le modèle est défini par l’entrée dans le régime. Plus qu’une naissance, on modélise donc l’entrée dans le modèle, en pratique l’ajout d’une ligne individu à la base. La modélisation des naissances ne pose pas de difficultés particulières en population générale, car elle découle directement des hypothèses de fécondité du modèle, la plupart du temps issues des projections démographique de l’Insee (Chardon et Blanpain, 2010). Dans le cadre des modèles « régimes », il n’y a pas de correspondance directe entre le nombre de naissances et le nombre d’entrées au régime. La naissance dans ces modèles correspond à l’affiliation au régime, qui relève davantage du module carrière, même si le nombre d’entrants au régime dépend fortement de la pyramide des âges de la population générale.

La simulation des décès est également centrale car elle détermine, avec l’âge de départ en retraite, la durée de perception de la pension et joue donc un rôle important sur les dé- penses de retraite. Le terme ne comporte pas la même ambiguïté que celui de naissance : pour un système de retraite la sortie de la base correspond toujours au décès de l’individu. Une question centrale de la modélisation des décès est la prise en compte plus ou moins poussée de la mortalité différentielle, c’est à dire de l’impact de certaines variables obser- vables sur la probabilité de décès à chaque âge. Sans mortalité différentielle, la simulation des décès ne requiert pas de modélisation particulière : on applique des probabilités de mor- talité à chaque âge, issues par exemple des projections de l’Insee. Mais aussi bien l’équilibre financier du système que les redistributions qu’il génère peuvent dépendre de la mortalité différentielle, ce qui peut donc justifier un travail de modélisation plus poussé.

Les modèles intègrent en général des migrations, qui correspondent aux flux entrant et sortant du territoire. Les migrations ont un effet potentiellement important sur la pyramide 167

PARTIEII : L’ÉVALUATION PAR MICROSIMULATION

des âges, et donc sur l’équilibre du système de retraite. En théorie, les caractéristiques des immigrants et émigrants, leurs trajectoires professionnelles ou leur durée de résidence en France notamment, peuvent avoir un impact sur le système de retraite. En pratique, cette migration différentielle – au sens de prise en compte des particularités de cette population – est difficile à modéliser, du fait d’un manque de données suffisamment détaillées sur le sujet. On modélise des flux nets de migrations, à partir des projections démographiques de l’Insee, avec l’hypothèse d’une entrée définitive sur le territoire.

Enfin, à chaque date, les individus sont susceptibles de se mettre en couple (ou de di- vorcer) et d’avoir des enfants. Ces décisions affectent directement les montants de pensions, de droits directs via les avantages familiaux ou de droits indirects pour les pensions de ré- version. La présence d’enfants peut également avoir un effet indirect si on intègre cette va- riable dans la modélisation des trajectoires professionnelles. Les données ne comportent pas toujours d’informations détaillées sur ces variables socio-démographiques, ces proces- sus doivent donc parfois être estimés sur données externes et simulés également en complé- tion pour la population initiale. Le nombre d’enfants peut être calé à partir des projections de fécondité, mais c’est moins le cas pour les comportements d’union, dont il est difficile de prévoir l’évolution à moyen-long terme. Le calibrage des modèles expliquant la mise en couple doivent donc faire l’objet de recalibrages réguliers.

Module carrière

Dans un système de retraite avec une composante contributive, le montant de retraite perçu par un individu au moment de la liquidation dépend de son historique de carrière. Un mo- dèle de microsimulation doit donc modéliser l’ensemble de la carrière des individus, avec toutes les variables permettant de calculer au plus près le niveau de pension, principale- ment les trimestres validés pour la retraite (emploi ou autre) et les salaires perçus. Le module carrière comporte donc deux processus centraux : le statut professionnel et le salaire.

Le statut professionnel renvoie à l’état sur le marché du travail. Le nombre d’états pos- sibles à chaque date dépend des besoins du modèle et du niveau de détail disponible dans les données d’estimation. En pratique, le calibrage des modèles consiste à estimer des tran- sitions entre les différents états, éventuellement par sous-groupes. Les calages sont particu- lièrement importants, car de ces transitions découlent des agrégats cruciaux pour l’équilibre financier du régime, comme le taux d’emploi et le taux de chômage. Le degré de précision de la modélisation dépend directement des objectifs du modèle. Par exemple, à niveau de rémunération donné, la quotité de travail a peu d’impact sur le montant de pension pour les salariés du régime général, mais intervient directement pour le décompte des trimestres dans la fonction publique. Modéliser ou non la quotité de travail dépendra donc des objectifs du modèle, du degré de précision souhaité ou de la population d’intérêt du modèle.

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Pour les périodes travaillées, il faut également simuler un salaire correspondant. Celui- ci est particulièrement important pour les salariés du privé et des régimes alignés, car c’est à partir du salaire que sont déterminés les droits accumulés, sous forme de trimestres ou de points dans les régimes complémentaires. L’estimation des équations de salaire est donc un enjeu de modélisation important, d’autant plus que l’on rencontre des problématiques économétriques potentiellement complexes (hétérogénéité inobservée, effets de sélection).

Module retraite

Un module retraite rassemble, sous une forme plus ou moins intégrée, deux sous-modules centraux dans un modèle de microsimulation des retraites : un calculateur du montant de pension et un module de choix de départ en retraite. Le premier calcule le montant de pen- sion pour un âge de liquidation donné, à partir des informations sur la carrière individuelle jusqu’à cet âge, et en fonction de la législation considérée. Le module de départ en retraite teste, pour un âge donné, si l’individu choisi de liquider sa retraite.

Le calculateur ne présente pas d’enjeu de modélisation majeur. Il s’agit de coder au plus près les formules de calcul de pensions et les paramètres de législation correspondant, pour calculer le montant de pension à partir de la carrière rétrospective d’un individu. L’ensemble des informations nécessaires au calcul des droits est usuellement disponible parmi les va- riables du modèle, si celui-ci a vocation à calculer des montants de pension.

Le module de choix de départ en retraite peut demander un travail de calibrage plus poussé, selon le type de modèle envisagé4. Certains comportements « mécaniques » ne re- quièrent pas d’estimation au préalable : liquidation dès que possible, au taux plein, ou avec un niveau de pension cible exogène. Une autre possibilité est l’estimation de modèles en formes réduites, intégrant les principaux déterminants du départ en retraite. Ces modèles permettent en général de reproduire la distribution des départs in sample, mais sont assez peu sensibles aux modifications de la législation, et doivent donc être recalibrés régulière- ment. Enfin, des modèles structurels peuvent être considérés, modélisant explicitement les comportements individuels à partir de paramètres de préférence individuelle, comme la pré- férence pour le présent ou pour le loisir. L’identification de paramètres structurels régissant les comportements permet en théorie une plus grande réactivité aux réformes modifiant les incitations au départ à la retraire, et une plus grande stabilité du calibrage. Mais ce type de modèle présente en général des difficultés d’estimation plus importantes.

4Voir Blanchet et al. (2015) pour une discussion des différents types de modélisation dans le cas du modèle Pablo de la fonction publique d’Etat.

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