Chapitre V. L’autophagie
V.4. L’autophagie et la thérapie photodynamique anticancéreuse
Aujourd’hui, le rôle exact de l’autophagie lors de traitements anticancéreux par PDT
reste incertain (223). En général dans le cadre de la PDT, l’autophagie est activée en réponse à
la production d’ERO qui endommagent les organelles (224). L’autophagie joue un rôle
concomitant à l’apoptose induite par la PDT mais son activité est dépendante du type cellulaire,
de la localisation du PS ainsi que de la quantité d’ERO produite. En effet, la localisation du PS
semble être un point clé du rôle de l’autophagie dans la PDT anticancéreuse du fait du faible
rayonnement des ERO produites. Il a été démontré que les PS localisés au niveau du RE ou la
mitochondrie induisent une autophagie inductrice de survie cellulaire par recyclage des
organites endommagés alors que les PS localisés au niveau des lysosomes ne permettent pas
l’induction du processus autophagique de fait du blocage de la fusion entre l’autophagosome et
le lysosome.
Lors des traitements par PDT, l’autophagie joue souvent un rôle de résistance à
l’apoptose. En effet, l’utilisation de la chlorophylline f comme PS induit l’apoptose et
l’autophagie dans des lignées de cancer de la vessie (225). Une inhibition de l’autophagie par
la 3-MA permet de potentialiser l’effet anticancéreux de la PDT.
Ludovic BRETIN | Thèse de doctorat | Université de Limoges | 2019 114 Licence CC BY-NC-ND 3.0
Ce phénomène de résistance induite par l’autophagie a été rapporté dans plusieurs études. C’est
le cas notamment lors de l’utilisation de l’aloé-émodine sur des cellules d’ostéosarcome humain
MG-63 dont l’effet anticancéreux est décuplé lors de l’utilisation d’inhibiteur de l’autophagie
comme la 3-MA ou la chloroquine (226). Il en est de même sur des cellules de CCR humain
SW620 traitées par la chlorine e6 (Ce6) où l’effet de la PDT est potentialisé par l’utilisation
d’inhibiteurs tels que la 3-MA ou la bafilomycine A1 (227). De plus, des PS comme la PpIX
sont capables d’augmenter l’expression des protéines de l’autophagie comme Atg3, Atg5, Atg7
et Atg12. L’inhibition de ces protéines par des inhibiteurs pharmacologiques ou par silencing
permet de décupler l’effet anticancéreux de la PpIX et de mettre en lumière le rôle protecteur
de l’autophagie vis-à-vis de l’apoptose (228). Il a également été démontré que certains PS
peuvent induire des photo-dommages sur de nombreuses protéines régulatrices de l'autophagie
sans pour autant inhiber la formation d’autophagosomes (229).
En revanche, il a été démontré que certains PS ciblant préférentiellement les lysosomes
pouvaient inhiber l’induction de l’autophagie. En effet, l’utilisation en PDT de la Npe6 et du
palladium WST11 permet d’induire des photo-dommages aux lysosomes inhibant ainsi le
processus autophagique (230). L’utilisation de la Npe6 en PDT n’inhibe pas la formation
d’autophagosomes mais, en absence de lysosome viable, les autophagosomes s’accumulent
dans la cellule et le processus autophagique ne peut pas être complété (231).
Dans le cadre de la PDT anticancéreuse, de par son rôle de résistance à l’apoptose,
l’autophagie semble être une cible de choix afin de décupler l’efficacité anticancéreuse des PS.
La combinaison de molécules pro-apoptotiques et anti-autophagiques associée aux bénéfices
de la PDT et des nanoparticules pourrait être une voie de recherche très intéressante pour le
développement des futures thérapies anticancéreuses.
Ludovic BRETIN | Thèse de doctorat | Université de Limoges | 2019 115 Licence CC BY-NC-ND 3.0
Ludovic BRETIN | Thèse de doctorat | Université de Limoges | 2019 116 Licence CC BY-NC-ND 3.0
Actuellement, le CCR est l’un des cancers les plus diagnostiqués dans le monde tous
sexes confondus et surtout le 2
èmecancer le plus mortel. Depuis la 2
èmemoitié du XX
èmesiècle,
la recherche a permis de développer des traitements plutôt très efficaces contre le CCR
notamment avec les chimiothérapies, les radiothérapies et les thérapies ciblées en complément
de la chirurgie. Cependant, malgré l’intérêt conséquent de ces traitements anticancéreux, de
nombreux effets secondaires subsistent chez les patients qui, de plus, développent depuis
quelques années de nombreuses résistances aux traitements conventionnels. Le développement
de nouvelles stratégies thérapeutiques anticancéreuses est donc nécessaire afin d’améliorer la
prise en charge de ces patients. Depuis maintenant plusieurs décennies, la thérapie laser pour le
traitement focal des cancers comme la PDT tente de se développer. Même si elle est autorisée
en clinique pour le traitement de certains cancers notamment pour les cancers dermatologiques,
en ce qui concerne le CCR, elle reste encore au stade d’innovation thérapeutique. La PDT se
présente comme une stratégie thérapeutique limitant fortement les effets secondaires
indésirables des traitements conventionnels par l’utilisation de PS non cytotoxiques en
l’absence de photoactivation. À l’inverse, une fois activés par la lumière, ils seront capables
d’induire des réactions chimiques oxydatives conduisant à la destruction de la tumeur. De plus,
la PDT par la diversité des PS, se présente également comme une nouvelle piste pour les
nombreux cas de récidive ou de résistance aux chimiothérapies actuelles. L’un des problèmes
majeurs des traitements conventionnels comme la chimiothérapie mais également de la PDT
est le mauvais ciblage des traitements envers les cellules tumorales. La nanomédecine, par
l’utilisation de nanoparticules, permet un ciblage préférentiel des sites tumoraux grâce à l’effet
EPR. De plus, la PDT utilisant des PS très hydrophobes, la biodistribution de ces derniers est
très compliquée dans les milieux physiologiques. La vectorisation des PS grâce à la
nanomédecine va permettre d’améliorer leur biodistribution. L’objectif de ce projet de thèse a
donc été d’étudier l’intérêt de la combinaison de la PDT avec la nanomédecine afin de mieux
traiter les CCR. Dans cette étude, le PS utilisé est la
5-(4-hydroxyphényl)-10,15,20-triphénylporphyrine (TPPOH). La TPPOH libre a ensuite été conjuguée avec le xylane afin de
limiter l’opsonisation hépatique formant la TPPOH-xylane (TPPOH-X). La TPPOH-X a
ensuite été greffée sur des nanoparticules de silice (SNPs) de 80 nm afin de former les
nanoparticules de silice recouvertes de la TPPOH-xylane (TPPOH-X SNPs).
Le but de ces travaux de recherche a été d’évaluer à la fois in vitro et in vivo l’effet de
ce nouveau PS nanovectorisé. Tout d’abord, l’objectif a été de déterminer l’efficacité
anticancéreuse par PDT avec la TPPOH libre et par combinaison PDT-nanomédecine avec les
TPPOH-X SNPs in vitro sur 3 lignées cellulaires de CCR humain. Ensuite, puisque la
nanomédecine permet d’améliorer la biodistribution des PS, la stratégie a été d’analyser si les
TPPOH-X SNPs possédaient une plus forte capacité à pénétrer dans les cellules par rapport à
la TPPOH libre. Par la suite, la démarche a été de comprendre par quel processus de mort
cellulaire les TPPOH-X SNPs entraînaient leur effet anticancéreux. Enfin et pour valider les
résultats obtenus, l’objectif a été d’étudier in vivo l’effet de la TPPOH libre et des TPPOH-X
SNPs sur le développement de tumeurs de CCR humain induites par xénogreffes sous-cutanées
sur des souris immunodéficientes. De plus, de par l’importance de la nanomédecine dans le
ciblage tumoral, une priorité finale a été de déterminer si les TPPOH-X SNPs se localisaient
préférentiellement au niveau tumoral par rapport à la TPPOH libre.
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Ludovic BRETIN | Thèse de doctorat | Université de Limoges | 2019 118 Licence CC BY-NC-ND 3.0