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4. M ÉTHODOLOGIE ET DESCRIPTION DU TERRAIN

4.3 L’analyse des données

4.3.1 L’analyse qualitative

L’analyse d’un objet d’étude vise généralement à en comprendre les éléments et le fonctionnement. Pour ce faire, le chercheur peut opter pour une approche qualitative, quantitative ou encore une méthode dite mixte, conjuguant ces deux approches. Dans une réflexion sur la recherche qualitative sur l’écoute, Purdy (2011) différencie les recherches qualitative et quantitative en écoute de la manière suivante :

As a general methodology, “qualitative” research describes, interprets, and along the way explains the rich and diverse lived world; quantitative research works to define concepts (constructs), conceptualizes variables “of central Import” (Bodie, 2009), and establishes the significant relationships between variables that leads to theory. (p. 134)

Comme nous avons pu le constater dans la revue de littérature, la recherche sur l’écoute comprend des travaux relevant de ces deux axes méthodologiques. Bon nombre des travaux empiriques sont plutôt quantitatifs et visent à évaluer les compétences ainsi qu’à établir des normes d’écoute dans les milieux de travail ou dans l’apprentissage d’une langue, par exemple. Or, ma question de recherche cherche avant tout à mieux comprendre les enjeux, les apports et les défis que représente l’écoute dans le processus de médiation. Il s’agit donc surtout de démonter, mettre à plat et de retracer le fonctionnement ou la mécanique de l’écoute dans ce type de contexte. L’objectif n’est pas autant d’évaluer que de comprendre son rôle dans l’interaction. Ainsi, je décris et analyse l’écoute plutôt que j’en identifie des variables (Purdy, 2011). La définition de Purdy n’est, par ailleurs, pas entièrement satisfaisante dans la mesure où elle laisse supposer que l’analyse qualitative ne produirait pas de concept. Pour clarifier ce point,

je propose de prolonger cette distinction en citant la définition de l’analyse qualitative proposée par Strauss et Corbin (1990) :

In speaking about qualitative analysis, we are referring not to the quantifying of qualitative data but rather to a non-mathematical process of interpretation, carried out for the purpose of discovering concepts and relationships in raw data and then organizing these into a theoretical explanatory scheme. (p. 11)

En somme, dans les deux cas, on a affaire à un processus d’interprétation. La distinction repose plutôt sur le fait qu’en recherche qualitative, ce travail suppose une démarche rigoureuse, mais non basée sur la quantification. L’objectif reste sensiblement le même : une interprétation du réel qui se traduit par l’élaboration de concepts et de théories à partir d’analyses.

Par quoi le dispositif mathématique est-il substitué en recherche qualitative ? Pour Tracy (2012), une telle procédure en recherche qualitative se manifeste sous la forme d’itérations : un travail de réflexion constitué d’allers-retours entre les données et certaines notions déterminées avant l’analyse, qui s’ajustent pendant le processus de manière inductive. Dans le cas de l’ethnométhodologie, on engagera les notions de descriptibilité, de réflexivité, d’indexicalité et d’ordre social en se focalisant sur l’objet d’étude, un objet d’étude que l’on fera interagir avec les données du terrain allant de l’un à l’autre jusqu’à ce que ce procédé se stabilise et qu’émergent les résultats. Pour la présente étude, j’observe des actions dans une structure donnée (celle de la médiation). J’examine comment les participants agissent et écoutent dans ce contexte avec des outils ethnométhodologiques (essentiellement) comme instruments de départ.

Pour Tracy (2012), trois caractéristiques déterminent la recherche qualitative : l’autoréflexivité, le contexte et la description dite riche. L’autoréflexivité renvoie au point de vue du chercheur, son implication et son interprétation des données. La recherche qualitative admet et accueille la dimension interprétative du travail du chercheur et des résultats qui ressortiront de ses analyses. Cette dimension peut être plus ou moins reconnue et le chercheur peut vouloir la rappeler, la mettre en premier plan ou la laisser en arrière-plan de l’analyse, selon les travaux et le sujet d’étude. Le chercheur sera ainsi plus ou moins sensible à certains éléments de ses données et le choix même de l’objet d’étude peut révéler ses intérêts et préoccupations.

Dans le cas de l’écoute, plusieurs raisons m’ont portée à en faire mon objet d’étude. Mon vécu a certainement joué un rôle dans la manière dont j’ai relevé et interprété les données. L’expérience du chercheur est donc au cœur de la recherche qualitative. Un défi particulier de la présente étude est qu’elle se penche sur l’écoute. Le chercheur n’a donc pas accès au processus de pensée de l’auditeur, à moins de l’interroger, ce qui briserait le flot de l’écoute. Par ailleurs, il n’est ni forcément souhaitable ni nécessaire de se focaliser sur tous les aspects. J’ai donc pris le parti d’axer mon travail sur les marqueurs d’écoute, discernables par le chercheur.

La seconde caractéristique de la recherche qualitative qu’identifie Tracy est le contexte. Cette étude se penche avant tout sur la manière dont est vécue et constituée l’écoute, comment elle se manifeste dans les paroles, les objets et les expressions non verbales des interlocuteurs. Ici, j’ai donc tenté de retracer comment chacun exprime l’écoute et quels rôles ces marqueurs d’écoute ont dans le déroulement de l’interaction. Le contexte de la médiation est, certes important, mais je cherche à me centrer avant tout sur l’écoute elle-même. L’historique des dossiers et les dossiers des parties ne m’étaient pas accessibles. Je me donc suis cantonnée à tout ce qui était disponible sur le terrain : les individus et le lieu, avec tout ce qui le constituait (meubles, documents, etc.). Bien sûr, je pouvais poser des questions aux médiateurs entre deux médiations, ce qui me permettait d’avoir des réponses à certaines questions que je pouvais me poser pendant la séance. Certains médiateurs m’expliquaient un peu le cas avant la séance, ou le commentaient après, sans grand détail puisque les séances s’enchainaient toute la journée.

La troisième caractéristique essentielle de la recherche qualitative selon Tracy est celle d’une description riche, qu’elle reprend de Geertz (1973). Pour elle, l’enquête qualitative implique un travail de fond pour comprendre le sens des comportements selon les contextes dans lesquels ils se déroulent. Dans le cas de la présente étude, je n’ai pas pu mener un tel travail, puisque je n’ai pas pu être en contact suffisamment longtemps avec les personnes impliquées dans ces séances. Je ne dispose donc pas d’informations détaillées sur les participants autres que celles qu’ils dévoilent pendant la médiation. Durant les séances, certains participants étaient, par ailleurs, amenés à révéler bien plus d’informations que d’autres.

4.3.2 L’inspiration ethnométhodologique, l’analyse de conversation et leurs