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L’AGE DE LA RETRAITE DANS LES REFORMES A L’ETRANGER

Une réflexion sur l’avenir des retraites en France ne peut faire abstraction de l’observation des politiques menées dans d’autres pays, même si les spécificités nationales rendent tout exercice de comparaison délicat. Le Conseil s’est plus particulièrement intéressé aux évolutions des systèmes de retraite de six pays : l’Allemagne, les Etats-Unis, l’Italie, les Pays-Bas, le Royaume-Uni et la Suède17. Cette fiche met l’accent sur la question de l’âge de la retraite dans les réformes engagées dans ces pays.

Le financement des dépenses des systèmes de retraite par répartition a pu être assuré dans le passé notamment grâce à la croissance soutenue du nombre des cotisants et par des hausses de cotisation. Avec le retournement démographique et le niveau jugé élevé des prélèvements obligatoires, les pays privilégient désormais la maîtrise des dépenses sur le long terme, dans un contexte marqué par l’arrivée à l’âge de la retraite des générations nombreuses du baby-

boom et par l’augmentation de la durée moyenne de retraite, conséquence de l’allongement de

l’espérance vie aux âges élevés.

Pour ce faire, les réformes récentes mettent l’accent sur le relèvement des âges légaux de la retraite (âge d’ouverture des droits et/ou âge d’obtention d’une pension complète) et sur une refonte des barèmes de pension. Ces barèmes sont rendus plus incitatifs à la prolongation de l’activité, en particulier avec l’instauration de systèmes de décote et de surcote, et dépendent de plus en plus souvent de facteurs démographiques tels que l’espérance de vie à la retraite où le rapport entre le nombre de cotisants et le nombre de retraités.

Ces orientations posent alors la question de l’emploi des seniors et du vieillissement actif. Les Pays-Bas, qui, contrairement aux autres pays étudiés, n’ont pas procédé à une réforme modifiant les conditions d’âge et n’envisagent pas de le faire à brève échéance18, font d’ailleurs porter l’essentiel de leurs efforts à la promotion du vieillissement actif.

1. Le recul des âges légaux de la retraite

L’Italie, l’Allemagne, le Royaume-Uni et les Etats-Unis ont décidé, de retarder les âges

légaux de leurs systèmes publics de retraite (âge d’ouverture des droits et/ou l’âge d’obtention

d’une pension complète)19.

Ces réformes, en dehors de la réforme italienne de 2007, sont très étalées dans le temps, avec un relèvement progressif des âges, et sont décidées de nombreuses années avant qu’elles n’entrent effectivement en œuvre. Au total, entre l’annonce des mesures et la fin de la

17

Conseil d’Orientation des Retraites, « Retraites : les réformes en France et à l’étranger ; le droit à l’information », deuxième rapport, La documentation Française, Paris, Août 2004.

18

L’âge minimal d’ouverture des droits est 65 ans dans le régime public par répartition mais il existe la possibilité de liquider plus tôt les droits dans les régimes complémentaires.

19

La Suède n’a pas retardé l’âge minimal de liquidation des droits à la retraite (65 ans avant réforme) mais donne le choix aux assurés de pouvoir partir entre 61 et 70 ans moyennant différents niveaux de pension (voir 2.).

réforme, il s’écoule plusieurs décennies : la réforme de 1983 aux Etats-Unis, qui consiste en un relèvement de l’âge d’obtention d’une pension complète, n’est entrée en action qu’en 2000 et s’achèvera en 2025 ; les réformes récentes en Allemagne et au Royaume-Uni ont respectivement pour horizon 2034 (éventuellement 2029) et 2046.

Les réformes des âges légaux de la retraite et leur calendrier

Italie Allemagne Royaume-Uni Etats-Unis

Âge minimum

60 ans (hommes) 55 ans (femmes) sans condition d’âge si 35 ans de

contribution

De 60 à 65 ans suivant les cas

65 ans (hommes)

60 ans (femmes) 62 ans

Âge légal avant réforme

Pension

complète Pas de notion de pension complète 65 ans

44 ans (hommes) et 39 ans

(femmes) de contribution 65 ans

Année(s) de réforme De 1995 à 2007 2004 1995 et 2007 1983

Âge minimum

Minimum 61 ans et 36 ans de contribution (ou 62 et 35, 63 et 34, 64

et 33…)

De 60 à 65 ans suivant les cas (restriction des

exemptions)

68 ans pour tous 62 ans

réforme

terme) Pension

complète Pas de notion de pension complète

67 ans (65 ans pour 45 années

de cotisations)

30 ans de contribution 67 ans

Modalités de transition

Actuellement, les hommes et les femmes peuvent partir à 57 ans et 35 ans de contribution (ou à 60 ans avec moins de 35 ans de contribution). Janvier 2008 : min. 58 ans et 35 ans

de contribution (ou 59 et 34…) Juillet 2009 : min. 59 et 36 ans de

contribution (ou 60 et 35…) Janvier 2011 : min. 60 ans et 36 ans

de contribution (ou 61 et 35…) Janvier 2013 : min. 61 ans et 36 ans

de contribution (ou 62 et 35…)

Relèvement de 65 à 67 ans entre 2011 et 2034 (voire 2029 suivant l’évolution des finances des régimes), par paliers

de 1 mois par an.

Transition de 60 à 65 ans de 2010 à 2020 pour les

femmes (1995). Augmentation progressive

de l’âge d’ouverture des droits entre 2021 et 2046 pour atteindre 68 ans ; en contrepartie, passage de

44 à 30 ans de contribution pour obtenir

une pension complète (2007). Relèvement de 65 à 66 ans de 2000 à 2005 par paliers de 2 mois par an. Relèvement de 66 à 67 ans de 2020 à 2025 par paliers de 2 mois par an. Source : COR, 2007.

Prévoir sur le long terme et de manière graduelle les relèvements des âges légaux de la retraite peut permettre de rendre plus acceptable, politiquement et socialement, ce type de réforme. Ces délais peuvent être nécessaires pour que les différents acteurs puissent adapter leurs comportements aux nouveaux paramètres : les assurés qui sont incités à prolonger leur activité ; les employeurs qui doivent intégrer une politique de gestion des travailleurs âgés ; enfin, les pouvoirs publics qui sont conduits à promouvoir et soutenir l’activité des seniors.

2. Décote/surcote et intégration dans les droits à la retraite des facteurs démographiques

Outre le recul des âges légaux de la retraite, les incitations à la prolongation de l’activité peuvent prendre la forme d’une augmentation du niveau de la pension avec l’âge de départ en retraite. Des marges financières existent puisque le régime peut reverser à l’assuré l’équivalent ou une partie des gains financiers induit par son changement de comportement : la prolongation de l’activité d’une année conduit, pour le régime de retraite, à l’économie d’une année de versement de la pension et au gain d’une année de cotisation supplémentaire. Pour ce faire, l’Allemagne, le Royaume-Uni et les Etats-Unis ont mis en place un système de minoration et/ou de majoration de pension (décote et/ou surcote) pour les départs en retraite anticipés et/ou retardés par rapport à l’âge d’obtention d’une pension complète.

Dans le système des comptes notionnels introduit en Italie et en Suède, la notion d’âge d’obtention d’une pension complète n’existe pas mais la pension, liée négativement à l’espérance de vie à la retraite, dépend de manière croissante de l’âge de départ en retraite, à l’instar d’un système de décote/surcote.

Barèmes de pension : décote, surcote et facteurs démographiques

Italie Allemagne Royaume-

Uni Etats-Unis Suède

Décotes / surcotes

-

Décote de 3,6 % par année non travaillée en cas de départ anticipé. Pension majorée de 10,4 % par an au delà de 65 ans. Pension minorée de 30% pour un départ à 62 ans, majorée de 24% pour un départ à départ à 70 ans et de 8% par an de 70 à 72 ans. - Rapport démogra- -phique - La valeur du point dépend d’un « facteur

de stabilisation », fonction de l’évolution du rapport démographique, - - Un mécanisme de stabilisation automatique module le calcul du rendement du régime

pour qu’il soit compatible avec l’équilibre du régime. Prise en compte de facteurs démogra- -phiques Espérance de vie à la retraite

La pension dépend des droits accumulés et de l’espérance de vie à l’âge de

la retraite. L’espérance de vie est établie à l’aide de

tables de mortalité révisables, en théorie tous

les dix ans (mais depuis 1995, elles n’ont toujours

pas été révisées).

En projet pour 2008 : révision des tables de mortalité tous les trois ans

à partir de 2010.

- - -

La pension dépend des droits accumulés et de l’espérance de vie à l’âge

de la retraite. L’espérance de vie est établie à partir des tables

de survie officielles établies par l’Office des

statistiques suédois (révisée en continue).

Source : COR, 2007.

En plus de l’incitation à la prolongation de l’activité, le système de comptes notionnels conduit à faire évoluer au fil des générations le barème de pension en fonction de l’allongement de l’espérance de vie. Il introduit ainsi une dose d’autorégulation dans le système de retraite, en neutralisant à travers le calcul des droits à la retraite les conséquences financières, négatives pour le système de retraite, de l’allongement de l’espérance de vie au fil des générations. Dans un régime définissant un âge pour bénéficier d’une retraite complète, couplé à un système de décote/surcote, le relèvement progressif de cet âge peut être une réponse à l’allongement de l’espérance de vie20.

Certains pays sont allés plus loin en tenant également compte, dans le calcul des droits à la retraite, des autres facteurs démographiques pesant sur l’équilibre des régimes de retraite par répartition21 : l’Allemagne, qui a introduit dans la formule de calcul du point retraite un

facteur de stabilisation démographique dépendant de l’évolution du rapport démographique

20

C’est le principe de la réforme de 2003 en France appliqué non pas à un âge mais à la durée d’assurance pour bénéficier d’une retraite à taux plein.

21

Pour le détail des mécanismes, voir Vernière, « Le pilotage des systèmes de retraite face à l’augmentation de la longévité », Questions retraite, n°62, Paris, 2003.

(nombre de cotisants rapporté au nombre de retraités), et surtout la Suède qui a complété son système de comptes notionnels par un mécanisme de stabilisation automatique conduisant à moduler le rendement du régime en fonction des contraintes d’équilibre sur le long terme. L’introduction de ces mécanismes d’autorégulation ne font toutefois pas disparaître les risques démographiques ; ceux-ci sont transférés aux assurés qui ont à arbitrer entre durée de retraite et niveau de pension.

3. La question du vieillissement actif

Les différentes formes d’incitation au recul de l’âge de départ en retraite, notamment la problématique de report de l’âge d’ouverture des droits à pension, ne peuvent être traités indifféremment de la situation de l’emploi des seniors.

Taux d'emploi des 55-64 ans

25% 30% 35% 40% 45% 50% 55% 60% 65% 70% 75%

Italie Pays-Bas Allemagne Royaume-Uni Etats-Unis Suède

tx d'emploi 1996 tx d'emploi 2006

Sur cette question, tous les pays étudiés n’ont pas les mêmes caractéristiques.

Bien qu’ayant mis en place des systèmes fondés sur des philosophies différentes, le Royaume- Uni, les Etats-Unis et la Suède ont historiquement de meilleurs résultats d’emploi des seniors. Dans le modèle anglo-saxon, la contrainte d’emploi porte sur l’individu (« workfare ») : comme les « filets de sécurité » sont faibles, celui-ci est obligé de rester actif pour avoir de quoi subsister, mais aussi, comme aux Etats-Unis, pour continuer de disposer, dans certains cas, d’une couverture maladie. Dans le modèle scandinave, la contrainte d’emploi est prise en compte par tous les acteurs (« flexisécurité ») : les individus doivent être polyvalents tout au long de leurs carrières mais leurs parcours sont sécurisés (formation tout au long de la vie, aide à la reconversion, indemnisation des périodes d’inactivité, développement de recherche en ergonomie...).

Il en est différemment, malgré des progrès récents, pour l’Italie, l’Allemagne et les Pays-Bas (ainsi que la France). Durant de nombreuses années, ces pays ont considéré les travailleurs âgés comme une variable d’ajustement du marché du travail et ont favorisé massivement les sorties précoces d’activité (préretraites, invalidité, chômage...) pendant les périodes de tension sur les créations d’emplois. Ce type de stratégie s’est avéré contre-productif, ce d’autant plus

qu’il est très difficile aujourd’hui d’inverser le processus. Pour ces pays, la prise en compte du besoin de vieillissement actif constitue une phase complémentaire indispensable du processus de réforme des systèmes de retraite qui vise au recul de l’âge de liquidation des droits.

C’est en grande partie l’augmentation effective du taux d’emploi des seniors qui conditionnera les gains associés à ce type de réforme. Si l’âge effectif de cessation d’activité restait sensiblement inférieur à l’âge d’obtention d’une pension complète, voire à l’âge d’ouverture des droits, l’amélioration des conditions de l’équilibre financier du système de retraite qui en résulterait se ferait aux dépens :

- des niveaux de pension – car des individus n’auraient pas la possibilité de remplir les conditions pour l’obtention d’une pension complète ;

- de l’équité intra générationnelle – car les écarts pourraient se creuser entre des individus qui auraient la possibilité de poursuivre leur activité et ceux qui seraient exclus précocement du marché du travail ;

- de l’équilibre des autres secteurs de la protection sociale – car les voies d’accès détournées à des cessations anticipées d’activité (préretraites, chômage, d’invalidité...) pourraient (continuer de) se développer.

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