• Aucun résultat trouvé

Chapitre 2 : Pauvreté et piliers de bien-être chez les familles

2.2. L ES PILIERS DE BIEN ÊTRE

2.2.3. L’ AUTONOMIE PAR L ’ INSERTION OU LA PROTECTION ?

Le besoin de l’autonomie économique n’est pas contradictoire avec le recours au soutien extérieur provenant de l’État ou de la famille s’il s’inscrit dans un partage de responsabilités. En nous inspirant des travaux de Déchaux (1996), nous expliquerons comment ce soutien peut renforcer davantage l’autonomie des familles monoparentales.

Après le divorce, un chef de famille monoparentale a souvent besoin de services pour l’aider concrètement à retrouver sa position sociale ou, au moins, freiner la dégradation des conditions de son foyer. Ces services ne sont pas nécessairement monétaires, mais servent à améliorer les conditions matérielles des familles monoparentales. Ils permettent d’augmenter la capacité des chefs de ces ménages à assumer une double fonction de «caring» (s’occuper des enfants) et de «working» (occuper un travail rémunéré). Ces deux fonctions sont interdépendantes faisant en sorte que le soutien joue en même temps pour les deux types de fonction. Par exemple, une femme monoparentale qui a besoin d’un service de garde pour ses enfants bénéficie doublement de ce soutien tangible. D’abord, elle se libère partiellement de la fonction de «caring» ce qui lui permet en même temps d’assumer une autre fonction, celle de travailler («working») afin de subvenir aux besoins de la famille.

Le soutien par des services tangibles peut avoir pour finalité «l’insertion» ou la «protection» des chefs de famille monoparentale (Déchaux, 1996). Par solidarité d’insertion, il faut entendre le soutien qui permet de s’insérer dans l’environnement social comme aider une femme monoparentale à s’insérer en emploi. La solidarité de protection renvoie à toute aide qui protège son bénéficiaire contre les aléas de la vie comme, par exemple, héberger une femme monoparentale ou lui fournir une aide financière17.

Un soutien permettant essentiellement une insertion sociale par le travail va dans le sens d’aider à préserver une certaine autonomie économique alors que si le soutien est essentiellement protecteur, cela peut renforcer la dépendance vis-à-vis de la source de solidarité publique ou privée. À vrai dire, la situation diffère selon que la solidarité provienne de l’État ou de la famille. Selon Déchaux (1996), l’aide matérielle provenant de la famille «peut être soit plutôt protectrice ou plutôt insérante selon qu’il s’agisse de pallier une incapacité ou de permettre au bénéficiaire de se consacrer à d’autres rôles sociaux», (p. 42).

Chez les familles monoparentales, la prise en charge de la garde des enfants par la famille élargie semble avoir davantage un effet d’insertion que de protection, car ce service permet de se consacrer à d’autres rôles sociaux, dont le travail. Mais la dépendance vis-à-vis de la famille pour la garde des enfants peut être une source de précarité si ce service ne peut plus être rendu, pour cause de maladie de sa/son prestataire par exemple.

Au contraire, si ce soutien provient de l’État, les enjeux sont différents. Lorsque les garderies subventionnées sont disponibles, elles jouent pleinement une fonction d’insertion puisqu’une femme monoparentale peut compter sur ce service tout en étant assurée de ne pas dépendre d’une solidarité familiale «incertaine» ou instable. Cela ne veut pas dire qu’il faut faire abstraction de la solidarité familiale qui existera

17 Déchaux (1996) définit ces deux types de soutien par rapport aux solidarités familiales. En nous inspirant de cet auteur, nous avons élargi le contexte aux solidarités publiques.

toujours, mais se présentera souvent comme soutien complémentaire dans certains cas spécifiques comme celui de la garde des enfants.

Dans le contexte des solidarités privées, l’autonomie économique n’est pas garantie. Comme le mentionne encore Déchaux (1996), «on ne peut donc conclure qu’à des dominances selon la situation, si l’aide intervient dans un contexte ‘assuré’ (c'est-à- dire non précaire) et n’a pour effet que de faciliter la satisfaction de besoins donnés, sa fonction est plus insérante que protectrice, si à l’inverse, elle intervient dans un contexte fragile et incertain, elle relève alors plutôt de la protection (…). Le dosage protection-insertion des aides de la parenté est finalement corrélé à la position sociale puisqu’il découle largement de la situation du bénéficiaire», (p. 43).

Par contre, dans un contexte public, il est plus facile de distinguer le soutien matériel d’insertion et celui de protection. Par exemple, lorsque l’État adopte une politique de prise en charge par le biais des allocations, ceci peut avoir pour effet de créer un soutien de protection et une forte dépendance des chefs de famille monoparentale vis-à-vis de l’aide publique, ce qui pourrait remettre en question l’autonomie. Par contre, une combinaison des mesures de protection avec d’autres mesures d’insertion pourrait avoir des effets plus bénéfiques sur l’autonomie.

Le débat sur l’insertion ou la protection nous amène à aborder le troisième pilier qu’est le marché. Si l’autonomie s’inscrit dans un partage de responsabilités entre la famille et l’État dans un but de protection, elle dépend aussi de la capacité de ces deux piliers à favoriser une insertion au marché du travail. La question qui se pose est de savoir si cette insertion intervient dans un contexte «assuré» ou «précaire». Dépendamment du statut familial, les risques peuvent être différents.

2.3. LE BIEN-ÊTRE DES FAMILLES MONOPARENTALES

RÉSIDE-T-IL DANS LINSERTION EN EMPLOI?