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1 LE TREMBLEMENT ESSENTIEL 1.1 DÉFINITION

4: La présence d’une autre cause pouvant expliquer les tremblements incluant une actuelle ou récente exposition à des drogues trémogènes.

1.9 PATHOPHYSIOLOGIE ET CHANGEMENTS NEUROPATHOLOGIQUES La pathophysiologie dans le TE demeure encore un sujet contredit dans la littérature

1.9.4 L’accumulation de peptides et de protéines

1.9.4.1 L’amyloïde-bêta

La protéine précurseur de l’amyloïde (APP) est produite en grande quantité dans les neurones (J. Lee et al. 2008). C’est un membre des protéines de type 1 et 2 précurseurs de l’amyloïde (APLP1 et APLP2). Elle est métabolisée très rapidement et est la seule protéine de cette famille ayant la capacité de générer le fragment amyloïdogène, ce qui explique son intérêt dans le milieu scientifique. En effet, la protéolyse de l’APP peut se faire selon deux voies : la voie non amyloïdogène et la voie amyloïdogène, soit celle d’intérêt pathologique (Figure 6). La voie amyloïdogène implique l’activité enzymatique de la 𝛽-sécrétase (clive l’APP en fragments carboxy- terminaux (CTF) 99) suivie de la 𝛾-sécrétase (lyse des CTF99 en amyloïde-bêta (A𝛽)).

Fig. 6. L’amyloïde-bêta.

A) Structure de l’amyloïde-bêta. B) Voie non amyloïdogénique de l’amyloïde- 𝛽. C) Voie amyloïdogénique de l’amyloïde-𝛽

Tirée de (Rolland 2016).

Les dépôts des fragments A𝛽 formant les plaques amyloïdes sont définis en tant qu’évènement central pour certains types de démence chez les personnes âgées, dont de la MA. En effet, l’A𝛽 serait toxique, ce qui est supporté par diverses études in vivo et in vitro observant l’apoptose, des dysfonctions synaptiques et le développement de tauopathies (Iwai et al. 1995).

L’accumulation de ce peptide est caractéristique d’un âge avancé probablement due à des mécanismes cérébraux de synthèse ou de clairance défectueux et est détectée dans le cervelet de patients atteints de la MA (Béliveau et al. 2015). Nous avons donc émis l’hypothèse qu’il pourrait également s’accumuler chez les patients atteints de TE

puisque cette maladie progresse avec les années et qu’elle est caractérisée par des anomalies dans le cervelet. En 2015, après avoir quantifié par « Enzyme Linked ImmunoSorbent Assay » (ELISA) l’A𝛽40 et l’A𝛽42, soit les deux isoformes majeures de l’A𝛽, notre laboratoire a observé une accumulation significative de ces deux fragments insolubles dans le cervelet de patients atteints de TE comparativement aux contrôles (Figure 7) (Béliveau et al. 2015). Plus précisément, l’A𝛽42 était 246 fois plus élevé chez les patients TE que chez les témoins. Une hausse a également été détectée dans le cortex pariétal (A𝛽42 107 fois plus élevé) et la substance blanche (A𝛽42 trois fois plus élevé), ce qui supporte la propagation de ce peptide. Ainsi, l’accumulation significative d’A𝛽42 ainsi que les corrélations positives obtenues entre ce fragment peptidique et tau phosphorylé, « Leucine rich repeat and immunoglobulin domain-containing Nogo receptor-interacting protein-1 » (LINGO-1) et les neurofilaments-H, corroborent certaines études observant des mécanismes neurodégénératifs moléculaires similaires entre le TE et la MA, supportant l’hypothèse neurodégénérative du TE (Béliveau et al. 2015).

Fig. 7. L’amyloïde-bêta dans les sujets atteints de tremblement essentiel.

A) Augmentation significative de l’A𝛽42 insoluble dans le cervelet des sujets atteints de tremblement essentiel comparativement au groupe contrôle. B) Augmentation significative de l’A𝛽40 insoluble dans le cervelet des sujets atteints de tremblement essentiel comparativement au groupe contrôle. B) Augmentation significative du ratio A𝛽42/ A𝛽40 insoluble dans le cervelet des sujets atteints de tremblement essentiel comparativement au groupe contrôle.

Abréviations : A𝛽,amyloïde-bêta; Ctrl, Contrôle; ET, Tremblement essentiel; PD, Maladie de Parkinson.

Figure adaptée de (Béliveau et al. 2015).

1.9.4.2 LINGO-1

Chez l’humain, LINGO-1, est une protéine transmembranaire de type I codée par le gène LINGO-1. Elle est impliquée dans plusieurs mécanismes incluant la cognition, la mémoire, le stress et les mouvements sensoriels et moteurs (Andrews et Fernandez- Enright 2015).

Vu son expression dans différentes régions cérébrales et ses liaisons à différentes molécules de signalisation, LINGO-1 joue plusieurs rôles impliqués non seulement dans les troubles psychiatriques, mais également dans plusieurs pathologies neurodégénératives telles que la MA, la MP et le TE (Andrews et Fernandez-Enright 2015). L’implication de cette protéine dans ces maladies provient de son rôle néfaste au niveau de la signalisation cellulaire. En fait, les protéines contenant des répétitions riches en leucine tel que LINGO-1, peuvent interagir avec d’autres protéines telles que des co-facteurs (epidermal growth factor, APP) et des co-récepteurs (Nogo-66 receptor/p75, tumor necrosis factor receptor superfamily member 19, epidermal growth factor receptor, facteur neurotrophique dérivé du cerveau (BDNF)/tropomyosin receptor kinase (Trk) B, human epidermal growth factor receptor 2, nerve growth factor/TrkA. Ces interactions protéines-protéines mènent notamment à l’inhibition de la différenciation des oligodendrocytes et de la myélinisation, l’inhibition de la croissance axonale, la ramification, le guidage et la régénération axonale et la survie neuronale lors de sa surexpression (Mi et al. 2005; Shao et al. 2005; Brose et Tessier- Lavigne 2000; Halegoua, Armstrong, et Kremer 1991).

Plusieurs associations génétiques ont été observées dans le TE, mais la meilleure preuve demeure encore la réplication de la présence du gène LINGO-1 effectuée par des groupes indépendants à travers le monde. À partir d’associations génomiques, les groupes du Dr Vilarino-Guell (Vilariño-Güell, Wider, et al. 2010; Vilariño-Güell, Ross, et al. 2010), Clark (Clark et al. 2010), Wu (Y.-R. Wu et al. 2011) et Deng (Hao Deng, Gu, et Jankovic 2011) ont associé positivement ce gène (variants rs9652490 (Vilariño- Güell, Ross, et al. 2010) et rs11856808 (Jiménez-Jiménez et al. 2012)) au risque de développement du TE dans différentes populations. D’après celles-ci, un polymorphisme d’un seul nucléotide dans l’intron 3 de LINGO-1 situé sur le chromosome 15q24-26 serait associé au risque d’atteinte du TE chez l’humain (Hao Deng, Gu, et Jankovic 2011; Clark et al. 2010; Y.-R. Wu et al. 2011; Vilariño-Güell, Ross, et al. 2010; Andrews et Fernandez-Enright 2015). Plus récemment, le groupe du Dr Kuo a noté une accumulation significative de la protéine LINGO-1 dans le cervelet de patients atteints de TE comparativement à un groupe témoin, et ce, plus précisément au niveau du segment axonal des cellules de Purkinje. Ce résultat fournit donc un nouveau lien pathologique entre le TE et LINGO-1 (Kuo et al. 2013).

À partir de ces informations, notre laboratoire s’est intéressé à l’accumulation de LINGO-1 dans notre propre cohorte atteinte de TE. En 2014, nous avons également noté l’accumulation cérébelleuse de LINGO-1 dans notre groupe atteint de TE comparativement au groupe de patients sains (Figure 8 A). Cette accumulation est d’autant plus prononcée avec la durée de la maladie (Figure 8 C). L’apparition tardive de cette accumulation suggère qu’il ne s’agit pas d’une cause du TE, mais plutôt d’une réponse se développant sur une longue période. Ajoutée à ce résultat, l’accumulation était également présente dans la substance blanche (Figures 8 B et D), ce qui évoque une progression de l’expression de LINGO-1 initialement présente dans le cervelet se propageant dans d’autres régions cérébrales (substance blanche). Ainsi, ces résultats soutiennent l’hypothèse neurodégénérative du TE puisque l’altération de LINGO-1 est une signature de l’altération du CNS et pourraient également fournir une cible thérapeutique potentielle (Delay et al. 2014). Néanmoins, avant d’entreprendre des essais cliniques, il est important de comprendre davantage le lien génétique entre le TE et LINGO-1, mais également de réfléchir à la conception d’essais stratifiés selon les génotypes et phénotypes de LINGO-1 (Agúndez et al. 2015).

Fig. 8. LINGO-1 dans les sujets atteints de tremblement essentiel.

A) Accumulation de LINGO-1 dans le cervelet de patients atteints de tremblement essentiel comparativement au groupe contrôle. B) Accumulation de LINGO-1 dans la substance blanche de patients atteints de la maladie de Parkinson comparativement au groupe contrôle. C) Accumulation de LINGO-1 dans le cervelet de patients atteints de tremblement essentiel depuis plus de 20 ans comparativement au groupe contrôle. D) Accumulation de LINGO-1 dans la substance blanche de patients atteints de tremblement essentiel depuis plus de 20 ans comparativement au groupe contrôle.

Abréviations : Ctrl, Contrôle; ET, Tremblement essentiel; LINGO-1, leucine rich repeat and

immunoglobin-like domain-containing protein 1; PD, Maladie de Parkinson.

Figure adaptée de (Delay et al. 2014)).

Toutefois, malgré ces nombreuses preuves pathologiques, l’hypothèse neurodégénérative est encore un sujet controversé dans la présente littérature. En effet, les études neuropathologiques standards effectuées à ce jour n’ont rapporté aucun changement constant pointant vers une neurodégénération. Les caractéristiques associées à un processus neurodégénératif impliquent une perte neuronale avant l’apparition de symptômes cliniques, une perte neuronale corrélée avec la gravité de la maladie et une perte neuronale spécifique à la maladie plus prononcée que la perte neuronale associée au vieillissement normal. Ainsi, des équipes de recherche se sont intéressées à la possible perte des cellules de Purkinje

préalablement rapporté par l’équipe du Dr Louis (Louis, Faust, et al. 2007). Plusieurs n’ont observé aucune anomalie neuropathologique significative dans le cervelet des individus atteint de TE. Rajput et coll., 2004 ont observé une perte des cellules de Purkinje chez seulement 10 % de ce groupe d’individus (A. Rajput, Robinson, et Rajput 2004) et Shill et coll., 2008 ont observé cette même pathologie cérébelleuse dans 29 % des cas (Shill et al. 2008). Ainsi, il n’y a toujours pas de cohérence assumée avec la perte des cellules de Purkinje pouvant être à la base de la pathologie du TE. En effet, si la dégénérescence des cellules de Purkinje était la base pathologique du TE, la réduction du nombre de cellules de Purkinje serait évidente, et ce, dès la première manifestation symptomatique. De plus, elle tendrait à s’accentuer avec la progression de la maladie (A.H. Rajput, Adler, et al. 2012). Toutefois, aucune étude ne corrèle la perte des cellules de Purkinje avec la sévérité de la maladie, ni la durée de celle-ci. À ce jour, il n’existe donc aucune preuve clinique, neurophysiologique, pathologique ou d’imagerie prouvant que l’hypothèse neurodégénérative s’applique à la majorité des patients.

Une alternative à cette hypothèse pourrait se définir en tant que dysfonctionnement métabolique déclenchant des oscillations anormales dans le circuit cérébello-thalamo- cortical. Cette alternative peut supporter une instabilité neuronale inhérente provenant d’altérations de certains neurotransmetteurs, courants cationiques, seconds messagers ou récepteurs (V. Nicoletti et al. 2020). En effet, en plus des changements au niveau des récepteurs GABA, la présence de changements synaptiques entre les fibres grimpantes et les cellules de Purkinje a également été récemment observée. Une étude a montré la présence excessive de synapses entre les fibres grimpantes et les cellules de Purkinje propre à la pathologie du TE et non dans d’autres troubles neurologiques du cervelet (Kuo et al. 2017). Ainsi, ces anomalies synaptiques pourraient être une caractéristique fondamentale du TE, poussant ainsi les chercheurs à étudier de potentiels candidats moléculaires propres à sa pathophysiologie. Le récepteur glutamate delta 2 (GluR𝛿2) semble être un candidat intéressant puisqu’il contrôle la distribution des fibres grimpantes et des synapses sur les dendrites des cellules de Purkinje. D’après un article récemment publié, il y aurait une réduction de 75 % de l’expression de ce récepteur dans les sujets atteints du TE comparativement à un groupe témoin. Cette insuffisance protéique de GluR𝛿2 provoquerait des associations cérébelleuses excessives sur les cellules de Purkinje, un processus impliqué dans le développement de tremblements d’action (Pan et al. 2020). Bien que

cette étude identifie une contribution physiopathologique aux tremblements au niveau moléculaire, structural et physiologique, ces auteurs sont les seuls ayant associé un récepteur ionotrope du glutamate au TE. En effet, notre laboratoire s’est également intéressé à de la sous-unité du récepteur du glutamate epsilon-2 (GluN2B). L’intérêt de cet antagoniste provient du fait qu’il peut réduire les réponses GABAergiques de certains types de neurones. Ainsi, puisque notre laboratoire a rapporté une diminution des récepteurs GABAA et GABAB dans le cervelet de patients atteints de TE, cette perte aurait pu être corrélée à des anomalies de GluN2B. Toutefois, une technique d’autoradiographie n’a rapporté aucune différence au niveau de GluN2B dans le cervelet de patients comparativement à un groupe témoins (Paris-Robidas et al. 2012). Pourtant, les récepteurs N-méthyl-D-aspartate (NMDA) sont également des récepteurs ionotropes du glutamate ttout comme le GluR𝛿2, partageant une similarité de séquence d’acides aminés entre 20 % et 30 % avec ce dernier (Bidoret et al. 2015). Ainsi, une diminution de sa sous-unité GluN2B aurait également pu être observée. Bien que l’étude présentée (Pan et al. 2020) concernant GluR𝛿2 fait progresser la compréhension de la pathophysiologie du TE, des études supplémentaires devront donc être effectuées afin de supporter le mécanisme moléculaire responsable de la régulation négative de GluR𝛿2 chez les patients atteints de ce trouble du mouvement. Ainsi, vu la présence d’études contradictoires dans plusieurs mécanismes pouvant être associés au TE, il se peut que le TE ne soit pas la cause d’un seul dysfonctionnement spécifique et donc pas associé à un seul profil biochimique, mais plutôt à l’implication de plusieurs mécanismes (génétiques, biochimiques, etc.) (A.H. Rajput, Adler, et al. 2012). Sur cette base, le TE est classifié de syndrome plutôt que d’une maladie, suggérant ainsi que de multiples pathologies, comprenant la neurodégénérescence, conduisent à la perturbation oscillatoire du circuit cérébéllo-thalamo-corticale (Kurtis 2012). Dans les prochaines années, des études cliniques et de neuroimageries longitudinales sur de plus grosses cohortes devront donc être effectuées afin d’avoir un regard global sur les possibles mécanismes engendrant les tremblements visibles de cette maladie.

2. PROTÉINOPATHIES

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