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L'altération se produit selon les sensibles

Dans le document CLAN9 LA PHYSIQUE ARISTOTE (Page 107-110)

LIVRE VII: LE PREMIER MOTEUR

Chapitre 3: L'altération se produit selon les sensibles

Thèse.

Que d’autre part tout altéré soit altéré par les sensibles, et que l’altération existe seulement dans ce qu’on peut dire pâtir par soi sous l’action des sensibles, c’est ce qu’on doit voir par ce qui suit. Entre autres choses, on pourrait supposer que c’est principalement dans les figures, les formes, les habitudes, dans leur acquisition et leur perte, qu’il faut chercher l’altération. Or ce n’est vrai ni pour les unes, ni pour les autres.

Preuve par le langage.

En effet, ce qui est figuré et régularisé une fois l’achèvement obtenu nous ne le désignons pas d'après ce de quoi il est fait; par exemple, on ne dit pas de la statue qu’elle est airain, ni de la

pyramide qu’elle est cire , ni du lit qu’il est bois; mais, par paronymie, que l’une est en airain, l’autre en cire, l’autre en bois; or nous qualifions directement la chose qui a pâti et a été altérée de l’airain et de la cire nous disons qu’ils sont humides, chauds, durs; et, bien plus, nous appelons même airain l’humide et le chaud, dénommant la matière de la même façon que l’affection. Par suite, si pour la figure et la forme on ne dénomme pas le sujet engendré par la matière où est la figure, tandis qu’on le fait pour les affections et les altérations, ces générations-là, on le voit, ne peuvent p être des altérations.

Preuve par la chose même.

En outre, il paraîtrait absurde de dire ainsi que l’homme la maison ou autre chose, quand ils ont été engendres, sont altérés. Ce qu’il faut dire, c’est que peut-être, pour cette génération, faut-il nécessairement une altération, par exemple une condensation, une raréfaction, un échauffement de la matière; mais on ne peut pas dire, pour autant, des choses engendrées que, comme telles, elles sont altérées, ni que leur génération est une altération.

Les habitudes ne subissent pas d’altération.

Maintenant les habitudes, ni celles de l’âme, ni celles du corps, ne sont des altérations. Parmi les habitudes il y a les vertus et les vices; mais ni la vertu, ni le vice ne sont des altérations la vertu est un certain achèvement (en effet, quand une chose reçoit sa vertu propre, alors on la dit, chaque fois, achevée, car c’est alors qu’elle est le plus conforme à sa nature par exemple, un cercle est achevé quand on a tracé un cercle, et le mieux possible); le vice est la destruction et le dérangement de cet état. Or nous ne disons pas que l’action d’achever la maison est altération (il serait absurde de prendre la couverture et les tuiles pour une altération, ou de dire que, recevant couverture et tuiles, la maison est altérée, et non pas qu’elle s’achève); de même donc pour les vertus et les vices et dans les êtres qui les ont ou les reçoivent: dans un cas on a des achèvements, dans l’autre, des dérangements; ce ne sont donc pas des altérations.

Les habitudes du corps conséquences des altérations.

En outre, selon nous, toutes les vertus sont une certaine manière d’être relative. En effet celles du corps, comme la bonne santé et le bon état, consistent, pour nous, dans le mélange et la proportion du chaud et du froid, soit dans leur rapport réciproque interne, soit relativement au milieu; semblablement aussi la beauté et la force, et les autres vertus et vices. Chacune, en effet, consiste en une certaine manière d’être relative; et elle dispose bien ou mal ce qui la possède relativement aux affections particulières (sont particulières, celles par lesquelles l’être est naturellement engendré ou détruit). Comme les relatifs ne sont pas des altérations par eux-mêmes, ni le sujet d’aucune altération, ni davantage de génération, ni en général aussi de changement, il est évident que ni les habitudes, ni les pertes et réceptions d’habitudes ne sont des altérations; mais peut-être ces phénomènes sont-ils engendrés ou détruits nécessairement par certaines altérations, de même que la propriété et la forme le sont par l’altération du chaud, du froid, du sec et de l’humide ou de ce qui peut encore être constituant primitif de ces phénomènes. Ce selon quoi, en effet, on détermine chaque vertu et chaque vice, ce sont les choses par lesquelles le sujet est altéré en vertu de sa nature; car la vertu rend, ou insensible aux affections, ou sensible d’une façon convenable; le vice, sensible ou, au contraire, insensible.

Les habitudes de l'âme.

De même pour les habitudes de l’âme: toutes en effet consistent, elles aussi, dans une certaine manière d'être relative, les ver tus étant des achèvements et les vices, des dérangements.

En outre, la vertu dispose bien relativement aux affections propres et le vice, mal. Par suite, celles-ci non plus ne seront pas des altérations, pas davantage leur perte ni leur acquisition.

Cas de l'âme appétitive.

Certes leur génération dépend nécessairement dé l’altération de la partie sensitive; or elle est altérée par les sensibles en effet toute la vertu éthique est relative aux plaisirs et peines corporels, et ceux-ci dépendent, ou de l’action, ou du souvenir, ou de l’espérance. Les uns, qui dépendent de l’action, se rapportent à la sensation; par suite, ils sont mis en branle par quelque chose de sensible; les autres, qui dépendent de la mémoire et de l’espérance, dérivent de cette sensation; on a plaisir en effet à se rappeler ce qu’on a éprouvé ou à espérer ce qu’on doit éprouver. Par suite un tel plaisir est toujours engendré nécessairement par les sensibles.

Or, comme c’est à la suite de la génération en nous du plaisir et de la douleur que le vice ou la vertu sont engendrés en nous (car ils s’y rapportent) et que les plaisirs et les peines sont des altérations de la partie sensitive, on voit que c’est nécessairement à la suite d’une certaine altération qu’on les perd ou qu’on les reçoit. Par suite, leur génération s’accompagne d’altération, mais ils ne sont pas eux-mêmes des altérations.

Cas de l'âme intellective.

Maintenant, les habitudes de la partie noétique ne sont pas non plus des altérations, ni les sujets d'une génération. Eminemment, en effet, nous considérons le connaissant comme une manière d’être relative. En outre, il est visible qu’il n’y a pas de génération pour ces choses;

car celui qu connaît en puissance n’est pas engendré savant par un mouvement qu’il subi rait, mais parce qu’une autre chose existe: quand, en effet, une chose particulière est donnée, c’est en quelque manière par le général qu’on connaît le particulier.

Ajoutons qu’il n’y a pas génération de l’utilisation et de l’acte de la science, à moins de penser qu’il y a génération de la vision et du toucher et que l’acte de l’intelligence ressemble à ceux-là. Même l’acquisition initiale du savoir n’est pas génération; car, selon nous, la raison connaît et pense par repos et arrêt or il n’y a pas de génération de l’état de repos, vu qu’en général, on l’a dit plus haut il n’y en a d’aucun changement.

De plus, quand quelqu’un passe de l’ivresse ou du sommeil ou de la maladie à leurs contraires, nous ne disons pas qu’il est réengendré alors comme connaissant (fût-il incapable auparavant de faire usage de sa connaissance); de même il n’y a pas non plus génération quand on acquiert l’habitude initialement; car c’est par l’apaisement de l’âme après l’agitation qui lui est naturelle, qu’un sujet est engendré prudent et connaissant.

C’est pourquoi les enfants ne peuvent apprendre ni juger d’après les sensations, comme le peuvent les personnes plus âgées; grands sont, en effet, chez eux l’agitation et le mouvement.

Mais à l’égard de certaines choses ceux-ci s’arrêtent et s’apaisent sous l’action de la nature elle-même et pour d’autres, sous d’autres actions; or, dans les deux cas, c’est à la suite de certaines altérations dans le corps, comme dans le cas du réveil et de l’action quand on est dégrisé et réveillé.

On voit donc, d’après cela, que le fait d’être altéré et l’altération se produisent dans les choses sensibles et dans la partie sensitive de l’âme, mais nulle part ailleurs, sauf par accident.

Dans le document CLAN9 LA PHYSIQUE ARISTOTE (Page 107-110)