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Chapitre 3. Autorité, démocratie et droits de la personne : l’Église catholique

3.3 De sujet à citoyen : vers la responsabilisation civique de la jeunesse ouest-

3.3.2 L’apparition des devoirs civiques

Hormis le devoir d’obéissance envers les supérieurs hiérarchiques, l’Einheitskatechismus ne faisait pas mention de ces devoirs particuliers qui incombent aux individus en vertu du fait qu’ils sont citoyens d’un État démocratique : les devoirs civiques. Le KKBD de 1955 combla cette lacune en incluant une leçon entièrement consacrée à l’autorité de l’État. Dans la leçon n° 112, intitulée « État et communauté internationale »90, le KKBD énumérait ainsi quelques-uns des devoirs civiques les plus

importants :

Les citoyens doivent suivre les lois de l’État, respecter son autorité et contribuer au bien commun selon leurs capacités. Ils doivent par exemple participer aux élections, et ne donner leur voix qu’aux candidats compétents qui garantissent de prendre la défense des droits de Dieu ; ils doivent payer leurs impôts et être prêts, en cas de danger, à défendre leur pays, même au péril de leur vie91.

Comme c’était le cas dans l’Einheitskatechismus de 1925, le KKBD précisait que l’autorité de Dieu est supérieure à l’autorité humaine :

90 « Staat und Völkergemeinschaft ».

91 « Die Staatsbürger müssen die Gesetze des Staates befolgen, die staatliche Obrigkeit achten und nach

Kräften am allgemeinen Wohl mitarbeiten. Sie sollen sich z. B. an den Wahlen beteiligen ; bei der Wahl dürfen sie nur denen ihre Stimme geben, die für ihr Amt geeignet sind und die Gewähr dafür bieten, daß sie für die Rechte Gottes eintreten werden ; sie müssen die Steuern bezahlen und bereit sein, in Gefahr ihr Land auch mit ihrem Leben zu verteidigen. » (KKBD, p. 225).

Si les autorités ordonnent quelque chose qui est péché, il ne faut pas leur obéir. Saint Pierre dit : “Il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommesˮ (Ac 5:29). Les autorités publiques doivent se conformer aux lois de Dieu et de l’État. Celui qui exerce des fonctions publiques doit remplir son devoir consciencieusement, et placer le bien public avant les bénéfices personnels92.

Notons au passage que le terme « autorités » (Obrigkeit), plus précis, remplaçait maintenant celui d’« hommes » (Menschen). Plutôt que de souligner les limites de l’autorité de supérieurs hiérarchiques comme les enseignants et les employeurs, on mettait maintenant plus globalement l’accent sur les limites de l’autorité de l’État sur ses citoyens. Outre ces limites, le KKBD énumérait les devoirs de l’État envers ceux-ci :

Selon la volonté divine, l’État doit résoudre les problèmes que les individus, les familles et les petites communautés ne peuvent résoudre d’elles-mêmes. Il doit s’assurer du bien commun. Il doit par exemple promulguer des lois, rendre la justice, punir les criminels, conclure des traités avec d’autres États, protéger le pays des attaques étrangères et de la détresse en général. Dans toutes ces circonstances, il doit protéger les droits de chacun et répartir les charges de manière équitable93.

Cette présentation des devoirs de l’État témoignait de l’importance que revêtait le principe de subsidiarité pour l’Église catholique. Selon ce principe, l’État ne devrait prendre en charge que les responsabilités que les plus petites entités sociales (familles, organisations, collectivités) ne sont pas capable d’assumer elles-mêmes. Si l’Église attachait autant d’importance au principe de subsidiarité – comme le montra l’encyclique Quadragesimo anno (1931)94 –, c’est qu’à l’âge des dictatures fascistes et

commununistes, elle redoutait les tendances « totalitaires » de l’État moderne. Néanmoins, malgré la mention du devoir électoral, qui ne pouvait selon toute

92 « Wenn die Obrigkeit etwas befiehlt, was Sünde ist, darf man ihr nicht gehorchen. Der heilige Petrus

sagt: „Man muß Gott mehr gehorchen als den Menschen“ (Apg. 5, 29). Die staatliche Obrigkeit muß sich nach den Gesetzen Gottes und des Staates richten. Wer ein staatliches Amt bekleidet, muß seine Pflicht gewissenhaft erfüllen, jeden zu seinem Rechte kommen lassen und das allgemeine Wohl dem persönlichen Vorteil voranstellen. » (KKBD, p. 225).

93 « Der Staat hat nach Gottes Willen die Aufgaben zu lösen, welche die Einzelnen, die Familien und die

kleineren Gemeinschaften nicht lösen können. Er hat für das allgemeine Wohl zu sorgen. Er muß z. B. Gesetze erlassen, Recht sprechen, die Verbrecher bestrafen, Verträge mit anderen Staaten schließen, das Land vor feindlichen Angriffen und allgemeiner Not schützen. Bei alledem muß er die Rechte der Einzelnen schützen und die Lasten gerecht verteilen. » (Ibid., p. 225).

vraisemblance que faire référence à un régime politique démocratique, le KKBD ne se prononçait pas explicitement en faveur d’une forme de gouvernement en particulier95.

Si l’inclusion d’une leçon sur les devoirs de l’État et de ses citoyens représentait une innovation importante par rapport à l’Einheitskatechismus, force est de constater que le KKBD n’était pas le seul catéchisme catholique qui, à l’époque, avait franchi ce pas ; dès 1947, le Catéchisme à l’usage des diocèses de France abordait lui aussi les devoirs civiques les plus importants, et ce de manière très similaire au KKBD allemand :

354. Quels sont les devoirs envers la patrie ?

– Les devoirs envers la patrie sont de respecter l’autorité civile, d’obéir aux lois justes et de remplir avec conscience tous les devoirs civiques.

Note. – Les principaux devoirs civiques sont de payer l’impôt, de défendre sa patrie, même au prix de son sang, de remplir avec conscience son devoir électoral96.

355. À quoi oblige le devoir électoral ?

– Le devoir électoral oblige à voter pour des hommes capables et, si possible, bons chrétiens.

Note. – C’est une faute de ne pas voter, car celui qui ne vote pas peut être cause que les mauvais candidats arrivent au pouvoir97.

Le Catéchisme catholique, édition canadienne de 1951, lui aussi paru avant le KKBD, abordait également les devoirs du citoyen ; il comportait d’ailleurs une section exclusivement consacrée à ce sujet, intitulée « Devoirs des citoyens et des gouvernants » :

456. Qu'est-ce que le quatrième commandement de Dieu ordonne aux citoyens ?

Le quatrième commandement de Dieu ordonne aux citoyens d'aimer leur patrie, de travailler à sa prospérité et de la défendre même au prix de leur sang.

457. Que doivent faire les citoyens pour travailler à la prospérité de leur patrie ?

Respecter l’autorité légitime, obéir aux lois justes, choisir consciencieusement les gouvernants et accomplir tous leurs devoirs de citoyens.

95 A. Balduin, « Politisch-soziale Bildung im neuen Katechismus », Der katholische Erzieher, 9 (1956),

p. 216.

96 Catéchisme à l’usage des diocèses de France, p. 250. 97 Ibid., p. 250.

459. Comment les citoyens choisissent-ils consciencieusement les gouvernants ?

En votant pour le candidat qu'ils jugent le plus capable d'assurer le bien commun de tous les citoyens98.

Bien que les catéchismes français et canadien aient présenté les principaux devoirs civiques d’une manière très similaire à celle du KKBD, une différence pourtant ténue attire notre attention : la présence ou l’absence du mot « patrie » dans ces catéchismes.