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3 Établir ce potentiel

3.2 L'approche par l'information géographique

Un potentiel d'écologie industrielle tel que défini doit apporter des réponses d'ordre géographique à l'appréhension des territoires. Les questions posées concernent la matérialité d'objets géographiques et les évolutions de l'écologie industrielle dans le domaine mettent en avant cette nécessaire prise en compte de la dimension spatiale. Cette prise en compte se traduit par une intégration de la cartographie au sein de l'outillage des démarches puis par des utilisations plus performantes de systèmes d'information géographiques (SIG).

Dans l'outillage informatique dédié aux démarches d'écologie industrielle, la prise en compte géographique fut dans un premier temps limitée à la considération de la distance entre les acteurs d'une démarche, destinée principalement à filtrer des synergies potentielles en fonction d'un périmètre de mise en œuvre technique.

Figure 19: PRESTEO, synergie de mutualisation air comprimé, source: auteur

Dans la figure 19, les synergies de mutualisation calculées par PRESTEO, un des premiers outils du domaine, concernent l'air comprimé dont la distance de « transport » est limitée. La distance constitue alors une bonne indication de la faisabilité.

Les rendus cartographiques ont ensuite été intégrés, en premier lieu lors du projet COMETHE par le cabinet Auxilia qui utilisa le SIG MANIFOLD pour permettre une visualisation simple des synergies dans la démarche Ecopal, puis par Guillaume Massard qui, au cours de sa thèse, développa un clone de PRESTEO en y joignant une interface géographique plus complète.

Figure 20:Manifold/PRESTEO: Rendu cartographique des synergies, source : voir texte

L'outil Auxilia permet de considérer sur un fond cartographique les synergies détectées. L'outil SYMBIOGIS permet lui de considérer un nombre de thématiques plus important.

Figure 21: Rendu cartographique de SYMBIOGIS, source [MASSARD, 2011]

Si cet aspect cartographique s'est généralisé dans les outils, l'utilisation de systèmes d'informations géographies permettant d'aller au delà de la visualisation reste marginale. Une première réalisation dédiée à l'écologie industrielle et l'évaluation environnementale et financière [GEORGEAULT, 2013] dépassant les seuls aspects cartographiques a été produite dans le cadre du projet ECOTECH SUDOE.

Figure 22: ECOTECH SUDOE, interface de définition du besoin, source: auteur

Elle permet, via une interface cartographique, de dessiner l'emprise de bâtiments nécessitant une protection incendie complémentaire. Elle restitue par la suite les zones où les « réserves incendie » peuvent être implantées, mutualisées, et calcule pour chaque scénario (mutualisées ou non) les impacts environnementaux et financiers. Les détails concernant ce projet sont explicités dans le chapitre 4.

Au delà de l'intégration dans les démarches territoriales d'écologie industrielle, de nombreuses réalisations s'appuyant sur des outils géographiques ont été faites.

Dans un domaine proche, l'écologie territoriale, le logiciel AMSTRAM, qui concerne les métabolismes et les aires d'approvisionnements, est un très bon exemple de réalisation de rendu cartographique.

Figure 23: Interfaces du logiciel Amstram, source : [BILLEN, 2008]

Il permet de visualiser les aires d'approvisionnement en marchandises d'un territoire donné et établit un classement des principaux contributeurs à cet approvisionnement. Des objets géographiques peuvent aussi être considérés, tels les bâtiments (avec leur implantation, hauteur, surface au sol, destination), les réseaux (routiers, ferroviaires, électriques...), les cours d'eau, pâturages, forêts, participant à la caractérisation des

propriétés physiques ou fonctionnelles du territoire. L'ensemble de ces informations est rassemblé (ou rassemblable) dans des bases de données ajoutant donc une dimension spatiale et géographique de plus en plus sollicitée et mise en œuvre. L'usage de ces objets permet de répondre à des questions très précises et demande à la fois une technicité particulière dans le maniement des outils dédiés en plus d'une bonne appréhension des concepts en jeu. Par exemple, dans le domaine de l'évaluation des stocks de matériaux de construction dans le bâti, le projet ASURET dirigé par le BRGM utilise massivement des objets géographiques et des informations de la base de données topographique de l'IGN (Bd Topo) pour calculer des surfaces de plancher et en déduire des stocks de matière. Sur un périmètre géographique défini, la modélisation des objets « bâtiments » permet de définir une estimation de la surface de plancher qui sert de base au calcul des matériaux stockés.

Le développement de l'information géographique autorise maintenant l'observation d'objets susceptibles de faire avancer la problématique. Deux bases permettent à priori de s'intéresser à l'activité industrielle au travers de l'information géographique : Corine Land Cover et la BD Topo de l'IGN. En vue de l'établissement du potentiel d'écologie industrielle, ces deux bases de données ont été évaluées.

La base Corine Land Cover

La base Corine Land Cover [CGDD, 2009] est un projet de l'Agence Européenne de l'Environnement (http://www.eea.europa.eu) qui caractérise l'occupation biophysique des sols. Pour la France, ce travail est effectué par photointerprétation humaine par le Service de l’Observation et des Statistiques (SOeS) du Commissariat Général au Développement Durable (CGDD) du ministère de l'Écologie. Une première version datant de 2000 et une mise à jour en 2006 permettent de suivre les évolutions de l'occupation des sols selon une nomenclature partagée par l'ensemble de l'Union Européenne (hors DOM TOM).

Tableau 7: Nomenclature Corine Land Cover

1 Territoires artificialisés 11 Zones urbanisées 111 Tissu urbain continu 112 Tissu urbain discontinu 12 Zones industrielles ou commerciales et réseaux de communication 121 Zones industrielles ou commerciales 122 Réseaux routier et ferroviaire et espaces associés 123 Zones portuaires 124 Aéroports

13 Mines, décharges et chantiers 131 Extraction de matériaux 132 Décharges

133 Chantiers

14 Espaces verts artificialisés, non agricoles

141 Espaces verts urbains 142 Equipements sportifs et de loisirs

2 Territoires agricoles 21 Terres arables 211 Terres arables hors périmètres d'irrigation 212 Périmètres irrigués en permanence 213 Rizières 22 Cultures permanentes 221 Vignobles

222 Vergers et petits fruits 223 Oliveraies

23 Prairies 231 Prairies

24 Zones agricoles hétérogènes 241 Cultures annuelles associées aux cultures permanentes

242 Systèmes culturaux et parcellaires complexes

243 Surfaces essentiellement agricoles, interrompues par des espaces

244 Territoires agroforestiers

3 Forêts et milieux semi-naturels 31 Forêts

311 Forêts de feuillus 312 Forêts de conifères 313 Forêts mélangées 32 Milieux à végétation arbustive et/ou herbacée 321 Pelouses et pâturages naturels 322 Landes et broussailles 323 Végétation sclérophylle 324 Forêts et végétation arbustive en mutation 33 Espaces ouverts, sans ou avec peu de végétation 331 Plages, dunes et sables 332 Roches nues 333 Végétation clairsemée 334 Zones incendiées 335 Glaciers et neiges éternelles 4 Zones Humides

41 Zones humides intérieures 411 Marais intérieurs 412 Tourbières

42 Zones humides maritimes 421 Marais maritimes 422 Marais salants 423 Zones intertidales

5 Surfaces en eau 51 Eaux continentales 511 Cours et voies d'eau 512 Plans d'eau

52 Eaux maritimes 521 Lagunes littorales 522 Estuaires

523 Mers et océans

De cette nomenclature, sur trois niveaux, une composante « 12 Zones industrielles ou commerciales et réseaux de communication » permet déjà de qualifier une géographie pour la détection a priori de l'activité industrielle. La composante « 121 Zones industrielles ou commerciales » est encore plus précise et l'hypothèse est émise qu'elle permet de refléter, même indirectement la matérialité de la zone qu'elle qualifie : afin de déterminer si une commune est plus propice au déploiement d'une démarche d'écologie industrielle qu'une autre, une comparaison des surfaces « industrielles », en valeur absolue ou en ratio, permet d'établir un classement reflétant les potentiels respectifs. Malheureusement, cette hypothèse se heurte à la méthode de qualification du territoire qui est employée et qui ne permet pas d'établir l'état réel de l'activité et sa matérialité.

Considérer qu'une occupation des sols est du type : "zone industrielle", ne permet pas de préciser si elle est active ou juste l'héritage bâti d'un historique industriel. De plus, les zones considérées (25ha) ne permettent pas de finement découper le territoire. Dans des zones « mixtes » en termes d'occupation du sol, le plus représentatif l'emporte. Sur la restitution que le Géoportail de l'IGN fait de la base Corine Land Cover (CLC) pour le nord de l'Ile de France dans la figure suivante (Gennevilliers, Villeneuve la Garenne, L'Ile-Saint-Denis), une large part de la carte est considérée comme étant constituée de zones d'activités, y compris le parc départemental des Chanteraines (75 ha). Plus de 50% de Villeneuve la Garenne correspondrait à une zone industrielle, ce qui n'est pas le cas. La pointe sud de l'Ile-Saint-Denis est aussi qualifiée de zone industrielle ce qui ne correspond qu'en partie à la réalité puisque 50 % à peine de cette surface devrait, suite à des vérifications effectuées sur place, être affectés à cette catégorie, la majorité de la surface étant soit occupée par des installations sportives, soit occupée par des logements.

Au-delà de la précision modérée dans la qualification de l'occupation du sol, les bâtiments industriels vides sont considérés et aucune distinction n'est opérée concernant le caractère industriel à proprement parler de l'activité, existante ou ayant existé : les friches industrielles tout comme les activités tertiaires mobilisant peu de matière sont intégrées.

De plus, en 2014, les données CLC disponibles datent de 2006 et ne reflètent pas les évolutions nombreuses sur des territoires soumis à de forts renouvellements tels que la Seine-Saint-Denis.

L'utilisation des informations contenues dans la base Corine Land Cover ne permet donc pas la construction d'un potentiel d'écologie industrielle pour distinguer les territoires entre eux en termes d'industries réellement installées.

La base de données Topographique de l'IGN (BD Topo)

Selon l'IGN, la BD TOPO « fournit une information en 3 dimensions à tous les acteurs

de la gestion et de l'aménagement du territoire, pour analyser, situer et représenter tout

type de données dans leur contexte géographique». Elle est composé d'objets

géométriques géolocalisés (surfaces, segments, points) qui représentent, entre autres, le relief, le réseau routier, les voies ferrées, les réseaux de transport d'énergie, l'hydrographie, le bâti, la végétation, les entités administratives et les zones d'activités [IGN, 2014]. La finesse des données est bien meilleure que pour la base Corine Land Cover, la précision est métrique. « La BD TOPO® sert de référence pour la localisation de l’information thématique relative aux problématiques d’aménagement, d’environnement ou d’urbanisme. Elle est le socle nécessaire au fonctionnement des systèmes d’information des collectivités locales de la commune à la région. ».[IGN, 2014, p5].

Au niveau de la fréquence de mise à jour, elle suit un cycle de six mois à cinq ans en fonction des éléments. La qualification des objets est plus fine, pour les bâtiments, leur caractère industriel, commercial ou agricole est défini. De la même façon, concernant les zones d'activités, leur vocation industrielle est distinguée. Dans la figure suivante, concernant Villeneuve la Garenne, le parc départemental des Chanteraines n'est pas comptabilisé en tant que zone industrielle. La moitié Sud de L'Ile-Saint-Denis correspond aussi à la réalité du terrain, même si un des deux grands bâtiments identifiés a été détruit courant 2013.

Cette finesse dans la destination des éléments géographiques à disposition ne tient cependant toujours pas compte de la réalité de l'activité dans ces zones et bâtiments. Les mêmes biais que pour la base Corine Land Cover sont rencontrés. Malgré ses qualités et tous les services qu'elle apporte dans beaucoup de secteurs, la BD TOPO ne permet donc pas la construction d'un potentiel d'écologie industrielle permettant de distinguer les territoires entre eux en termes de matérialité.

Conclusion

Les bases de données géographiques constituées par des relevés et une interprétation, aussi perfectionnée soient elles, des images aériennes ou satellites n'apportent pas les informations nécessaires à l'établissement d'un potentiel d'écologie industrielle. Ces informations permettent cependant de répondre au cas par cas à des interrogations très précises pour la mise en œuvre de synergies au quotidien (la conduite à construire

traverse-telle une voie ferrée ?) et à l'aménagement en général.

En ce qui concerne la disponibilité de ces données, la base Corine Land Cover est librement diffusée par l'Agence Européenne pour l'environnement dans un format

81

« vecteur »38 directement téléchargeable. La BD TOPO de l'IGN est disponible pour des

activités de recherche et le service public mais n'est pas librement utilisable en général.39