On l’a dit tout au long de ce rapport, la prime adolescence est une étape cruciale du développement des enfants, fenêtre d’ouverture et plaque tournante de la singularité du parcours de chacun. Le conseil enfance du HCFEA a montré au fil de ses précédentes publications combien les pratiques culturelles et artistiques, l’expression ludique, les activités d’engagement avec d’autres aspirent les jeunes enfants et les adolescents vers le haut. L’activité culturelle à l’adolescence les inspire et ils sont « assoiffés de culture » sous ses formes infinies et renouvelées298. La culture porte ses vertus ’ régulatrices pour la construction de la personne : élargissement des modes d’expression, un monde intérieur enrichi, échappatoire, découverte de talents, reconnaissance mutuelle au sein de différentes
297 https://www.nouvelobs.com/faits-divers/20210309.OBS41172/battue-et-jetee-dans-la-seine-ce-que-l-on-sait-de-la-mort-d-une-ado-de-14-ans-retrouvee-noyee-a-argenteuil.html.
298 Joly F., 2012, Sylvie Octobre (Sous la direction de), Enfance et Culture. Transmission, appropriation et représentation Paris, Ministère de la Culture et de la Communication, DEPS, 2010, 230 pages in Sociologie de l'Art 2012/1 (OPuS 19) https://www.cairn.info/revue-sociologie-de-l-art-2012-1-page-131.htm#.
« tribus » et intelligence sensible. L’adolescent « joue de multiples stratégies pour maintenir en équilibre des choix entre confrontation des différents modèles culturels et ses aspirations personnelles. Ces influences et trajectoires culturelles, qui travaillent la personnalité de l’adolescent, font apparaître trois types de postures : la reproduction de la pratique parentale, la révision des héritages familiaux et le refus de l’héritage. Ces postures ne semblent pas obligatoirement contradictoires et peuvent se combiner dans un même agenda culturel »299. La famille doit faciliter la possibilité d’étancher cette soif en partageant, en faisant connaître, et en transmettant. L’école aussi. En cours, comme hors des temps scolaires, elle accompagne l’éducation artistique et culturelle, d’ailleurs « Les bons élèves apparaissent bien souvent comme de forts consommateurs culturels et, pour certains, la fréquentation de lieux culturels doit beaucoup aux sorties scolaires »300. Ainsi, selon l’enquête 2018 réalisée par le ministère de la Culture et le ministère de l’Éducation nationale sur l’éducation artistique et culturelle301 :
- 3 élèves sur 4 bénéficient d'au moins une action ou un projet relevant de l'éducation artistique et culturelle ;
- 3 écoles sur 4 et 9 collèges sur 10 organisent au moins une activité relevant de l'éducation artistique et culturelle ;
- 92 % des collèges et 63 % des écoles sont pourvus d'une chorale en 2018-2019.
Mais en dehors de la famille et de l’école, il est essentiel de soutenir la pratique culturelle tant la démocratie culturelle, dans la lignée des droits culturels302, est avant tout que chaque enfant puisse pratiquer librement sa propre culture et défendre ses valeurs. Pour Anne Christine Micheu303, « dans les politiques culturelles, il s’agit essentiellement d’amplifier un changement de posture et de passer d’une commande publique uniformisante à un accompagnement différencié permettant de travailler au fond et au regard de la diversité des potentiels des contextes, toute la richesse culturelle d’un tissu sociopolitique »304.
299 Idem.
300 Ibidem.
301 Ministère de la Culture, 2018, Enquête 2018 sur les pratiques culturelles, 6e édition https://www.culture.gouv.fr/Sites-thematiques/Etudes-et-statistiques/L-enquete-pratiques-culturelles/L-enquete-2018.
302 La Déclaration de Fribourg sur les droits culturels instituée en 2007 est le fruit d’un travail de vingt ans d’un groupe international d’experts, connu sous le nom de « Groupe de Fribourg ». https://droitsculturels.
org/observatoire/la-declaration-de-fribourg/.
303 Ministère de la Culture, co-rapporteure du Rapport d’évaluation de la politique de démocratisation culturelle (IGAC) et ministère de la Culture et de la Communication au Premier ministre « Rapport de diagnostic et plan d'action ». Rapport IGAC n° 2016-35, rédigé par Anne-Marie Le Guevel, inspectrice générale des affaires culturelles (Igac), avec Yvan Navarro , Laura Truffier et Gayané Rast-Klan, département de la stratégie et de la modernisation, secrétariat général du ministère de la Culture et de la communication, et Anne-Christine Micheu, expert de haut niveau sur la démocratisation culturelle (partie diagnostic).
304Intervention au Webminaire du 26 janvier 2021 politiques publiques et droits culturels à l’initiative de Auvergne-Rhône Alpes spectacle vivant et de l’union fédérale d’interventions des structures culturelles
Les pratiques numériques et les réseaux sociaux structurent et diffusent des formes nouvelles d’inventivité et de créativité, avec une offre extrêmement riche de vidéos et de tutos d’accompagnements des structures culturelles avec laquelle il faut désormais compter.
Mais la pratique culturelle et artistique se joue aussi in situ, dans toute sa diversité. Elle demande pour se déployer d’accompagner les personnes et les groupes, à s’enrichir et faire œuvre ensemble.
La culture au coin de la rue, avec et par ceux qui la font ou qui s’y essaient, ouvre l’accès à toutes sortes de matières culturelles, et fait des adolescents des acteurs de la culture et des artisans de leur environnement. Elle constitue un cadre structurant, propice à des expérimentations, par essai-et-erreur, et à développer un projet individuel ou collectif, hors des cadres scolaires et familiaux, à rebours d’une logique de performance par le haut.
De nombreuses structures, à l’instar des Junior associations305, favorisent et organisent les projets des jeunes pour les jeunes, y compris à distance d’une « approche légitimiste de la culture, qui laisse dans l’ombre les pratiques populaires » (Dahan et Detrez)306, en intégrant les arts de la rue et les cultures urbaines de rue : cirque, graphe, improvisions, skate, vidéo etc. Ici se trouvent également la musique (surtout hip-hop, rap, slam), le théâtre, les BD, manga… et la culture sportive (skate, vélo, boxe, dance) autant que les cultures scientifiques et techniques (mathématiques, biologie), ou ludiques (échecs, jeux de rôles...).
Car la culture est un droit, et l’ouverture culturelle passe plus que tout grâce à des expériences et des liens forts rencontrés par les adolescents (pairs, enseignants et adultes référents), et si l’animateur ou « le prof est bon307 ». Aussi la culture doit-elle venir aux adolescents autant que l’inverse, ce qui est l’une des qualités de la culture amateur et de rue.
Le conservatoire est une proposition de démocratisation, mais n’est pas accessible à tous et n’est pas la seule. À cet égard, « Relativement peu d’enfants et adolescents accèdent aux conservatoires et aux écoles d’art, et les jeunes expriment en outre un intérêt pour des disciplines non ou peu représentées dans ces lieux d’enseignement. L’offre, privée et associative, prend le relais et propose des activités centrées sur ces nouveaux centres d’intérêts, dont l’accès bénéficie le plus souvent aux familles plus aisées » alertait déjà en 2018, le rapport du Conseil enfance du HCFEA sur les temps et lieux tiers (TLT). Il proposait308 au moins 100 000 places additionnelles avec l’appui des écoles territoriales d’art et des conservatoires classés par l’État, auxquels il convenait de conférer une
https://auvergnerhonealpes-spectaclevivant.fr/agenda/rencontre-professionnelle-de-la-parole-aux-actes-quand-les-collectivites-locales-se-saisissent-des-droits-culturels/.
305 https://juniorassociation.org/index.php.
306 Dahan C., Détrez C. (ss. Dir.) Injep, 2020, Rapport d’étude Goûts, pratiques et usages culturels des jeunes en milieu populaire, Injep, Notes et Rapports, octobre.
307 Op.cit. p. 228.
308 Proposition 10A.
responsabilité territoriale et un rôle de lieux ressources pour les pratiques en amateur affirmé dans les critères de classement. Cette approche ouverte des pratiques en amateur et dans l’espace public, venant compléter des pratiques artistiques populaires plus individuelles, ou limitées à un petit groupe309. L’ensemble a besoin d’être adossé à des formes d’organisation pour qu’elles soient soutenues et deviennent des expériences formatrices valorisantes insérées dans la Cité. Le rapport du Conseil économique social et environnemental (Cese, 2017310) préconisait également d’intégrer une pratique extérieure au conservatoire dans le cursus de leurs élèves.
Le Haut Conseil salue, conformément à la proposition 3 du rapport Enfants, écrans et numérique concernant l'élargissement de l'accès à la culture, à la proposition 10B du rapport TLT sur une plateforme soutenant et mettant en relation les projets culturels et aux recommandations nos 52 et 53 du rapport Bergé311, la généralisation du pass Culture312 avec un crédit de 300 euros pour les jeunes de 18 ans313. Le pass Culture sera dès 2022, élargi aux moins de 18 ans. Seront offerts 25 euros pour les quatrièmes et les troisièmes, 50 euros en seconde, première et terminale, et toujours 300 euros aux 18 ans de chaque jeune qui en fait la demande soit un total de 500 euros. En outre, l’accès aux collections permanentes des musées est déjà souvent accessible gratuitement pour les moins de 25 ans dans les structures nationales. Le pass Culture a également pour objectif de donner à voir les espaces possibles pour la pratique amateur : mise à disposition de lieux d’enregistrements, création de Book Club pour échanger sur leurs dernières lectures, etc.
PROPOSITION 35-LE HAUT CONSEIL REITERE LES RECOMMANDATIONS DU RAPPORT TLT(2018)
RELATIVES A LA CULTURE, ARTISTIQUE, DE RUE, SCIENTIFIQUE ET TECHNIQUE
Le Conseil rappelle en particulier la Proposition 8 : « mieux financer et assurer le cadre légal des animations de rues. Il convient également d’offrir davantage d’espaces d’activité semi-ouverts ou ouverts, plutôt que d’activités directement encadrées ». Pour cela développer des espaces mixtes de travail et de sociabilité à destination des adolescents dans les tiers-lieux314, les structures culturelles ou
309 Cf. Fedelima, Les pratiques collectives en amateur dans les musiques populaires - 2020, https://www.fede lima.org/IMG/pdf/etude_fedelima_pratiques_collectives_en_amateur_2020.pdf.
310 Rapport annuel sur l’état de la France en 2017, http://www.lecese.fr/travaux-publies/rapport-annuel-sur-letat-de-la-france-reconcilier-la-france.
311 Bergé A. Rapport au gouvernement sur l’émancipation par les arts et la culture, remis le 17 février 2020.
https://fr.calameo.com/read/00616002884f87693406c?authid=lddgfGnNyy5I.
312 https://pass.culture.fr/.
313 https://www.lagazettedescommunes.com/746502/emmanuel-macron-a-nevers-pour-annoncer-la-generalisation-du-pass-culture-remanie/.
314 https://francetierslieux.fr/les-tiers-lieux-en-france voir aussi https://fr-fr.facebook.com/lalicorne.essaimeur/
videos/198740444839572/.
sociales (Kid-Lab315 fab-lab, micro-folie316, espaces adolescents tel que le studio 13-16 du centre Pompidou317, espace ludothèque ouvert dans les médiathèques, espace multimédia, etc.) et des antennes hors les murs d’équipements culturels. Le coworking, l’hybridation est une tendance de fond de la jeunesse.
Le Haut Conseil réitère également la proposition 10A du rapport TLT (2018) : « au moins 100 000 places additionnelles à développer dans des ateliers et clubs d’arts plastiques, design, théâtre, musique, danse avec l’appui des écoles territoriales d’art et des conservatoires classés par l’État. Leur responsabilité territoriale et leur rôle de lieux ressources pour les pratiques en amateur d’un territoire devraient être affirmés dans les critères de classement. Ceux-ci doivent donc pouvoir être modifiés en ce sens ».
De nouveaux usages de l’espace public, pour petits et grands, plus actifs et mieux intégrés aux patrimoines naturels et culturels ?
Le programme national « Terre de jeux 2024 » du Comité des Jeux olympiques (Cojo) de Paris, avec « Action cœur de ville »
Faire bouger en ville, renforcer le bien-être et la cohésion.
Le programme Action cœur de ville
Le 10 mai 2021, s’est tenu un Forum des solutions exceptionnelles consacrées au sport santé dans les villes (L’ANCT). Il s’est déroulé dans le cadre de son programme national Action cœur de ville, en partenariat avec le Comité d’organisation des Jeux olympiques (Cojo) de Paris 2024, via son label Terre de jeux 2024, et en présence de la ministre Jacqueline Gourault et du président du Cojo, Tony Estanguet.
La rencontre a mis en avant des réalisations concrètes d’aménagements urbains créatifs et ludiques dans des environnements urbains, à travers le développement du « design actif » qui consiste à réinventer les espaces et les équipements publics pour favoriser l’activité physique, et améliorer les conditions de vie des habitants.
Le label Terre de Jeux 2024318 entend fédérer une communauté d’acteurs locaux convaincus que le mouvement change des vies et vise de nouveaux usages de l’espace public, pour petits et grands, plus actifs et mieux intégrés aux patrimoines naturels et culturels. À partir des outils de transformations du paysage urbain, chacun pourra s’enrichir des expériences de l’ensemble du réseau, valoriser son territoire et donner de la visibilité aux actions et aux projets de sa collectivité.
Repères : entre mai et décembre 2021 : « Action Cœur de Ville » et « Paris 2024 » réunissent pour la première fois en France des experts de divers horizons (architectes, médecins, professeurs, sportifs, urbanistes) afin de rédiger un Guide opérationnel du design actif dédié aux collectivités territoriales. À partir de 2022 : Mise en place d’accompagnements et lignes de financement
315 https://kidslab.education/.
316 https://lavillette.com/page/micro-folie_a405/1.
317 https://www.centrepompidou.fr/fr/ressources/media/rny948e.
318 https://terredejeux.paris2024.org/.
Des transformations urbaines dans la « bonne voie » pour les enfants et les adolescents
Renouvellement en 2021 de l’opération Quartiers d’été
Initié en 2020 au sortir du premier confinement, ce dispositif allie apprentissage, découverte et solidarité. Il s’adresse aux habitants des quartiers prioritaires, petits et grands, à travers des activités éducatives, sportives, culturelles mais aussi un accès facilité aux services publics.
Nadia Hai, ministre chargée de la Ville, annonce la reconduction de l’opération Quartiers d’été, avec l’appui de l’ANCT (50 millions d’euros).
Pour rappel, dans le rapport de 2018 sur les temps et lieux tiers, le Conseil de l’enfance et de l’adolescence proposait plusieurs actions visant à réduire les inégalités liées aux territoires et lieux de vie en matière d’aménagements en faveur des enfants, notamment concernant les espaces semi-ouverts d’activités physiques, de socialisation sûre et de mode de transports facilitant les socialités et les mobilités adolescentes. Le HCFEA insistait aussi sur la nécessité de « consulter systématiquement les enfants et adolescents pour les équipements les concernant et de former les agents d’espaces publics aux besoins des enfants et adolescents en termes d’intimité, de liberté et de protection ».