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De l’altruisme de l’adolescence aux valeurs de la République

Dans le document ET DE L ’ ADOLESCENCE (Page 80-83)

Encourager la solidarité

Au sortir, à peine, de l’enfance, les préadolescents ont encore cette sensibilité « éthique » et le besoin de justice qui rassure, quand bien même ils seraient eux-mêmes actifs dans des comportements individualistes ou influencés par la loi du plus fort ou les phénomènes de bouc émissaire. Cette ambivalence cohabite avec une observation de ce qui se passe autour d’eux, et des besoins de modèles forts et moraux. L’injustice, la souffrance, les inégalités peuvent les atteindre, les humiliations, la honte d’un camarade, peuvent les blesser sans qu’ils n’en laissent rien paraître.

La réussite des bons élèves ne pouvant se faire aux dépens des plus faibles, il s’agit ici de réaffirmer le rôle éducatif de l’école pour tous les élèves indépendamment de leurs performances scolaires, et en associant les élèves et leurs familles à la vie de l’école.

« Enfin, un système compétitif juste, comme celui de l’école méritocratique de l’égalité des chances, doit bien traiter les vaincus de la compétition, même quand on admet que cette compétition est juste… L’égalité d’accès est atteinte, mais elle ne suffit pas... L’égalité des chances fabrique de nouvelles injustices… Il faut alors reconnaître et former des individus indépendamment de leurs performances ou mérites... L’un des effets les plus dévastateurs de l’échec scolaire est de convaincre les perdants de leur indignité » (Dubet et Duru-Bellat, 2004)155. Ce sens et ce besoin de justice, la fierté éprouvée par un acte de solidarité est un levier que les institutions de l’enfance et de l’adolescence devraient mobiliser d’abord pour encourager ces valeurs et attitudes de citoyenneté essentielles, ensuite pour libérer une disponibilité à

155 Dubet F., Duru-Bellat M., 2004, Qu’est-ce qu’une école juste ?, Revue française de pédagogie, n° 146, Persée, p. 105-114.

leur besoin de parler, comprendre voir leur désir de résoudre certaines situations problématiques qui les touchent directement ou indirectement, de la salle de classe au journal du soir.

Une difficulté majeure de l’éducation est la double attente contradictoire des éducateurs et des institutions qui instaure un conflit moral cognitif et de loyauté : encourager la solidarité entre enfants, et encourager la délation ; sanctionner un enfant qui garde le secret de la faute ou de la victimisation d’un autre, et ne pas mettre en œuvre de résolution quand il en a parlé.

Valoriser toutes les formes de savoirs

Il y a un enjeu global d’ouverture du collège : capacité à accueillir et à valoriser toutes les formes de savoir, et toutes les habiletés, sans renoncer à mettre en œuvre le socle de connaissances, capacité à accueillir l’erreur, le tâtonnement, l’expérimentation, et à valoriser la curiosité et la persévérance, capacité à recevoir dans ses murs d’autres activités156, en dehors des heures de cours et capacité enfin à encourager la participation des élèves aux décisions qui les concernent, comme les Conseils de vie collégienne y invitent, mais avec des niveaux de mise en œuvre et de réussite très inégaux.

L’inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (IGESR) a inscrit à son programme de travail 2021 une mission sur le collège intitulée « Le parcours de l’élève au collège : liaison école-collège, formation, engagement, éducation formelle et non formelle »157 qui prévoit d’aborder précisément trois points sensibles de la traversée adolescente des années collège : le passage de l’école primaire au collège à l’entrée en sixième, les différences filles-garçons, et la question des temps et lieux tiers et de l’éducation non formelle dans ses rapports avec l’école : peut-elle, devrait-elle être davantage un partenaire, un relai, un pivot pour ce type d’activités ?

Le Haut conseil de l’éducation préconise que les enseignements tiennent compte « de toutes les formes d’intelligence, y compris l’habileté manuelle et les autres possibilités du corps », comme il l’a déjà souligné dans ses recommandations pour le socle commun. La culture manuelle et technologique devrait faire l’objet d'un enseignement pour tous les élèves de la sixième à la troisième, à parité d’estime avec les disciplines traditionnelles, parce qu’elle permet de valoriser des aptitudes différentes, dont certaines sont indispensables dans la vie de tous les jours, et qu’elle concourt à l’acquisition des compétences du socle. Face aux progrès des neurosciences et aux recherches sur l’impact des émotions sur l’intelligence, certains enseignants-chercheurs regrettent l’absence de diversité des formes d’intelligence prises en compte dans notre système scolaire et

156 https://www.lemonde.fr/education/article/2021/05/18/etablissements-de-services-lorsque-colleges-et-lycees-s-ouvrent-aux-habitants_6080548_1473685.html.

157 Bulletin officiel n° 33 du 3 septembre 2020.

dénoncent un système scolaire qui ne s'intéresse qu'aux aptitudes « logico-mathématiques » et « verbo-linguistiques ».

Les adolescents se plaignent de ne pas avoir assez de temps « vide », qu’ils peuvent remplir ou non d’activité mais aussi de pensée ou d’imagination selon leur envie du moment158 et manifestent un stress face à un emploi du temps imposé qu’ils jugent trop découpé, séquencé159. Par ailleurs beaucoup d’adolescents et de jeunes s’inquiètent de leur manque de liberté, des contrôles et des interdits grandissants à l’école et dans la rue160. Le ressenti du temps et des cadres est subjectif certes, mais on sait que les interstices entre des cadres fixés peuvent être facteurs d’autonomisation. Pour favoriser cette autonomie subjective des préadolescents, trois défis sont à relever :

- maintenir des temps ou situations partagés entre générations qui permettent un assouplissement des directivités et contrôles descendants ;

- laisser une place à des temps non dirigés par les adultes pour permettre la création de nouvelles formes d’expériences et de représentation de soi dans des sociabilités et une culture juvénile ;

- concevoir une « forme scolaire »161 qui soit plus ouverte sur la société, qui s’en

nourrisse et non qui « scolarise » par capillarité prioritaire tous les autres espaces de vie des enfants : familiaux, de loisirs et sociaux.

PROPOSITION 21– POUR UNE ECOLE JUSTE ET OUVERTE SUR LE MONDE

Proposition 21.1 – pour une école juste

 Dans les services et institutions, privilégier des attitudes éducatives alignant l’exemplarité, la parole dite et la parole tenue. Encourager et valoriser la solidarité, l’engagement et la réussite collective et favoriser l’expression de solutions collectivement construites, autrement dit « collectiviser l’accès au bonheur et

158 Delalande J, Jouenne S., 2009, Le sens du temps libre dans l'emploi du temps de jeunes collégiens, conférence à l’écoute en ligne : http://www.unicaen.fr/recherche/mrsh/forge/1825. Après la classe, Diversité Ville-Ecole-intégration, n° 156, mars 2009, 172 p. Octobre S., Detrez C., Mercklé P., Berthomier N., 2010, L’enfance des loisirs. Trajectoires communes et parcours individuels de la fin de l’enfance à la grande adolescence, La Documentation Française, coll. Questions de culture.

159 Julie Delalande, anthropologue de l'enfance et de la jeunesse, professeure des universités, département Sciences de l'éducation, université de Caen Normandie, CIRNEF EA7454, audition au HCFEA du 14 mars 2017.

160 Le rapport abordait cette question de la valorisation de la liberté, et pas seulement de l’autonomie, à l’adolescence. https://www.hcfea.fr/IMG/pdf/rapport_temps_et_lieux_tiers_des_enfants.pdf.

161 On peut définir la forme scolaire comme un contrat didactique entre formateur et apprenant, une organisation centrée sur les apprentissages (avec curriculum, planification et transposition didactique), une pratique sociale distincte et séparée, un temps didactique, accompagnés d’une discipline intellectuelle et corporelle imposée et acceptée, associée à des normes d’excellence et des critères d’évaluation (Maulini O., Perrenoud P., 2005, La forme scolaire de l’éducation de base : tensions internes et évolutions, in Maulini O., Montandon C. (dir.), Les formes de l’éducation : Variété et variations, Bruxelles, De Boeck Supérieur.

Gaussel M., 2013, Aux frontières de l’école ou la pluralité des temps éducatifs, dossier d’actualité, Veille et Analyses, n° 81, janvier.

l’amélioration du bien-être ». Des initiatives – comme des ateliers d’entraide scolaire de pairs à pairs au sein de l’école, l’encouragement à soutenir et défendre les élèves en difficulté notamment dans le cadre des conseils de classe, la valorisation de la réussite collective sur la performance individuelle et compétitive – correspondent à cette orientation.

Au collège, aménager des temps de parole permettant d’aider les élèves à acquérir les comportements adaptés pour permettre l’expression posée de chacun, la possibilité d’exprimer le désaccord et les émotions et, le cas échéant, l’émergence de solutions ou de mobilisation collective. Le collège est l’instance intermédiaire entre l’adolescent en tant que personne unique, et l’acteur social, puis le citoyen qu’il sera à part entière dès sa majorité.

 Soutenir, faciliter les initiatives d’expression et de participation des adolescents aux décisions concernant le bien-être au collège.

 Pour agir simultanément sur leurs comportements individuels et agir sur le climat scolaire et le harcèlement, promouvoir une démarche de rencontre, réflexivité et cohésion entre adultes et adolescents en début d’année autour du « bien-vivre, ou bien faire ensemble » au collège.

Proposition 21.2 – pour une école ouverte

 Proposer notamment le renforcement de l’accès aux cours d’écoles en dehors des temps d’école (rapport TLT 2018162) ;

 « Proposition 5 : renforcer l’accès aux cours de récréation en dehors des temps d’école, et étudier le développement des aménagements de l’espace public pour de l’activité physique, notamment à destination des jeunes filles ».

Dans le bassin de vie de l’adolescent : mettre en application les dispositifs citoyenneté, solidarité, écologie, publication, représentation, existant dans le système éducatif français et dans les collectivités locales, les associations humanitaires, d’environnement, les projets éducatifs locaux ou les projets d’intérêt général.

Valoriser leurs engagements dans des activités fondées sur les valeurs d’intérêt général, des projets collectifs artistiques, scientifiques, inclusifs, y compris sur un plan associatif, ONG, politiques de proximité (HCFEA 2019163)...

Une attention particulière aux élèves susceptibles d’être plus

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