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L’effet « pendule de Foucault » 175!

Chapitre 4 : Modes de restitution 169!

4.2. Le geste action, l’action du geste 170!

4.2.1. Maquettage des mouvements 171!

4.2.1.4. L’effet « pendule de Foucault » 175!

Pour alimenter cette nouvelle hypothèse, nous aimerions introduire une expérience perceptive particulière : Panorama de perception, Clans 2004 (cf. [fig.43]). Bien qu’elle ne figure pas dans notre catalogue raisonné — parce qu’elle se distingue par deux fois des visualisations sonores (sur le plan de la chose observée, et sur celui de la technique de saisie de l’œuvrer unique), nous la convoquons à la fois pour répondre au programme de Jean- François Augoyard et pour ouvrir les négociations sensibles. Nous y avons appliqué l’habituel protocole d’observation et de restitution sonore, (le tourner à 360° plongée, le tracer spontané des éventuelles déviations climatiques [température ambiante ici de 20°, pièce très peu d’humide, pas vraiment de courants d’air] et des reports par la forme construite [pièce d’environ 6 x 7 x 4,5 m, irradiation sur un volume d’environ 5m 3]). Or, nous observerons cette fois l’impression binoptique de sources lumineuses irradiantes — ce sont des sources du type diodes, provenant depuis les quatre murs d’une pièce rectangulaire223 —, puis d’une pièce avoisinante, latérale droite (cf. [fig.42]), mais ne diffusant pas toutes les sources à la fois : il y a structuration temporelle presque aléatoire. Tout à fait comparable à la situation spatio-temporelle de la Drawing Box (espace intérieur, diffusion par sources fixes frontales, temps d’observation relativement long, ici d’environ 15 minutes par visualisation), elle s’en distingue pourtant à deux niveaux : la diffusion se fait 1. dans un espace ouvert angulaire et non concave (cf. les paraboles),

2. par multipoints.

En tant qu’expérimentatrice, nous-nous sommes assise au centre de l’espace pour observer l’apparition lumineuse dans la continuité. Nous représentions les mouvements autour de nous de manière panoramique tout en nous concentrant à la fois sur notre perception frontale (flèches bleues de 1 - 4) et en situant en même temps, ce qui apparaissait de notre perception latérale et dorsale dans cette perception frontale lors du tourner (cf. « dans le sens d’une montre », flèches jaunes de 1- 4).

La technique utilisée se distingue également : nous travaillons sur papier absorbant du type grand Arche/tampon, où nous nous servons de différentes concentrations d’encres et de

223 Il s’agit ici d’une œuvre, Diodes Drawing, Villa Les Vallières Clans, (2002), de l’artiste LIGNON Ludovic, dont les installations s’ajustent souvent avec des interventions ambiantales.

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graisses, en fonction de l’extension spatiale perçue, puis de pointes de feutres, que nous appuyons plus ou moins longuement sur le papier en fonction de l’intensité de la perception, pour obtenir des effets de dilution progressive et continue (pendant l’expérience et a posteriori de l’expérience).

Figure 42

Cinq phases de perception s’observent :

1. Une phase franche : phénomène lumineux immédiat (emplacement du point lumineux ; des points, quand il y a jumelage ponctuel des diodes),

2. Une phase induite : aura ou halo du champ lumineux physique des diodes (intensité couleur, voluminosité, amplitude du signal),

3. Une phase périphérique : image rétinienne et effet de « déjà vu » : le point apparaît sous son double et non comme un phénomène unique (notons qu’il ne s’agit pas ici de l’effet de jumelage entre les diodes, mentionné dans la phase 1),

4. Une phase constructive : ici c’est l’effet de la forme construite (reflets et descriptions angulaires, par exemple),

5. Une phase de rétention : sensation esthétique et représentation mentale de l’événement dans sa durée, (itinéraire de la perception).

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Figure 43

En ce qui concerne la phase franche, nous l’avons couplée avec la phase induite en les traduisant de la manière suivante : points de feutres noirs (emplacement des diodes) sur papier tampon. Comme nous les avons exprimées en appuyant la pointe des feutres plus ou moins fortement, plus ou moins longtemps sur le papier (en fonction du ressenti de l’intensité lumineuse), cela produit des points noirs de taille inégale et à contours flous irréguliers.

En ce qui concerne la phase périphérique, nous l’avons exprimée par des surfaces d’encre (nuancier du noir au gris) également à contours irréguliers.

En ce qui concerne la phase constructive, nous l’avons exprimée par des petites taches grises ou noires à l’encre diluée (notons que ces taches produisent des auras, mais qui s’arrêtent dans le temps, un peu comme les points/taches de la phase franche et de la phase induite). En ce qui concerne la phase de rétention nous l’avons exprimé par des huiles et graisses (qui continuent de s’étaler dans le temps, cf. papier tampon).

Nous pouvons constater une différence d’intensité des activités perceptives : le dessin 4 se loge aussi davantage dans les expressions de la phase périphérique. Notre position et la répartie des diodes justifient cette interprétation. En position 4 nous avons bien moins de diodes devant nous, que dans le dos (cf. maquette fig. 42). Nous constatons encore la migration des « motifs » (entourés de cercles noirs et dont nous avons signalé avec un R

rouge la migration d’une seule et unique unité), puis des effets angulaires (triangle dessin 3). Un détail va nous intéresser en particulier : la migration à l’intérieur même des « motifs » [fig.44, qui est à mettre en lien avec le dessin 4 en bas à droite de la fig. 43] :

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Figure 44

L’accumulation des points forme une sorte de « bulle temporelle » (cf. à l’intérieur du cercle), qui regroupe des actions de la phase franche, -induite et -constructive (on voit nettement des angles apparaître), mais, et cela est surprenant, il ne s’agit pas de plusieurs, mais d’une seule et unique diode, qui change de taille (notre perception changeante) et qui « migre » dans le temps. Nous appelons cet effet de migration l’effet de « Pendule de Foucault », car nous sommes bien devant un phénomène relativement stable (les diodes fixées, émettant certes de manière aléatoire, mais régulière), dont l’apparente trajectoire est due à l’instabilité de notre corps (les mouvements minuscules de notre axe, la trajectoire donc du corps vivant devant cet objet fixe).

Analysons ce panorama de près :

Nous sommes droitière. De ce fait, nous avons commencé à apposer notre premier point en haut et à droite du second quart du cercle (cf. flèche). Lors du second tour du « programme lumineux », ce point a glissé un peu plus bas — notre perception a conservé la même impression (le second point est presque de la même taille que le premier point). Il apparaît soudain un mini-double (aussitôt reporté comme double halo à taille inégale [fig. 45]), ce qui veut dire que a) nous n’avons peut-être plus vraiment fait attention à l’intensité, que b) nous avons bien identifié l’effet de halo à la même hauteur, mais pas à la même distance.

Figure 45

La trajectoire se termine sur deux points, moins forts, mais qui se stabilisent au niveau de la taille (cf. degré d’intensivité de la perception). Nous en déduisons que nous les repérons en tant que phénomènes présents, désormais invariables au niveau de l’intensité et de la distance, mais plus à la même hauteur. Revenons sur le phénomène de migration. Il n’est pas seulement de l’ordre de la perception même du signal, il se présente aussi sous forme de migrations des effets angulaires, ce qui est bien plus « spectaculaire ». Pour aider notre lecteur, nous les avons indiqués par des pointillés rouges [fig. 46] :

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Figure 46

Nous avons choisi de n’en montrer que trois, tandis qu’au moins trois autres apparaissent également. En observant les glissements vers le bas, nous constatons que l’angle se décale d’abord (en aval du mini-doublon), puis se transforme en « fausse croix ». Il y a donc : 1. glissement de l’angle modifiant d’abord sa taille, 2. glissement de l’angle modifiant son orientation en s’inversant, tout en restaurant ses proportions, ce qui entraîne en plus un dédoublement à partir d’un même axe. Ce qui veut dire que

! C’est un effet de la technique de la plongée, puis du corps vivant, parce que même si nous nous le calons, notre corps bouge encore (le dessin le prouve), ! Cela pourrait être un effet de confusion entre phase franche, phase induite et

phase construite. Nous constatons que sur le dessin 1, l’effet de l’angle est exprimé essentiellement par points noirs (intensité du signal), sur les dessins 2 et 3 (cf. [fig. 43]) il n’existe plus pour réapparaître sur le dessin 4 (cf. [fig. 43 et 46]) sous forme d’halo. En regardant le schéma de la répartie des diodes on constate que cela n’a rien d’étonnant, parce que nous sommes dans une position où la plupart des actions se passent dans notre dos,

! Cela pourrait être dû — et nous pensons que c’est l’explication la plus logique — à un bouger plus prononcé de notre corps vers la gauche, de sorte que nous percevions d’abord les effets alternatifs des angles gauche et droits de la pièce dans notre dos, puis un bouger complémentaire, qui, tout en restaurant presque les mêmes proportions de lignes, les a inversées. Ce bouger étant également la raison d’une réunion des deux angles de la pièce dans notre dos — et en ce qui concerne les trois angles supplémentaires, non marqués mais signalés un peu plus haut. Lesdits effets expriment ce qui se passe latéralement « au coin de l’œil », pour ainsi dire, chose à laquelle nous ne nous sommes pas consacrés de prime abord (car bien que nous souhaitions rendre ce qui restait de notre perception latérale et ou dorsale dans notre perception frontale (perception résiduelle), cela s’est avéré trop complexe à gérer en même temps et avec la même précision). Ceci dit, cela montre un déroulé perceptif naturel.

Nous en retenons :

1. L’errance des points est dû au bouger naturel du corps, puis au choix qu’il opère, ce choix étant, pour rappeler nos études de phénomènes sonores, un choix semi- volontaire, parce que nous sommes en relation avec la playing aura, à laquelle nous nous adaptons à la fois consciemment, inconsciemment, intuitivement, plastiquement.

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2. La technique de la plongée est une manière de cadrer la perspective instable.

3. La technique du tracer/projeter (qui ne revient pas sur les points) est une manière de stabiliser l’anima instable (c’est-à-dire le souffle, l’âme, et ce qui donne le mouvement à l’objet), parce qu’au lieu de nous soumettre à nos éventuels choix perceptifs (cf. notre démonstration des variétés de l’angle et des variétés d’intensités), nous cumulons l’œuvrer unique. Dans l’absolu des traits à l’intérieur de nos visualisations sonores — où nous représentons ni les points, ni les phénomènes fixes — ces cumuls se superposent sous forme de structures rythmiques et de réseaux où des dépôts de matière sont ponctuellement élevés (taches ou nœuds).

Ce travail convoque le « paradoxe de Schrödinger » [le « chat » 1935], les états d’excitation et de repos superposés et/ou mélangées, des rétroactions spatiotemporelles apparentes, les mondes parallèles [Hugh Everett] de la théorie quantique et autres modèles computationnels, mais là n’est pas notre propos. Nous continuerons donc à nous positionner en simple médiatrice des phénomènes œcuméniques et sensibles (« la terre est médiatisée par ses habitants » [Augustin Berque]).