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L’ACR s’empare de questions sociales et sociétales

DES ÉMISSIONS QUI EMBRASSENT LES PRÉOCCUPATIONS DE LEUR TEMPS

II. L’ACR s’empare de questions sociales et sociétales

L’étude diachronique des sujets traités dans les documentaires diffusés par l’Atelier de

création radiophonique entre 1969 et 2001 montre une préoccupation réelle pour les

questions sociales et sociétales. Celle-ci peut être mise en relation avec une résurgence de ces questions et de nouvelles formes de militantisme visibles dans les médias et au cinéma dans les années 1970.

Un attrait pour les questions de société qui se développe dans les années 1970

Selon le diagramme effectué à partir de notre échantillonnage pour observer l’évolution de la présence des thématiques liées aux questions sociales dans l’Atelier de

création radiophonique23, on remarque que le thème est assez présent jusqu’en 1989, avec

une hausse significative entre 1972 et 1976. Le thème « société » reste très présent entre 1976 et 1979. On note une baisse significative entre 1989 et 1998, et le thème semble revenir sur les dernières années de la période, entre 1998 et 2001. Dans l’ensemble, les thématiques liées aux questions de société sont très présentes dans les années 1970 et, malgré une légère diminution, restent présentes dans les années 1980, avant de diminuer fortement dans les années 1990.

Les questions sociales sont particulièrement visibles dans les sujets traités par l’ACR dans les années 1970. Cette observation rejoint celle de spécialistes du cinéma documentaire, selon lesquels à ce moment-là de l’histoire du cinéma, le documentaire devient un moyen d’intervention sociale. Certaines considérations concernant l’histoire du documentaire au

22. Ibid.

cinéma peuvent être utiles pour tenter d’esquisser une histoire du documentaire à la radio. Selon Guy Gauthier24, la diffusion de la caméra légère à partir de 1968 rend possible le

développement du cinéma militant, qui, selon lui, interfère avec le documentaire, sans pour autant pouvoir lui être assimilé. Ce moment post-1968 correspond à un intermède du « cinéma d’intervention25 ». Pierre Gras rejoint l’analyse de Guy Gauthier en proposant quelques raisons pour lesquelles, selon lui, il est possible d’observer un engouement nouveau pour le genre documentaire à partir des années 2000. Selon Pierre Gras26, c’est le « besoin militant » qui amène à nouveau le spectateur au documentaire. « Le film politique, qui eut une véritable importance dans les années 60 et 70 dans la fiction et le documentaire, avait presque disparu. Le regain du documentaire contemporain permet […] le rassemblement des spectateurs dans la salle de cinéma, redevenue après l’éclipse des années 80 et 90, un lieu de débat et d’affirmation27 ». Le cinéma s’est donc fait plus politique selon Pierre Gras dans les années 1960 et 1970, avant de disparaître dans les années 1980 et 1990. Cette chronologie rejoint celle que nous avons établie pour l’Atelier de création radiophonique, qui, si elle commence seulement à partir de 1969 témoigne de l’émergence des questions sociales dans les années 1970 et de leur effacement dans les années 1990. Le témoignage du producteur Andrew Orr rejoint, lui aussi, les considérations concernant l’engagement visible dans les années 1970. Arrivé à l’ACR en 1971, il a signé des productions à caractère social dès ses débuts.

L’émission avec le poète Mohammed Khaïr-Eddine qui dénonçait la torture sous Hassan II est la seule émission de l’ACR qui n’ait jamais été diffusée parce qu’elle a été censurée [fin 1974]. Jacques Sallebert a demandé à l’écouter la veille de la diffusion. Malheureusement on n’avait pas fait de copie et le lendemain, à l’heure de la diffusion, il n’y avait rien, on nous a dit que les bandes avaient été perdues. L’émission sur l’affaire Lip, qui était un engagement social très fort de cette époque, on l’a intitulée discrètement La maison de verre [mardi 19 février 1974]. Il y avait un vrai engagement idéologique28.

Andrew Orr évoque ici une première émission censurée après que le directeur de l’information Jacques Sallebert a demandé à l’écouter. Cette émission, sujette à un engagement idéologique fort, dénonçait des pratiques de torture au Maroc. Également en

24. Guy Gauthier, Le documentaire, un autre cinéma, Paris, Armand Colin, 2015, p. 98. 25. Ibid.

26. Pierre Gras, « Le retour du documentaire », Commentaire n° 121, 2008, p. 305-310.

27. Ibid.

28 . Andrew Orr, « Un son est un son. Cellule 128 », textes du colloque « Atelier de création

radiophonique (1969-2001) : la part des écrivains », oct. 2018 [en ligne, http://komodo21.fr/en-attente/, consulté

1974, Andrew Orr signe une émission qui suit les travailleurs en grève de l’usine Lip, une autre émission qui marque un engagement politique fort.

Il est cependant nécessaire d’apporter une nuance à ces considérations en montrant que, s’il existe des émissions dont la thématique prédominante est plutôt liée à l’art ou plutôt liée à des questions sociales, celles-ci se mêlent les unes aux autres. En effet, le politique et le social sont souvent présents dans les émissions culturelles, à l’image de l’émission « Deixa Falar ou l’histoire de la musique populaire brésilienne29 », qui, si elle traite d’un objet culturel, la musique brésilienne, laisse forcément place aux questions sociales puisqu’il s’agit ici de traiter l’histoire d’une musique populaire, en proie à des luttes. De la même manière, l’émission d’hommage à Pasolini, « P.P.P. : Pier Paolo Pasolini30 » est forcément politique car elle traite de l’écrivain et du réalisateur par le biais de son engagement politique. Plus ou moins militantes ou engagées, portées ou non sur l’histoire d’un lieu et son héritage, il existe plusieurs types d’émissions traitant des thématiques sociales et sociétales.

Engagement politique, retour sur l’histoire d’un territoire et lien avec l’actualité, plusieurs manières de traiter de faits de société

Les questions sociales sont traitées de manière différente dans les divers documentaires diffusés dans l’Atelier de création radiophonique. Les documentaires qui traitent de ces questions peuvent être répartis en trois catégories, l’une qui comprend des émissions au sein desquelles il existe un engagement politique fort et une attention portée sur les travailleurs et les mouvements sociaux par exemple. La deuxième catégorie est composée d’émissions qui reviennent sur l’histoire d’un territoire ou d’un quartier. La troisième catégorie d’émission comprend des documentaires qui traitent de faits de société dépourvus de lien avec l’actualité ou d’engagement idéologique.

Certaines émissions de l’ACR apparaissent comme fortement liées à des questions sociales et politiques, résonnant parfois avec l’actualité. Le 19 février 1974 est diffusée

29. « Deixa Falar ou la musique populaire brésilienne », Atelier de création radiophonique, Geraldo Nunes, Jean-Loup Rivière, Ivanka Stoianova, Elisco Verone, France Culture, 22 mai 1977, 139 min.

30. « P.P.P. : Pier Paolo Pasolini », Atelier de création radiophonique, René Farabet, 1er novembre 1981, France

l’émission intitulée « La Maison de verre : dix mois de lutte et de vie31 », un documentaire

qui traite des évènements qu’a connu l’usine Lip durant l’année 1973. En juin 1973, les ouvriers de l’usine de montres Lip apprennent l’existence d’un plan de licenciement et d’un projet de gel des salaires. De nombreuses grèves et manifestations s’organisent durant les mois qui suivent, jusqu’au rachat de l’entreprise en janvier 1974. L’émission donne à entendre de nombreux ouvriers et ouvrières de l’usine Lip qui ont la possibilité de s’exprimer sur les raisons et conséquences du mouvement de grève. En donnant la parole à ces ouvriers et ouvrières, le producteur de l’émission montre un engagement idéologique fort. C’est également le cas avec la diffusion d’autres émissions de l’ACR, telles que, par exemple, « Noctivague, Noctiluque, Paris, Nyctalope, Noctambule, Paris32 », diffusée le 8 novembre 1970, « Objectif noir Objectif blanc33 », « Maria ! Maria ? Quelle Maria ? Pauvre Maria !34 », ou encore « Deux ou trois choses que je ne sais pas de Florence Rey35 ».

Ces quelques exemples montrent, à leur manière, un traitement de questions sociales accompagné d’une forme d’engagement politique. Dans « Noctivague, Noctiluque, Paris, Nyctalope, Noctambule, Paris », une émission sur la nuit à Paris, René Farabet donne à entendre la parole de personnes que l’on entend peu sur les chaînes de radio : des chauffeurs, un manutentionnaire, un homme de ménage à la gare Montparnasse, un maquereau, une strip- teaseuse, des personnes sans-abris et des travailleurs des Halles. Ici, l’engagement émane du choix des personnes interrogées. Dans d’autres émissions, c’est l’organisation-même des sons qui donne à entendre l’engagement. Dans « Objectif noir – objectif blanc », une émission sur l’apartheid en Afrique du Sud, on donne à entendre les contradictions de certaines personnes interrogées. À la cinquième minute de l’émission, une première voix présente les personnes qui vont être entendues « Une Allemande. Une Française. Des Sud-africains blancs36 ». Une femme interrogée dit alors en français : « Je ne pense pas qu’il y ait d’Apartheid. Qu’est-ce

31. « La Maison de verre : dix mois de lutte et de vie », Atelier de création radiophonique, Jean-Jacques Lebel, France Culture, 19 février 1974, 112 min.

32. « Noctivague, Noctiluque, Paris, Nyctalope, Noctambule, Paris », Atelier de création radiophonique, René Farabet, Colette Garrigues, 8 novembre 1970, 170 min.

33. « Objectif noir - objectif blanc », Atelier de création radiophonique, Claude Roland-Manuel, Anne Barbey, 15 mars 1975, France Culture, 118 min.

34. « Maria ! Maria ? Quelle Maria ? Pauvre Maria ! », Atelier de création radiophonique, Janine Antoine,

Annie Laurent, 1er mai 1977, France Culture, 138 min.

35. « Deux ou trois choses que je ne sais pas de Florence Rey », Atelier de création radiophonique, Christophe Deleu, 24 avril 1999, France Culture, 85 min.

36. « Objectif noir - objectif blanc », Atelier de création radiophonique, Claude Roland-Manuel, Anne Barbey, 15 mars 1975, France Culture, autour de 5 min.

que ça veut dire exactement l’Apartheid ?37 ». La séquence qui suit est entièrement dédiée à

la question de la présence d’armes dans les foyers de personnes blanches en Afrique du Sud. Quelques minutes plus tard, il est possible d’entendre : « Les femmes sont appelées à faire partie d’organisations défensives en Afrique du Sud. Il existe une angoisse terrible à propos de l’homme noir ». La mise en relation de ces différentes interventions, la première étant introduite par une présentation qui signifie explicitement que les personnes interrogées sont soit étrangères à l’Afrique du Sud, soit originaires du pays mais intégrées à la communauté blanche, permet de souligner les contradictions présentes dans les discours des hommes et femmes blancs en Afrique du Sud.

De la même manière, c’est dans la construction-même qu’émerge l’engagement de Janine Antoine dans son émission sur les employées de maison. Dans « Maria ! Maria ? Quelle Maria ? Pauvre Maria ! », Janine Antoine et Annie Laurent donnent d’abord à entendre la parole des employeuses avant de donner la parole aux employées de maison elles- mêmes. Au cours du documentaire, les voix des personnes interrogées se superposent avec une voix féminine qui lit, par dessus, des définitions de termes. Le choix de ces termes montre l’engagement des productrices. À la neuvième minute, une employeuse parle de la vie de sa bonne à son travail comme dans sa propre famille, son explication se terminant par « elle est la servante de son mari et elle travaille comme une esclave38 ». La seconde voix répète le terme « Esclave » avant d’en lire la définition, au dessus de la voix de l’employeuse : « Personne qui n’est pas de condition libre, qui est sous la puissance absolue d’un être ». Quelques minutes plus tard, on peut entendre un extrait de chanson en langue étrangère, dont les paroles sont traduites simultanément par la seconde voix. Parmi ces paroles, on peut entendre la phrase « Je ne veux plus servir », et la voix donne alors la définition du terme « servir39 ». Par la répétition et l’énonciation des définitions de termes significatifs, les productrices cherchent à mettre en évidence le rapport de force qui unit les bonnes à leurs employeurs.

Si certaines émissions font preuve d’une forme d’engagement politique ou idéologique, d’autres émissions prennent le parti de revenir sur l’histoire d’un lieu, d’un quartier ou d’une région. Souvent, c’est l’attachement du producteur à ce territoire qui initie

37. Ibid.

38. « Maria ! Maria ? Quelle Maria ? Pauvre Maria ! », Atelier de création radiophonique, Janine Antoine,

Annie Laurent, 1er mai 1977, France Culture, autour de 9 min.

la fabrication d’un tel documentaire. C’est par exemple le cas de « La cathédrale jusqu’à la mer ; 2. Bestiaire de la baie40 » produite par le poète Jacques Darras. Suite de l’émission « La

cathédrale jusqu’à la mer ; 1. La nef dans les hortillonnages41 », ce documentaire apparaît comme une immersion sonore en Picardie, région d’origine du producteur. Avec « Peuplements de la mémoire : l’Ariège, 142 » et « Mémoires présences : l’Ariège, 243 », Dominique Wahiche fabrique une émission sur l’histoire d’un département, l’Ariège. La productrice dit de son émission que c’est « Une sorte de mosaïque sonore, où les récits des hommes, les bruits, l'évocation du passé permettent de comprendre le présent44 ». À travers l’écoute des bruits de l’Ariège et des témoignages de ses habitants, Dominique Wahiche cherche ici à esquisser l’histoire d’un département. Avec l’émission « Pilotes de Seine45 », Vincent Colin cherche à retrouver des émotions qu’il a ressenties étant enfant, lorsqu’il accompagnait son père sur les cargos qui remontaient la Seine. C’est un voyage sur la Seine qu’il donne à entendre à travers cette émission composées d’extraits d’entretiens, de lectures et de sons enregistrés dans les villes traversées. Certaines émissions de l’ACR ne semblent pas être l’objet d’un engagement particulier pour une cause, ni d’une résonnance avec l’actualité ou encore d’un attachement particulier à un territoire, mais traitent néanmoins de faits de société. Avec « Prince de la nuit appelle Mélodie46 », Olivier Robert consacre son émission aux réseaux téléphoniques composés de numéros non attribués que certaines personnes utilisent pour converser et éventuellement se rencontrer. Si la plupart des producteurs cités ici sont des producteurs de passage qui n’ont signé souvent qu’une seule émission dans l’Atelier de création radiophonique, d’autres se sont fait une spécialité des questions liées à la société au sein de l’ACR.

40. « La cathédrale jusqu’à la mer ; 2. Bestiaire de la baie », Atelier de création radiophonique, Jacques Darras, 5 décembre 1982, France Culture, 140 min.

41. « La cathédrale jusqu’à la mer ; 1. La nef dans les hortillonnages », Atelier de création radiophonique, Jacques Darras, 28 novembre 1982, France Culture, 140 min.

42. « Peuplements de la mémoire : l’Ariège, 1 », Atelier de création radiophonique, Dominique Wahiche, 11 juin 1978, France Culture, 134 min.

43. « Mémoires, présences : l’Ariège, 2 », Atelier de création radiophonique, Dominique Wahiche, 9 juillet 1978, France Culture, 124 min.

44. « Peuplements de la mémoire : l’Ariège, 1 », Atelier de création radiophonique, Dominique Wahiche, 11 juin 1978, France Culture, notice Ina de l’émission.

45. « Pilotes de Seine », Atelier de création radiophonique, Vincent Colin, 18 juin 1989, France Culture, 120 min.

46. « Prince de la nuit appelle Mélodie », Atelier de création radiophonique, Olivier Robert, 17 février 1985, France Culture, 100 min. Première diffusion le 10 octobre 1982.

Andrew Orr et Christophe Deleu, donner à entendre les questions sociales

Si certains producteurs de l’ACR privilégient les sujets liés à l’art et à la culture, d’autres s’intéressent plutôt aux sujets de société. C’est le cas par exemple d’Andrew Orr et de Jean-Marc Fombonne, de Yann Paranthoën puis, plus tard, de Christophe Deleu.

Andrew Orr entre à l’Atelier de création radiophonique en 1971, alors qu’il est journaliste, correspondant pour la radio irlandaise et pour le quotidien The Irish Times. Il dit avoir été engagé à l’ACR parce qu’il était « paysan, les pieds dans la glaise, et qu’il fallait bien que quelqu’un sorte et se confronte au réel47 ». Andrew Orr dit avoir été engagé pour « aller vers le réel et ouvrir sur l’extra-hexagonal48 ». L’envie d’aller vers l’extérieur pousse Andrew Orr à se spécialiser vers les questions sociales.

Ce qui m’intéressait à l’Atelier, c’était le social. C’est moi qui ait fait la première émission sur le rock avec Hippie Pop Hurrah [1er mai 1973]. Je pourrais parler de plein

de sujets sociétaux, comme la prostitution [Mac à dames, 1er février 1975], la mort avec

Viviane Forrester [Fosse Commune, 11 mai 1975], l’engagement des écrivains dans la guerre clandestine, l’Irlande [Irish Stew, 21 mai 1972], le Chili [Les yeux de cuivre et de salpêtre, 21 novembre 1976 et La chasse aux frères est ouverte, 28 novembre 1976]. C’était ces thématiques-là qui m’intéressaient. Ma voie d’entrée était celle-là : la littérature qui regarde le monde. C’était ça, ma constante, s’il y en avait une49.

Andrew Orr privilégie ainsi les sujets qui traitent de questions sociales et sociétales, mais en les traitant souvent par le biais de la littérature. C’est le cas dès la première émission qu’il produit pour l’ACR, « Irish Stew50 », diffusée le 21 mai 1972. L’émission a pour objectif de donner à entendre le point de vue des poètes sur le conflit nord-irlandais. Andrew Orr privilégie également les sujets internationaux, et plus encore les sujets anglo-saxons. Très inspiré par le travail de Yann Paranthoën, les deux auteurs ont à plusieurs reprises travaillé ensemble51.

47 . Andrew Orr, « Un son est un son. Cellule 128 », textes du colloque « Atelier de création

radiophonique (1969-2001) : la part des écrivains », oct. 2018 [en ligne, http://komodo21.fr/en-attente/, consulté

le 23 mai 2019].

48 . Andrew Orr, « Un son est un son. Cellule 128 », textes du colloque « Atelier de création

radiophonique (1969-2001) : la part des écrivains », oct. 2018 [en ligne, http://komodo21.fr/en-attente/, consulté

le 23 mai 2019]. 49. Ibid.

50. « Irish Stew », Atelier de création radiophonique, René Farabet, Andrew Orr, 21 mai 1972, France Culture, 169 min.

Christophe Deleu semble également attaché au fait de traiter de faits de société dans ses documentaires. Certains des sujets qu’il traite dans ses émissions sont en lien avec l’actualité ou les faits divers. C’est le cas de l’émission « Deux ou trois choses que je ne sais pas de Florence Rey52 », diffusée le 25 avril 1999. L’émission part de la fuite de deux étudiants en 1994, Florence Rey et Audry Maupin, dont la course poursuite a engendré la mort de cinq personnes dont celle d’Audry Maupin lui-même. À la suite de ce fait divers, on assiste à de nombreuses prises de positions, de nombreuses déclarations de journalistes, de policiers ou d’experts. Christophe Deleu prend ici le parti de donner la parole aux familles et aux amis de Florence Rey et Audry Maupin, afin de leur redonner de l’épaisseur là où le fait divers les réduit à leur seule action du 4 octobre 1994. Le documentaire se construit sur fond de luttes étudiantes contre la mise en place du Contrat d’Insertion Professionnelle (CIP). Il donne à entendre des témoignages, ambiances sonores, textes lus, slogans enregistrés en manifestations et paroles de manifestants. Christophe Deleu réintroduit une contextualisation et une épaisseur aux protagonistes du fait divers, qui permet d’évoquer le contexte de lutte étudiante et le processus de récupération médiatique engrangé lors de l’affaire. Il s’agit ici d’un documentaire qui traite de questions sociales établies en France. D’autres producteurs choisissent dans leurs documentaires de traiter de sujets liés à l’étranger.