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2. LES CINQ COMPOSANTES DE LA CITOYENNETÉ ENVIRONNEMENTALE

2.5 Composante 5

La mobilisation de connaissances au regard des enjeux environnementaux est cruciale pour favoriser le passage à l’action en faveur de l’environnement global. Boutet (2008) reconnaît cette composante comme étant fondamentale pour la citoyenneté environnementale, et il y relève comme élément central le défi de la mise en relation des multiples savoirs nécessaires à leur compréhension.

L’épistémologue Fourez (1997) considère que, pour appréhender la complexité du monde, il faut croiser plusieurs regards. C’est ainsi que peuvent se construire ce qu’il nomme des « îlots de rationalité » au milieu d’un « océan de connaissances et d’ignorances ». Ainsi en va-t-il des enjeux environnementaux. Non seulement les savoirs homologués de plusieurs disciplines doivent-ils être convoqués pour parvenir à bien les cerner, mais également d’autres types de savoirs, traditionnels, pratiques etc. Le défi éducatif de l’ERE, pour favoriser l’engagement citoyen, n’est pas l’appropriation par les apprenants de ces multiples savoirs (ce défi relève de l’enseignement de chaque discipline) mais plutôt leur mise en relation (dans une perspective systémique) aux fins d’une action pertinente et innovatrice. (Boutet, 2008, p. 20)

Il a été démontré qu’un regard cherchant à isoler les phénomènes impliqués dans les problématiques environnementales n’est pas efficace pour leur apporter de nouvelles solutions et les changements souhaités. Pour répondre aux impératifs des enjeux contemporains en matière d’environnement, il faut développer la capacité à relier afin de comprendre les interactions entre les différents phénomènes (Clary, 2009; Diemer, 2012; Walshe et Tait, 2019). Pour y arriver il est important de prendre en compte la complexité grandissante des réalités dans lesquelles sont enchâssées les diverses problématiques environnementales.

De ce fait, certains dont Bader et Sauvé (2011), Boutet (2013) et Morin (2013), croient que l’éducation prenant en compte la nature multidimensionnelle et la complexité de l’environnement devrait être mise de l’avant plutôt qu’une éducation visant la mise en place d’une « instruction à » qui ne tient pas compte de ces éléments majeurs en favorisant un transfert désincarné de connaissances et qui isole tous les objets de leur environnement (Morin, 2005). À l’instar de ces derniers, plusieurs dont Arthaud (2007), Berryman (2002), Bonnett, (2009), Dobozy et al. (2019), Evans et al. (2017), Lange (2014), Lemke et Sabelli (2008), Lugan (2005), Morin (1999), Pellaud (2014), Pruneau et al. (2017), Sauvé (1997a) et Steiner et Posch (2006) mettent de l’avant l’approche systémique qui repose sur la prise en compte de la complexité qui implique les interconnexions entre les systèmes humains et ceux de l’environnement naturel.

L’approche systémique qui appréhende le monde de manière holistique et qui repose sur la complexité des systèmes et leurs interrelations (Morin, 1977, 2005, 2015) est nécessaire au regard de l’intégration de l’EAV. La notion de système qui a été définie entre autres par Morin (1977) comme étant « une unité globale organisée d'interrelations entre éléments, actions ou individus » (Morin, 1977, p. 102) reflète une vision qui nous apparaît juste pour appréhender la mobilisation de connaissances en éducation notamment en EAV. Reconnaissant que l’éducation forme une unité organisée comportant une multitudes d’interrelations entre divers éléments de l’environnement et entre diverses actions ou individus, nous abondons dans le sens de Morin (2005) pour décrire l’éducation comme étant un système ouvert auto-éco-organisateur du fait que ce système comporte une

phénoménologie auto-organisatrice qui permet au système de s’organiser lui-même et du fait qu’il comporte une ouverture (dépendance) à l’environnement qui participe à cette organisation (éco).

Pour ces raisons, nous abondons dans le sens de Diemer et Mulnet (2011), qui soulignent l’importance de mettre en place une approche par la complexité qui se déroule sur trois niveaux afin de favoriser une éducation à la pensée systémique en salle de classe et afin de favoriser une mobilisation de connaissances au service de l’EAV.

Une complexité scientifique (il s’agit d’une approche globale des problèmes au niveau de chaque discipline), une complexité transdisciplinaire (il s’agit de se construire un parcours en faisant appel aux autres sciences de manière à se forger une représentation pertinente du monde dans lequel nous vivons) et une complexité par les valeurs (la recherche d’une vision globale du monde doit être compatible avec une éthique personnelle, une action individuelle et collective). (Diemer, 2013a, p. 253)

Par ailleurs, on ne peut ignorer l’approche interactionniste pour appréhender la réalité complexe des enjeux environnementaux prenant en compte la pensée systémique car elle ouvre l’accès à :

une vision à plus long terme. Elle élargit l'approche du local au global et vice versa, elle est multidimensionnelle, dynamique et permet d'aborder les grands concepts de l'environnement : écosystème, énergie, place de l'homme dans les écosystèmes, impact des activités humaines sur la planète, biodiversité, développement durable; complexité, système, régulation, flux, équilibre/rupture d'équilibre/retour à l'équilibre;-risque, incertitude, précaution, gestion des crises, solutions multiples voire alternatives. (Alain, 2008, p. 3)

Enfin, la mobilisation de connaissances ne se traduit pas par un simple transfert des connaissances mais par le partage d’un processus où les savoirs et rapports aux savoirs sont coconstruits et émergent des réalités des différentes actrices et acteurs provenant de différents secteurs de la recherche mais aussi de la pratique qui les utilisent (AETMIS, 2011). De ce fait, le rôle coopératif des actrices et acteurs visés au cœur du processus de mobilisation de connaissances est important car la personne formatrice « experte » n’est plus la seule dépositaire des savoirs puisque c’est dans la coconstruction des différents savoirs et rapports aux savoirs avec les différents actrices et acteurs qu’une réelle mobilisation de connaissances peut avoir lieu (Rome, Garnier, Legros, Tavignot, 2003).

Selon l’AETMIS (2011) une mobilisation de connaissances efficiente :

• s’amorce avec une ou des questions décisionnelles issues d’une situation problématique;

• s’appuie sur une approche multidimensionnelle des connaissances; • est fondée sur les interactions avec les acteurs;

• favorise la coconstruction et l’appropriation des connaissances;

• représente un processus itératif et continu de production des connaissances; • comporte un aspect organique;

• se définit comme dynamique, multidirectionnelle et évolutive; • revêt un caractère ouvert et réflexif.

Aussi, précisons que le processus de mobilisation de connaissances ne se limite pas « à un ensemble de procédures figées à suivre dans un cadre préétabli » (AETMIS, 2011, p. 13) mais que cette liste de caractéristiques peut néanmoins servir de guide.

En somme, la composante de la citoyenneté environnementale « La mobilisation des connaissances nécessaires pour cerner les enjeux environnementaux et passer à l’action » (Boutet, 2008) se doit d’être prise en compte pour arriver à développer une citoyenneté tournée vers la viabilité. Pour y arriver, elle doit s’inscrire également dans une vision systémique de la complexité telle que le proposent les travaux de Morin (1977, 1999, 2005, 2011), approcher la complexité selon les trois niveaux proposés par Diemer et Mulnet (2011), prendre en compte la liste des caractéristiques de la mobilisation de connaissances proposée par l’AETMIS (2011), ainsi que prendre en compte l’approche interactionniste d’Alain (2008) afin de favoriser une mobilisation de

connaissances qui tient compte de la complexité des enjeux, du rôle et profil des acteurs ainsi que des contextes d’intervention.

Bien que les composantes de la citoyenneté recherchée présentées dans la présente section soient retenues à titre d’objet d’apprentissage en EAV, dans le cadre de cette thèse, une incursion dans des dispositifs visant les apprentissages liés à l’EAV en formation du futur personnel enseignant s’impose.

3. L’EAV DANS LE CADRE DE LA FORMATION DU FUTUR PERSONNEL