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Fin de l’étude critique. Définition du temps

Dans le document CLAN9 LA PHYSIQUE ARISTOTE (Page 64-67)

LIVRE IV: LE LIEU, LE VIDE, LE TEMPS

Chapitre 11: Fin de l’étude critique. Définition du temps

2. Le temps pas sans le mouvement.

Maintenant le temps n’existe pourtant pas sans le changement; en effet, quand nous ne subissons pas de changements dans notre pensée, ou que nous ne les apercevons pas, il ne nous semble pas qu’il se soit passé du temps; c’est la même impression qu’ont à leur réveil les gens qui, d’après la fable, ont dormi à Sardes auprès des héros: ils relient, en effet, l’instant d’avant à celui d’après et en font un seul, effaçant l’intervalle parce qu’il est vide de sensation. Si donc l’instant n’était pas différent mais identique et unique, il n’y aurait pas de temps; de même, quand sa variation échappe, il ne semble pas qu’il y ait un temps intermédiaire. Ainsi, puisque, s’il nous arrive de ne pas penser qu’il s’écoule du temps, c’est quand nous ne déterminons aucun changement et que l’âme parait durer dans un état unique et indivisible, puisque au contraire, c’est en sentant et déterminant que nous disons qu’il s’est passé du temps, on voit qu’il n’y a pas de temps sans mouvement ni changement. Il est donc clair que le temps n’est ni le mouvement, ni sans le mouvement.

L’essence du temps. Elément du mouvement.

Mais, puisque nous cherchons l’essence du temps, il faut saisir, en partant de cette première analyse, quel élément du mouvement est le temps. En effet, c’est en percevant le mouvement que nous percevons le temps: car si, quand nous sommes dans l’ombre et ne ressentons rien par l’intermédiaire du corps, un mouvement se produit dans l’âme, aussitôt alors il semble que simultanément un certain temps se soit passé; et, inversement quand un certain temps parait s’être passé, simultané ment aussi un certain mouvement parait s’être produit. Par suite, le temps est mouvement ou quelque chose du mouvement; comme il n’est pas le mouvement, il est donc quelque chose du mouvement.

L’antérieur et le postérieur

Or, puisque le mû est mû d’un point de départ à un point d’arrivée et que toute grandeur est continue, le mouvement suit la grandeur; car c’est par la continuité de la grandeur que le mouvement est continu; et, par le mouvement, le temps; en effet, le temps paraît toujours s’être écoulé proportionnellement au mouvement. Or, l’antérieur et le postérieur sont originairement dans le lieu. Et cela selon la position, bien entendu; mais si la relation de l’antérieur au postérieur est dans la grandeur, nécessairement elle sera aussi dans le mouvement, par analogie avec la grandeur. Mais elle est aussi dans le temps puisque le temps et le mouvement obéissent toujours l’un à l’autre. D’autre part l’antérieur-postérieur, [pour l’un et l’autre], est dans le mouvement, et, quant au sujet, le mouvement même; mais, quant à l’essence, il est différent et n’est pas le mouvement. Maintenant, et c’est notre question actuelle, nous connaissons le temps quand nous avons déterminé le mouvement en utilisant, pour cette détermination, l’antérieur-postérieur; et nous disons que du temps s’est passé, quand nous prenons sensation de l’antérieur-postérieur dans le mouvement.

Le nombre.

Cette détermination suppose qu’on prend ces termes 1'un distinct de 1'autre, avec un intervalle différent d’eux; quand, en effet, nous distinguons par l’intelligence les extrémités et le milieu, et que l’âme déclare qu’il y a deux instants, l'antérieur, d’une part, le postérieur, d’autre part, alors nous disons que c’est là un temps; car ce qui est déterminé par l’instant paraît être temps; et nous accepterons cela comme acquis.

Définition du temps.

Quand donc nous sentons l’instant comme unique au lieu de le sentir, ou bien comme antérieur et postérieur dans le mouvement, ou bien encore comme identique, mais comme fin de l’antérieur et commence ment du postérieur, il semble qu’aucun temps ne s’est passé par ce qu’aucun mouvement ne s’est produit. Quand au contraire nous percevons l’antérieur et le postérieur, alors nous disons qu’il y a temps; voici en effet ce qu’est le temps: le nombre du mouvement selon l’antérieur-postérieur.

Eclaircissement de la définition.

Le temps n’est donc pas mouvement mais n’est qu’en tant que le mouvement comporte un nombre. La preuve, c’est que le nombre nous permet de distinguer le plus et le moins, et le temps, le plus et le moins de mouvement; le temps est donc une espèce de nombre. Mais

nombre s’entend de deux façons: il y a, en effet, le nombre comme nombré et nombrable, et le nombre comme moyen de nombrer. Or, le temps, c’est le nombré, non le moyen de nombrer.

Or le moyen de nombrer et la chose nombrée sont distincts.

L'instant et le temps.

Et de même que le mouvement est toujours autre, de même le temps. Le temps pris tout d’une pièce en entier est le nième; car l’instant est le même dans son sujet, niais dans son essence il est autre. Et si l’instant mesure le temps, c’est en tant qu’antérieur et postérieur.

1. Identique et différent.

Or l’instant est, en un sens, le même, en un sens non; en tant qu’il varie d’un moment à l’autre, il est différent: telle est l’essence de l’instant, nous l’avons vu tout à l’heure; quant à son sujet, il est le même. En effet, comme on l’a dit, le mouvement obéit à la grandeur, et le temps au mouvement; et semblablement, au point obéit le transporté, qui nous permet de connaître le mouvement et l’antérieur et le postérieur dans le mouvement. Or ‘e transporté est le même comme sujet (c’est ou un point ou une plerre ou une autre chose de ce genre), mais autre par la définition; ainsi les sophistes considèrent Coriscus au lycée comme différent de Coriscus sur l’agora; et cela parce qu’il est tantôt ici et tantôt là. Or, au transporté correspond l’instant, comme le temps au mouvement, car le transporté nous permet de connaître l’antérieur-postérieur dans le mouvement; or, en tant que l’antérieur-postérieur est numérable, on a l’instant; de sorte que, dans le domaine du temps, l’instant comme sujet est le même (car il est l’antérieur-postérieur du mouvement) mais il est différent quant à l’essence; car c’est en tant que l’antérieur-postérieur est numérable qu’on a l’instant.

2. Mesure le temps.

Et ce sont là les éléments les plus connaissables; car le mouvement est connu par le mû et le transport par le transporté; en effet, le transporté est un être individuel, le mouvement, non. En un sens, donc, l’instant est toujours le même, et, en un autre, il n’est pas le même, et en effet c’est le cas du transporté.

L’on voit de même que, sans le temps, pas d’instant, sans l’instant pas de temps; de même, en effet, que le transporté et le transport coexistent, ainsi coexistent le nombre du transporté et celui du transport. Le temps, en effet, est le nombre du transport et l’instant, de même que le transporté, est comme l’unité du nombre.

3. Division et continue le temps.

Le temps est aussi continu par l’instant et est divise selon 1 instant: car, ici aussi, il y a correspondance avec ce qui se passe entre le transport et le transporté. En effet, le mouvement et le transport sont un par l’unité du transporté, et s’il y a variation, c’est non quant au sujet (ce qui serait une rupture de l’unité du mouvement), mais quant à l’essence. De là vient, en effet, la détermination du mouvement comme antérieur et postérieur. Et cette propriété correspond aussi en quelque manière à celle du point: car le point rend la longueur continue et la détermine; il est, en effet, le commencement d’une partie et la fin d’une autre. Toute fois quand on prend ainsi comme double l’élément unique, un arrêt est inévitable, le même point étant fin et commencement. Mais l’instant, par le mouvement continuel du. transporté, est

toujours différent, de sorte que le temps est nombre, non dans l’hypothèse où l’on se servirait du même point comme commencement et fin, mais plutôt si l’on considère les extrémités d’une ligne, cette ligne étant la même et ne formant pas de parties en acte; et cela, d’abord, pour la raison qu’on a dite (on prendrait le point pour double, de sorte qu’un arrêt se produirait). Et l’on voit en outre que l’instant n’est pas plus partie du temps que l’élément du mouvement ne l’est du mouvement ou les points de la ligne; mais ce sont deux lignes qui sont parties d’une ligne.

4. Résumé.

Donc, en tant que limite, l’instant n’est pas le temps, mais est un accident; en tant qu’il nombre, il est nombre; car les limites n’appartiennent qu’aux choses dont elles sont les limites; au contraire le nombre de ces chevaux, la dizaine, se trouve ailleurs.

On voit donc que le temps est nombre du mouvement selon l’antérieur-postérieur, et est continu, car il appartient à un continu.

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