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C HAPITRE 2 : METHODOLOGIE DE RECHERCHE

2. T ERRAIN ET PARCOURS DE RECHERCHE

2.1. L E CAS DE R ENAULT ET DE LA FIN DE VIE AUTOMOBILE : JUSTIFICATION DU TERRAIN RETENU

Comme nous l’avons mentionné, notre recherche-intervention a pris place au sein du constructeur Renault. Cette entreprise apparaît comme un terrain pertinent pour analyser les processus liés à l’émergence, à la montée en puissance et la pérennisation de business models circulaires, ainsi que les actions collectives mises en place à cet effet. Elle constitue en effet une entreprise établie et diversifiée qui opère un portefeuille de BM. Son business model traditionnel peut être qualifié de linéaire, alors que certains autres nouvellement mis en place sont de nature circulaire.

Créée à la toute fin de XIXème Siècle, Renault est une grande entreprise française spécialisée dans la

construction automobile. Elle génère un chiffre d’affaire qui oscille autour de 45 milliards d’euros en 2017, pour une production de plus de 3,5 millions de véhicules au niveau mondial. Au travers de participations croisées dans le capital des trois entreprises, elle fait partie de ce que la presse a coutume d’appeler l’Alliance Renault-Nissan-Mitsubishi, qui revendique la place de premier constructeur automobile mondial en nombre d’unités vendues. Suite à des vagues d’externalisations successives ayant eu cours depuis plusieurs décennies, l’entreprise a progressivement redéfini son périmètre d’activité traditionnel pour se concentrer sur un nombre réduit d’entre elles, au profit de ce qu’on appelle communément les « équipementiers ». Elle opère ainsi notamment des activités de conception, de production et de commercialisation de véhicules, que sa filiale bancaire RCI Bank encourage par le biais de financements accordés aux clients automobilistes du groupe. Au travers d’un réseau de plusieurs milliers de concessions et d’agents, qui sont respectivement sa propriété et des entreprises indépendantes liées au groupe par des contrats, sa direction commerciale exerce également des activités telles l’entretien et la réparation des véhicules, ou encore la vente de composants neufs à cet effet.

Si elle est une entreprise établie traditionnellement linéaire, Renault opère néanmoins un portefeuille de business models dont certains sont circulaires. L’entreprise est ainsi souvent citée parmi les acteurs innovants en la matière (Adoue et al., 2014 ; FEM, 2012). Combinés, ils généraient approximativement 500 millions d’euros de chiffre d’affaires en 20174. A travers la location des batteries des nouveaux

4 L’usine nouvelle, 2017. « Renault garde le cap sur l’économie circulaire ». Adresse internet :

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véhicules électriques qu’elle commercialise, l’entreprise s’inspire ainsi d’éléments d’économie de fonctionnalité. Toujours à titre d’exemple, le remanufacturing, qui consiste en la réparation et la remise à neuf d’organes mécaniques ayant subi une panne, est internalisé depuis 1949. Cette activité n’est toutefois pas à proprement parler innovante, puisqu’elle est pratiquée par l’ensemble des constructeurs et équipementiers automobiles depuis les années 1940 (FEM, 2012).

Depuis 2007, Renault a également choisi de développer ou d’intégrer de nouvelles activités en lien avec le recyclage et le réemploi et de les faire porter par des filiales environnementales. En tant qu’entreprise diversifiée, elle est ainsi devenue intéressée aux phénomènes d’émergence, de montée en puissance et de pérennisation de nouveaux BMC, et a dû entreprendre des actions collectives de large ampleur afin de structurer de nouvelles chaînes et réseaux de valeur. Ces éléments feront l’objet de développements plus complets dans la partie empirique de notre manuscrit.

Contentons-nous de souligner que s’il est en germe depuis plus longtemps, ce processus commence à se formaliser par l’intégration partielle de la société INDRA, réseau de 400 recycleurs automobiles, par le biais d’une Joint-Venture avec le gestionnaire de déchets Suez Environnement. Cette dernière est officialisée début 2008, et voit donc Renault opérer des activités de recyclage de Véhicules Hors d’Usage (VHU). A partir de 2011, l’entreprise décide également de développer de nouveaux BM fondés sur le recyclage de divers matériaux et le réemploi de composants automobile d’occasion en seconde main. Ce processus est piloté au travers d’un projet intitulé Icarre95, par réduction de la formule « Innovative CAR REcycling at 95% », et la gestion opérationnelle de ces BM est orientée vers une filiale autonome du Groupe nommée GAIA, qui est rattachée à son directeur du Plan Environnement. A noter qu’au cours de notre intervention, les interactions avec les managers de ces deux entreprises ont été facilitées par la proximité géographique. Le siège de GAIA était en effet localisé sur notre lieu même de travail, sur le site dit Technocentre localisé à Guyancourt dans les Yvelines, permettant ainsi des échanges quasi-quotidiens. Celui d’INDRA était accessible en une heure de route.

Au-delà de ce portefeuille de BM, Renault peut enfin être considéré comme une entreprise au fonctionnement plus circulaire que la moyenne du fait de son utilisation élevée de matières issues de déchets (FEM, 2012). En 2017, ces véhicules intègrent ainsi en moyenne 30% de matières recyclées tous matériaux confondus, ce taux s’élevant à 8,7% pour les seuls plastiques, dans une filière dont nous montrerons qu’elle est d’une maturité relativement limitée. Il peut atteindre jusqu’à 20% sur

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certains modèles. Avec 57.000 tonnes de plastique recyclé acheté, l’entreprise constitue ainsi un des importants utilisateurs de polymères recyclés en Europe5.

De manière plus générale, la fin de vie automobile constitue un terrain instructif pour aborder les problématiques traitées par ce manuscrit. En effet, en raison de la valeur du produit et d’un contexte réglementaire particulier, elle a fait l’objet d’actions managériales précoce au sein des entreprises et à un niveau plus collectif (Aggeri, 1998). Graduellement, à partir des années 60, cette action a fait apparaître ou évoluer le BM d’acteurs. Cette évolution de la fin de vie automobile a également entraîné la constitution progressive de nouvelles chaînes et réseaux de valeur en lien avec la réutilisation de composants d’occasion et le recyclage des plastiques, au fur et à mesure que de nouveaux BM étaient inventés à leurs différents maillons ou nœuds. De fait, des filières industrielles et des marchés de taille significative existent aujourd’hui en lien avec ces activités, et l’automobile bénéficie d’un degré de circularité supérieur à la moyenne (FEM, 2012). Selon les estimations de l'Ademe fin 2017, plus de 85% du poids des Véhicules Hors d’Usage (VHU) fait ainsi l’objet de recyclage et de réemploi depuis 2015, ce taux dépassant les 94% si l’on y ajoute la valorisation énergétique6.

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