• Aucun résultat trouvé

1.3 Modélisation du retard de propagation troposphérique

1.3.2 L’approche standard

Les signaux provenant des différentes techniques spatiales sont reçus par un récepteur dans toutes les directions c’est-à-dire avec différents angles d’élévation et d’azimut. Chacun de ces signaux traversant une zone différente de l’atmosphère (contenant plus ou moins d’humidité, étant plus ou moins froide, etc.), aura un retard troposphérique propre. Ainsi, dans le cas général, le délai troposphérique est fonction du tempst, du lieu de l’observation représenté par ses coordonnées géodésiques i.e. la latitude géodésique ϕ, la longitudeλ et

la hauteur ellipsoïdale h, et de la direction de la mesure représentée par l’élévation ε et l’azimut α.

L=f(t, ϕ, λ, h, ε, α) (1.54)

Les retards troposphériques dans les traitements des mesures géodésiques peuvent être prise en compte de deux façons : par la prédiction ou l’estimation. L’estimation est le fait d’utiliser plusieurs mesures redondantes pour ajuster au sens des moindres carrées leurs retards troposphériques. La prédiction ou modélisation est le fait d’utiliser des observations et modèles externes aux mesures géodésiques pour modéliser de façon indépendante le retard troposphérique. Le but ultime de la modélisation est de fournir une estimation des retards de propagation pour chaque mesure complètement indépendante de celle-ci. Cependant, la modélisation du délai troposphérique par l’approche standard jugée trop imprécise pour atteindre la précision millimétrique sur les positions de stations, est pour le moment, majoritairement utilisée pour fournir un a priori pour l’estimation.

Dans l’idéal, il faudrait faire une estimation du retard troposphérique pour chaque mesure, démarche mathématiquement impossible à cause du manque de redondance de l’information. Pour pallier ce problème, les délais dans toutes les directions sont habi-tuellement reliés au délai dans la direction du zénith (ε= 90) par l’intermédiaire d’une

mapping function Ξ ou fonction de rabattement qui projette le délai zénithal ∆Lz dans la direction de la mesure. Ainsi, si on reprend l’équation (1.53) sans tenir compte du délai géométrique et du délai dû aux hydrométéores, on arrive à

L= ∆Lz(t, ϕ, λ, h, α)·Ξ (t, ϕ, λ, h, ε, α) (1.55) Avec cette décomposition, le délai zénithal peut être ajusté grâce à l’information contenue dans les mesures dans toutes les directions. Comme on l’a fait pour l’équation (1.53), cette équation peut être séparée en un terme hydrostatique et un terme non-hydrostatique, introduisant une mapping function et un délai zénithal pour chaque terme :

L = HL z }| {HLz(t, ϕ, λ, h)·ΞH(t, ϕ, λ, h, ε, α) (1.56) + ∆NLz(t, ϕ, λ, h)·ΞN(t, ϕ, λ, h, ε, α) | {z } NL

La séparation hydrostatique/non-hydrostatique permet une meilleure flexibilité. En effet, le terme non-hydrostatique dû à la vapeur d’eau est difficile à modéliser car l’humidité atmosphérique présente une grande variabilité spatiale et temporelle. Le terme hydrosta-tique quant à lui est plus stable spatialement et varie sur des périodes de quelques heures. Il est donc plus facilement modélisable. Ainsi, la stratégie standard actuelle consiste à estimer le délai non-hydrostatique zénithal et de prédire les autres termes : les deux map-ping functions et le délai zénithal hydrostatique. Le délai zénithal peut être estimé sous

forme de variable linéaire continue par morceaux toutes les heures voir toutes les 15 mi-nutes [Ahn et al. 2008], en utilisant un modèle stochastique approprié [Tralli et Lichten

1990, Jin et Wang 2010] ou en appliquant des contraintes temporelles sur des passages

de satellites [Willis et al. 2014]. Byun et Bar-Sever [2009] décrivent la manière avec la-quelle sont estimés les délais zénithaux à l’International GNSS Service (IGS). D’autre part, plusieurs groupes ont comparé les résultats d’estimation des délais troposphériques zénithaux obtenus par différentes techniques de géodésie spatiale [Bock et al. 2010, Teke

et al. 2011; 2013, Pollet et al. 2014].

La majorité des mapping functions supposent cependant que l’atmosphère est symé-trique, négligeant ainsi les variations horizontales de la réfractivité et donc la dépendance azimutale des délais troposphériques. Pour prendre en compte cette dépendance azimu-tale, un terme qu’on nommera Υ est ajouté [Petit et al. 2010].

L = ∆HLz(t, ϕ, λ, h)·ΞH(t, ϕ, λ, h, ε) (1.57) +∆NLz(t, ϕ, λ, h)·ΞN(t, ϕ, λ, h, ε) + Υ (t, ϕ, λ, h, ε, α)

Les modélisations les plus courantes des délais zénithaux, des mapping functions et de Υ seront présentées dans les paragraphes suivants.

Modélisation du délai zénithal

Le délai zénithal est défini comme le délai troposphérique dans la direction verticale i.e. un angle d’élévation de 90. Les délais zénithaux peuvent être modélisés à partir de différentes sources.

La première utilise des mesures faites au niveau du site indépendantes des mesures des techniques de géodésie spatiale. Ces mesures peuvent provenir de capteur de tempéra-ture, de pression d’humidité ou de radiomètres. Le délai hydrostatique zénithal peut être déterminé à partir de la pression au niveau du sol en utilisant le modèle de Saastamoinen

[Saastamoinen 1972] amélioré par Davis [1986]. Mendes [1998] a montré que la précision

de ce modèle est sub-millimétrique. Plus récemment, Bosser et al. [2007]ont proposé une nouvelle formulation permettant d’atteindre la précision de 0.1 mm. Mendes [1998] ré-sume plusieurs modèles a priori pour la modélisation du délai zénithal non-hydrostatique à partir de données in situ et montre que ces formulations, du fait de la grande variabilité spatiale et temporelle de la vapeur d’eau, ne sont pas précises à moins de 10 mm.

La deuxième source utilise des modèles météorologiques numériques (Numerical Wea-ther Model en anglais - NWM) fournissant des données de pression, température et humi-dité avec une certaine résolution temporelle (actuellement toutes les 3 ou 6 heures). Les délais zénithaux hydrostatique et non-hydrostatique peuvent être directement calculés à partir des NWM par la méthode de ray-tracing que nous détaillerons à la section 1.3.3. Cependant, afin de ne pas dépendre des données externes, des modèles empiriques de

pres-sion, température et humidité ont été développés à partir des NWM. Le plus connu est le modèle Global Pressure and Temperature (GPT)[Boehm et al. 2007]. Ce modèle est basé sur trois ans de valeurs moyennées mensuelles de pression, température et d’humidité du modèle ERA-40 du centre européen pour les prévisions météorologiques à moyen terme (CEPMMT - ECMWF en anglais) [Uppala et al. 2005]permettant de modéliser, en fonc-tion de la latitude, le terme annuel et semi-annuel de la pression et de la température au niveau de sol mais également de fournir une estimation du premier paramètre desVienna Mapping Functions 1 [Boehm et al. 2006b] hydrostatique et non-hydrostatique. Le délai zénithal hydrostatique peut alors être obtenu à partir des sorties de GPT en utilisant la formule de Saastamoinen.Lagler et al. [2013]proposent une amélioration du modèle GPT nommé GPT2 basée sur 10 ans de valeurs moyennées mensuelles de pression, température et humidité fournies par le modèle ERA-INTERIM de l’ECMWF [Dee et al. 2011]. Ce modèle produit en plus des paramètres fournis par GPT, une estimation de la pression de vapeur d’eau au niveau du sol.

Les mapping functions

Marini [1972] a montré que la dépendance en élévation du délai troposphérique dans

une atmosphère supposée symétrique peut être décrite par une fraction généralisée en sinε.

Herring [1992] a repris cette formulation, l’a tronquée à la troisième fraction successive et

améliorée pour qu’elle soit unitaire au zénith : Ξ = 1 + a 1+1+bc sinε+ a sinε+sinbε+c (1.58)

La majorité des mapping functions modernes se basent sur cette formulation. Ainsi, les

mapping functions hydrostatique et et non-hydrostatique de l’équation (1.57) peuvent être écrites : ΞH = 1 + aH 1+1+bH cH sinε+ aH sinε+sinbHε+ cH et ΞN = 1 + aN 1+1+bN cN sinε+ aN sinε+sinbNε+ cN (1.59)

aH/N,bH/N,cH/N sont des coefficients inconnus représentant l’état de l’atmosphère. Ils dépendent donc du temps et de la localisation du site. Ces coefficients sont habituellement déterminés grâce à un modèle standard d’atmosphère ou aux NWM, par exemple, en effectuant un ray-tracing à toutes les élévations puis en estimant ces coefficients au sens des moindres carrés.

LaVienna Mapping Function 1 (VMF1)[Boehm et al. 2006b] est actuellement consi-dérée comme la mapping function la plus précise et est recommandée par l’International Earth Rotation and Reference Systems Service (IERS) [Petit et al. 2010]. La détermina-tion des coefficientsaH/N,bH/N etcH/N est basée sur leray-tracing(cf section1.3.3) à 3,3 d’élévation au travers des analyses opérationnelles de l’ECMWF. Les coefficients bH/N et

cH/N ont été déterminés une fois pour toutes à partir des profils moyens mensuels de ces analyses sur une année. Le coefficient b est considéré constant alors que le coefficient c est représenté par une sinusoïde fonction de la date et de la localisation du site. Les coefficientsaH/N sont déterminés à chaque époque en calculant les rais à 90 et 3,3 d’élé-vation par ray-tracing, puis en inversant l’expression de Marini. Les coefficients des aH/N pour les mapping functions hydrostatique et non-hydrostatique, sont fournis à l’adresse

http://ggosatm.hg.tuwien.ac.at/DELAY/ depuis 1994 aux principales stations de ré-férence géodésiques et sur une grille globale de 2,5×2 toutes les 6 heures, intervalle de temps correspondant aux analyses opérationnelles de l’ECMWF.

LaGlobal Mapping Function(GMF)[Boehm et al. 2006a]a été développée pour ne pas nécessiter d’entrées externes tout en restant compatible avec la VMF1. C’est une fonction empirique dépendant uniquement de la position de la station et du jour de l’année. L’idée est de modéliser les paramètres aH et aN en se basant sur 3 ans de données du modèle ERA-40. Il est utile de noter que la VMF1 peut également être aussi utilisée sans entrées externes en se basant sur les coefficients aH/N fournis par les modèles empiriques GPT ou GPT2.

Prise en compte de la dépendance azimutale

Actuellement, la dépendance azimutale des délais troposphériques est introduite sous forme d’inconnues dépendant du site, estimées à partir des mesures géodésiques comme l’est fait le délai zénithal non-hydrostatique. Davis et al. [1993]ont développé une expres-sion basée sur le développement de Taylor de la réfractivité atmosphérique au premier ordre et négligeant la courbure de l’onde. L’expression générale de cette modélisation, appelée gradients linéaires horizontaux (Linear Horizontal Gradients en anglais - LHG) est :

Υ (t, ϕ, λ, h, ε, α) = ΞG(t, ϕ, λ, h, ε)·(GNcosα+GEsinα) (1.60)

[Petit et al. 2010], où ΞG est lamapping function des gradients utilisée pour modéliser la

dépendance en élévation de l’effet de l’asymétrie de l’atmosphère, GN et GE sont deux paramètres représentant la dépendance azimutale, proche du zénith, dans la direction nord-sud et est-ouest connus sous le nom de gradients troposphériques. Ces deux termes s’expriment en unité de distance comme les délais troposphériques. Pour l’expression de la mapping function des gradients, MacMillan [1995] propose :

ΞG(t, ϕ, λ, h, ε) = ΞH/N (t, ϕ, λ, h, ε)·cotε (1.61) Bien queMacMillan [1995]ait proposé cette équation avec lamapping function hydrosta-tique, maintenant, dans la plupart des cas, c’est la mapping function non-hydrostatique

qui est utilisée. Chen et Herring [1997] proposent une autre expression de ΞG basée sur une fraction généralisée en sinεtanε tronquée au premier terme :

ΞG(t, ϕ, λ, h, ε) = 1

sinεtanε+C (1.62)

C est une constante estimée égale à 0.0032 pour les gradients du délai total (hydro-statique + non-hydro(hydro-statique) [Herring 1992]. Actuellement, l’IERS suggère d’utiliser les modèles de LHG mais ne définit pas quelle est l’expression de ΞG qui doit être utilisée.

Seko et al. [2004] proposent une extension du modèle des LHG au deuxième ordre

introduisant trois constantes supplémentaires qui permettent de modéliser les variations azimutales des délais troposphériques dans les directions secondaires. Bien queSeko et al.

[2004] aient montré que la formulation au second ordre améliore le positionnement par

rapport aux LHG, cette approche est peu utilisée car elle ajoute trois paramètres à estimer par stations, ce qui ralentit considérablement le processus d’estimation.