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Il existait une catégorie d’ambassades qu’il ne faut pas manquer de prendre en compte étant donné son importance quantitative et sa fonction centrale dans les modalités de la communication entre le centre du pouvoir et les périphéries : en l’occurrence celle qui avait pour cadre géographique l’espace à l’intérieur de l’Empire romain et qui reliait Rome aux communautés intégrées dans l’Empire, dont les cités. La pratique de la legatio, déjà bien connue pour l’époque républicaine2,

1 Cet article a bénéficié d’une relecture attentive de la part de plusieurs

collègues que je tiens à remercier : Filippo Canali De Rossi, qui a notamment attiré mon attention sur le rapprochement à faire entre la lex Irnitana et l’inscription de Maronée découverte récemment ; Éric Guerber, dont les commentaires me sont toujours précieux ; Francesca Lamberti, qui m’a apporté une aide utile grâce à sa connaissance approfondie des sources juridiques. Bien entendu, les propos qui suivent n’engagent que moi.

2 Sur les ambassades à l’époque républicaine, cf. les travaux de

F. CANALI DE ROSSI : Le ambascerie dal mondo greco a Roma in età repubblicana, Rome, 1997 ; Le relazioni diplomatiche di Roma, vol. I, Rome, 2005 et vol. II, 2007. On consultera aussi M. BONNEFOND-COUDRY, Le Sénat de la République romaine de la guerre d’Hannibal à Auguste : pratiques délibératives et prises de décision, Rome, 1989, passim ; M. COUDRY, « Contrôle et traitement des ambassadeurs étrangers sous la République romaine », dans La mobilité des personnes en Méditerranée de l’Antiquité à l’époque moderne. Procédures de contrôle et documents d’identification, éd. Cl. MOATTI, Rome, 2004, p. 529-565 ; Diplomacia y autorrepresentación en la Roma antigua, éd. E. TORREGARAY PAGOLA et J. SANTOS YANGUAS, Vitoria, 2005 ; J.-L. FERRARY, « Les ambassadeurs grecs au Sénat romain », dans L’audience : rituels et cadres spatiaux, éd. J.-P. CAILLET et M. SOT, Paris, 2007, p. 113-122 ; A. BÉRENGER, « Ambassades et ambassadeurs à Rome aux derniers siècles de la République », dans État et société aux deux derniers siècles de la République romaine. Hommage à François Hinard, éd. Y. LE BOHEC, Paris, 2010, p. 65-76 ; H.-L. FERNOUX, « Les ambassades civiques des cités de la province d’Asie envoyées à Rome au Ier siècle av. J.-C. : législation romaine et prérogative des cités », dans Les gouverneurs et les provinciaux sous la République romaine, éd. N. BARRANDON et Fr. KIRBIHLER, Rennes, 2011, p. 77-99. Il faut noter en outre que dans les actes du colloque de bonne tenue publiés récemment par Cl. EILERS, Diplomats and

s’adapta sous le principat à la présence à la tête de l’État d’une autorité prééminente, celle du prince et de sa famille. Le passage de la République au principat influa sur le mode de relations entre Rome et les communautés de l’Empire en faisant du prince un lieu de convergence où devaient affluer les demandes diverses des Italiens et des provinciaux3. Le propos de cette étude est de chercher à mieux comprendre dans quelle mesure et comment la naissance à Rome d’un pouvoir de type monarchique fit évoluer le fonctionnement de ce qui était une institution indissociable de la cité antique. Sa problématique principale est celle de l’articulation et de la tension entre l’idéal civique de l’ambassade et les inévitables interventions du pouvoir impérial pour réglementer une pratique qui le concernait directement.

L’ambassade auprès du prince : un rituel civique et une priorité

La naissance du principat, loin de freiner l’envoi des ambassades, en multiplia le nombre en offrant une nouvelle occasion de se rendre à Rome et auprès du prince pour rendre hommage à celui-ci et à sa famille pour telle ou telle raison. Un des meilleurs témoignages de cette forme de loyalisme véhiculée par les ambassadeurs est le texte d’un décret adopté par la colonie de Pise sur les honneurs funéraires à rendre à la mémoire de Caius César4. Ce document épigraphique montre que la pratique de l’ambassade était pleinement intégrée à la vie civique au point de Diplomacy in the Roman World, Leyde-Boston, 2009, la majorité des articles a porté sur l’époque républicaine.

3 C’est le thème de l’impact de la monarchie, déjà bien traité par F. M

ILLAR, qui a montré que le passage de la République à l’Empire était moins une révolution politique qu’une « révolution de la conscience » et qui cite le passage de Strabo, X, 5, 3 rappelant qu’en 29 av. J.-C., soit deux années après Actium, un ambassadeur originaire de la petite île égéenne de Gyaros décida de se rendre auprès d’Auguste alors à Corinthe pour lui demander un allègement du tribut payé par sa cité (F. MILLAR, « State and Subject : the Impact of Monarchy », dans Caesar Augustus, Seven Aspects, éd. F. MILLAR et E. SEGAL, Oxford, p. 37-60 = Rome, the Greek World, and the East. Volume 1. The Roman Republic and the Augustan Revolution, éd. H. M. COTTON, G. M. ROGERS, Chapel Hill-Londres, 2002, p. 292-313). C’est ce qui explique en particulier que devinrent un lieu de convergence non seulement la personne même du prince, mais aussi son image, diffusée à travers tout l’Empire.

4 CIL, XI, 1421 = ILS, 140 = E-J, 69 = Inscr. It., VII, 1, 7 = AE, 1991, 21 =

A. R. MAROTTAD'AGATA, Decreta Pisana, Edizione critica, traduzione e commento, Pise, 1980.

former une priorité pour la cité de Pise, mais aussi qu’elle était conditionnée par les événements, heureux et malheureux, touchant la famille impériale. L’envoi de legati de Pise à Rome auprès d’Auguste fut la conséquence du deuil dans lequel cette cité avait été plongée à l’annonce de la mort de Caius César, le fils adoptif du prince décédé en Orient le 21 février 4 ap. J.-C. Cette décision fut prise dans un contexte particulier dominé par de fortes tensions politiques. On sait qu’à la suite de luttes électorales, la colonie de Pise avait été paralysée au début de l’année 4 ap. J.-C. par l’absence de magistrats. En conséquence se forma une assemblée qui ne pouvait être qu’informelle et qui réunit les décurions et les citoyens de la colonie le 2 avril dès le moment où la cité fut mise au courant du décès de celui qui était considéré comme le successeur désigné5. Le décret qui en résulta précise, après avoir rappelé les hauts faits de Caius César et lui avoir décerné des honneurs funéraires, qu’on envoya auprès d’Auguste une ambassade pour faire connaître les décisions prises à l’unanimité et justifier en même temps les conditions locales extraordinaires dans lesquelles furent prises ces mesures. Voici la partie du texte intéressant notre propos :

… que pendant ce temps, T. Statulenus Iuncus, flamine augustal, pontife mineur des cérémonies sacrées du peuple Romain, soit prié d’indiquer, en justifiant en compagnie d’ambassadeurs le cas de force majeure présent, à l’empereur César Auguste, père de la patrie, pontife suprême, revêtu de la 26e puissance tribunicienne, cette fonction publique et la volonté unanime exprimée par le libelle remis6.

5 Sur la situation politique troublée à Pise en 4 ap. J.-C., cf. S. S

EGENNI, « Problemi elettorali e amministrazione a Pisa alla morte di Gaio Cesare (CIL, XI 1421 = I.I., VII 1, 7) », dans Lovgioı ajnhvr. Studi di antichità in memoria di Mario Attilio Levi, éd. P. G. MICHELOTTO, Milan, 2002, p. 379-393 ; S. SEGENNI, « Pisae in età augustea. Prassi amministrativa e ideologia imperiale nei decreta Pisana », MEFRA, 119 (2007), p. 369-373.

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L. 42-47 : interea T. Statulenus Iuncus / fla[me]n Augustalis, pontif(ex) minor publicorum p(opuli) R(omani) sacrorum, rogare/tu[r uti] cum legatis excusata praesenti coloniae necessitate hoc / of[ficiu]m publicum et uoluntatem uniuersorum libello reddito / Im[p(eratori) Ca]esari Augusto, patri patriae, pontif(ici) maxsimo, tribuniciae / po[test(atis)] XXVI indicet. Sur les ambassades envoyées de Pise à Rome en 2 et 4 ap. J.C., cf. en dernier lieu le commentaire des décrets de Pise par S. SEGENNI, I decreta Pisana. Autonomia cittadina e ideologia imperiale nella colonia Opsequens Iulia Pisana, Bari, 2011, p. 75-80.

Il en ressort que dans un contexte politique troublé, la pratique de la legatio resta indissociable de la vie civique d’une cité de l’Empire romain. C’est ce qui explique qu’à Pise, la priorité fut donnée à l’envoi auprès d’Auguste d’une ambassade qui fut conduite par un des plus éminents notables locaux et dont l’objet était de faire connaître la liste des honneurs funéraires octroyés à son fils à l’unanimité. En outre, la cité de Pise n’attendit pas pour cela que ce premier vote, informel dans le sens où l’absence de magistrat n’avait pas permis aux décurions de se réunir dans le respect des formes légales et de voter un décret dès le mois d’avril, fût ratifié par l’ordo aussitôt après la fin de la vacance du pouvoir à Pise. L’envoi de legati en urgence et dans le cadre d’un fonctionnement inhabituel des institutions locales se justifiait ici parce qu’il s’agissait de réagir immédiatement à un événement qui avait touché la dynastie au pouvoir à Rome.

Cet exemple est loin d’être isolé. La documentation montre à quel point le pouvoir impérial ne cessa d’accueillir des ambassadeurs qui se déplacèrent à Rome pour transmettre le texte de décrets félicitant le prince pour tel événement ou commémorant les décès au sein de la famille impériale. Outre la mort de Caius César, chaque décès de membres de la famille impériale donna lieu à un deuil public et à des honneurs funéraires, soit autant d’occasions qui poussèrent les communautés à envoyer des ambassadeurs auprès du prince (ou de son successeur lorsque c’était le dernier qui était décédé) pour lui exprimer leurs condoléances. Un autre décret de Pise voté après le décès à Marseille le 20 août 2 ap. J.-C. de Lucius César, le second fils adoptif d’Auguste, nous apprend ainsi qu’

à la première occasion, des ambassadeurs de notre Sénat iront auprès de l’empereur César Auguste, père de la patrie, pontife suprême, revêtu de la 25e puissance tribunicienne et lui demanderont qu’il permette aux colons Juliens de la colonie Opsequens Iulia Pisa de faire et exécuter toutes les clauses de ce décret7.

7 CIL, XI, 1420, l. 33-37 = ILS, 139 = E-J, 68 = Inscr. It., VII, 1, 6 = AE, 1991,

21 = A. R. MAROTTA D'AGATA,Decreta Pisana, Edizione critica, traduzione e commento, Pise, 1980 : utique prim[o] / quoque tempore legati ex nostro ordine Imp(eratorem) Caesare(m) Augustum / patrem patriae, pontificem maximum, tribuniciae potestatis XXV / adeant petantque ab eo uti colonis Iuliensibus coloniae Opsequenti / Iuliae Pisanae ex hoc decreto ea om(n)ia facere exsequique permittat.

Il faut comprendre que deux années avant la mort de Caius, une autre ambassade pisane se rendit à Rome pour remettre à Auguste le texte d’un décret qui rendait des honneurs funéraires à la mémoire du prince décédé en copiant le sénatus-consulte pris précédemment à Rome sur le même sujet8. La teneur de ce décret ne laisse aucun doute sur la priorité qui était reconnue à cette opération en utilisant l’expression primo quoque tempore (« à la première occasion »).

La circulation des ambassadeurs est également attestée au moment de la mort de Germanicus, le fils de Tibère décédé en 19 ap. J.-C. Connu par la Tabula Siarensis, le sénatus-consulte de 19 ap. J.-C. sur les honneurs funéraires à rendre à la mémoire de ce prince de la famille impériale prévoyait également un déplacement de légats de cités entre Rome, l’Italie et les provinces, selon des modalités déterminées et en inversant le sens de la communication : non plus de la périphérie vers le centre, comme on l’observe sur le décret de Pise, mais du centre vers la périphérie. C’est ce que souligne avec clarté un passage du fragment b :

le Sénat souhaitait et estimait juste … que les consuls publient ce sénatus-consulte sous l’autorité de leur édit et ordonnent que les magistrats et les légats des municipes et des colonies en transmettent une copie aux municipes et aux colonies d’Italie ainsi qu’à celles des colonies qui étaient dans les provinces9.

Il en ressort que le modèle dominant d’un empereur passif réagissant aux demandes des ambassades tel qu’il a été établi par

8 Cf. à ce sujet Fr. H

URLET, « Les modalités de la diffusion et de la réception de l’image et de l’idéologie impériale sous le Haut-Empire en Occident », dans La transmission de l’idéologie impériale dans l’Occident romain, éd. M. NAVARRO CABALLERO et J.-M. RODDAZ, Bordeaux-Paris, 2006, p. 57-58.

9 Tabula Siarensis, fr. IIb, l. 21-27 : item senatum uel/le atque aequom censere

… / … uti co(n)su(les) hoc / s(enatus) c(onsultum) sub edicto suo proponerent iuberentque mag(istratus) et legatos municipiorum et coloniar/um descriptum mittere in municipia et colonias Italiae et in eas colonias quae essent in / <p>rouinciis ; eos quoque qui in prouinci<i>s praeessent recte atque ordine facturos si hoc s(enatus) c(onsultum) de/disse<n>t operam ut quam celeberrumo loco figeretur. Sur ce passage de la Tabula Siarensis, cf. J. NELIS- CLÉMENT, « Le gouverneur et la circulation de l’information dans les provinces romaines sous le Haut-Empire », dans La circulation de l’information dans les États antiques, éd. L. CAPDETREY et J. NELIS-CLÉMENT, Bordeaux, 2006, p. 141-160, en particulier p. 145-148 et HURLET, « Modalités… », loc. cit. n. 8, en particulier p. 55-56.

F. Millar10, s’il n’est pas pour autant infirmé, doit veiller à ne pas dénier au pouvoir impérial de jouer dans certaines circonstances déterminantes un rôle pro-actif. Nous savons ainsi que des legati disposaient à Rome de stationes pour y assurer la représentation de leurs cités11. Même si les questions liées à cette présence permanente dans l’Vrbs ne sont pas encore toutes résolues12, il est évident que ces ambassadeurs en poste à Rome restaient en toute circonstance prêts à remonter dans leurs cités toute information ou toute décision à l’initiative du pouvoir central. C’est ce qui se produisit en 19 ap. J.-C. à la mort de Germanicus, comme l’indique la Tabula Siarensis, mais aussi dans de nombreuses autres circonstances.

Si les décès des membres de la famille impériale étaient assimilés à des événements importants, ils étaient loin de constituer les seules raisons pour lesquelles les cités réagissaient à l’actualité dynastique en envoyant des ambassades. Nous savons ainsi que la cité de Sardes fit parvenir auprès d’Auguste deux ambassadeurs pour remettre au prince un décret de leur cité commémorant la prise de la toge virile par son fils adoptif aîné, Caius César, dans le courant de l’année 5 av. J.-C.13. Cet événement était loin d’être négligeable, puisqu’il avait été perçu

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Il faut d’ailleurs souligner que l’image d’un empereur qui réagit plus qu’il n’agit doit beaucoup dans la monographie de F. Millar à l’évidence qui se dégage des sources faisant référence à la pratique de l’ambassade sous le Haut- Empire romain (F. MILLAR, Emperor in the Roman World, Londres, 1977, p. 379 : If we are to judge by the evidence from Judaea, therefore, the role of the emperor was essentially passive ; cf. aussi p. 411-425 pour la sous-partie consacrée à la réception des ambassades).

11 Cf. sur ce sujet J. N

ÉLIS-CLÉMENT, « Les stationes comme espace et transmission du pouvoir », dans Herrschaftsstrukturen und Herrschaftspraxis, éd. A. KOLB, Berlin, 2006, p. 271-273 avec les références aux documents épigraphiques.

12 Par exemple sur le nombre forcément limité des cités provinciales qui

avaient une antenne permanente à Rome (une par province ?), sur le statut de ces cités, sur les circonstances qui conduisirent non seulement les légats, mais aussi les magistrats de cités à être présents à Rome en 19 ap. J.-C. à la mort de Germanicus, cf. W. ECK, « Zur Durchsetzung von Anordnung und Entscheidungen in der hohen Kaiserzeit : die administrative Informationsstruktur », dans Die Verwaltung des römischen Reiches in der hohen Kaiserzeit. Ausgewählte und erweiterte Beiträge, éd. W. ECK, t. I, Bâle, 1995, p. 66-68 (cet article a fait l’objet d’une version italienne avec quelques modifications bibliographiques : « I sistemi di trasmissione delle comunicazioni d’ufficio in età alto imperiale », dans Epigrafia e territorio, politica e società. Temi di antichità romane, IV, éd. M. PANI, Bari, 1996, p. 340-342).

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par une cité de l’Orient grec comme un rite de passage faisant un homme de celui qui était considéré comme le successeur désigné14. Mais il laisse surtout entendre pour notre propos que tout événement de plus ou moins grande portée concernant tout membre de la dynastie (avènement15, octroi d’honneurs, élection à des magistratures ou à des sacerdoces, investiture de pouvoirs, mariages, naissances…) pouvait donner lieu à l’envoi d’ambassadeurs remettant au prince les décrets de félicitations. L’envoi d’ambassades auprès du prince se transforma rapidement en un rituel civique qui exprimait une forme d’allégeance à l’égard du prince. C’est ce que souligne Pline le Jeune dans un passage sur lequel je reviendrai et qui rappelle que Byzance transmettait chaque année à Trajan ses hommages officiels sous la forme d’un décret qu’une ambassade était chargée de remettre au prince16.

Il y a à ce jour unanimité parmi les spécialistes pour admettre l’importance quantitative des ambassades au sein de l’Empire17. La situation documentaire de l’Orient, pour lequel de nombreuses sources témoignent de cette pratique18, n’est pas comparable avec celle qui prévaut en Occident, où les témoignages sont moins nombreux. W. Eck a mis récemment,

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L. 9-11 : h{ te hJmetevra povli" ejpi; th'/ tosauvth/ eujtuciva/ th;n hJmevran th;n ejk paido;" a[ndra telhou'san aujto;n iJera;n e[krinen ei\nai.

15 Pour des exemples d’ambassades envoyées par les cités à l’avènement d’un

empereur, cf. G. A. SOURIS, « The Size of the Provincial Embassies to the Emperor under the Principate », ZPE, 48 (1982), p. 238.

16 Plin., Ep., X, 43-44.

17 Pline rappelle en ce sens que l’accessibilité du prince à l’égard des

ambassadeurs est une des caractéristiques du « bon » empereur (Pan., LXXIX, 6-7 ; cf. inversement Joseph., AJ, XVIII, 170-171 qui précise que Tibère fut critiqué pour avoir fait traîner en longueur la réception des ambassadeurs). Cf. aussi Plut., Quaest. Rom., XLIII [= Mor., 275c] qui précise que la pratique des dépenses pour les ambassadeurs présents à Rome a été abandonnée « du fait de la masse des ambassadeurs qui arrivent » (l’emploi de nu'n indique qu’il fait référence à son époque) ; cf. aussi Cass. Dio, LXVIII, 24, 1-2 ; Joseph., AJ, XVII, 342 ; BJ, II, 7, 3-17, 1. Sur la fréquence des ambassades auprès du prince, cf. MILLAR, Emperor…, op. cit. n. 10, p. 375-380. Pour une liste des documents épigraphiques témoignant de l’envoi par les cités d’ambassades à Rome, aussi bien sous la République que sous l’Empire, cf. G. IACOPI, « Legatus », dans Dizionario epigrafico di antichità romana, éd. E. DE RUGGIERO, 4, 2, col. 513-525.

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Pour une étude très complète et synthétique des ambassades envoyées par les communautés grecques aux autorités romaines à l’époque impériale, cf. C. HABICHT, « Zum Gesandtschaftsverkehr griechischer Gemeinden mit römischen Instanzen während der Kaiserzeit », Archaiognosia, 11 (2001/2002), p. 11-28 (avec une liste très utile des ambassades cité par cité, p. 23-27).

avec de bons arguments, cette différence en rapport avec l’utilisation dans les provinces occidentales d’un support en bronze (et non en pierre comme en Orient) qui lui a valu d’être réutilisé après avoir été refondu et donc de disparaître de la mémoire historique19. Mais ce qui nous en reste nous laisse aucun doute sur le caractère régulier de cette pratique : il n’y a d’ailleurs aucune raison que les relations entre le pouvoir impérial et l’Occident romain ne soient pas comparables à celles que ce même pouvoir entretenait avec l’Orient romain. Si la pratique de l’ambassade était régulière, elle ne s’est pas pour autant banalisée et n’a jamais été perçue comme une opération secondaire ou de simple routine. C’est ce que rappelle Plutarque lorsqu’il fait des ambassades auprès de l’empereur un des signes distinctifs d’une « carrière politique illustre et brillante » à son époque20. On ne s’expliquerait pas autrement pourquoi les cités financèrent des déplacements qui pouvaient être coûteux, ni pourquoi les citoyens de ces cités n’hésitèrent pas à entreprendre des voyages qui pouvaient se révéler dangereux et que certains d’entre eux prenaient d’un point de vue financier à leur propre compte en tant qu’évergètes (c’est ce qu’on appelait la legatio gratuita). On a déjà pu souligner qu’un certain nombre d’ambassades comprenait des délégations importantes réunissant de nombreux individus, ce qui obérait d’autant plus les budgets des cités dans les cas, majoritaires, où il ne s’agissait pas d’une legatio gratuita. Les chiffres sont révélateurs et il suffit de renvoyer à ce sujet aux nombreux exemples enregistrés par F. Millar21. On verra infra que l’édit de Vespasien interdisant aux cités d’envoyer plus de trois légats à la fois ne fut pas suivi d’effet, pour des raisons que nous