2 Revue de littérature
2.3 L’apprentissage instrumental en orchestre à l’école et l’actualité de la recherche
l’actualité de la recherche
La formation d’orchestres pédagogiques dans les écoles a, la plupart du temps, un objectif
de démocratisation de la culture. Voici un portrait de dispositifs de moyenne et grande envergure
qui sont souvent nommés mais sur lesquels peu de recherches en didactique existent.
Le plus répandu dans le monde est el sistema au Venezuela. Ce programme a été initié et
développé par José-Antonio Abreu en 1975. Economiste et musicien il ne voulait plus que les
enfants de son pays « trainent » dans la rue. Selon le site de l’association el sistema : « à ce jour,
au Venezuela, plus de 700 000 jeunes [sont] répartis dans 371 centres académiques »
29.
D’après une étude de Michaël Uy (2012), les élèves pratiquent la musique entre une et
quatre heures par jour, ceci sur cinq ou sept jours par semaine ce qui fait une moyenne de seize
heures par semaine. 70 % des élèves sont en dessous du seuil de pauvreté. 45% des cours
d’instrument sont en atelier (groupe restreint), 45 % en orchestre et 10 % sont des cours de solfège
(théorie). Tout cela a lieu en dehors du temps scolaire, sachant qu’au Venezuela l’école termine
autour de 1ζ h. En fonction des lieux, les cours sont donnés à l’école de musique. Les financements
sont institutionnels ou privés. L’objectif de départ est l’enseignement de la musique classique en
orchestre. Mais cet enseignement commence en petits groupes. Ces groupes sont appelés
« núcleos » (noyaux). Le recrutement se fait sur la motivation. Pendant le dernier trimestre scolaire,
les parents ont des entretiens de motivation et d’information, à l’issue desquels ils s’engagent ou
non avec leurs enfants. Dans le « núcleos », les adultes (parents et enseignants) sont parties
prenantes et actifs dans l’organisation. C’est une formation sur le long terme (jusqu’au lycée). Les
élèves avancés peuvent enseigner aux plus petits. Dans ce cas ils sont rémunérés. Ils sont aussi
rémunérés pour les concerts. Ils peuvent aussi avoir des bourses. Cela place les élèves dans un
système de méritocratie : l’effort est récompensé. La motivation pour les parents est de croire en
un avenir meilleur pour leurs enfants et de leur permettre de gagner de l’argent avec la musique.
Les conditions de réussites sont d’après Michael Uy :
l’intensité des enseignements
le nombre d’année du programme
l’implication des grands élèves dans l’enseignement des petits et dans la participation
au concert (Uy s’appuyant sur les études de Hodkinson, Biesta, & James (2008) ,
affirme que le fait qu’un jeune soit en même temps un « apprenant » et un « enseignant »
est émancipateur pour lui)
les engagements réciproques entre parents, enseignants et élèves
l’espoir des parents de donner à leurs enfants une vie meilleure
Cette aventure se répand dans le monde de plusieurs façons. En France actuellement el
sistema propose un programme qui repose sur dix heures d’enseignement musical par semaine (el
sistema, france association). La première chose qui distingue la France du Venezuela, est que
l’école ne termine par à la même heure dans les deux pays, la deuxième est que pour l’instant, le
programme français n’est pas encore établi sur le long terme et la troisième est qu’il n’y a pas de
rémunération prévue pour des élèves français qui enseigneraient ou qui jouent en orchestre.
D’autres associations organisent le cursus différemment. C’est le cas de l’association
orchestre à l’école (OAE) dont l’origine remonte à 1999. Crée à l’initiative de la Chambre
Syndicale de la Facture Instrumental (CSFI), les OAE dépassent le nombre de mille orchestres sur
toute la France et sont soutenues maintenant par l’Education Nationale. Des tarifs préférentiels
d’achat d’instruments sont proposés aux collectivités adhérentes. L’organisation et les institutions
de références varient selon les localités. Le temps de cours est aussi variable (entre un et trois cours
par semaine, soit au maximum cinq heures) d’après le rapport de l’Inspection générale de
l'Education nationale (2009). Ce rapport préconisait un cadre. Depuis, un modèle de convention
cadre est proposée conjointement par les deux ministères (culture et Education nationale) &
l’association OAE (Ministère de l'Education nationale, Ministère de la communication et de la
culture, association des orchestres à l'école, 2012). D’autres fois, certaines collectivités intègrent
les OAE dans le dispositif des classes à horaires aménagés musique (CHAM). Il existe actuellement
des préconisations (Circulaire interministérielle relative au développement des pratiques
orchestrales à l'école et au collège, 2012) mais rien sur les savoirs musicaux à acquérir.
C’est aussi le cas pour le projet Démos. Projet socio-culturel porté par la cité de la musique
devenue Philharmonie de Paris (cf. décret N° 95-1300 du 19 décembre 1995). Démos a commencé
en 2010 (Projet Démos, 201θ). Bien qu’il soit présenté comme un dispositif expérimental, le
contenu n’est pas clairement défini, et les dispositifs sur le terrain sont disparates (Deslyper, Eloy,
Guillon, & Martin, 2016)
30. Ce projet est majoritairement organisé en dehors du temps scolaire,
dans le milieu associatif, avec pour intervenants des musiciens d’orchestre, des dumistes, des
professeurs de conservatoire et des éducateurs. Il a été créé et proposé sans ingénirie coopérative.
Il concerne sept cents enfants de six à treize ans en région parisienne, dans l'Isère et dans le
Soissonnais. Les élèves ont entre deux heures et quatre heures de cours par semaine en fonction de
l’éloignement des sites. Les Cours sont en petits collectifs. Une fois par mois une centaine d’élèves
de plusieurs sites forment un orchestre symphonique. A cela s’ajoute des Stages en week-end ou
en vacances. L’orchestre comprend une centaine d’élèves. Quelques élèves de cycles 3 et des
musiciens professionnels viennent en renfort lors des répétitions et des concerts.
Quelque chose de symptomatique apparaît déjà dans les descriptifs de ces trois projets
français : le fait que le contenu d’enseignement ne soit pas décrit en termes de savoirs ni de
compétences. Ce qui est proposé ce sont des arrangements de morceaux connus, une sorte de
30 ‘appo t o a d à l o se atoi e des politi ues ultu elles de G e o le et oo do pa Desl pe , Elo , Guillo , & Ma ti .
répertoire adapté à un niveau d’élèves supposé. Ces arrangements sont disponibles sur les sites
internet de chaque association
31.
Il se passe ailleurs d’autres actions du même type. Plusieurs écoles ont des partenariats qui
prennent des formes différentes, sans pour autant adhérer à une association. Certaines ont des
conventions libres, d’autres rentrent dans le cadre des Classes à Horaires Aménagés, comme dans
notre étude. Les partenariats sont diverses (conservatoires, associations musicales, orchestres
professionnels etc.). Peu de ces classes orchestres, ont été conçues à partir d’ingénieries. Nous
pouvons relever tout de même les projets étudiés par Odena (2007) en Irlande, et Portowitz (2009)
en Israël. Ce dernier a été conçu à partir du Programme d’Enrichissement Instrumental
32(Feuerstein & Spire, 2009).
Certains chercheurs cependant remettent en question les objectifs et la façon dont évoluent
les projets comme celui d’el sistema. C’est le cas de Baker (201ζ ; 2016)
33. Il dénonce l’idéal
communément projeté sur le travail en orchestre qui fait fi des problèmes pouvant avoir lieu dans
les orchestres professionnels. Il évoque, par exemple, ceux que posent la structure hiérarchique de
l’orchestre provoquant quelquefois l’exclusion ou l’insatisfaction de certains des musiciens
d’orchestre professionnels et que l’on retrouve dans certains orchestres d’élèves : « Sistema’s claim
rely on an idealization of the orchestra ; the dynamics of real ensembles are usually more
complicated and regularly produce various kings of coercion, stratification and exclusion » (Baker
2016, p. 15). Il regrette aussi que le travail musical ait pour modèle celui des répétitions
d’orchestres professionnels, et que la diversité culturelle des élèves ne soit pas prise en compte
dans le choix des œuvres. Il trouve qu’el sistema a actuellement oublié les principes énoncés par
Abreu lors de sa création et que ces orchestres, par leur structure hiérarchique et par la rémunération
inégale de ses musiciens, créent à nouveau une inégalité sociale.
En dehors des considérations de rémunération des élèves musiciens de ce type d’orchestre,
les questions de « récupération » médiatiques et politiques se posent aussi pour les autres actions.
On peut se demander pourquoi les orchestres à l’école (OAE) ont été créés par la chambre syndicale
31 .o hest e-e ole. o
32 Les ditio s de f e e so t puis es et it es ai si pa U : ‘eu e Feue stei s Theo of St u tu al og iti e odifia ilit SCM a d Mediati g Lea i g E pe ie es MLE Feue stei , et al., ; Feue stei , et al.,
. Nous ous epo to s au seul ou age it e f a çais, a tuelle e t e i lioth ue.
33 Cet a ti le est l i t odu tio des a tes d u ollo ue ui a eu lieu e ja ie , o ga is pa la e ue A tio , isti is a d theo fo usi edu atio . ‘ up su http://a t. a da g oup.o g/a out-us/