• Aucun résultat trouvé

Ainsi, le BM apparaît constituer une base conceptuelle adéquate pour analyser la mise en place d’activités de bouclage inspirées de l’économie circulaire dans des entreprises. A l’inverse, cette problématique, que nous formulons à ce stade du manuscrit comme « d’émergence de nouveaux BM au sein d’entreprises établies », constitue un axe de recherche jugé prometteur par le management stratégique. Ce phénomène et son étude demeurent cependant nouveaux (Boons et Lüdeke-Freund, 2012 ; Jonker et al., 2017 ; Lüdeke-Freund et al., 2017). Il convient de fait de s’interroger sur les spécificités de ces processus de création et de captation de valeur dans le contexte de schémas circulaires. Autrement dit, en quoi l’économie circulaire interroge-t-elle le concept de business model ? En réponse à ce questionnement, un concept a, comme nous l’avons déjà évoqué dans ce manuscrit, été introduit. Il s’agit des Business Models Circulaires (BMC) (FEM, 2012 ; Jonker et al., 2017 ; Rauter et al., 2017 ; Sempels, 2014).

Dans cette nouvelle sous-section, nous décrirons ce qu’on entend par BMC et exposerons certaines de leurs principales spécificités. Nous mettrons ainsi en avant que ces BM, qui visent à créer et capter une triple valeur économique, environnementale et sociale, doivent atteindre ces objectifs dans un contexte de ressources limitées, qui réintroduit le paradigme du fini, et de dépendance envers de collectifs d’acteurs de nature systémiques qui peuvent parfois être émergents ou à construire. Nous mettrons ensuite en évidence ce qui nous semble constituer à la fois le principal enjeu associé à ces BMC dans l’optique d’une transition vers une économie plus circulaire à un niveau macroéconomique et une importante aporie de la littérature. Cette dernière présente en effet une contradiction majeure : d’un côté, la performance économique de ces BM constitue un fait acquis pour la communauté et les acteurs non académiques, de sorte que les plus optimistes considèrent qu’ils se généraliseront à l’horizon de la décennie (« go mainstream ») (FEM, 2012). De l’autre, leur processus d’émergence et de transformation vers de progressives montée en puissance et pérennisation demeurent considérés comme des enjeux primordiaux, dans un contexte où ces BMC sont unanimement décrits comme fortement contraints par un ensemble de barrières dont la levée nécessiterait des changements systémiques (Tukker et Tischner, 2006).

Avant de conclure sur les éléments retenus pour la construction de notre cadre théorique, nous décrirons enfin les limites qui nous semblent empêcher la littérature d’apporter une réponse à la fois moins contradictoire et plus nuancée à ces questions de l’émergence, de la montée en puissance et de la pérennisation des BMC.

82

1.3.1. Un concept émergent aux contours encore flous

Une première question mérite d’être posée : qu’entend-on par Business Model Circulaire ? 1.3.1.1. Un concept et un champ académique en cours de structuration

La notion de business model circulaire (BMC) constitue tout d’abord un concept récent (Beulque et al., 2018 ; Jonker et al., 2017 ; Lüdeke-Freund et al., 2017). Ainsi, à titre d’exemple, l’expression « business models circulaires » n’aboutit qu’à 24 occurrences sur google scholar au moment de la rédaction de ce manuscrit. En 2014, date du début de ce travail de recherche, une seule occurrence était à mentionner (Adoue et al., 2014), contre 44 pour la formulation anglaise « circular business models ». En 2018, cette même formulation anglaise apparaît par contre déjà 696 fois.

Dans la littérature francophone, l’intérêt pour la notion concerne donc encore principalement la littérature grise, en provenance d’acteurs privés, institutionnels ou issus de la société civile (Adoue et al, 2014). Si l’économie circulaire est mentionnée comme un business model dès 2014 (Acosta et al., 2014), les premiers articles à ce sujet dans des revues classées datent ainsi seulement de fin 2017 et début 2018 (Beulque et al., 2018 ; Maillefert et Robert, 2017).

La littérature académique anglophone fait preuve d’un plus grand dynamisme. Un certain nombre de numéros spéciaux ont ainsi fait l’objet d’appel à communiquer ou été publiés depuis 2017, dans des revues telles la « California Management Review », « l’International Journal of Corporate Social Responsibility », le « Journal of Industrial Ecology », le « Journal of Cleaner Production » ou encore « Resources, Conservation and Recycling ».

Les business models circulaires y sont notamment étudiés comme faisant partie d’un ensemble plus large de Nouveaux Business Models (Jonker, 2014) ou de Sustainable Business models (Boons et Lüdeke-Freund, 2013). Une nouvelle communauté commence ainsi à se structurer à ce sujet autour de cette notion de New Business Models (Lüdeke-Freund et al., 2017) et d’institutions notamment néerlandaises (Université de Radboud, Université de Technologie de Delft), allemandes (Université d’Hambourg) et britanniques (Cambridge).

La littérature sur le sujet demeure cependant encore globalement éparpillée, avec une forte prégnance d’une littérature grise qui procède à un travail de vulgarisation académique et provient d’acteurs privés ou issus de la société civile (Adoue et al., 2014 ; FEM, 2012 ; Achterberg et al., 2016 ; etc.). De fait, si un processus de structuration apparaît indéniablement en cours, on peut encore au mieux considérer les business models circulaires comme un concept et un champ de recherche émergents (Jonker et al., 2017 ; Lüdeke-Freund et al., 2017).

83 1.3.1.2. Des définitions plurielles

Plusieurs définitions des business models circulaires ont été proposées. Une première catégorie, que l’on peut considérer comme conceptuelle, combine des éléments de définition des business models et de l’économie circulaire.

En opposition au modèle d’économie linéaire, certaines sont tout d’abord centrées sur la notion de boucles fermées de matériaux que promeut l’économie circulaire. Ainsi, Mentink (2014) les considère comme « la logique selon laquelle une organisation crée, délivre et capte de la valeur avec et au travers de boucles fermées de matériaux » (« a circular business model is the rationale of how an organization creates, delivers and captures value with and within closed material loops »).

Linder et Williander (2015) axent eux leur définition sur la notion de valeur. Les BMC constitueraient ainsi des BM dont la logique conceptuelle de création de valeur serait basée sur l’utilisation de la valeur économique que les produits gardent après leur utilisation pour la génération de nouvelles offres (« a business model in which the conceptual logic for value creation is based on utilizing the economic value retained in products after use in the production of new offerings »).

D’autres définitions conceptuelles tentent d’appréhender la diversité des activités qui sont généralement associées au concept intégrateur que constitue l’économie circulaire. Ainsi, Jonker et al. (2017) décrivent les BMC au travers de trois de leurs caractéristiques qu’ils jugent fondamentales. A l’image de ce que propose Mentink (2014), ces BM viseraient tout d’abord à « boucler les chaînes de valeur liées aux matières vierges ». En référence à l’économie de fonctionnalité, ils auraient également pour objectif le remplacement de la propriété des biens par une logique de services basée sur l’usage. Enfin, du fait des cascades d’usages évoqués par la Fondation Ellen McArthur (2012), ils promouvraient une utilisation plus intensive de la fonctionnalité de biens et de matériaux, qui connaîtraient différentes vies.

« The basis of thinking about BMCEs concerns leakage in a linear economy of raw materials via production, use, and waste » (Jonker et al., 2017).

Dans cette même optique d’appréhension plus large de ce qu’est l’économie circulaire, Bocken et al. (2016) proposent enfin de distinguer trois types de business models circulaires en se basant sur les travaux fondateurs de Stahel, McDonough et Braungart. Certains se fonderaient ainsi sur une logique de fermeture des flux de matières (« closing »), là où d’autres auraient pour ambition de ralentir la circulation des flux de matières dans l’économie par l’allongement de la vie des produits (« slowing »). Une dernière catégorie réduirait les quantités de matière utilisées dans les produits (« narrowing »).

84

Si la référence à la notion de boucle « fermée » apparaît commune à la plupart des définitions proposées, elle relève toutefois une certaine ambiguïté. De manière générale, elle fait ainsi référence à ce qui s’oppose à des schémas linéaires. On ferme alors un flux de matériaux en l’extrayant de la mise en décharge ou de la valorisation énergétique (Bocken et al., 2016 ; FEM, 2012 ; Jonker et al., 2017 ; Mentink, 2014). Cependant, la notion de boucle fermée peut également se distinguer de la « boucle ouverte ». Elle ne fait alors plus référence à l’extraction de flux linéaire. Par opposition avec une boucle fermée, qui l’aurait vu recyclé dans le même secteur d’activité ou produit, la boucle ouverte voit le déchet d’un produit donné être recyclé en une matière destination d’autres produits ou secteurs (Deloitte, 2015).

Dans ce manuscrit, nous associons ces définitions d’inspiration conceptuelle à une définition plus pragmatique (FEM, 2012). Nous considérons ainsi tout d’abord les business models circulaires, en tant qu’idéal-type (Baden-Fuller et Morgan, 2010), comme une typologie de BM fondés autour des activités constitutives de l’économie circulaire. Dans cette perspective, il existe une diversité de types de BMC, qui peuvent être fondés sur des activités de recyclage, de réemploi, de remanufacturing, de réparation, ou bien encore sur une logique d’économie de la fonctionnalité. Ils s’opposent à des BM linéaires, que nous pouvons définir de manière négative comme des BM n’étant pas basés sur des activités de bouclage. Au sein de chacun de ces divers BMC, les entreprises opèrent une pluralité de BM, considérés au sens de combinaisons données de « briques » ou composantes (Amit et Zott, 2010 ; Baden-Fuller et Mangematin, 2013 ; Casadesus-Masanell et Ricart, 2010 ; Desmarteau et Saives, 2008 ; Lecocq et al., 2006).

1.3.2. Les business models circulaires : bref état des lieux de leurs spécificités

Au-delà de cette première approche générale, une seconde question mérite d’être posée : quelles sont les spécificités de ces BMC ? Autrement formulé, comment l'économie circulaire interroge le concept de BM et les processus liés à leur émergence et à leur transformation ?

Nous montrerons que les déplacements induits sont multiples. Les éléments de réponse que nous apportons ne sont cependant pas exhaustifs. A l’inverse, ils sont centrés sur les seuls éléments dont la discussion nous est apparue cruciale au terme d’un processus itératif d’allers-retours entre la littérature et les problématiques opérationnelles majeures rencontrées sur notre terrain. Une fois de plus, ils ne proviennent pas uniquement de la littérature académique sur les BMC, qui demeure en effet un champ émergent.

85 1.3.2.1. Vers des créations de valeur multiples

En premier lieu et à l’inverse des approches classiques du management stratégique, la performance d'un BMC s'évaluerait à l'aune d'une valeur qui ne serait plus uniquement économique. Ils viseraient à l’inverse à créer des valeurs multiples (« multiple value creation ») qui seraient à la fois économique, environnementale et sociale (FEM, 2012 ; Jonker, 2014 ; Jonker et Stegeman, 2017 ; Jonker et al., 2017). Ce faisant, la littérature opère une transcription directe de la promesse réalisée par l’économie circulaire au niveau macroéconomique (FEM, 2012).

Cette idée est déjà ancienne, à l’image de la « triple bottom line » discutée depuis deux décennies par la littérature (Elkington, 1999 ; Yunus et al., 2010). Comme le met en évidence la littérature anglophone sur les Business models for sustainability, cette triple création de valeur n’est pas non plus spécifique aux BMC (Bocken et Short, 2016 ; Boons et Lüdeke-Freund, 2013 ; Acosta et al., 2014). Elle s’inscrit au contraire dans une tendance plus globale à visant à rendre compte d’autres types de performance que la seule création de valeur économique (Porter et Kramer, 2011).

« A business model for sustainability helps describing, analyzing, managing, and communicating (i) a company’s sustainable value proposition to its customers, and all other stakeholders, (ii) how it creates and delivers this value, (iii) and how it captures economic value while maintaining or regenerating natural, social, and economic capital beyond its organizational boundaries ». (Schaltegger et al., 2016)

Si la littérature adopte parfois une vision normative, qui conclue au fait que le pilotage de tels BM devrait se faire en fonction de ces trois valeurs (Lüdeke-Freund et al., 2017), elle reconnaît cependant qu’en pratique, les entreprises se focalisent en réalité souvent autour de la seule valeur économique (Bocken et al., 2014 ; Jonker et al., 2017).

La notion de création de multiples formes de valeur demeure toutefois encore floue, et constitue de fait une piste de recherche jugée intéressante par la communauté (Jonker et al., 2017). Certains chercheurs appellent ainsi notamment à développer une meilleure compréhension de la manière dont il est possible de mesurer les valeurs environnementale et sociale créées ainsi que les mécanismes par lesquelles ces dernières peuvent être captées par les entreprises (Bocken et al., 2016 ; Manninen et Aminoff, 2018 ; Schaltegger et al., 2016). Nous n’irons pas plus loin dans cette description. Comme nous avons commencé à l’expliquer, dans le contexte actuel où les réponses apportées à cette question cruciale apparaissent contradictoires, ce manuscrit se centre principalement sur la question de la capacité des BMC à générer et capter de la valeur économique.

86

1.3.2.2. Ressources naturelles : vers un retour du paradigme du fini

La notion de business model circulaire réintroduit également l’idée d’activités économiques devant prendre en compte le paradigme de la finitude des ressources naturelles. Ces ressources, qui sont à considérer comme un ensemble fini, seraient ainsi à réintégrer dans les réflexions sur l’émergence de BM et plus généralement sur les processus de création et de captation de valeur (Beulque et al., 2018 ; Bocken et al., 2016 ; FEM, 2012 ; Jonker, 2014).

Un déplacement est ici introduit par rapport aux visions traditionnelles du management stratégique. Les « ressources naturelles » ne sont en effet en général pas prises en compte dans la littérature sur les BM (Amit et Zott, 2010 ; Baden-Fuller et Mangematin, 2013 ; Chesbrough, 2010 ; Lecocq et al., 2006). Le terme de ressources y renvoie seulement à une des composantes du BM, qui est mobilisée par l’entreprise en vue de générer ses propositions de valeur. La notion renvoie alors à des ressources qui peuvent être physiques, telles les usines, les équipements de production ou encore les stocks, ou humaines, au travers de la diversité des employés de l’entreprise et les fonctions qui sont les leurs (Demil et Lecocq, 2010).

Or, de nombreux BMC sont liés à des produits existants ou à des déchets, qui n’existent qu’en quantités finies. A titre d’exemple, recyclage et réutilisation de composants ou produits dépendent ainsi d’un stock de déchets, qui est fini et nécessairement limité. La même logique s’applique aux BM fondés sur des activités de réemploi, de réparation ou de maintenance, ces dernières étant dépendantes d’un nombre fini et limité de produits existant sur lesquels portent leur proposition de valeur (FEM, 2012). Dans ce manuscrit, nous choisissons donc d’intégrer les ressources naturelles secondaires que constituent les déchets et les produits liés à ces BM circulaires à notre analyse en tant que ressources au sens de RCOV (Lecocq et al., 2006). Nous étudierons l’impact du paradigme du fini qu’ils réintroduisent sur les mécanismes de création et captation de valeur.

1.3.2.3. Dimension systémique des BMC et enjeux d’action collective

Le troisième déplacement majeur qu’introduisent les business models circulaires tient à la leur dimension systémique. Cependant, qu’entend-on par systémique ? Et en quoi ce caractère impacte-t- il les processus de création et de captation de valeur associés à l’émergence et à la transformation de ces BM ?

Ce paradigme systémique des BMC apparaît tout d’abord comme une adaptation au management stratégique d’un postulat méthodologique de base de l’économie circulaire et de l’écologie industrielle, à savoir l’analyse systémique des métabolismes industriels (Frosch et Gallopoulos, 1989 ; Buclet, 2015 ; FEM, 2012 ; Joustra et al., 2013). La pensée systémique est ainsi un des cinq principes constitutifs de la circularité selon la Fondation Ellen McArhtur (2012). Elle découle du principal modèle

87

dont elle s’inspire, à savoir les écosystèmes naturels. Ces derniers constituent en effet un ensemble dont chaque composant est important pour l'équilibre global, ce qui implique que toute démarche d’optimisation doit viser le système et non uniquement une de ses composantes.

« A major consequence of taking insights from living systems is the notion of optimising systems rather than components […]. The ability to understand how parts influence one another within a whole, and the relationship of the whole to the parts, is crucial ». (FEM, 2012)

Les BMC seraient ainsi plus hautement partenariaux que les BM classiques (Adoue et al., 2014 ; FEM, 2012 ; Fritz et Rauter, 2017 ; Jonker, 2016 ; Lüdeke-Freund et al., 2016). De fait, les processus de création de valeur et les sources de revenus des entreprises individuelles seraient plus interdépendants et impactés par les collectifs d’acteurs au sein desquels elles évoluent (Jonker et al., 2017). De même, la création de valeur serait à penser comme un acte et des processus d’action collective. C’est en effet un ensemble d’acteurs qui crée, en tant que collectif, les conditions collectives de création et captation de valeur individuelles.

« In a circular economy, value creation becomes an inter-organizational task between the parties that are involved ». (Jonker et al., 2017)

De nouvelles manières d’organiser et de structurer des collaborations seraient ainsi nécessaires afin de créer et maintenir de nouvelles chaînes et réseaux de valeur circulaires (Achterberg et al., 2016 Bicket et al., 2014 ; Jonker, 2012). A cet égard, Jonker et O’Riordan (2016) insistent sur le fait qu’au- delà de l’entreprise elle-même, le développement d’une « approche commune » en matière de création et captation de valeur est nécessaire et qu’il passe par l’organisation des relations entre organisations (« between organizations »). Au sein de ces collectifs d’acteurs, le partage de la valeur entre acteurs constituerait un enjeu clef (Jonker, 2016).

Chaînes et réseaux de valeur : clarification terminologique

A noter que contrairement à la définition qui en est donnée par Porter (1985), on entend ici par chaîne de valeur une succession linéaire d’activités qui peuvent être opérées par une ou plusieurs entreprises. Il ne s’agit donc pas uniquement de celles opérées par une entreprise donnée (Lecocq et al., 2006). Par réseau de valeur, on entend en se basant sur Allee (2000) une configuration plus complexe et moins linéaire d’activités, dont seulement certaines sont opérées par l’entreprise étudiée. Il ne s’agit donc pas du réseau de valeur externe de l’entreprise.

88

Ce nouveau contexte induit un déplacement par rapport aux approches classiques du management stratégique, dans la mesure où ces dernières sont centrées sur l’entreprise et la manière dont elle peut se positionner pour créer et capter de la valeur individuellement (Jonker et al., 2017). Il induit également des déplacements par rapport à l’essentiel de la littérature sur les BM. Le BM permet en effet d’articuler l’intérieur et l’extérieur de l’entreprise (Moyon, 2011 ; Desreumaux, 2014) en tenant notamment compte des consommateurs, partenaires, et fournisseurs de cette dernière (Baden-Fuller et Mangematin, 2013 ; Desmarteaux et Saives, 2008 ; Lecocq et al., 2006). En repoussant les frontières traditionnelles de l’entreprises, il resitue donc déjà les processus de création et de captation de valeur dans un cadre plus collectif, et aide à comprendre comment les réseaux et chaînes de valeur extérieurs à l’entreprise influent sur sa performance (Chesbrough et Rosenbloom, 2002).

Cependant, la plupart des études mobilisant cette notion de BM adoptent une perspective centrée sur l’entreprise (Oskam et al., 2013) et fixe comme finalité à son action la proposition de valeur faite à ses clients directs (Fritz et Rauter, 2017). Elles ne s’intéressent donc à l’inverse pas aux clients des clients des entreprises, et aux chaînes de valeur et marchés que ces ensembles de relations client-fournisseur constituent. Cette focalisation de la recherche académique sur les BM sur un nombre restreint d’acteurs extérieurs aux entreprises étudiées, au détriment de visions plus systémique qui les resitueraient dans le cadre collectif des chaînes et réseaux de valeur externes au sein desquels elles prennent place, ne constituent pas un hasard. Comme l’évoquent Jonker et al. (2017), les collaborations en chaîne d’entreprises restent en effet rares.

Dans ce manuscrit, nous entendons donc ce paradigme systémique comme la nécessité de resituer l’analyse de l’émergence et la transformation de nouveaux BMC, et plus largement des processus de création et de captation de valeur ayant lieu au niveau de l’entreprise et de ses domaines d’activités, dans un cadre collectif plus large. Au-delà des activités opérées par les entreprises étudiées, il inclut l’intégralité des maillons ou nœuds des chaînes et réseaux de valeur externes qui constituent l’environnement de l’entreprise et sont impliqués dans ses processus de création de valeur. Plus spécifiquement, il nous amène à un double parti pris. Tout d’abord, il s’agit d’étudier les impacts sur

Outline

Documents relatifs