Les biais & limites

Parmi les biais manifestes, les rubriques à caractères agricoles, spécialement l'élevage, peuvent donner à des localités très rurales un potentiel d'écologie industrielle qu'il convient de relativiser. Le traitement des installations les plus représentées au sein d'une entité géographique permet de corriger des aberrations de cet ordre mais rend moins directe l'expression du potentiel et nécessite des vérifications à chaque choix.

Un autre biais concerne les établissements de Défense qui ne figurent pas dans la base des installations classées à la protection de l'environnement51_{. Les établissements de la}

Défense nationale sont soumis au même type d'autorisation et de déclarations mais leurs

dossiers sont gérés au niveau du ministère de la Défense. Pour avoir eu l'occasion d'auditer sur le plan bilan matière/énergie un régiment du Train (logistique) et une base aérienne dans la démarche touloise, nous pouvons affirmer que leurs bilans matière sont importants et qu'il est nécessaire de ne pas négliger leur présence sur les territoires malgré leur relative discrétion.

Une dernière faiblesse de notre réalisation est le découpage et les emboîtements très administratifs qui ont été pris en compte. Deux localités voisines mais dans des départements différents sont séparées dans l'absolu. Une approche spatiale par les proches voisins ou des agrégats plus pertinents doivent pouvoir apporter des réponses géographiques encore plus adaptés, prenant par exemple en compte des proximités liées aux transports. Dans le chapitre 4, une proposition basée sur la proximité est formulée : à partir de coordonnées géographiques et d'un rayon, les établissements sont identifiés. Cette réalisation présente un intérêt concret pour les territoires de projet pour mettre autour de la table les acteurs les plus pertinents sans pour autant correspondre à notre besoin d'orientation (le OU).

Ainsi, en répondant à la problématique énoncée, le potentiel d'écologie industrielle reflète une vision très jacobine et centralisatrice du développement des territoires.

4.4

Prolongements envisageables

La connaissance des établissements industriels et de leurs principales installations autorise à répondre aux questions principales du OU et du QUI posée par le potentiel d'écologie industrielle. Dans le cadre des démarches d'écologie industrielle, les informations ICPE récoltées peuvent aussi servir à renforcer certaines phases, que ce soit la préparation de visites comme la recherche de matières spécifiques.

La préparation des visites de terrain

Chaque visite d'établissement sur le terrain donne lieu à une préparation plus ou moins structurée. En général, la préparation se limite à la consultation du site internet de l'entreprise, éventuellement un approfondissement sur son secteur d'activité et, bien trop rarement, faute de l'avoir reçu, de la préparation effectuée par l'établissement lui-même et matérialisée par les grilles d'entretien fournies remplies. Les visites de sites se font

ensuite selon ces grilles d'entretien souvent vierges d'informations.

La préparation des entretiens en incluant la consultation de la base des installations classées permet de plus finement connaître l'activité et les flux, installations, qui sont parties prenantes. A titre expérimental, en 2013, sur un établissement classé, un entretien s'est effectué selon la méthode classique et s'est vu prolongé par le parcours des rubriques des installations classées déclarées par l'entreprise elle-même. Alors que l'entreprise déclarait a priori environ 200 000 t de matières entrantes (hors eau), la consultation des rubriques ICPE la concernant a permis d'identifier une matière oubliée dans le bilan, un acide, à hauteur de 60 000 t. Une erreur de plus de vingt cinq pour cents a donc été évitée.

La recherche d'un co-produit

L'exploitation de la base ICPE permet de cibler rapidement des entreprises susceptibles d'alimenter en matière une synergie, de méthanisation par exemple.

En prenant le cas de la Picardie, nous pouvons rapidement identifier les entreprises utilisatrices de lait (rubrique 2230) qui fait partie des substances facilement méthanisables. On obtient les 13 entreprises utilisant du lait dans leur process.

Tableau 18: Entreprises picardes utilisatrices de lait source : ICPE

Établissement

Code

postal Commune FLANDRES PICARDIE LAIT - SFPL 80 100 ABBEVILLE

UPCL 80 270 AIRAINES

NESTLE GRAND FROID 60 000 BEAUVAIS

NESTLE France Boué 2 450 BOUE

UNILEP 2 220 BRAINE

LU CHATEAU THIERRY 2 400 CHATEAU THIERRY

LAITIERE DE CLERMONT 60 600 CLERMONT

AUCHAN Dury 80 480 DURY

AUCHAN Fayet 2 100 FAYET

LES FROMAGERS DE THIERACHE 2 170 LE NOUVION EN THIERACHE

BABYNOV 2 290 MONTIGNY LENGRAIN

SENAGRAL (EX SENOBLE) 60 220 QUINCAMPOIX FLEUZY

POMLY (ex LLO) 2 210 ROZET ST ALBIN

Nous pouvons aussi rechercher les issues de céréales (donc des silos, rubriques 2160): nous obtenons 139 établissements identifiés. Pour être plus complet, les rubriques 2101 (bovins), 2102 (porcs), 2103 (sangliers), 2110 (lapins), 2110 (volailles et gibiers à plumes), 2112 (couvoirs), 2120 (chiens) et 2171 (fumiers) permettent de cibler 239 entreprises supplémentaires susceptibles de fournir de la matière au méthaniseur. Ce sont majoritairement des entreprises agricoles.

Pour finir de déterminer les gisements et la liste des entreprises pouvant être intéressées par l'installation d'un méthaniseur, la consultation des rubriques 2220 (préparations alimentaires/végétal) et 2221 (préparations alimentaires/animal) cible les transformateurs et retourne 50 industriels dont les flux de biomasse justifient un approfondissement sur leurs besoins.

Les données concernent ici toute la région « Picardie » mais la détermination des gisements peut être affinée en fonction de la position escomptée de l'installation et du potentiel que représente l'établissement.

La recherche d'énergie fatale

L'axe énergétique est en écologie industrielle une priorité. L'eau constitue un des vecteurs énergétiques les plus utilisés et la recherche d'eau chaude en sortie d'établissement peut être aidée par la base ICPE. Il n'y a pas directement de rubrique « eau chaude en sortie d'établissement » mais la connaissance de certaines activités permet de cibler efficacement les énergies fatales.

Par exemple, l'abattage d'animaux est une activité consommant de grandes quantités d'eau pour le lavage des installations. Cette eau est chauffée, utilisée et très souvent rejetée à une température élevée, permettant d'en récupérer des calories, pour du chauffage par exemple. Au niveau de la région « Picardie », 6 établissements sont concernés et susceptibles de rejeter des énergies fatales (rubrique 2210).

Tableau 19: Abattoirs picards source : ICPE

Établissement CP Commune Volume Unité

VIANDES HENRI PETIT (LES) -

ABATTOIRS 80 620 DOMART EN PONTHIEU 38 t/j

SA GROUPE BIGARD 60 220 FORMERIE 140 t/j

SARL SOCIETE D'ABATTAGE

D'HIRSON 2 500 HIRSON 5 t/j

SEDAL 2 000 LAON 12 t/j

PIG AISNE 2 170

LE NOUVION EN

THIERACHE 80 t/j

SOCIETE NOUVELLE D'ABATTAGE

DE MONTDIDI 80 500 MONTDIDIER 25 t/j

Le principal avantage de cette synergie est la concentration du gisement à la différence du cas précédemment traité.

5

Conclusion

En s'appuyant sur l'exploitation d'informations disponibles et actualisées régulièrement, la construction d'un potentiel d'écologie industrielle permet de distinguer les territoires les uns par rapport aux autres sur le plan de la matérialité. Il autorise même

l'identification des entreprises les plus pertinentes à intégrer dans les démarches.

Dans le cadre d'un déploiement massif des démarches d'écologie industrielle, ce ciblage précis et rapide permet d'envisager des affectations de moyens en fonction de la réalité économique des territoires.

Au sein du ministère de l'Écologie, le Comité d'Animation Territoire Durable et Écologie Industrielle (CATEI) a organisé le 9 janvier 2014 un atelier sur l'intégration de l'écologie industrielle dans les Agendas 21. Dans les discussions, la connaissance sur la matérialité de l'activité des territoires prit une large place mais peu de pistes, en dehors de deux bases de données (SITRAM et IREP) furent évoquées. L'utilisation du potentiel d'écologie industrielle peut répondre en partie à ce type de question.

Nous devons tout de même préciser que ce potentiel d'écologie industrielle ne reflète que la matérialité du sous-système de production / distribution, c'est pour cela que le terme écologie industrielle est employé au lieu du terme écologie industrielle et territoriale. Les praticiens de l'écologie industrielle français utilisent écologie industrielle et territoriale pour qualifier les démarches telles que vues précédemment sans pour autant sortir du périmètre limité des sous-systèmes production distribution. Il faudrait pour ce faire dépasser la frontière de ce sous-système, ce qui n'est pas le cas dans les faits.