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4. LA FORMATION PRATIQUE EN FORMATION INITIALE À

4.2 L’apprentissage expérientiel en formation pratique

4.2.1 L’apprentissage expérientiel selon Dewey

Chez Dewey (1963), l’expérience n’est pas opposée ou dissociée de la connaissance mais elle lui est plutôt liée. Cette expérience selon Dewey pour qui l’apprentissage passe par une transaction, n’est pas exclusivement le fruit de l’environnement puisqu’elle influence l’environnement pour recréer l’expérience. Influencée par la vision de Darwin, l’approche de Dewey met de l’avant l’interrelation de l’organisme et de l’environnement qui mène vers une adaptation continuelle afin de répondre à ses besoins de survie et de bien-être. Cette approche suppose un processus transactionnel perpétuel entre l’Humain et l’environnement. Chez Dewey, apprendre par l’expérience, c’est « expériencier » donc

« agir et réfléchir en vue d’une action, soit pour remettre en continuité la signification avec la réalité, soit pour résoudre les conflits de l’expérience, soit pour remettre une nouvelle idée à l’épreuve » (Boutet, 2016, p. 30).

Toute expérience, selon Dewey, ne pourrait être source d’apprentissage car pour qu’il y ait apprentissage, il faut que l’expérience ait une continuité, un sens (Boutet, 2016; Glazier et Bean 2019). Cette continuité est le premier principe de la conception de l’expérience chez Dewey.

Ces principes de continuité et d’interaction ne se séparent jamais l’un de l’autre. Ils sont, si l’on peut ainsi s’exprimer, les aspects longitudinaux et latéraux de l’expérience. Des situations différentes se succèdent. Mais, conformément au principe de la continuité, quelque chose de la première est transféré à la seconde. Quand un sujet passe d’une situation à une autre, son univers, ou devrait-on dire son environnement, s’élargit ou se contracte. Ce qu’il avait acquis de savoirs et d’habiletés dans la situation précédente devient instrument de compréhension et d’action pour la nouvelle situation. (Dufresne, 2014, p. 51)

De ce fait, l’utilisation de connaissances antérieures sert, selon Dewey (1963), à en construire de nouvelles et de meilleures. De plus, selon ce pragmatiste américain, l’expérience est un élément libérateur de la raison. La raison, emprisonnerait la connaissance dans le passé alors que l’expérience permettrait l’ouverture sur l’avenir. La

pensée active devient alors l’instrument indispensable de la connaissance et cette connaissance se situe dans l’action et non hors de l’action (Dewey, 1963). La connaissance n’est pas « l’acte d’un spectateur se tenant en dehors de la scène naturelle et sociale, mais l’acte d’un participant » (Dewey, 2008, p. 212). L’acquisition de connaissances devient alors un processus où l’«expérience est une transaction au cours de laquelle un organisme s’adapte à un environnement qu’il transforme » (Deledalle, 1967, p. 521). Ainsi, « dans la conception deweyenne, l’expérience c’est la vie même. Elle est à la fois passée, présente et future. Elle s’inscrit résolument dans le temps, dans une continuité: le continuum expérimental » (Dufresne, 2014, p. 50).

Selon Dewey (1916), la vie est expérience et, de ce fait, apprentissage. Par conséquent, «Education is not preparation for life; education is life it self » [ L’éducation n’est pas une préparation à la vie, l’éducation est la vie elle-même] (Dewey, 1916, p. 239). De ce fait, les stages qui favorisent des expériences diverses ancrées dans la réalité de la vie scolaire placent les stagiaires en situation d’expérience recélant de grandes possibilités d’apprentissage en EAV, du fait du potentiel de signifiance que la réalité de la vie scolaire offre et du fait que l’accompagnement en contexte de stage permet un soutien du processus d’adaptation aux divers changements, comme le soulève Dufresne (2014).

Les stagiaires en formation initiale à l’enseignement qui entrent en relation avec l’environnement scolaire se retrouvent en situation d’expérience. Le rôle de la personne superviseuse peut être défini comme étant de les aider à maintenir leur

équilibre, ou à en créer un nouveau, les accompagnant dans leur réflexion sur cette expérience. La personne superviseuse les supervise dans leur pratique en constante évolution pour les soutenir dans cette exigence d’adaptation continuelle aux changements. (Dufresne, 2014, p. 50)

Dans un contexte de formation, l’expérience se voit alors accompagnée et devient de ce fait un construit, une transformation de l’expérience. Cette transformation de l’expérience s’inscrit dans le cycle d’apprentissage expérientiel comme Kolb (1984) l’a précisé à la suite des travaux de Dewey.

4.2.2 Le cycle d’apprentissage expérientiel de Kolb

Les travaux de Kolb (1984) ont été élaborés dans le prolongement de la vision de Dewey et reposent sur l’expérience réfléchie de l’apprentissage que Kolb (1984) nomme « apprentissage expérientiel ». Le modèle d’apprentissage expérientiel de Kolb (1984) repose sur un processus en spirale comportant quatre phases : l’expérience concrète où l’apprenant s’immerge dans l’action; l’observation réflexive où l’apprenant se questionne, « enquête32» au sens de Dewey; la conceptualisation abstraite où l’apprenante, l’apprenant généralise en se référant à des principes, règles, modèles; l’expérimentation active où l’apprenant transfère ses connaissances en déduisant des implications pratiques

32 L’apprenant devient alors « enquêteur du réel ». Une reconstruction de l’expérience est alors l’ultime voie pour approcher la réalité et mener à la découverte. Les sensations y jouent alors le rôle d’incitatifs visant l’acte d’enquête qui doit se terminer en connaissance. Les sens sont alors à la source de cette connaissance s’il y a investigation menant vers une compréhension des diverses sensations (Dewey, 2003).

(Kolb, 1984). Comme l’illustre la figure 2 suivante, le cycle de l’apprentissage expérientiel forme des boucles répétitives jusqu’à ce que l’individu considère le problème résolu (Kolb, 1984).

Figure 2. Le cycle de Kolb (1984)

Chevrier et Charbonneau (2000), dans le prolongement des travaux de Coleman (1976), ont défini le concept de l’apprentissage expérientiel en précisant que, lors de l’expérience, « l’apprenant, au lieu de chercher à comprendre et à assimiler une information verbale et écrite, doit pouvoir donner un sens à ce qu’il a vécu et construire des connaissances qui lui sont utiles » (Chevrier et Charbonneau, 2000, p. 287).

Expérience concrète PRATIQUER Observation réflexive ANALYSER Conceptualisation abstraite GÉNÉRALISER Expérience active TRANSFÉRER

Ce pouvoir de donner du sens requiert l’intégration d’une réflexion supportée par un processus réflexif tel que défini par les travaux de Schön (1994) portant sur la pratique réflexive.

4.2.3 Dans la pensée de Schön

La notion d’apprentissage expérientiel, s’inscrivant dans un cycle conceptualisé par Kolb (1984), en association avec l’approche réflexive de Schön (1994), est au cœur de la composante de la formation pratique. En effet, « le processus de réflexion en cours d’action et sur l’action qui permet aux praticiens de bien [s’adapter] dans des situations d’incertitude, d’instabilité, de singularité et de conflit de valeurs » (Schön, 1994, p. 77) est au centre des apprentissages réalisés dans l’expérience dont ceux réalisés lors des stages.

Selon Boutet et al. (2016) l’apprentissage des stagiaires ne peut avoir lieu qu’avec une certaine activité réflexive (Schön, 1994).

L’activité réflexive de l’enseignant le conduit à de nouvelles compréhensions des situations rencontrées. Même lorsqu’elle s’appuie sur des résultats de recherche, la réflexion professionnelle joue avant tout un rôle de reconstruction de l’expérience, qui peut éventuellement conduire à une transformation de la pratique. (Boutet et al., 2016, p. 199)

Cette activité réflexive peut être étayée par un accompagnement de la part des actrices et acteurs impliqués dans les stages dont les personnes enseignantes associées et les superviseuses. Et c’est justement par cet accompagnement que l’expérience et la réflexivité sont susceptibles de donner naissance à des apprentissages pouvant perdurer sur le long terme. Le contexte de la formation pratique offre davantage d’opportunités pour accompagner les apprenantes et les apprenants dans leurs apprentissages dont le développement de leur capacité réflexive. C’est pour cette raison que nous considérons le contexte de la formation pratique comme étant un contexte hautement favorable pour les apprentissages en EAV. De plus, le contexte de stage par la proximité qu’il permet entre les principales actrices et principaux acteurs impliqués, offre une opportunité de développer des liens significatifs favorables aux apprentissages et propices à une réflexion collective partagée de l’expérience (Chaubet, 2013). De ce fait, la supervision qui est offerte lors des stages détient un rôle central. La partie qui suit présente des précisions à ce sujet.