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L’accès des étudiants aux soins : une préoccupation toujours prégnante,

B. UN INVESTISSEMENT NÉCESSAIRE DANS LA SANTÉ À L’ÉCOLE ET

2. L’accès des étudiants aux soins : une préoccupation toujours prégnante,

a. Un contexte sanitaire favorisant la persistance d’un non-recours aux soins

L’Observatoire national de la vie étudiante (OVE) apporte régulièrement des statistiques tendant à illustrer la réalité de la renonciation aux soins parmi les étudiants, en particulier parmi les plus précaires : en 2016, 30 % des étudiants déclaraient avoir renoncé à des soins ou à des examens médicaux pour des raisons financières au cours des douze derniers mois (1).

Les premiers éléments disponibles sur la période du premier confinement tendent à prouver que la crise sanitaire provoquée par l’épidémie de Covid-19 a conforté le non-recours aux soins parmi la population étudiante.

Ainsi que l’illustre le graphique ci-après réalisé à partir des déclarations des étudiants recueillis par l’OVE (2), la renonciation aux soins obéit à des motifs assez divers. On soulignera cependant que la peur de s’exposer et d’être contaminé par le Covid-19 représente 38,1 % des réponses. Par ailleurs, 26,8 % des étudiants

(1) Enquête sur la santé des étudiants, Observatoire national de la vie étudiante, 2016.

(2) La vie d’étudiant confiné – Résultats de l’enquête sur les conditions de vie des étudiants pendant la crise sanitaire – Santé, Observatoire national de la vie étudiante.

interrogés invoquent des délais de rendez-vous trop longs ou des files d’attente trop importantes, tandis que 22,8 % indiquent n’avoir pas eu les moyens financiers nécessaires.

MOTIFS DE RENONCEMENT AUX SOINS DURANT LE CONFINEMENT (EN %)

Ainsi que le soulignait M. Paul Mayaux, vice-président en charge des affaires sociales de la Fédération des associations générales étudiantes (FAGE), ces résultats font écho aux difficultés rencontrées par 42 % des jeunes à payer des actes médicaux ou l’achat de médicaments au cours des trois mois de la crise sanitaire.

b. Des capacités de prise en charge des étudiants qui ne sont pas à la hauteur des besoins

Ces différents constats soulèvent nécessairement la question des capacités d’accueil et de prise en charge des étudiants dans le cadre des structures de santé universitaires.

● Rappelons que le dispositif en la matière repose sur les services de santé universitaires de médecine préventive et de promotion de la santé (SUMPPS), ainsi que sur les actions et prestations réalisées dans des structures présentes dans l’environnement des universités : les centres médico-psychologiques, les bureaux

d’aide psychologique universitaire ; les services des Centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (CROUS). Les SUMPSS proposent des informations relatives à la santé et des consultations avec des professionnels médicaux. Le cas échéant et suivant les moyens des structures, les jeunes peuvent suivre une thérapie, recevoir des soins, soit en se rendant auprès des SUMPSS, soit auprès d’établissements de santé partenaires.

● Au vu des éléments recueillis par la Commission d’enquête, il apparaît que les structures de la santé universitaire sont demeurées assez largement ouvertes pendant le confinement. En outre, les CROUS ont déployé des actions de prévention sanitaire et ont pris part à la mise en œuvre des protocoles sanitaires pour ce qui concerne les étudiants demeurés et/ou confinés dans les résidences universitaires.

Des réponses apportées par le CNOUS à la Commission, il ressort que les mesures mises en œuvres par les centres régionaux ont eu pour objet :

– la commande et la distribution de masques et d’équipements de protection (gel, lingettes désinfectantes, produits désinfectants) pour ses personnels et les étudiants, dès le début du premier confinement (1) ; par ailleurs, les CROUS ont également été destinataires de masques commandés par le MESRI et ont noué des collaborations avec les collectivités territoriales à cette fin ;

– l’information des étudiants quant à l’évolution de la situation épidémique et les mesures de précaution sanitaires à observer ;

– l’isolement des étudiants résidents atteints par le Covid-19 ou suspectés d’avoir été contaminés : les centres régionaux ont organisé dans ce cas la livraison de repas directement au logement des personnes concernées ;

– l’organisation de consultations médicales ponctuelles, en collaboration avec les services de santé universitaires : les rendez-vous avec certains professionnels ont d’ailleurs pu donner lieu à la réalisation de visioconférences (2).

Mme Dominique Marchand, présidente du CNOUS, a par ailleurs indiqué que les dispositions du décret n° 2020-273 du 18 mars 2020, relatif aux missions des services de santé universitaires dans le cadre de la lutte contre le virus Covid-19, ont permis aux centres régionaux de mieux être associés aux autres services de la santé universitaire dans ces circonstances exceptionnelles.

● Néanmoins, les éléments recueillis lors des travaux de la commission laissent à penser que les services de santé universitaires ne sont pas dimensionnés pour faire face aux besoins des étudiants, particulièrement en matière de santé mentale.

(1) Le montant des commandes passées entre le 31 mars et le 19 mai 2020 atteint 0,8 million d’euros.

(2) Voir en ce sens l’intervention de Mme Yasmine Mebrouk, élue étudiante au conseil d’administration du CROUS de Montpellier-Occitanie, au cours de la table ronde des étudiants sur l’université à distance.

Dans un contexte marqué une hausse des demandes de rendez-vous depuis septembre 2020 auprès des psychologues des SUMPPS, l’ensemble des associations représentatives des étudiants font état d’une raréfaction des créneaux de consultation disponibles. Ce constat fait écho au nombre très insuffisant de psychologues, et plus largement à l’insuffisance de l’offre de soins dans les services de santé universitaires.

Les services de santé universitaires en quelques chiffres

D’après une enquête présentée en octobre 2020 par le ministère de l’Enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, on dénombrait en juillet 2020 57 services de santé universitaires de médecine préventive et de promotion de la santé (SUMPPS), dont 26 érigés en centres de santé.

Sur ces 57 services, 48 ont répondu à l’enquête. 1 013 personnes travaillaient au sein de ces 48 services de santé universitaires au cours de l’année universitaire 2018-2019, tous statuts confondus (médicaux, sociaux, paramédicaux et administratifs). Cet effectif global se répartit ainsi :

– 325 médecins dont 57 directeurs et 10 adjoints (médecins conformément au code de l’éducation) ;

– 262 personnels infirmiers ; – 134 psychologues ;

– 59 assistantes sociales ; – 3 dentistes ;

– 11 sages-femmes ;

– 166 personnels administratifs

À cela s’ajoutent les chargés de prévention ou chargés de projets, dont le nombre n’a pas été communiqué.

En outre, le ministère signale également l’existence de nombreux partenariats et conventions (par exemple, avec des établissements hospitaliers) qui contribueraient à enrichir l’offre de prévention et de soins par des vacations de psychiatres, de généralistes ou de gynécologues.

Source : MESRI, Département de la Vie étudiante et des campus

Sur la base de ces chiffres, les ratios du nombre d’étudiants par ETPT de professionnel de santé apparaissent particulièrement défavorables : le nombre d’étudiants par ETPT de médecin de service de santé universitaire atteint 15 813 et le nombre d’étudiants par ETPT de psychologue est encore plus élevé, avec 29 882 étudiants. Ces statistiques montrent que les ressources humaines dont disposent les services de santé universitaires ne sont pas en rapport avec la population étudiante.

D’après les données dont fait état l’association Nightline (1), ce ratio d’étudiants par psychologue est 8 fois plus élevé en France que dans la moyenne des autres pays recensés (soit 3 732 étudiants par ETPT de psychologue). Aux États-Unis, l’on compte un peu moins de 1 600 étudiants par ETPT, et ce chiffre est de respectivement 2 600 en Irlande, 4 000 en Australie ou encore 7 305 en Autriche. Le ratio constaté en France est très éloigné de certaines recommandations internationales, qui préconisent un taux de 1 ETPT pour 1 000 à 1 500 étudiants (2).

La rapporteure souligne donc l’importance fondamentale de renforcer l’ensemble des structures contribuant à la santé des étudiants, notamment leur santé mentale, a fortiori dans le contexte de la crise sanitaire qui a fragilisé les étudiants et se traduit par une forte hausse des besoins.

Suivant un constat analogue à celui établi pour la médecine scolaire, la réalisation de cet objectif justifierait probablement une évaluation de l’organisation du travail et des règles de dotation en personnel. Mais il importe d’apporter un soutien immédiat face à une crise sanitaire qui prolonge ses effets.

L’action 3 du programme budgétaire 231 Vie étudiante finance les services universitaires ou interuniversitaires de médecine préventive et de promotion de la santé (SUMPPS). Du point de vue de la rapporteure, cette ligne mérite également une inflexion très nette de la trajectoire budgétaire afin de conforter ces structures de proximité du point de vue de leurs ressources humaines et matérielles.

Proposition : Renforcer les moyens humains et matériels de l’ensemble des structures participant aux dispositifs de la santé universitaire, notamment pour la santé mentale

c. Une crise mettant en cause des avancées dans la lutte contre les inégalités de genre en matière de santé ?

Du point de vue de la rapporteure, porter remède à la précarité étudiante suppose de prendre la mesure des inégalités de genre – encore insuffisamment évaluées aujourd’hui –, accrues par la présente crise sanitaire.

Dès lors, elle ne peut que s’alarmer des conséquences de la crise sanitaire sur l’exercice du droit à l’avortement.

Pour ce qui concerne le premier confinement, il ressort de l’analyse rendue publique par le Planning familial que dans leur ensemble, les femmes ont rencontré davantage de difficultés pour consulter en vue d’une interruption

(1) À partir de données du ministère de l’Enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.

https://www.nightline.fr/sites/default/files/publications/2020-11/2020-11-16_Nightline-France_rapport_ETPT.pdf.

(2) Telles que celles émises par l’Accréditation internationale des services de Santé Mentale Universitaire [International Accreditation for Counseling Services (IACS)], organisation indépendante qui accrédite depuis 1971 les services de santé mentale dans les établissements d’enseignement supérieur autour du monde afin de reconnaître leur qualité.

volontaire de grossesse (IVG) (1) pendant le confinement. Pour la période du 30 mars au 19 avril 2020, il a été rapporté à l’association, en nombre croissant :

– des dysfonctionnements ou le non-respect de la loi dans la prise en charge des personnes souhaitant réaliser une IVG ou se faire délivrer/poser une contraception ;

– un accueil en vue de la réalisation d’une IVG culpabilisant et/ou qui marque un jugement ;

– des situations de violence conjugale ou familiale ;

– des IVG réalisées à l’étranger, du fait du dépassement des délais légaux en France, parfois en conséquence d’un autoconfinement.

Ces difficultés peuvent être rapprochées de la baisse des avortements constatée sur la période analysée par le Planning familial. Pourtant, les procédures d’IVG médicamenteuses en ville ont été assouplies et il apparaît que la plupart des hôpitaux se sont organisés afin de maintenir les IVG pendant l’épidémie.

Au-delà des restrictions à la liberté de mouvement propre au confinement, cette situation doit sans doute beaucoup à une absence d’information quant aux conditions d’accueil des structures et cabinets médicaux. Au terme de ses travaux, la Commission d’enquête ne dispose pas d’éléments actualisés sur la persistance éventuelle des difficultés identifiées lors du premier confinement.

Néanmoins, la rapporteure appelle les pouvoirs publics à la vigilance quant aux pratiques ou difficultés d’organisation susceptibles de faire obstacle à la réalisation des IVG et à organiser une campagne d’information rappelant expressément les conditions dans lesquelles s’exerce par principe le droit à l’avortement pendant la crise sanitaire.

Propositions :

Prévenir et lutter contre les pratiques ou difficultés d’organisation susceptibles de faire obstacle à la réalisation des interruptions volontaires de grossesse

Organiser une campagne d’information nationale rappelant expressément les conditions dans lesquelles s’exerce par principe le droit à l’avortement pendant la crise sanitaire

(1) L’analyse du Planning familial se fonde sur les données du numéro vert national « Sexualités, Contraception, IVG » porté par l’association du Planning Familial, ainsi que sur les remontées d’informations de ses associations départementales. Les appels téléphoniques faisant état de difficulté ont augmenté sur cette période de 330 %.

II. UN ACCÈS À L’ÉDUCATION RÉAFFIRMÉ MAIS À LA MISE EN ŒUVRE