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L’art de se glisser dans le monde 124!

Chapitre 3 : Modes d’exploration et d’observation du paysage 124!

3.1. L’art de se glisser dans le monde 124!

Notre affiliation aux « ambiances » et spécialement au champ d’étude du CRESSON, que Sabine Barles112 a récemment analysé comme « un questionnement de la ville dans l’environnement et de la ville comme environnement », une « interrogation de phénomènes immédiats, riverains — elle interprète d’ailleurs ce contact comme une observation des effets différés et distants, plutôt amniotiques, que bioniques » et comme « relevant plutôt du biotope que de la biocénose 113 » — mérite que nous nous positionnons.

Complétons d’abord ce regard quelque peu extérieur. Le compositeur, pianiste, concertiste, Henri Torgue, directeur de l’UMR 1563 CRS/MCC « ambiances architecturales et urbaines » de 2006 à 2014 et chercheur au CRESSON, insère le paysage dans une triade (« paysage », environnement », « milieu ») :

« Dans ce trio, le paysage désigne l’ensemble des phénomènes qui permettent une appréciation sensible, esthétique et toujours distanciée du monde ; il caractérise une perception affective, émotive ou contemplative114 ; […] l’environnement désigne l’ensemble des faits objectivables, mesurables et maîtrisables, c’est-à-dire la représentation que l’on se fait du monde dans une observation objectivante, analytique et gestionnaire115 ; […] le milieu désigne l’ensemble des relations fusionnelles, naturelles et vivantes qu’entretient un acteur social avec le monde ; il correspond à l’expression du monde à travers les pratiques, les usages ou les coutumes habitantes116 »,

Comme nous aimerions étendre sa définition à l’environment — ce terme anglais renvoyant à un procédé artistique, où l’œuvre interagit avec l’environnement, crée un environnement, ou encore, où l’environnement fait œuvre —, une petite incursion dans l’histoire de l’art environnemental s’impose. Elle permettra de nous situer à l’intérieur de notre propre champ de référence, de comprendre pourquoi nous jetons des ponts entre arts et sciences, d’expliquer le « comment » nous comptons mener ce dialogue, ainsi que de dégager les axes problématiques qui nous intéressent, pour définir notre contribution à la compréhension des ambiances.

Bien que le terme « environment » n’existe pas encore vraiment au tournant du XIXe siècle, le peintre et sculpteur futuriste italien Umberto Boccioni (1882-1916) en parle déjà en 1912, en définissant le terme comme sculpture susceptible de modifier l’atmosphère (cf. Manifeste technique de la sculpture futuriste). El Lissitzky, designer, photographe, typographe et architecte constructiviste russe (1890-1941) le définit comme un lien construit entre éléments architecturaux, plastiques et picturaux. Nous renvoyons ici aux Proun, (Berlin 1923), où il transforme la perspective illusionniste et la perception fixe, frontale et limitée de

111 GLISSANT Eduard, Pays rêvé, pays réel, suivi de Fastes et de Les Grands Chaos, Paris, Éditions Gallimard/Poésie, 2000, p. 386 112 BARLES Sabine, ingénieur en génie civil et urbanisme, professeur des universités, université Paris 1, Panthéon-Sorbonne 113 Son intervention sur l’évolution et la position du projet scientifique de l’UMR pour le programme pluriannuel 2015--

-2021, le 23 juin 2015, sous forme de restitution plénière, lors de l’Assemblée générale du AAU ambiances, architectures urbanités, unité mixte de recherche 1563 à Nantes du 22-24 juin 2015

114 Op.cit. TORGUE Henri, Le Musicien, le promeneur et l’urbaniste, La composition de l’espace imaginaire : création artistique, paroles habitantes, ambiances urbaines, p. 92

115 Ibid. p. 90 116 Ibid. p. 92

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l’espace d’exposition, par un environnement, qui inspire au spectateur une attitude dynamique de déambulation, plutôt qu’une contemplation passive. Nous pensons également aux Merzbau (1919-1933) de Kurt Schwitters (1887-1948). Portrait des étapes successives de la vie du peintre, sculpteur, poète dadaïste allemand, ces derniers se présentent sous forme de constructions accumulatives d’objets trouvés, qui remplissent huit pièces de sa maison de Hanovre. [Une autre version inachevée existe. Elle se trouve dans les environs d’Oslo en Suède]. Nous pensons ici encore aux « 1000 sacs de charbon » (1938) du peintre, plasticien et homme de lettres français Marcel Duchamp (1887-1955) — il s’agit d’une transformation d’une salle d’exposition en grotte insalubre — ainsi qu’à son œuvre « sixteen miles of string » (20km de ficelles) de 1942 — qui articule le « tissé » comme effet de retardement de l’accès à l’œuvre, comme image du rayonnement potentiel de celle-ci, comme partition tramée de l’espace. Ces idées influencent le néo-dadaïsme, le minimalisme, le landart, l’arte povera et l’art conceptuel. On parlera de « site specific art », de « site specific performance », « d’eco-vention » ou encore de « mémoire sous forme d’image et de sensation ». Dans A sedimentation of the mind, Earth Projects (Artforum 1968), Robert Smithson, un des artistes fondateurs du landart américain, commente le terme de la manière suivante :

« The earth’s surface and the figments of the mind have a way of desintegrating into discrete

regions of art. Various agents, both fictional and real, somehow trade places with each other – one cannot avoid muddly thinking when it comes to earth projects, or what I will call « abstract geology ». One’s mind and the earth are in a constant state of erosion, mental rivers wear away abstract banks, brain waves undermine cliffs of thought, ideas decompose into stones of unknowing, and conceptual crystallization break apart into deposits of gritty reason. Vast moving faculties occur in this geological miasma, and they move in the most physical way. This movement seems motionless, yet it crushes the landscape of logic under glacial reveries. This flowage makes one conscious of the turbidity of thinking. Slump, debris slides, avalanches all make place within the cracking limits of the brain. The entire body is pulled into the cerebral sediment, where particles and fragments make themselves known as solid consciousness. A bleached and fractured world surrounds the artist. To organize this mess of corrosion into patterns, grids, and subdivisions is an esthetic process that has scarcely been touched 117».

L’ubiquité, voire la dédifférenciation du paysage, du corps et de l’esprit pourrait désigner un « état modifié de conscience » [Anton Ehrenzweig]. Sigmund Freud nomme cet état le « sentiment océanique », tout en spécifiant qu’il n’est pas à l’origine du besoin religieux, mais plutôt une réponse aux sentiments de détresse infantile, qui se transforment plus tard en angoisse devant le destin. Comme nous-nous intéressons davantage aux « multi- sensorialités », au « comment » les phénomènes sensibles résonnent en nous, plutôt qu’aux impacts psychologiques, nous aimerions nous saisir de la conception non dualiste de Robert Smithson et particulièrement de ce qu’il appelle la « géologie abstraite » qui, tout en se sédimentant dans notre conscience, nous revient sous forme de patterns esthétiques. Aussi pensons-nous que le pattern n’est pas seulement d’ordre esthétique. Cristallisation de nos expériences personnelles (rapport à l’espace et à l’autre), il est ce qui structure nos identités, fonde nos motivations personnelles et professionnelles. Ces patterns distincts ou mélangés se logent à l’intérieur de nos techniques, influencent la manière dont nous les faisons évoluer. Comme nous habitons la même terre, nous sommes potentiellement en mesure de

117 SMITHSON Robert, The sedimentation of the mind: Earth Projects (Artforum, 1968), in The Collected Writings, University of California Press, Berkeley and Los Angeles, California, UCP, Ltd, London, England 1996, p. 100

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nous entendre et nous accorder au sujet de ces variations imaginatives. Or, comme il n’est pas toujours évident de comprendre les patterns de chacun, nous ne pouvons les appréhender de manière objective. La « non-objectivité » [Kasimir Malevitch], voire la « défrontiérisation » des sens et des significations peut être « un autre commencement ». C’est pour cela que nous proposons d’opérer par « kinésies croisées et bilingues », par « dédoublements culturels et disciplinaires », notions que nous avons déjà introduites dans notre préambule, puis directement expérimentées dans notre catalogue raisonné sous forme de grammaire à double entrée (cf. dialogue entre le vocabulaire des expérimentations constructives de Grégoire Chelkoff et nos propres qualifications plastiques).

Si nous nous intéressons à Robert Smithson, c’est aussi, parce qu’il :

! rassemble une génération d’artistes, qui se situent à la frontière des sciences et notamment des sciences de l’environnement et de la terre;

! pointe le rôle de l’artiste en tant que meneur d’expériences, ces expériences aboutissant à des « sensations » et non obligatoirement à des œuvres finies. Ce sont ces sensations et le processus qui deviennent art [cf. son commentaire sur « care ride » de Tony Smith : « This drive was a revealing experience. The road and much of the landscape was artificial, and yet it couldn’t be called a work of art. »; « He is talking about a sensation, not the finished work of art; this doesn’t imply that he is anti-art118 »];

! est impliqué comme bien d’autres de son époque dans une réflexion sur la linguistique du corps et de l’espace, (nous pensons à Allan Kaprow [assemblages, environnements, happenings], Gordon Matta Clark [an-architecture], Piero Manzoni [« pleine dimension »], Lawrence Weiner [displacements], Terry Atkinson et Michael Baldwin [air show, Art & Language], pour ne nommer que ces cinq exemples), réflexion qui résonne à la fois avec :

! Le concept de « systèmes sémiologiques seconds », que Roland Barthes utilise pour décrire les mécanismes de l’idéologie (Il s’agit de « systèmes de signes inscrits dans les images, les objets et les pratiques », « culturellement et historiquement contingents, mais néanmoins extrêmement forts »119) ;

! Les Écrits de Ludwig Wittgenstein sur l’idéalisation du langage [« Wittgenstein has shown us what can happen when language is « idealized », and that it is hopeless to try to fit language into some absolute logic, whereby everything objective can be tested. We have to fabricate our rules as we go along the avalanches of language and over the terraces of criticism »120];

! Les Écrits de Maurice Merleau-Ponty, notamment lorsqu’il décrit les limites des concepts philosophiques, pour rendre compte de l’expérience visuelle [L’œil et l’esprit];

! Les Écrits de Marshall MacLuhan [« le médium est le message », « le village global »]; enfin les Écrits de Guy Debord [« l’internationale situationniste », méthode « psycho-géographique »].

118 Op. cit. SMITHSON Robert, The sedimentation of the mind: Earth Projects, p. 104

119 HARRISON Charles, WOOD Paul, introduction de Roland Barthes (1915-1980) : Extraits de « le Mythe, Aujourd’hui » in HARRISON Charles, WOOD Paul, Une anthologie de l’Art en Théorie 1900-1990, Blackwell Publishers (Oxford) 1992 (version anglaise), Paris, Éditions Hazan, 1997, p. 757

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Mais si nous-nous intéressons précisément au texte A sedimentation of the mind, Earth Projects (Artforum 1968) de Robert Smithson, c’est parce qu’il nous permet de revenir sur notre catalogue et nos premiers raisonnements, de pointer à la fois les phénomènes sensibles qui nous intéressent spécifiquement et de dresser la liste des thèmes qui n’ont pas encore trouvé leur juste place dans nos grilles de lecture. Robert Smithson insiste par exemple sur l’expérience indifférenciée des méthodes (« […] undifferntiated or unbounded methods of procedure that break with the focused limits of rational technique121 ») comme remède contre :

! La différence entre l’expérience physique (il évoque ici le « temps géologique », le « non site », le de-architecturing et la wildness, qu’il associe d’ailleurs à la tradition anglaise d’aménagement des jardins [« Around 1720 the English invented the antiformal garden, as protest against the French formal garden 122 »]) et la révision cartographique [« There is different experience before the physical abyss than before the mapped revision »123];

! Le dogme du langage et ses ressorts éducationnels et historiques, qu’il dit en rupture avec la réalité vraie [disruption];

! « L’extension technologique (« l’anthropomorphisme de la machine » de Marshall MacLuhan).

Ainsi s’affirme clairement notre problématique par son rapport à la nature (la « terre », les « jardins », la « ville »); aux technologies et aux systèmes; à la culture du regard et au langage. Ainsi s’affirme également notre manière de conduire des projets de recherche. Mentionnons ici que les ambiances sont à l’origine à la fois de nos techniques exploratoires et de nos procédés du faire (processus de mutation du design). Nous rappelons l’originalité de notre corpus pratique, où nous multiplions les pratiques de restitution — du dessin à la performance, à la simulation, l’application; où nous diversifions les temporalités et les usages, les objets et sujets représentés. Mentionnons la manière dont nous approchons la pluridisciplinarité et le partage. En nous souvenant des patterns individuels et disciplinaires, nous plaidons en faveur d’une certaine indifférence méthodologique. Cela nous permet de produire des corpi inhabituels et des analyses à valeurs complémentaires (parallèles, synergiques, contradictoires). Notons que l’idée de « grammaire à double entrée » est une méthode récurrente (cf. confrontation des mesures exactes aux mesures relatives; multiplication des vérifications, partage de nos expériences avec d’autres artistes et d’autres sujets écoutants; dialogue entre attitudes sensibles et intellectuelles). L’on peut mentionner la manière dont nous traitons de la rupture [l’oubli de l’être habiter inaugural]. Nous pensons qu’elle tient à la fois de la distinction fonctionnelle et théorique des sens, de la dominance de l‘image et de ses systèmes de pensée, qui vont jusqu’à coloniser nos langages. Cela nous oblige à la fois de veiller à la libre circulation des idées, tout en évitant leur confusion. Nous prêtons ainsi à cette image une faculté synesthésique et cénesthésique124. C’est pour cela que nous tenons tant à la dédifférenciation.

121 Op. cit. SMITHSON Robert, The sedimentation of the mind: Earth Projects, p. 102 122 Ibid. p. 104

123 Ibid. p. 104 124 Cf. glossaire

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Écouter, c’est être tendu vers l’autre et l’autrement autre. Cet autre, autrement autre, devient guide, institue un parcours, dont nous ne connaissons pas encore l’itinéraire. Cela signifie que nous-nous trouvons devant des potentialités de sens qui, par conséquent, ne sont pas immédiatement accessibles125. Comparons cela à une promenade, qui nous livre un présent, c’est-à-dire un paysage potentiel, qui guide nos pas au grès de son déploiement, ce dernier étant lui aussi une potentialité : c’est parce que ce présent est inattendu et surprenant qu’il ouvre de nouvelles voies, perspectives et émotions. Cette logique de la promenade, pour faire allusion à la « promenadologie », est tout un art. Cet art profite justement de l’inconnu et par conséquent de la parfaite indifférenciation des sens et significations. Alors que nous sommes potentiellement capables de reconnaître et d’interpréter ce que nous avons déjà rencontré auparavant, il nous incite à revisiter, renouveler, nourrir ce savoir. Cela peut ébranler nos sensations, nos sentiments et nos connaissances. En cela, cet art est à la fois conscient et inconscient, volontaire et involontaire. C’est un art d’apprendre. Cet apprendre oscille entre un actuel présent en train de naître et de nous surprendre (pas encore intériorisé), un présent/passé/présent (pas complètement intériorisé) et un présent potentiel (combinatoire des deux précédents, dont une partie est de l’ordre du reconnaître, « mais pas sur de reconnaître » ou « reconnaître alors qu’il n’y a rien de commun » (différenciation) et l’autre partie un « ne pas reconnaître du tout », un accepter qu’aucune différentiation est possible. Placer la dédifférenciation au centre de notre propos semble périlleux, parce qu’elle est ce qui se soustrait à notre contrôle, l’imprévu. Ce dernier échappe à notre vigilance et risque de ne pas apparaître du tout. Or le péril est tout aussi relatif. Comme nous cherchons simultanément à sortir de la logique de l’apparaître et de trouver un autre commencement, ce non apparaître ne nous gêne guère. Ce décadrage nous apprend que c’est peut-être bien ce non prévoir, qui, parce qu’il libère de la place à un « être » potentiellement autre, parce qu’il est initiatique, restaure la rupture. « Le prévoir est l’illusion la plus grande. L’imprévisible est toujours certain. Cela ne veut pas dire qu’il faut être imprévoyant — et pourtant cela veut dire qu’il faut savoir commencer de telle manière que le commencement ménage l’imprévisible. Il y faut une réceptivité, une passivité dans laquelle un geste a lieu — et non la détermination d’une signification126. » Être réceptif, c’est : tendre vers, sans a priori. Ce « tendre vers » est une action. Être passif, c’est : ne pas bouger, laisser faire, lâcher prise. C’est encore une action, voire une véritable activité. Cela réclame à la fois de la disponibilité et de la vacuité. Comment est-ce possible de parvenir à la passivité en étant actif ? Voilà une question à laquelle nous chercherons à répondre. Nous renvoyons d’ores et déjà aux § 3.2.2. « Le corps antenne », § 3.2.3. « La mémoire plastique vive ».

Mais revenons à la dédifférenciation, à ce qu’elle a de plus contemporain, c’est-à-dire sa mutation en indifférence totale, effet tout à fait paradoxal parce qu’il relève à la fois du projet vertueux et de l’habitat solidaire, de l’isolement le plus complet de ses habitants, phénomènes qui coïncident avec la naissance de l’architecture moderne et qui se prolongent jusqu’à nos jours. C’est la gestion des mouvements (la plus ou moins libre circulation des corps et des pensées, la plus ou moins grande porosité entre les espaces), que nous identifions comme problématique. L’architecte sépare par exemple les habitations du

125 Nous paraphrasons ici NANCY Jean-Luc À l’écoute, Paris, Éditions Galilée 2002, cité in PETITOT, Jean-Yves, La méthode des itinéraires ou la mémoire ; Augustin Berque; Alessia De Biase,; Philippe Bonnin. Colloque Habiter dans sa poésie première, 1-8

septembre 2006, Cerisy-La-Salle. Paris, Éditions Donner Lieu, 16 pages, 2008 < hals-00380133 > p. 1 126 Ibid. p. 3

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circuler collectif afin de « […] concilier la vie communautaire et l’épanouissement individuel127 ». Or, comment prétendre à l’indicibilité de l’espace du corps et du paysage en aménageant, en même temps, des rues sans aucune fenêtre intermittente, où l’on ne fait finalement que passer ? L’intention vertueuse « […] d’accomplir le miracle de l’espace indicible » où « […] tout le monde puisse se mettre à l’air et au soleil128 » semble s’être perverti en un « effet de façade », (cf. notre simulation de la « façade » de la Cité radieuse de Briey, fiche N° 21). Les « unités d’observation » contemporaines héritent de ces différences entre intention et réalité physique. L’acuité du créateur d’ambiances les a identifiés dans nos paysages urbains. Ils y apparaissent sous forme de lieux de transit prolongé (grands centres commerciaux, aéroports, échangeurs, voies rapides, « autoroutes de l’information »). Utilisateurs excessifs de ces non site [Robert Smithson], de ces « non lieux », qui réunissent à la fois la déambulation rapide et la contractualité solitaire, nous assistons au changement de notre « habitus perceptif », c’est-à-dire à la perte de contact avec l’espace physique, phénoménologique et social. Cela accentue l’aliénation et le dépérissement individuel et collectif.

Comme nous cherchons à restaurer ces types de dysfonctionnements et de pertes de contact (ruptures), nous avons choisi de renouveler notre approche du paysage sur le plan de l’exploration et de la représentation. Nous avons choisi de réinsérer les individus dans le paysage. Nos propositions plastiques relèvent de cette intention. Nous les examinerons donc sous l’angle physique, phénoménologique et social, sous l’angle de l’œuvrer unique et de l’unicité de l’expérience. Nous avons finalement choisi de dévoiler la convolution entre corps et ambiances. C’est là que l’étude de la corrélation entre sons et phénomènes climatiques nous intéresse. Rappelons un instant que nos postures corporelles et d’écoute s’en inspirent (adaptations par inclinaisons). Rappelons encore que nos visualisations les traduisent par des présences et des absences; des plein et des vides (obstacles); des nuanciers ; des surfaces à textures plus ou moins transparentes, plus ou moins concentrées, dont les graduations montrent les changements d’intensités; des lignes ondulatoires, des spirales, des lignes déviées; des ordonnancements, qui ne suivent pas la même règle; des reliefs, des sillons, etc., qui montrent la déviation des mouvements et le report des sons. Nous en donnons lecture à l’intérieur de nos mesures (cf. nos grilles de lecture, profil du site) : La tranche des températures mesurées, ressenties varie entre 10°C et 32°C, ce qui nous place plutôt hors saison hivernale, à l’exception de la page 77 où nous mentionnons qu’ « il vient de neiger ». Notons une autre particularité : la mesure des écarts de température de l’eau (Fuseau de La Lioura, 17°C à l’intérieur 20° C à l’extérieur). Il est également beaucoup question de courants d’air et de turbulences, un peu moins d’humidité ambiante et de ressenti de sècheresse. Ces phénomènes se produisent, quel que soit le lieu, ouvert, fermé, naturel, semi-naturel, à condition qu’il y ait une atmosphère. Et pour preuve,