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L’assainissement : le sacrifice des rus de Gally et de Marivel de Marivel

Conclusion de la deuxième partie

Partie 3. L’assainissement : le sacrifice des rus de Gally et de Marivel de Marivel

L’augmentation de la quantité d’eau disponible à Versailles a pour corollaire l’augmentation des rejets d’eaux usées. Cette partie étudie quelle gestion la ville de Versailles a eu de ces rejets et comment les rivières réceptacles de ces rejets ont été impactées.

Versailles se trouve sur trois bassins versants : du ru de Gally à l’ouest, faisant partie du bassin plus large de la Mauldre, du ru de Marivel à l’est et de la Bièvre au sud. Ces trois sous-bassins font partie du bassin principal de la Seine. Ainsi, toutes les eaux de Versailles finissent dans la Seine (Figure 29).

Figure 29 : Bassins versants formant le territoire de la ville de Versailles (© Meybeck, Baro et Dmitrieva, 2016).

Le bassin versant du ru de Gally sert à l’écoulement de la majeure partie des eaux usées de Versailles qui représentent jusqu’à 80 % des eaux du ru113. Le ru en lui-même est un

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petit ruisseau de faible débit qui prend sa source dans le Grand canal du parc de Versailles et coule ensuite sur 20 km environ pour se jeter dans la Mauldre, affluent de la rive gauche de la Seine. Le bassin versant du ru de Gally est de 115 km2 et abrite une vingtaine de communes. Servant de réceptacle principal aux eaux usées de l’agglomération versaillaise à partir de la construction du château au XVIIe siècle et jusqu’à la mise en place de la station d’épuration en 1951, ce cours d’eau n’est pas devenu un égout couvert.

Au contraire du ru de Gally, le ru de Marivel, dont le voûtement commence très tôt, dès 1857, n’est presque plus visible aujourd’hui. Son bassin versant de 27 km2 s’étendait sur le territoire de quatre communes vite urbanisées : Versailles (sa partie est), Viroflay, Chaville et Sèvres. Avec la « voirie »114 de Versailles à sa source et la Seine à son exutoire, ce petit cours d’eau de 9 km a succombé à la pollution. L’histoire de Marivel est liée à l’histoire de l’usine du traitement des vidanges de Versailles.

Au sud de la ville de Versailles, le bassin versant de la Bièvre héberge le camp militaire de Satory. L’histoire de la Bièvre, cours d’eau fortement industrialisé, a déjà fait l’objet de plusieurs études (Berthier, 2007 ; Kislykh Darienko, 2011 ; Delarge, Le Roux et Pizzorni-Itié, 2016). Elle sera mentionnée dans la présente recherche pour illustrer certains cas de pollution.

Selon l’approche d’histoire de l’environnement, que nous défendons dans ce travail, comprendre la qualité des eaux de ces rus nécessite d’étudier les pressions exercées sur eux par les rejets qui les alimentent : leur nature, leur provenance et leur quantité. On distingue généralement les rejets agricoles, industriels et urbains. Les rejets urbains se composent des eaux pluviales qui ruissellent et lavent les rues, des eaux domestiques ménagères et des produits des vidanges appelés aussi les eaux vannes. Les rejets industriels ont évolué dans le temps en fonction des types d’industries présentes. Les rejets agricoles n’ont pas été considérés comme un problème jusque dans les années 1980, au-delà de notre période d’étude. Ces différents types de rejets ont été gérés différemment au fil de l’histoire en fonction des contraintes géographiques locales, du développement démographique, urbain et industriel, et de la réglementation.

114 Nous utiliserons ce terme dans sa définition ancienne : « lieu où l'on portait les ordures, les immondices, les

L’agglomération versaillaise plus quelques villes plus ou moins importantes, comme Saint-Cyr-l’Ecole et le Chesnay, par leurs poids urbain et démographique, affectaient la qualité et la composition des eaux des petits rus locaux dès leur amont. Les communes moins urbanisées et davantage rurales et agricoles, en aval des rus de Gally et de Marivel, pouvaient tirer parti de la charge organique de ces eaux ou en souffrir les conséquences.

On se propose d’abord de comprendre sur la période de 1854 à 1900 le poids de la ville de Versailles (3.1) dans le changement de la qualité des eaux du ru de Gally en se penchant sur les rejets industriels et d’égouts urbains, sur les conséquences de ces pressions sur le ru de Gally et sur le ru de Marivel.

La deuxième partie présentera sur la même période, de 1854 à 1900, la réponse des communes de la vallée de Gally à l’altération de la qualité de l’eau du ru (3.2) par la création du syndicat des riverains et par l’usage des matières organiques en agriculture non sans provoquer les conflits d’intérêt.

La troisième partie met en lumière la rupture amont aval qui prend forme dans la première moitié du XXe siècle (3.3) dans le contexte de la population toujours croissante, des industries plus présente et des deux guerres mondiales. Le poids de la ville de Versailles, qui s’estime à la hauteur de l’hygiène, dans la pollution de Gally est mis en exergue par les analyses.

Dans la période de l’entre-deux guerres (3.4), le syndicat du ru de Gally montre les signes de faiblesse dans son fonctionnement, la pollution de l’eau s’aggravée, la réglementation existante est inapplicable au cas de la pollution du ru de Gally, les solutions à la pollution sont recherchée dans le cadre d’une commission départementale, le projet de la station d’épuration au Carré de Réunion voir le jour suite au travail de la commission, l’abandon du projet provoque l’association des communes aval qui entreprennent une action en justice et proposent d’autres projet de conservation des eaux du ru de Gally.

La cinquième partie consacrée à la réponse technique à la qualité dégradée de l’eau du ru de Gally (3.5) évoquera les difficultés et lenteurs de la mise en place de stations d’épuration au Carré de Réunion, la volonté de l’administration versaillaise pour la réalisation du tout-à-l’égout malgré parfois les freins procéduraux dus à la tutelle étatique pour finir par réfléchir sur les conséquences des réponses apportées sur la qualité des eaux du ru de Gally.

3.1. Le poids de l’amont, 1854-1900

3.1.1. Versailles sans industrie mais avec des blanchisseries

Les recherches sur la ville de Versailles s’accordent sur l’absence d’une industrie importante en insistant sur le fait que la commune s’est développée surtout grâce au commerce et à la villégiature (Damien, 1980 ; Vroelant, 1988 ; Hémery, 1999). Lévy-Vroelant caractérise Versailles comme « ville sans industrie, cherchant à attirer les visiteurs par son capital historique, et à les retenir par une certaine « qualité de la vie » » (Lévy-Vroelant, 1988, p. 639). Hémery, qui étudie la ville de Versailles entre 1850 et 1914, précise que « Versailles s’est développée sans industrie dans un siècle voué à l’industrie, ce qui contraste avec les autres villes qui se sont développées à la même période » et qu’en même temps « la municipalité lance de vastes programmes hygiénistes pour redonner à la ville un aspect plus attrayant et lui retrouver sa gloire d’antan » (Hémery, 1999, p. 18. et p. 108).

Les documents des archives départementales montrent que la ville possédait sur son territoire des industries traditionnelles, typiques des villes de sa taille et de sa posture, industries nécessaires à l’existence d’une ville et au confort de ses habitants (par exemple, des blanchisseries), mais, effectivement, pas de gros établissements industriels.

La gestion des industries françaises est issue du décret-loi du 15 octobre 1810 accompagné d’un tableau répartissant les activités en trois classes : 1ère classe regroupe les industries les plus dangereuses pour la santé publique qui doivent être éloignées des habitations, 2ème celles les moins polluantes, l’éloignement n’est pas rigoureusement nécessaire, mais la certitude doit être acquise que les opérations exécutées n’incommodent pas le voisinage ni leur causent des dommages, et 3ème celles, les plus inoffensives qui peuvent rester auprès des habitations mais sont soumises à la surveillance de la police. Dorénavant, les industriels devaient se prémunir des autorisations leur permettant d’exercer leur activité. Le sous-préfet, sur l’avis positif du maire, pouvait autoriser les établissements de troisième classe ; le préfet ceux de deuxième classe, le maire étant chargé de l’information de commodo

et incommodo (consultation du voisinage par enquête publique) ; enfin, seul le Conseil d’Etat,

dans sa fonction de conseil du ministre, se chargeait d’autoriser les établissements de la première classe. Les tribunaux civils pouvaient être saisis en vertu du Code civil qui protégeait la propriété et accordait des dédommagements financiers. En cas de contentieux, le