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Chercher des situations exemplaires 49!

1.2. Dessins d’écoute et autres visualisations sonores 47!

1.2.3. Chercher des situations exemplaires 49!

Comme nous cherchions des situations exemplaires, c’est-à-dire simultanément propices à l’émergence de ces gestes ambiants et de ce mélange, particulièrement aptes à l’exploration et à la représentation, notre première difficulté consistait en un choix parmi les « postes d’écoute» potentiels. Nos belsonères83 devaient comporter deux types de propriétés : ils devaient donner à entendre des abouts et enchâssements sonores multiples, et nous permettre de rester un moment sur place, de nous y tenir assise et/ou debout, afin de nous adapter à

80 GROUT Catherine, L’horizon du sujet, Bruxelles, Éditions La lettre volée, 2012, p. 33 81 Op.cit. INGOLD Tim, Une brève histoire des lignes, p. 227

82 Ibid. p. 228

83 En analogie avec le « belvédère », qui veut dire point de vue aménagé, belsonère veut dire poste d’écoute, panorama sonique. Nous empruntons ce terme à AMPHOUX Pascal.

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l’environnement présent dans de bonnes conditions (durée suffisante pour habiter, observer, reconnaître et représenter les phénomènes sensibles). Aussi devaient ils correspondre à notre projet esthétique, c’est-à-dire dégager un « profil » riche en nuances. Lorsque nous parlons de « profil», nous parlons à la fois de morphologie d’un territoire (implantation, relief), de typification et de clarté compositionnelle des effets (sonores, climatiques, forme construite), puis de qualité plastique des interactions sensibles. Grégoire Chelkoff nous aide ici à décrire ces belsonères sous l’angle architectural. Dans son catalogue des « expérimentations constructives »84, il décline différents types de situations. Il parle d’INCLUSIONS. Elles concernent « […] des situations d’emboîtement sonore n’impliquant pas de déplacement de l’auditeur, mais donnant conscience de différents contenants ». L’auditeur étant « statique au plan de la motricité », perçoit qu’il est « […] pris dans un volume sonore contenu dans un autre85 ». Il parle encore de situations LIMITES. Elles concernent « […] des situations phoniquement limitées, où un léger mouvement (de la tête ou du corps) fait sentir un changement, fait percevoir la situation limite86 ». Il parle finalement d’ARTICULATION. Elles concernent cette fois « […] des situations impliquant un déplacement du corps, la « traversée » ménageant des transitions entre milieux distincts87 ». Les transformations sonores dynamiques, ou la déformation continue en glissando, se font sentir par progression et projection, et produisent « […] la perception d’un changement qualitatif tel qu’on distingue deux ou plusieurs entités88 ».

Ces définitions d’archétypes spatiaux nous intéressent au plus haut point. Elles correspondent à nos propres repères. Nous les relions, tout comme lui, à des situations physiques réelles. En ce qui concerne les inclusions, nous pouvons nous sentir dans un environnement sonore [A] lorsque nous sommes dans [B], et sans nécessairement sentir l’inverse, c’est-à-dire [B] dans [A]. Nous pouvons encore sentir que [A] est dans [B], alors que nous nous trouvons dans [B], c’est-à-dire extérieur à [A]. Selon Grégoire Chelkoff, cette situation se renforce encore par un « voir sans entendre » ou « par des dynamiques sonores (métaboles, différences fréquentielles, différences propagatives entre deux milieux) ». Il précise par ailleurs que ce que nous appelons « extérieur » peut « créer de l’exclusion, par exemple dans le cadre d’isolements excessifs, de cloisonnements d’autrui : le sentiment d’appartenir à un tout sociétal ou spatial par le son est un des éléments clés de cette idée89 ». En ce qui concerne les situations limites, nous modifions, comme il l’annonce, le ressenti du milieu sonore par un léger mouvement du corps et de la tête pour revenir quasi instantanément à la situation première, sans que l’espace construit soit fondamentalement différencié. Or, il n’est pas si facile de revenir à la situation première, parce que si la forme construite — l’architecture en dur, c’est-à-dire une structure inerte — n’a peut-être pas changé, le milieu dans lequel nous ressentons les effets de cette forme construite, s’est davantage modifié. Nous ne parlons donc pas du passage d’un milieu à un autre, mais des changements sonores à l’intérieur d’un même milieu. Ces changements et leurs variations

84 CHELKOFF Grégoire, Prototypes sonores architecturaux, Méthodologie pour un catalogue raisonné et des expérimentations constructives, contrat de recherche financé par le Ministère de l’Équipement et des Transports, plan Urbanisme Construction Architecture,

Appel d’offres : « Construire avec les sons » Réponse Grégoire CHELKOFF & Philippe LIVENEAU, Grenoble, Éditions le CRESSON/ÉNSAG, Grenoble, décembre 2003

85 Ibid. p. 19 86 Ibid. p. 19 87 Ibid. p. 19 88 Ibid. p. 18 89 Ibid. p. 19

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sont ce qu’il y a de vivant. Utilisons des exemples pour mieux faire comprendre ce que nous voulons ici signifier. Observons, le vent qui fait bouger les feuilles et/ou qui fait flotter le linge en train de sécher (cf. notre documentation filmique « Courants d’air sur cour », CD en annexe). Observons les effets de l’air sur la fumée d’un feu. S’y créent des poussées et des turbulences, des placages au sol, des nappes stationnaires, des ascensions plus ou moins fulgurantes par pression atmosphérique. Observons le débit d’un cours d’eau, sa chute de température, son accélération, sa charge en débris qui augmentent après un orage. Ces changements peuvent se produire progressivement ou soudainement, par phases, par vagues et secousses. Elles peuvent s’installer un temps, produire des rythmes. Voilà des repères auxquels nous nous référons. Voilà des repères qui dépassent les effets de la seule forme construite. Ces repères peuvent d’ailleurs changer en fonction de nos choix esthétiques. Ainsi, ils peuvent nous intéresser en tant qu’ensemble compositionnel. Nous pouvons nous concentrer sur des détails particuliers, en « zoomant » par exemple sur des micro-effets à l’intérieur de ces phénomènes mêmes. Nous pouvons encore nous intéresser aux rayonnements vibratoires, à la manière dont ils animent plus ou moins finement le présent, la manière dont ils interviennent sur la texture de nos expériences, la manière dont nous les ressentons (transmissions sur une partie et/ou tout le corps par exemple). Nous pouvons aussi nous intéresser à l’hospitalité des lieux, à la présence de présences qui viennent d’ailleurs, parce qu’avant tout, les conditions climatiques nous ramènent aussi des espaces et des matières d’ailleurs. Nous pouvons les percevoir à l’intérieur de nos maisons. Bien que nos aménagements modernes relativisent, voire annulent souvent la porosité de l’espace à ces effets, nos corps ou nos vêtements continuent à les introduire dans nos habitations. Comme nos corps voyagent, ils emportent et transmettent tous ces effets. Nous n’avons qu’à le vérifier lorsqu’il a plu, neigé et que les usagers du métro parisien répandent ce climat dans les passages souterrains jusque dans les rames de train eux-mêmes : ça mouille les vêtements et les sols, ça sonne humide; l’effet ouaté des « buées » se voit, se sent et s’entend. Cela transporte par ailleurs les résidus climatiques ailleurs (« restes » de neige sur nos voitures par exemple). Les phénomènes climatiques ainsi transportés font événement à l’intérieur de nos ambiances, y compris extérieures, et les modifient sensiblement ou complètement. Nous avons qu’à le vérifier encore lorsque le ciel se charge du sable rouge saharien. Cela change non seulement la lumière ambiante, mais également la facture et la tonalité sonore de nos environnements. Et comme ce sable se dépose pour toujours dans nos paysages, il transforme leurs signatures.

Nous l’avons déjà dit, les peintures historiques dévoilent (conservent) par exemple des lumières qui n’existent plus à ces endroits. Mais ces peintures nous livrent bien plus que des ambiances lumineuses passées. Le son est véhiculé par des éthers, dont l’air fait partie. Nous savons reconnaître la qualité de l’air à travers sa luminosité (cieux plus ou moins transparents en fonction de la charge humide, de la pression atmosphérique) ; nous savons nous souvenir des effets climatiques sur les sons; nous savons lire le chaud et le froid, puis peut-être même les effets thermodynamiques. Si nous regardons les lumières peintes sous l’angle climatique, elles peuvent nous livrer des indices sur le plan de ces interactions sensibles. Encore s’agit-il d’aiguiser ce regard par des expériences sensibles concrètes. Revenons donc à notre pratique et à la manière dont nous analysons et mesurons les phénomènes lors de nos explorations. Lorsque nous observons par exemple la chaleur, cela

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n’est pas la température exacte que nous mesurons, mais bien son intensité, sa densité, son rayonnement, sa capacité à générer des présences toujours plus animés, toujours plus actuelles. Nous pensons par exemple à l’émanation thermique d’un mur fortement exposé au soleil, qui fait monter les sons le long d’une façade. Rappelons-nous qu’en période estivale, nous percevons bien mieux qu’en hiver, les sons de la rue monter au dernier étage de notre maison. Nous pensons encore à l’augmentation thermique se produisant à l’occasion de rassemblements de « foules ». Cette densification plus ou moins stationnaire crée des corporéités. Ces dernières fonctionnent un peu comme des « montgolfières » : les sons montent avec elles et se manifestent un peu plus haut, un peu plus loin, en fonction de l’organisation de la foule devant la forme construite environnante. Tout ce « […] registre des micro-perceptions chères à Leibniz », correspond à « […] celui des petites émissions, infimes souffles et influx minimaux de la rue issus des corps en mouvement90». Comme le rayonnement thermique produit non seulement des seuils de température, mais aussi des microclimats, qui se forment et se développent, nous pouvons momentanément percevoir leurs contours. Bien que ces derniers soient flottants, s’y dessinent clairement des densifications et des seuils de rupture.

Au lieu de réserver les situations limites, comme le font Grégoire Chelkoff et Jean-Paul Thibaud, aux seules « interactions verbales (limite d’intelligibilité) et aux modalités actives ou phatiques de relation à l’autrui91 », nous les ouvrons aux interactions climatiques, comme phénomènes modifiant et déformant momentanément un milieu. Nous l’avons vu, nous relions en plus tous ces phénomènes à une créature tempérée, un « corps tiers », une corporéité, qui profite conséquemment des substances subtiles distinctes de la matière organique, minérale et végétale, de la dynamique thermique et sonore, tout en fournissant et transmettant ces effets à nos corps, puis à l’espace. Or, comme nous ne pouvons lui attribuer une Gestalt définitive, à savoir une forme dont nous serions capables de reconnaître toutes les limites et toutes les extensions, nous-nous concentrons sur ce que nous pouvons percevoir ici et maintenant de ces phénomènes (gestes ambiants). En nous intéressant notamment à la co-axialité92 entre corps et effets climatiques, nous-nous inscrivons dans un type, voire un principe de mouvement. Nous considérons ce mouvement comme « chef de principe » d’une « architecture invisible », qui, tout en se formant, se mélange, se développe, puis nous échappe progressivement. Notre inscription dans ce mouvement dépasse et transcende la notion d’articulation évoquée par Grégoire Chelkoff. Alors qu’il associe cette dernière à la seule marche à pied, c’est-à-dire au mécanisme de la locomotion, nous élargissons ce concept en nous intéressant au mécanisme du flux et au mélange des effets. Illustrons là encore notre point de vue par trois exemples. Le premier concerne notre rapport à l’énergie thermique. Elle bouge et passe tout en formant des corporéités locales, qui se communiquent à notre corps. Ce contact thermique plus ou moins violent (soudaines vagues de chaleur, soudain refroidissement) se communique à notre peau, change notre température et crée une sensation qui est proche du passage d’un espace froid à un espace chaud, et même si nous restons parfaitement immobiles. Le second concerne l’écho. Il nous permet de transiter, sans nécessairement bouger. Le troisième finalement concerne la mémoire et les

90 Op.cit. Thibaud, Jean-Paul. La fabrique de la rue en marche : essai sur l’altération des ambiances urbaines, p. 5

91 Op.cit. CHELKOFF Grégoire, Prototypes sonores architecturaux, Méthodologie pour un catalogue raisonné et des expérimentations constructives, p.18

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rêves. Aussitôt exploré par la marche, l’espace est mémorisé. Il nous habite tout en se modifiant. Nous continuons à marcher, à nous projeter, à écouter, sentir, et ce sous forme de « rêve éveillé », et/ou de cauchemar. Et cela ne se présente pas seulement sous forme virtuelle : quand la mémoire est vive, il nous arrive de reconduire les mouvements. Ces derniers sont visibles : nous pensons ici aux rêves agités. Nous trions nos souvenirs, tout en remodelant les mouvements et les espaces vécus au travers le ratio et l’affect, puis réactivons ces sédimentations lors de nos nouvelles explorations. Cette opération est continue et foncièrement plastique. Tout nouvel espace en profite. Comme notre mémoire est capable d’apprendre et de mélanger activement, elle génère de nouveaux espaces, qui se superposent, s’hybrident avec les espaces actuels réels, même si nous ne bougeons pas du tout. Vue sous cet angle, la marche n’est plus seulement un marcher physique dans le réel, elle est aussi un marcher dans et par le vécu, dans et par notre imagination, notre créativité mémorielle. Elle est surtout un marcher confondu. Bien que nous ne soyons pas toujours conscients de ces interdépendances ou en mesure de les décrire, notre corps, les reconnaît, les actualise et les développe. C’est un savoir particulier. La richesse, puis la virtuosité de ce savoir va de paire avec notre apprentissage sensible. Ce dernier est plus ou moins spécialisé, plus ou moins sophistiqué. Il reflète nos environnements et nos immédiats. Grandir à la campagne n’est pas pareil que grandir dans les villes ; attendre le temps idéal pour récolter le raisin, ce n’est pas la même chose que de se munir d’un parapluie au cas où il pourrait pleuvoir. C’est la valeur constructive et non la valeur limitante de ce savoir que nous soulevons. Pour repérer cette valeur, par exemple auprès d’autres personnes que nous- mêmes, nous-nous servons de techniques d’interrogations et d’astuces scénaristiques précises. Voici quelques expériences qui en témoignent.

Prenons le cas d’un ouvrier dans une usine métallurgique. En l’interrogeant sur la dangerosité de son travail — il manœuvrait par exemple des laminoirs en fer rouge de plus de vingt mètres de long —, nous avons non seulement appris qu’il était particulièrement attentif au comportement imprévisible de la matière, mais qu’il se servait aussi de son écoute pour la maîtriser. Les bruits de dilation et de constriction lui permettaient d’évaluer le refroidissement progressif de l’acier. En insistant sur ce savoir, nous constations que son écoute était aussi requise à l’échelle de l’espace. Cette connaissance n’était pas purement fonctionnelle. L’homme s’est reconnu dans ce savoir. Il nous a finalement avoué sa fierté de générer des espaces sonores immenses et de jongler avec. (cf. notre enquête préalable à la réalisation d’Esch-sur-Alzette, une carte postale sonore, puis de l’exposition au CIGL ESCH, que nous avons réalisé en janvier 2006 à l’occasion du centenaire de la ville, où nous-nous sommes intéressés au patrimoine industriel émotionnel93).

Prenons encore le cas d’une jeune polonaise, étudiante en médicine, que nous avons questionné par rapport aux couleurs du son dans son quartier natal Nowa Hutta à Cracovie et qui nous a répondu — non sans étonnement — que ces sons étaient d’un gris précis. Chaque fois qu’elle voyait cette couleur, le souvenir de ces sons l’envahissait. Nous renvoyons ici à l’interview menée avec Anna Bobak en octobre 2008 lors de notre résidence d’artiste à l’ASP de Cracovie (cf. CD en annexe).

93 Lors de nos explorations sonores à Esch-sur-Alzette, nous avons discuté sur ce type d’inconsciences spatiales avec les ouvriers de l’usine Arcelor. L’échange sur le patrimoine émotionnel et sensible nous a également servi pour stimuler la mémoire sonore d’un contremaître mineur, qui nous a aidé à faire renaître les ambiances perdues d’une ancienne forge.

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Prenons finalement le cas d’un employé d’usine de chaussures à Bataville en Lorraine, figurant de notre film documentaire de fiction « Retour à Bataville » (mars 2009) sur cette urbanité dans les bois. Rabatteur/chasseur durant son temps libre, nous l’avons interrogé sur la « forêt » de cartons de chaussures qu’il traversait au quotidien pour trier les séries, afin de les expédier dans le monde entier. Il nous a spontanément livré un cri de chasse.

Pour appuyer l’expérimentation constructive sans évincer notre enjeu immédiat, à savoir les liens potentiels entre marche physique et virtuelle, nous aimerions évoquer trois autres exemples. Elles concernent un autre type d’apprentissage de la marche. Nous-nous appuierons ici sur ce que Jean-Paul Thibaud nomme le « bodily style », c’est-à-dire notre manière individuelle de bouger dans l’espace « […] we shall assume that each ambiance corresponds to a style of motility and that this style is shared by all the participants involved in the ambiance. In this case, the manner in which we move would be affected by the place in which movement occurs 94». Or, comme ces ambiances — notamment lorsqu’elles sont urbaines —, reflètent aussi le « bodily style » des concepteurs architectes, leur goût pour certaines proportions par exemple, nous-nous synchronisons avec ces derniers. Leur action peut plier notre propre « bodily style » aux leurs. Ces styles peuvent dominer, contraindre, surveiller voire neutraliser le nôtre. Ils peuvent influencer la chorégraphique de nos mouvements collectifs, un peu à la manière des films de Fritz Lang, (nous pensons ici par exemple à « Métropolis ») et cela jusque dans nos figurations spatiales mentales. Et ce sont paradoxalement les situations inclusives ou limitantes, qui permettent de vérifier ces effets. Nous renvoyons aux fiches 17, 20, 21 de notre catalogue raisonné. Nous y représentons nos écoutes d’une place publique, d’une église, d’un promontoire menant à un bâtiment d’une grande largeur et hauteur. Dans les trois cas, nous avons eu l’impression que l’ensemble de nos pratiques acquises (notre habitus de repérage et de représentation) se trouvait modifié par des « bodily style » autres que le nôtre. Ce dernier provoquait un effet dynamique, surtout quand nous ne bougions qu’à peine. Aussi, ces trois sites semblaient peu propices à l’étude graphique de l’écoute. Les dessins obtenus étaient linéaires, plus abstraits que d’habitude. Finalement nous avons compris, que leur acoustique était signée : le but était de contraindre [Aleja Róz (fiche 17) et Saint-Jean-de-Luz (fiche 20)] et/ou de sublimer la marche [Façade Le Corbusier (fiche 21)].

Comme nous-nous intéressons à la fois aux phénomènes sonores dans l’espace réel et au « comment » ces phénomènes progressent en nous, au « comment » elles perturbent, assistent, enrichissent notre imaginé sonore individuel ou collectif et/ou améliorent notre quotidien, nous considérons que les articulations, ainsi que les termes, que Grégoire Chelkoff leur réserve, tels que « glisser » et « projeter », puissent être utilisés pour décrire à la fois les transitions physiques réelles (espaces, corps, gestes), virtuelles et imaginatives. Notre exploration sensible est nécessairement ouverte à ces co-organisations, nos représentations sont liées à leur compréhension.

Pour qualifier le contact incandescent avec le vivant, nous dirions qu’il permet d’examiner les interactions entre les gestes corporels et ambiants. Le terme « geste » reflète notre intérêt pour le façonnage et de modelage. Nous soulignons donc les processus gestuels qui s’enclenchent, qui forment et déforment quelque chose, y compris des processus et des

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« formes » dont nous ne sommes pas l’auteure et/ou qui se produisent en dehors de notre contrôle. C’est pour cela que nous-nous laissons guider par la curiosité, et que nous prenons, dans le sens propre et figuré, la « température », à la fois des lieux, des choses et des êtres, la nôtre et celle des autres, celle des lieux et des milieux façonnés par l’homme ou la nature. C’est pour cela encore que nous adaptons nos méthodes d’exploration et de représentation. Au lieu de partir d’un concept précis, nous-nous intéressons à l’ici et maintenant de quelque chose de présent, de quelque chose en train de se faire, parfois malgré nous. Notre catalogue raisonné en rendra compte. S’y cumuleront suffisamment d’indices pour mieux comprendre ce que observons, le « où » et « comment » nous le faisons et à quel rythme, le « pourquoi » nous décidons de passer à la représentation, et à travers quels moyens. S’y cumuleront des