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3 RESULTATS

3.2 R ESULTATS DES ENTRETIENS

3.2.9 Les freins à la mise en œuvre des PAP

3.2.9.11 L’absence d’IDE la nuit et le rôle des aides-soignants

Selon sept des dix interviewés, un des principaux problèmes rencontrés dans la prise en charge anticipatoire des patients en fin de vie était l’absence d’infirmière la nuit dans la plupart des EHPAD. Ce problème était exposé par tous les médecins et infirmiers coordonnateurs d’EHPAD mais deux des trois médecins traitants ne l’évoquait pas.

Cela posait problème pour l’administration des premiers traitements prescrits car « même si

c’est une prescription per os, c’est au delà des compétences de l’aide-soignante » (E2,

médecin coordonnateur). De plus les aides-soignants n’avaient pas accès à certains médicaments comme en témoignait cet échange téléphonique entre le médecin E10 qui était également médecin régulateur et un aide-soignant en EHPAD : « on dit « Ouvrez la boite, on

va avoir besoin de morphiniques, benzodiazépines, même per os », mais les aides-soignantes disent qu’elles n’ont pas accès aux médicaments qui sont sous clefs ».

Concernant la voie veineuse, elle « pose de gros problèmes parce que… on n’a pas

d’infirmière la nuit » (E1, médecin coordonnateur). Cette voie d’abord nécessitait une

surveillance par une IDE ; un EHPAD ne pouvait donc accueillir un patient perfusé en intra veineux la nuit, même si celui-ci sortait de l’hôpital: « J’ai même vu l’aberration la plus

faramineuse, c’est quelqu’un qui sortait de l’hôpital, qui arrive perfusé, tout ce qu’il fallait était écrit, il a fallu le déperfuser, « On ne peut pas le garder comme ça !» donc il faut le renvoyer à l’hôpital. C’était à 18-19 heures un vendredi soir. C’est n’importe quoi, le traitement passait par la voie veineuse, tout allait bien, le patient n’était pas agité, ne s’arrachait pas la perfusion mais pas d’infirmière la nuit, pas de possibilité de surveiller la perfusion, dans certains établissements on va jusque là ».

L’application de PAP dépassait le cadre des compétences des aides-soignants.

E1 (médecin coordonnateur) : « L’aide-soignante ne peut pas, pour mettre en place les

prescriptions anticipées, c’est le rôle propre de l’infirmière! C’est une de nos limites ».

E4 (IDE coordinatrice) : « Après la difficulté c’est que ce sont des aides-soignantes, on ne

peut pas leur demander de prendre des responsabilités qui ne font pas partie de leur décret de compétences ou de juger de quelque chose et le problème respiratoire c’est très angoissant quand vous avez quelqu’un qui s’étouffe et qui ne va pas bien comme cela peut être le cas à domicile aussi. Que faire ?! ».

E10 (SOS médecins) : « La nuit, il n’y a pas d’infirmière dans les EHPAD donc c’est un petit

peu sans filet aussi, les aides-soignantes qui sont là donc il faut faire attention, on ne peut pas leur demander n’importe quoi».

Une seule infirmière coordinatrice évoquait l’autorisation donnée aux aides-soignantes d’administrer un traitement dans le cadre de PAP, face à des troubles respiratoires. E3 (IDE coordinatrice): « Si vous avez des procédures anticipées, les veilleuses de nuit sont là, elles

augmentent l’oxygène, elles sont capables de faire l’aérosols, on leur délègue ».

Cette absence d’infirmière entraînait plus d’hospitalisations la nuit, notamment à la demande des aides-soignantes :

E10 (SOS médecins) : « Quand j’ai des aides-soignantes qui m’appellent en pleine nuit, elles

sont très bien les aides-soignantes mais elles ne sont pas infirmières. Elles ont tendance à en rajouter car leur seul objectif c’est qu’on envoie des ambulances. Donc la démarche palliative, elles s’en fichent, elles en ont trop à gérer. Ça ce n’est pas normal. »

E1 (médecin coordonnateur) : « On hospitalisait beaucoup en particulier la nuit où les aides-

soignantes se retrouvaient en face de patients qui avaient des troubles respiratoires, ne se posent pas de question et hospitalisent en passant par le 15 ».

E8 (médecin traitant): « Dans cet EHPAD, ce que je ne savais pas, c’est qu’ils n’ont pas

d’infirmières la nuit donc ce sont les aides-soignantes qui ne vont pas faire et qui sont paniquées dans le sens de dire « Il faut qu’on alerte».

Les aides-soignants contactaient le SAMU pour avis médical sans pour autant que le patient ne soit hospitalisé. E4 (IDE coordinatrice) : « Après elles savent qu’elles peuvent appeler si

soignante de nuit qui a dit d’envoyer le médecin de garde, « Je préfère qu’il vienne, plutôt que d’envoyer les pompiers ». La patiente arrivée aux urgences, elle va passer six heures sur un brancard. Je pense que l’on peut faire autrement. Du coup le médecin de garde est venu, sinon elle serait peut-être partie à l’hôpital mais l’aide soignante a dit non, elle a su argumenter et c’est quand même vachement bien ! ».

La nuit, l’aide-soignante devait avoir des transmissions claires concernant les patients en phase palliative et terminale.

E4 (IDE coordinatrice) : « L’aide soignante est là pour argumenter donc plus il y a de

transmissions… » ; « Le médecin de garde est venu, il a fait ce qu’il fallait et ça s’est très bien passé car l’aide soignante avait eu des consignes claires, elles ont un peu plus d’expérience, elles savent qu’elles peuvent appeler. Elles ne sont pas toutes comme ça et je les comprends. Elles ont des responsabilités qu’elles n’auraient pas à prendre normalement».

Un des médecins évoquait la possibilité pour un IDE la nuit de valider l’application des PAP avec le médecin traitant du patient. E8 (médecin traitant) : « la dernière nuit j’avais eu juste

les appels des infirmiers pour me dire « On a ça, est-ce qu’on fait ça ? », et voilà. Pour qu’on leur donne juste le feu vert ».

Mais il était difficile de trouver un EHPAD avec un IDE présent la nuit. E1 (médecin coordonnateur) : « La difficulté ce n’est pas de faire des prescriptions anticipées, mais de

savoir comment va-t-on faire si ça arrive la nuit. On en est à chercher une maison de retraite qui a une infirmière la nuit pour faire un transfert ».

L’absence d’IDE la nuit au sein de l’EHPAD était un problème récurrent qui limitait la continuité des soins et la possibilité d’application de PAP. L’aide-soignant devait parfois dépasser ses compétences, mais surtout avoir des informations claires concernant les patients en phase palliative et terminale afin de limiter les hospitalisations.