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DIPLOMATIE IMPÉRIALE

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PROPOS DE L

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MPIRE ET DES

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AUTRES

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Stéphane

B

ENOIST

Cette étude, qui s’insère dans une rencontre portant sur la diplomatie méditerranéenne, ambassadeurs et moyens humains, aux époques antique et médiévale, développe certains aspects d’une réflexion au long cours sur l’imperium Romanum, pratiques, fonctionnement et discours, de représentation et de commémoration1. L’angle d’approche privilégié dans ce qui suit peut toutefois apparaître marginal, sinon hors de propos. Il me semble néanmoins central pour comprendre, à partir des deux derniers siècles de la République, les modes de structuration d’une cité impériale, qu’il s’agisse de ses institutions, de la constitution d’un espace sous contrôle, et d’une façon romaine d’envisager l’orbis terrarum, ses rapports avec les cités et peuples du bassin méditerranéen, des rois clients aux ennemis constitués, déclarés2. Avec Auguste et la mise en place du principat, ces

1 Je remercie les organisateurs du colloque, et tout particulièrement

Audrey Becker, pour leur invitation. Les activités 2010/2011 de la section d’Histoire romaine de l’Université Paul Verlaine, une rencontre en automne puis une seconde au printemps, m’ont permis d’articuler ma réflexion en deux temps, diplomatie et pratique de la délégation de pouvoir étant étroitement liées dans la perspective qui est la mienne. On se reportera donc aux actes de la rencontre intitulée Hiérarchie des pouvoirs, délégation de pouvoir et responsabilité des administrateurs, éd. A. BÉRENGER, F. LACHAUX, Metz, 2012, pour la communication sur « Princeps et legati, de la conception impériale de la délégation de pouvoir. Nature, fonction, devenir, d’Auguste au

IVe siècle de notre ère ».

2 C’est en ce sens qu’il convient de lier les recherches sur l’empire et les

« autres », qu’il s’agisse par exemple du livre récent de J. RICHARDSON, The Language of Empire. Rome and the Idea of Empire from the Third Century BC to the Second Century AD, Cambridge, 2008, pour n’en mentionner qu’un parmi beaucoup d’autres s’attachant à définir l’empire romain, sinon un impérialisme que l’on peine à identifier, fort de schémas contemporains par trop prescriptifs (cf. infra n. 22), ou de la prise en compte des peuples et États au-delà des frontières de l’empire. Je signale à ce propos les enquêtes de réseau « Impact of Empire », le dernier volume paru : Frontiers in the Roman World, éd. O. HEKSTER et T. KAIZER, Proceedings of the Ninth Workshop of the International Network Impact of Empire, Durham, 16-19 Avril 2009, Leyde, Boston, 2011 et la prochaine rencontre qui se tiendra en juin 2013 à New York

questions d’identités se trouvent désormais portées par l’Imperator Caesar Augustus et les membres de sa domus, qu’il s’agisse de la détention de l’imperium et de la pratique de la délégation sous toutes ses formes, du contrôle de la diplomatie et donc de tout ce qui a trait à la guerre et à la paix.

Je précise dans ce qui suit quelle est la délimitation du champ de recherche retenu dans le cadre de cette enquête, en partant de la brève notice consacrée par Th. Mommsen aux « affaires étrangères » sous le Principat, ou bien du recensement des missions et déplacements des membres de la famille impériale d’Auguste aux Sévères, afin de retenir comme toile de fond une diplomatie à proprement parler « impériale »3. J’ai privilégié un temps, un espace et une documentation susceptibles d’apporter un éclairage sur cet aspect central de la construction d’un modèle d’empire, d’Auguste à la crise du IIIe siècle, en mettant l’accent sur les rapports avec le monde parthe/perse, au travers des sources latines qui sont plus ou moins proches des formulations officielles ou discours de représentation d’un pouvoir impérial idéal, afin de répondre à la question suivante, en paraphrasant Paul Veyne : « qu’était-ce que cet empire romain de princes-ambassadeurs- légats ? »4. J’ai retenu trois sources qui rendent compte d’approches complémentaires de notre objet d’étude : les Res

gestae diui Augusti, un passage des Principia historiae de Fronton

et des extraits de uitae de l’Histoire Auguste concernant Odénath, celles de Valérien et de Gallien, à l’exclusion toutefois de la biographie de ce prince palmyrénien dans la Vie des Trente

Tyrans.

Une dernière remarque en préambule concerne la question du vocabulaire, la polysémie du verbe lego, -are, -aui, -atum : envoyer avec une mission, députer, déléguer, mais également et traitera de « Rome and the world beyond the frontiers of the Empire ». Un premier état de la documentation fut proposé à un public étudiant anglo-saxon voici près d’un demi-siècle : F. MILLAR, avec R. N. FRYE, G. KOSSACK, D. BERCIU et T. TALBOT-RICE, The Roman Empire and its Neighbours, Londres, 1967, éd. rév. 1981 et 1993.

3

Cf. Th. MOMMSEN, Römisches Staatsrecht3, trad. franç. Paul Fr. GIRARD, Le droit public romain, Paris, 1889-1896, rééd. 1984, vol. V, p. 241-245 (= II, 954-957) et D. KIENAST, Römische Kaisertabelle. Grundzüge einer römischen Kaiserchronologie, Darmstadt, 20043.

4

Je renvoie bien évidemment à son recueil d’études : P. VEYNE, L’empire gréco-romain, Paris, 2005, avec un chapitre intitulé « Qu’était-ce qu’un empereur romain ? », p. 15-76, et à sa proposition de lecture de l’empire aux époques hellénistique et romaine qui a suscité la réflexion : « Y a-t-il eu un impérialisme romain ? », MEFRA, 87 (1975), p. 793-855.

nommer comme lieutenant, comme légat, léguer ; le legatus étant dès lors le député, l’ambassadeur, le délégué, puis le légat- gouverneur, tandis que la legatio correspond à l’ambassade. Je cite la définition de Varron dans son traité sur la Langue latine : « Légats, les individus officiellement choisis pour assister à l’étranger les magistrats de leur activité et de leurs conseils, ou pour être les messagers du sénat ou du peuple » ; que l’on peut compléter par la notice consacrée au comitium qui mentionne la présence des ambassadeurs des nations étrangères envoyés en mission auprès du sénat et devant attendre audience en un lieu se situant au sud du comitium, ce qui permet à notre érudit antiquaire d’expliquer la signification du Graecostatis5.

Le prince, le sénat et le peuple : à propos d’une diplomatie impériale

La lecture des paragraphes 29, 31, 32 et 33 des Res gestae

diui Augusti6 permet d’introduire cette réflexion par deux références importantes : en premier lieu, l’usage des expressions

amicitia populi Romani7 et nostra amicitia8, qui suggèrent de lier l’action du princeps et celle du peuple quels que soient ses représentants (magistrats à imperium et assemblée sénatoriale), tandis que l’on relève, en ouverture de trois paragraphes

5 Varro, Ling., V, 16, 87, 3 : Legati qui lecti publice, quorum opera consilioque

uteretur peregre magistratus, quiue nuntii senatus aut populi essent ; ibid., 32, 155, 7 : ubi nationum subsisterent legati qui ad senatum essent missi. Cf. trad. et comm. de J. COLLART (éd. CUF, 1954), p. 199 à propos du lien étymologique supposé entre le legatus et la lex en vertu de laquelle il serait désigné.

6 On peut se référer aux deux éditions récentes du texte, avec commentaires et

variantes (présentées en tableau comparatif dans la dernière parue) : J. SCHEID, Res Gestae Diui Augusti. Hauts faits du divin Auguste, Paris, 2007 et A. E. COOLEY, Res Gestae Divi Augusti, Cambridge, 2009. Pour une analyse judicieuse du texte, R. T. RIDLEY, The Emperor’s retrospect. Augustus’ res gestae in epigraphy, historiography and commentary, Louvain, 2003.

7 RGDA, 29, 2, concernant la récupération des enseignes militaires perdues :

Parthos trium exercit<u>m Romanorum spolia, et signa re[ddere] mihi supplicesque amicitiam populi Romani petere coegi. Ea autem si[gn]a in penetrali, quod e[s]t in templo Martis Vltoris reposui.

8 RGDA, 31, 2, à propos des ambassades de rois lointains : Nostram amic[itiam

appetiue]run[t] per legat[os] B[a]starn[ae Scythae]que et Sarmatarum qui su[nt citra fl]umen Tanaim et ultra re[ges, Alba]norumque rex et Hiberorum e[t Medorum].

successifs9, un emploi récurrent de l’expression ad / a me. Dans les deux cas, la centralité du rapport au prince est essentielle. Elle rend compte de la personnalisation des relations entre les rois et Rome (anaphore a me) et facilite un travail de réécriture de l’amicitia Romana permettant de lier étroitement le populus

Romanus et Augustus. On rencontre en outre une formulation

explicite d’une double amicitia, mea et populi Romani, dont Suétone reprit dans sa biographie d’Auguste les termes à propos d’un récit concernant les mêmes ambassades10. C’est en effet à l’occasion du retour en 20 des enseignes prises par les Parthes, lors de la défaite de Carrhae – on ne mentionne jamais le sort des prisonniers dont certains devaient être encore en vie trente ans plus tard –, que l’on trouve cette mention du populus Romanus11. Gageons que cette œuvre, les « Hauts faits du divin Auguste », tardivement rendue publique et diffusée après la mort du premier

princeps, contient une lecture minutieusement élaborée, sujette à

réécriture attentive, du fonctionnement de la res publica restituta des premières décennies, à l’usage du bilan politique de l’action d’un priuatus devenu magistrat, revêtu des mêmes pouvoirs que les autres mais doté d’une auctoritas qui justifiait en soi son action exceptionnelle, notamment en matière de conduite de la

9 Cf. RGDA, 31, 1. Ad me ex In[dia regum legationes saepe] m[issae sunt non

uisae ante id t]em[pus] apud qu[em]q[uam] R[omanorum du]cem. 32, 1. Ad

me supplices confugerunt [r]eges Parthorum Tirida[te]s et post[ea] Phrat[es],

regis Phratis filiu[s], Medorum Ar[tauasdes, Adiabenorum A]rtaxares, Britann[o]rum Dumnobellaunus et Tin[comarus, Sugambr]orum Maelo, Mar[c]omanorum Sueborum […rus]. 2. Ad [me re]x Parthorum Phrates, Orod[i]s filius, filios suos nepot[esque omnes] misit in Italiam non bello superatu[s], sed amicitiam nostram per [libe]ror[um] suorum pignora petens. 3. Plurimaeque aliae gentes exper[tae sunt p(opuli) Ro]m(ani) fidem me

principe, quibus antea cum populo Roman[o nullum extitera]t legationum et

amicitiae [c]ommercium. 33. A me gentes Parthorum et Medoru[m per legatos] principes earum gentium reges pet[i]tos acceperunt : Par[thi Vononem, regis Phr]atis filium, regis Orodis nepotem, Medi Arioba[rzanem], regis Artavazdis filium, regis Ariobarzanis nepotem.

10 Suet., Aug., XXI, 3 : pellexit ad amicitiam suam populique Rom. ultro per

legatos petendam.

11 Concernant la politique augustéenne en Orient, ses tenants et aboutissants, le

rôle des membres de la famille impériale et des proches du princeps, d’Agrippa à ses fils, Caius et Lucius, en passant par Tibère, on peut se reporter aux deux synthèses suivantes : R. D. SULLIVAN, Near Eastern Royalty and Rome, 100-30 BC, Toronto, 1989, chap. 9 « Dynasties beyond the Euphrates », p. 280-318, passim et A. N. SHERWIN-WHITE, Roman Foreign Policy in the East 168 B.C. to A.D. 1, Londres, 1984, chap. XIII « Oriental Counteraction », p. 298-321 et XIV « The Augustan Solution », p. 322-341.

guerre et de la paix, en ce domaine privilégié des relations diplomatiques « extérieures ».

En exposant très brièvement, en cinq petites pages, ce qu’il nomme « les affaires étrangères » sous le Principat, Th. Mommsen souligne essentiellement trois éléments tout à fait centraux. Il commence par un rappel des pratiques républicaines, et énumère ce qui est du ressort du sénat, à savoir les relations diplomatiques, la guerre et la paix, les alliances, mais qui requiert l’acquiescement des magistrats qui président les séances. Puis, il constate avec le principat une modification des pouvoirs effectifs mais non du droit. Enfin, il centre son développement sur l’importance de l’activité personnelle du prince, statuant seul sur la paix et la guerre. Il relève toutefois la mention des ambassades envoyées devant le sénat et des conditions de paix communiquées officiellement, ou bien de l’envoi de nouvelles régulières des guerres menées par le prince et ses légats. Pour cette analyse, il s’appuie exclusivement sur les sources littéraires, Dion Cassius et Suétone notamment12. On relève ainsi le conseil de Mécène à propos d’une présentation régulière des ambassades au sénat, qui peut tout autant refléter une donnée augustéenne que sévérienne13. Th. Mommsen procède donc à un inventaire non exhaustif des situations de l’époque augustéenne au IIe siècle de notre ère, notamment jusqu’au règne conjoint de Marc Aurèle et Lucius Verus. On note l’assentiment du sénat pour la guerre menée contre les Parthes par ce collège impérial, avec à l’appui la mention du témoignage de l’Histoire Auguste14. Cette dernière référence permet d’aborder les rapports entre le prince et les membres de la domus Augusta qui structurent l’approche impériale de la politique étrangère.

Le collège impérial des années 161-169 fournit en effet une excellente illustration des rapports entretenus au sein d’une famille impériale par ses différents membres, la remarque de l’auteur de l’Histoire Auguste offrant urbi et orbi une mise en scène de ce partage d’activité entre un senior Augustus demeuré à Rome et son frère envoyé en Orient (Verus missus est, ipse

Romam remansit), l’un et l’autre étant toutefois solidaires des

12 On peut se reporter au recensement de J. M

ALITZ, Theodor Mommsen, Römisches Staatsrecht, Stellenregister, Munich, 1979, pour prendre la mesure des sources mises en œuvre par le grand maître allemand.

13 Cass. Dio, LII, 31.

14 SHA, Aurel., VIII, 9 : Ad Parthicum uero bellum senatu consentiente Verus

frater est missus : ipse Romam remansit, quod res urbanae imperatoris praesentiam postularent.

actions de chacun des membres du collège, avec la pratique des salutations impériales conjointes, du port des titres de victoires et finalement de la célébration des triomphes15. Un retour sur la situation augustéenne et le témoignage des Res gestae permet d’évoquer les mentions successives dans ce bilan politique de l’action des membres de la domus Augusti : Tibère le beau-fils, Caius le fils adoptif, envoyés pour s’occuper des questions d’Arménie, l’un et l’autre ayant probablement été revêtus d’une

legatio, en 20 pour le règlement des affaires parthes en ce qui

concerne Tibère, probable legatus Augusti pro praetore, et en 1 de notre ère pour Caius16. Il est remarquable de relever dans le bilan augustéen une présence des princes de la famille impériale qui est toujours justifiée par le rapport direct au princeps : mention des liens familiaux (priuignus / filius) et de la mission en tant que représentant du prince (per). Dans ce contexte, les acclamations impératoriennes suivent les succès diplomatiques ou militaires de tous les membres de la domus Augusti, avec un comptage qui associe père, beau-fils et petit-fils : en 20, Auguste devient imp. IX afin de célébrer la victoire diplomatique de Tibère à propos des affaires parthe et arménienne ; en 1, la XVe et en 3, la XVIe salutation impériale sont ajoutées pour les règlements par Caius des conflits en Arabie et Arménie17.

15 Brève évocation du fonctionnement du collège impérial en contexte militaire

(salutations impériales, triomphes…) dans S. BENOIST, « Marc Aurèle, un prince philosophe face à la guerre », dans L’empreinte de la guerre. De la Grèce classique à la Tchétchénie, Ph. MARTIN et S. SIMIZ (dir.), Paris, 2006, p. 277-285.

16 RGDA, 27, 2 : Armeniam maiorem interfecto rege eius Artaxe, c[u]m possem

facere prouinciam, malui maiorum nostrorum exemplo regn[u]m id Tigrani, regis Artavasdis filio, nepoti autem Tigranis regis, per T[i(berium) Ne]ronem

trade[r]e, qui tum mihi pri[uig]nus erat. Et eandem gentem postea

d[e]sciscentem et rebellantem domit[a]m per Gaium filium meum regi Ariobarzani regis Medorum Artaba[zi] filio, regendam tradidi, et post eius mortem filio eius, Artavasdi ; quo [i]nterfecto Ti[gra]ne<m>, qui erat ex regio genere Armeniorum oriundus, in id regnum misi. Je renvoie aux commentaires suivis de J.-M. RODDAZ, Marcus Agrippa, Rome, 1984, auquel j’ai emprunté infra, pour le détourner, le titre de son 3e livre consacré à « L’autre prince du monde » qui analyse notamment les missions du gendre d’Auguste, la mise en valeur de l’Occident et son rôle de prince de l’Orient, et Fr. HURLET, Les collègues du Prince sous Auguste et Tibère. De la légalité républicaine à la légitimité dynastique, Rome, 1997.

17 Se reporter aux études classiques de T. D. B

ARNES, « The Victories of Augustus », JRS, 64 (1974), p. 21-26 et de R. SYME, « Some Imperatorial Salutations », Phoenix, 33 (1979), p. 308-329 = Roman Papers III, éd. A. R. BIRLEY, Oxford, 1984, p. 1198-1219.

Le témoignage des Res gestae diui Augusti est riche à plus d’un titre, par les informations qu’il donne, voire les omissions et travestissements de la vérité qu’il peut contenir18, mais également par la formulation précise d’une narration-bilan d’un programme politique qui est une des rares expressions « officielles » de ce qu’Auguste souhaite livrer de l’expérimentation du nouus status du principat. Que ce soit la réception des ambassades venues d’horizons lointains présenter une certaine allégeance (par exemple les Indiens et Scythes à Tarragone en 25) ou bien l’affirmation de la conquête du monde en préambule :

Copie effectuée ci-dessous de l’inscription citant les hauts faits d’Auguste divinisé, qui a soumis l’univers à l’Empire du peuple romain, et les dépenses qu’il a effectuées pour la République et pour le peuple romain, l’original a été gravé sur deux piliers de bronze et retrouvé à Rome19.

Les paragraphes 31-33 font état de la fréquence des légations, des représentants envoyés afin de célébrer l’amitié du prince et du peuple romain, des rois fugitifs et de l’envoi d’otages, de l’octroi de rois par des ambassades (per legatos)20. La remarque finale du paragraphe 32 est révélatrice de la position centrale occupée par le prince et de l’expression des relations internationales qu’il souhaite diffuser :

Un très grand nombre de nations qui n’avaient jamais eu auparavant de rapports diplomatiques ni de traité d’amitié avec le peuple romain ont fait l’épreuve de la bonne foi du peuple romain sous mon principat21.

18 Cf. R

IDLEY, The Emperor’s retrospect, op. cit. n. 6, p. 128-129 et 132-138, à propos de l’histoire de l’Arménie, commente le passage 27.2 et les §§ 31-33 en ce qui concerne les ambassades et les relations diplomatiques, avec un tableau récapitulatif p. 134 « Augustan Diplomatic Links ».

19

RGDA, préambule : Rerum gestarum diui Augusti, quibus orbem terra[rum] imperio populi Rom(ani) subiecit, et impensarum quas in rem publicam populumque Romanum fecit, incisarum in duabus aheneis pilis, quae su[n]t Romae positae, exemplar sub[i]ectum. Se reporter aux analyses lumineuses de C. NICOLET, L’inventaire du monde. Géographie et politique aux origines de l’Empire romain, Paris, 1988 [2e éd. 1996] et à mes remarques sur la notion de frontière, S. BENOIST, « Penser la limite : de la cité au territoire impérial », dans Frontiers in the Roman World, op. cit. n. 2, p. 31-47.

20

Se reporter aux textes complets supra n. 7-9, mais en détachant de nouveau les expressions suivantes : legationes saepe] m[issae ; nostram amic[itiam appetiue]run[t] per legat[os].

21 Cf. n. 9 : p(opuli) Ro]m(ani) fidem me principe, quibus antea cum populo

Tous les mots sont importants dans ce passage, l’expression de la

fides du peuple romain, les termes rendant compte de l’ambassade

et des relations nouées (legatio / commercium / amicitia). Nous sommes ainsi en présence d’une présentation de l’imperium

Romanum que nous allons appréhender selon deux angles

d’approche complémentaires : la question parthe et le royaume d’Arménie d’une part, la legatio et le rapport structurant de l’imperium d’autre part.

« Paix et guerre entre les nations »

L’empire romain, l’empire parthe et l’Arménie : le portrait du bon prince.

Les rapports entre les deux seuls grands empires des trois premiers siècles du principat sont très structurants pour notre approche de la « diplomatie » impériale et des responsabilités partagées entre le prince et les membres de sa famille. Depuis Auguste, ces relations qui fluctuent entre affrontements (direct ou par Arménie interposée) et calme plus ou moins relatif, sinon paix véritable, permettent au pouvoir impérial d’exalter en un discours très construit ses vertus, qui semblent correspondre à l’une des expressions romaines de ce qui serait une forme d’« impérialisme » à cette époque22. Le vainqueur des Parthes est assuré d’incarner un pouvoir légitime fort, appuyé sur les armes, ses légions victorieuses défilant en cortège triomphal ce qui ajoute à ce discours, cette fois en images, une touche tout à fait essentielle que des monumenta viendront parachever dans

22 Je prolonge les références sur ce thème par la mention des études suivantes,

très marquées par le contexte des années 1970-1980 : P. VEYNE, « Y a-t-il eu un impérialisme romain ? », loc. cit., n. 4 ; deux colloques contemporains, français et américain : L’impérialisme romain. Histoire, idéologie, historiographie, publié en deux livraisons de la revue Ktèma, 7 (1982), p. 141- 233 et 8 (1983), p. 111-277 ; avec notamment les contributions d’Ed. FRÉZOULS, « Sur l’historiographie de l’impérialisme romain » et C. NICOLET, « L’Empire romain : espace, temps et politique », p. 141-162 et 163-173 (cf. auparavant de ce dernier la conclusion de Rome et la conquête du monde méditerranéen. 2. Genèse d'un empire, éd. C. NICOLET, Paris, 1997 [1978], « l’“impérialisme” romain », p. 883-920) ; The Imperialism in the Mid- Republican Rome, éd. W. HARRIS, Rome, 1984 ; en particulier l’étude de Jerzy Linderski, « Si uis pacem, para bellum : Concept of Defensive Imperialism »,