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Paragraphe II: Les lacunes du droit sur la question de la polygamie

A: L’absence de sanctions contraignantes

L’analyse des différents textes internationaux sur la polygamie nous permet de constater que le droit international a fait des recommandations sans toutefois indiquer aux États la ou les sanctions qui pourrai(en)t découler du non-respect des normes. La Charte des Nations Unies dans son préambule a établi d’une manière générale l’objectif de créer les conditions nécessaires au maintien de la justice et du respect des obligations nées des traités et autres sources du droit international422. Elle s’attèle également

[à] proclamer à nouveau notre foi dans les droits fondamentaux de l'homme, dans la dignité et la valeur de la personne humaine, dans l'égalité de droits des hommes et des femmes, ainsi que des nations, grandes et petites423.

422 Documentation des Nations Unies: guide de recherche, en ligne sur:

<http://www.un.org/depts/dhl/dhlf/resguidf/specilfr.htm>, (consulté le 2 août 2013).

423 Préambule de La Charte des Nations Unies a été signé à San Francisco le 26 juin 1945, à la fin de la

Conférence des Nations Unies pour l'Organisation internationale, et est entré en vigueur le 24 octobre 1945. Le Statut de la Cour internationale de Justice fait partie intégrante de la Charte, en ligne sur:

La pratique de la polygamie fait partie des comportements contraires à l’esprit de la

Charte. La question que l’on pourrait se poser de prime abord est celle de savoir quelle

qualification le droit international attribue-t-il à la polygamie et pourquoi des sanctions ne découlent pas du fait de sa pratique? Lorsque l’on sait que le droit international a fait de certaines pratiques coutumières et religieuses comme de l’excision424 son champ de bataille au

point de lui consacrer une journée mondiale425, pourquoi ne le fait-il pas pour la polygamie? Même si le combat contre l’excision n’est pas encore gagné, sa pratique a considérablement baissé. En effet, le droit international a mené plusieurs campagnes en vue de lutter contre l’excision426. Nous pensons que dans la même perspective, si une approche semblable était adoptée dans le cadre de la lutte contre la polygamie, cela aiderait beaucoup dans le combat contre cette pratique. Il est certes vrai que l’ONU via l’UNESCO a mené une campagne pour la promotion de l’égalité des genres427, mais peut-on vraiment parler d’égalité concrète des genres lorsque les pratiques telles que la polygamie perdurent?

Outre le combat contre l’excision au nom de l’égalité des genres, la communauté internationale a prononcé des sanctions sévères contre l’Ouganda suite à la promulgation de lois anti-homosexuelles. En effet, les États-Unis d’Amérique ont interdit l’entrée sur leur territoire aux Ougandais impliqués dans les violations des droits de l'homme contre les

424 Selon l’Organisation Mondiale de la Santé, l’excision, également appelée Mutilations Génitales Féminines

(MGF), recouvre « toutes les interventions incluant l’ablation partielle ou totale des organes génitaux externes

de la femme ou autre lésion des organes génitaux féminins pratiquées pour des raisons non médicales ». 425 Le 6 février est la journée mondiale contre l’excision.

426Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), Changer une convention sociale néfaste: la pratique de

l’excision/mutilation génitale féminine, (2005), Sienne, Italie, 54 p., en ligne sur: <http://www.unicef- irc.org/publications/pdf/fgm_fr.pdf>, (consulté le 2 août 2013).

427 UNESCO, « Assurer la promotion de l’égalité des genres, priorité 2014-2021 », en ligne sur:

homosexuels et ont réduit son aide financière à ce pays428. Il en est de même de certains pays européens comme le Danemark, la Norvège, les Pays-Bas et la Suède qui, opposés à cette loi anti-homosexuelle en Ouganda, ont diminué leur aide à ce pays de l’Afrique de l’est429.

Par contre, depuis la promulgation de la loi en faveur de la polygamie au Kenya le 29 avril 2014430, aucune sanction n’a été prononcée par la communauté internationale. Elle s’est juste contentée de condamner cette légalisation de la polygamie au Kenya431.

D’un point de vue interne, la communauté internationale recommande aux États de prendre les mesures nécessaires pour assurer le bon respect des mesures prises. Mais, l’on constate qu’en réalité, il n’existe pas de mécanismes contraignants pour veiller à la bonne application des mesures internationales. Aucun État ne s’est jamais fait imposer de sanctions internationales parce qu’il permet la pratique de la polygamie sur son territoire. Au contraire, dans les pays où la polygamie est pratiquée, elle est encadrée par la législation interne comme c’est le cas au Cameroun.

De ce fait, l’absence de sanctions et de mécanismes répressifs tant sur le plan international qu’interne à l’égard de la polygamie constitue une véritable lacune que le droit international se doit de corriger. Une autre lacune du droit international qui mérite de retenir notre attention est l’exclusion du droit des femmes des normes du jus cogens.

428 MENSAH, « Ouganda: lois anti homosexuelle: sanctions des USA pour violation des droits humains »,

communication/presse Ghana, (20 juin 2014), en ligne sur<http://koaci.com/ouganda-anti-homosexuelle- sanctions-pour-violations-droits-humains-92627.html>, (consulté le 17 juillet 2014).

429 Id.

430 The Marriage Act 2014, n° 4 of 2014, en ligne sur:

<http://kenyalaw.org/kl/fileadmin/pdfdownloads/Acts/TheMarriage_Act2014.pdf>, (consulté le 02 juillet 2014).

431 « Kenya: une loi autorise la polygamie », (30 avril 2014), en ligne sur:

<http://bayiri.com/international/afrique-est/kenya/kenya-une-loi-autorise-la-polygamie.html>, (consulté le 02 juillet 2014).