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Les difficultés à assurer la continuité pédagogique pendant le confinement et les

A. LA CONTINUITÉ DE LA SCOLARITÉ DES ENFANTS EN QUESTION

2. Les difficultés à assurer la continuité pédagogique pendant le confinement et les

a. Des mesures gouvernementales destinées au maintien de la continuité pédagogique, mais révélatrices de difficultés technologiques au sein de l’Éducation nationale

L’objectif des équipes enseignantes, dès le premier jour de confinement, a été de maintenir un lien pédagogique entre les professeurs et les élèves, afin d’entretenir les connaissances déjà acquises par les élèves tout en permettant l’acquisition de nouveaux savoirs. Plusieurs outils ont pu être utilisés dans le cadre de cette continuité pédagogique.

Ma classe à la maison : ce dispositif a été mis en place par le Centre national d’enseignement à distance (CNED). Il fournit des supports de cours et des exercices en ligne pour les classes de la grande section de maternelle à la terminale et permet la tenue de séances de classe avec les élèves. Le ministère de l’Éducation nationale indique que les ressources pédagogiques de cette plateforme, conçues pendant l’hiver 2019-2020, ont été utilisées par deux millions de familles et que les classes virtuelles proposées dans le cadre de ce dispositif ont été utilisées par 500 000 professeurs. Pendant le confinement, plus de 3 millions d’élèves ont eu accès, par ce biais, à une ou plusieurs classes virtuelles.

Devoirs à la maison : La mise en œuvre de ce dispositif a permis de numériser les devoirs réalisés afin de permettre leur diffusion dématérialisée.

Le CNED a par ailleurs mis en œuvre un agent conversationnel nommé « Jules » capable de répondre aux questions des élèves de tous niveaux.

La maison Lumni : la chaîne de télévision France 4 a développé son offre éducative avec la « maison Lumni ». Plus de 700 cours ont été élaborés par des professeurs de l’Éducation nationale et diffusés, recueillant jusqu’à un million de téléspectateurs.

Nation apprenante : Cette opération a mobilisé des chaînes de radio, de télévision et des organes de presse, afin que l’ensemble des élèves et des familles intéressées puissent accéder à des émissions culturelles, des cours, des exercices…

Environnement numérique de travail (ENT) : L’ENT est un ensemble intégré de services numériques choisis et mis à disposition de tous les acteurs de la communauté éducative. Il constitue un point d’entrée permettant à l’utilisateur d’accéder à des contenus numériques. Il offre un lieu d’échange entre professeurs et élèves notamment. Prolongement numérique naturel de l’établissement, il est mis à disposition dans le cadre d’une compétence partagée entre l’État et les collectivités territoriales. Durant la période de mars à juin 2020, les ENT ont eu vocation à être le principal outil de la continuité pédagogique. Ils ont connu une augmentation de 346 % des visites pour le seul mois de mars et ont absorbé jusqu’à 57,91 millions de pages vues par jour, avec 217 millions de visites pour le mois de mars et les premières semaines de continuité pédagogique.

Par ailleurs le réseau de création et d’accompagnement pédagogique ou

« réseau Canopé », dont les missions ont été récemment recentrées sur la formation continue en ligne des enseignants, a proposé aux professeurs des formations, des ressources et un accompagnement dans le cadre de l’enseignement à distance.

Évidemment, dans la pratique, la mise en œuvre des outils a soulevé des difficultés. Le dimensionnement des serveurs et des réseaux des collectivités territoriales qui déploient les ENT ne permettait pas de faire face à l’explosion des connexions. En conséquence, à titre d’exemple et dans les trois départements de l’académie de Créteil et sur l’ensemble de la région Île-de-France, les espaces numériques de travail (ENT) ont complètement explosé et ont été mis en croix, selon les termes de M. Daniel Auverlot, recteur de l’académie de Créteil. M. Bruno Faure, président de la commission Éducation de l’Assemblée des départements de France (ADF) a ainsi indiqué : « S’agissant du numérique éducatif et de nos plateformes, nous n’avions pas imaginé avoir besoin de faire face à des connexions simultanées aussi importantes. Nos plateformes ont été saturées, voire inopérantes, pendant huit à dix jours. Nous avons là aussi réussi à intervenir rapidement pour les rendre à nouveau actives et opérantes et permettre un enseignement à distance de façon massive. » Régions de France a indiqué que les volumes de connexion sur les ENT avaient été multipliés par 4 à 10, selon les régions.

Si les collectivités ont réagi extrêmement vite pour répondre à la hausse des connexions, des enseignants se sont tournés de manière dispersée vers de nombreuses solutions différentes, parfois peu compatibles avec le RGPD (Règlement général de protection des données). Les élèves et leurs parents ont dû souvent gérer différents supports de travail selon les matières et les enseignants, ce qui a été un important facteur de complexité pour eux.

En définitive, si la bonne volonté du ministère de l’Éducation nationale n’est pas à remettre en cause, le sous-investissement technologique est apparu en pleine lumière lors du confinement et appelle à un véritable plan d’investissement. La prise de conscience est réelle et le confinement a eu le mérite de faire faire un bond technologique à de nombreux enseignants, notamment ceux qui étaient jusque-là les plus éloignés du numérique. Il a surtout souligné l’importance du lien concret entre l’élève et le professeur, et de la classe comme lieu d’échanges.

Par ailleurs, l’absence d’ENT dans le premier degré – moins de 20 % des élèves à la rentrée 2020 – a pu être préjudiciable à la continuité pédagogique pour les élèves concernés.

Le dispositif Sport-Santé-Culture-Civisme (2S2C)

La crise sanitaire et les contraintes de distanciation ont entraîné des conditions d’accueil très particulières, qui ont eu des conséquences sur le nombre d’élèves pris en charge simultanément par un même professeur.

Lorsque l’élève n’était pas en classe, le dispositif Sport-Santé-Culture-Civisme (2S2C) a été mis en place afin de proposer des activités sur le temps scolaire qui se déroulent dans le prolongement des apprentissages et en complémentarité avec l’enseignement.

Ces activités pouvaient être assurées en priorité par des professeurs, en complément de service, avec des échanges de service ou en inter-degrés (école /collège), et en heures supplémentaires.

En outre, dans le cadre d’une convention avec la collectivité territoriale de rattachement, des activités, notamment dans les domaines du sport, de la santé, de la culture et du civisme ont été organisées par la collectivité pendant le temps scolaire. Ces interventions dans les différents domaines proposés ne se substituaient pas aux enseignements et donc à l’action première des professeurs dans leurs disciplines (EPS, arts plastiques, éducation musicale, enseignement moral et civique…).

Au total, près de 3 000 conventions ont été signées pour les élèves du 1er degré, portant sur près de 6 000 écoles et bénéficiant à près de 170 000 élèves – dont plus de 45 000 dans les écoles maternelles et près de 122 000 dans les écoles élémentaires, soit 2,5 % des élèves concernés.

b. Des familles déboussolées par « la classe à la maison »

Avant tout, il convient de signaler que cette crise n’a pas généré que des effets négatifs. Une véritable solidarité s’est développée entre les parents d’élèves et l’ensemble des membres des communautés éducatives. Les professeurs se sont adaptés à la situation et ont été capables d’organiser, en quelques jours, des cours à distance avec leurs élèves. Sans formation particulière, nombre d’entre eux ont trouvé le ton juste et ont su entretenir un lien social et maintenir le lien professeur/élève.

Cependant, pendant les semaines de confinement, les parents ont dû assumer, outre leur travail, le rôle de professeur de leurs enfants. Les parents d’élèves ont différemment vécu la période, selon qu’ils résident en ville ou à la campagne, qu’ils soient parents d’un ou plusieurs enfants, qu’ils habitent dans un appartement de 30 mètres carrés ou dans une maison avec jardin, et surtout selon leur propre rapport à la culture scolaire et le temps disponible que leur laissaient leurs autres tâches.

La continuité pédagogique a souvent connu des soubresauts lors de sa mise en place. Le travail à la maison demandé aux enfants était parfois mal adapté, avec une importante quantité de travail pour certains élèves. La charge de travail supplémentaire et des directives trop changeantes – voire contradictoires – ont parfois conduit des chefs d’établissement à gérer seuls les protocoles sanitaires, les emplois du temps mouvants et les adaptations parfois au jour le jour, au détriment des liens avec les familles, qui devaient s’adapter sans cesse.

Ce nouveau rôle a généré un grand stress chez de nombreux parents qui ne parvenaient pas à capter l’attention de leur enfant. Ils ont souvent oscillé entre un acharnement épuisant et un abandon « en attendant des jours meilleurs ».

En définitive, selon un sondage réalisé par la FCPE (1) en septembre 2020, 69,8 % des parents s’inquiétaient à l’idée que leurs enfants soient de nouveau amenés à rester à la maison pour cause de fermeture d’établissement liée au coronavirus, et à la mise en place de la continuité pédagogique. Ce chiffre donne une indication assez fiable de la manière dont les parents ont vécu le premier confinement et la fermeture des écoles.

c. La reconnaissance du métier d’enseignant malgré un « professeur bashing » médiatique au mois de juin

Les fédérations de parents d’élèves reçues par la commission d’enquête ont toutes rendu un hommage vibrant aux enseignants. De nombreux parents ont pris conscience à l’occasion du confinement de la réalité du métier d’enseignant. S’il n’y a à retenir qu’un seul point positif du confinement, ce serait celui-là. Un sondage IFOP de mai 2020 montre que 75 % des parents d’élèves étaient satisfaits de la manière dont les enseignants ont géré la période de confinement (2).

Cependant, de manière inexpliquée, en juin dernier, la presse s’est faite l’écho d’un phénomène de professeurs décrocheurs qu’elle a pu présenter comme massif. Le chiffre de 4 à 5 % de professeurs qui n’auraient pas assuré le moindre enseignement durant le confinement a été avancé par un média audiovisuel, soit près de 40 000 enseignants, sans qu’il soit indiqué sur quelles données il reposait. Le ministre de l’Éducation nationale, par la voix de son ministre (3), a dû rappeler une évidence : une personne qui ne fait pas son travail est sanctionnable et sanctionnée.

La rapporteure condamne ces poussées démagogiques qui s’attaquent à l’ensemble d’une profession en se fondant sur des chiffres non étayés.

d. La crise sanitaire comme révélateur de la fracture numérique

Selon le même sondage IFOP précité, la proportion de foyers n’ayant pas accès à un ordinateur est de 10 %. La part de foyers qui ne disposent pas d’une connexion internet qui fonctionne correctement est de 11 %. Ceux-ci sont minoritaires mais non marginaux. L’absence d’ordinateur à la maison est imputable à la fois à des raisons économiques et générationnelles : les parents âgés de moins de 35 ans (16 %) et ceux appartenant aux catégories pauvres (16 %) sont plus nombreux à indiquer ne pas être équipés. Enfin, 22 % des parents indiquent que leur enfant n’a pas accès une imprimante et 35 % déclarent que celui-ci ne dispose pas d’une pièce séparée avec un bureau.

(1) Fédération des conseils de parents d’élèves

(2) Le regard des parents sur l’école à distance, étude IFOP réalisée auprès de 801 parents ayant au moins un enfant scolarisé dans l’enseignement primaire ou secondaire, mai 2020.

(3) Interview de Jean-Michel Blanquer, RTL, mercredi 10 juin

Un nombre non négligeable de lycéens et de collégiens ont dû suivre des enseignements sur leur téléphone. Or, pour les élèves du premier comme du second degré, seul l’ordinateur serait susceptible d’assurer la continuité pédagogique.

Ces chiffres sont nationaux et cachent des inégalités numériques criantes. Dans certains territoires, le taux de pauvreté est tel qu’il est vain de parler de continuité pédagogique faute d’outils dédiés. M. Mostafa Fourar, recteur de l’académie de Guadeloupe jusqu’en juillet dernier, a qualifié « d’impressionnante » la précarité numérique dans le département.

Ils ne disent rien non plus des déserts numériques ni des difficultés d’accès à internet, notamment dans les territoires ruraux. La moitié du territoire martiniquais, situé au nord de l’île, n’est pas ou très peu couvert par internet. Il est évident que pour les élèves de ces zones, la continuité pédagogique n’a pu rester qu’une expression théorique. Cette situation n’est pas imputable à l’Éducation nationale, qui a mis en place un dispositif postal, développé avec la société Docaposte, permettant l’envoi des devoirs sur support papier, avec la possibilité de les retourner gratuitement pendant la durée de la crise sanitaire. 45 000 devoirs ont été envoyés par ce biais dans quatre départements d’outre-mer en avril et en mai 2020 (1). La Guyane n’a pas pu en bénéficier du fait d’un mouvement de grève.

Le présent rapport reviendra infra sur la fracture numérique comme source d’aggravation des inégalités de tous ordres. Il proposera également des recommandations pour y remédier.

Les collectivités territoriales et les associations en première ligne pour lutter contre la fracture numérique

Les collectivités territoriales ont multiplié les initiatives dans le domaine du numérique.

Nombreuses ont été celles qui ont distribué du matériel informatique et des moyens de connexion.

En Guadeloupe, la collectivité a accepté de prêter du matériel informatique aux familles numériquement isolées afin de permettre aux enfants de suivre les enseignements. Orange Guadeloupe a également accepté d’offrir des clés 4G.

En Seine Saint-Denis, c’est le département, en partenariat avec la caisse d’allocations familiales (CAF) et Emmaüs-connect, qui a distribué 1 100 ordinateurs à des familles allocataires du RSA pour les « reconnecter au monde ». En Moselle, grâce à un appel à projets d’EDF auquel il a répondu, le département a bénéficié de cent ordinateurs portables, mis ensuite à disposition des enfants du centre départemental de l’enfance.

Enfin, certaines régions ont renforcé leur dispositif de distribution d’ordinateurs. La région Île de France a distribué à chaque élève de seconde un ordinateur ainsi qu’un chèque numérique de 100 euros pour les bacheliers 2020.

Ces initiatives sont louables. Elles sont bien évidemment à encourager dès lors qu’elles montrent l’impact que peut avoir sur nos concitoyens une coopération réussie entre des collectivités territoriales, des associations et parfois de grandes entreprises.

(1) Sur l’ensemble du territoire national, ce dispositif a permis d’envoyer plus de 330 000 devoirs.

e. Les vacances apprenantes : une relance bienvenue des colonies de vacances

Durant l’été 2020, un dispositif de vacances apprenantes a été proposé afin de permettre aux élèves les plus fragiles de sécuriser leurs apprentissages et ainsi de mieux les préparer à l’échéance de la rentrée de septembre. La rapporteure salue cette initiative.

Le dispositif « École ouverte », l’accueil de loisirs ainsi que les colonies de vacances ont constitué les trois modalités de ces vacances apprenantes.

Le dispositif « École ouverte » a été élargi à l’ensemble du territoire. Un appel à projets spécifique à l’été 2020 a permis de recenser les activités scolaires, culturelles, artistiques et sportives pouvant être proposées aux élèves du CP à la terminale, avec une attention particulière accordée au premier degré et aux lycéens professionnels. « École ouverte » a pu être complétée par des « parcours buissonniers » pour les jeunes de l’éducation prioritaire et des quartiers prioritaires de la politique de la ville, leur permettant une immersion à la campagne, en zone littorale ou montagnarde, pour partir à la découverte de la nature et du patrimoine local, avec une sensibilisation au développement durable.

Ainsi, 3 800 écoles et établissements, soit sept fois plus d’établissements que sur l’ensemble de l’année 2019, sont restés ouverts début juillet et fin août pour proposer à 250 000 élèves fragilisés par le confinement un programme associant renforcement scolaire le matin et activités sportives et culturelles l’après-midi. Au total, plus de 20 000 professeurs et personnels se sont mobilisés, soit trois fois plus qu’en 2019. Les dépenses afférentes au dispositif « École ouverte » s’élèvent à 23 millions d’euros pour l’été 2020.

Compte tenu de l’utilité du programme, le dispositif a été prorogé durant les vacances d’automne.

Concernant les colonies de vacances, leur relance, après une lente érosion depuis les années 1980, est une excellente nouvelle pour les catégories populaires.

En effet, pendant des années, elles ont joué un rôle d’intégration important et ont constitué un véritable lieu d’éducation populaire.

50 millions d’euros ont été mobilisés, dont 20 millions ont été consacrés aux colos apprenantes, et 30 millions aux centres de loisirs éducatifs. Ces crédits ont été entièrement consommés. Plus de 60 000 enfants sont partis en colos apprenantes, ce qui représente 1 500 séjours de vacances.

S’agissant des centres de loisirs, près 500 000 places ont été offertes au cours de l’été grâce à ce dispositif. Celui-ci est un peu complexe, au sens où il était également cofinancé par l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT).

Il comportait ainsi une dimension de « quartier d’été », destinée à toucher les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV).

La rapporteure appelle à pérenniser ces dispositifs qui constituent un levier essentiel d’intégration des jeunes, et notamment les plus défavorisés, au sein de la société.

Proposition : Pérenniser les crédits destinés aux colonies de vacances au sein du programme 163 de la mission budgétaire Sport, jeunesse et vie associative

3. Des modalités d’examen perturbées, l’absence de rite de passage pour