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3 RESULTATS

3.2 R ESULTATS DES ENTRETIENS

3.2.7 La gestion de l’urgence

3.2.7.1 L’appel du SAMU

Lorsque les IDE étaient en difficulté, elles faisaient appel au SAMU (Service d’Aide Médicale Urgente) « dans les cas extrêmes » (E1, médecin coordonnateur).

E4 (IDE coordinatrice) : « On n’est pas dans un désert médical et pourtant c’est difficile, il

n’y a pas SOS médecin, il faut passer par le 15 ».

E9 (SOS médecins) : « Quand c’est un peu chaud, l’EHPAD appelle le 15 et c’est renvoyé sur

Le personnel de l’EHPAD faisait appel au 15, surtout la nuit et le week-end, ce qui pouvait donner lieu à des rapports conflictuels devant l’incompréhension des médecins du SAMU face à leur demande.

E1 (médecin coordonnateur) : « Au début, oui on hospitalisait beaucoup en particulier la nuit

où les aides-soignantes se retrouvaient en face de patients qui avaient des troubles respiratoires, ne se posent pas de question et hospitalisent en passant par le 15 parce que là- bas il n’y avait pas d’autre solution. Ce qui donne lieu à des tensions avec le 15 qui demandait pourquoi on hospitalisait une personne âgée. Des rapports difficiles voire même conflictuels avec le 15 ».

E4 (IDE coordinatrice) : « Ce qui pourrait nous poser problème, c’est la nuit. Alors là, je

demande au médecin de faire un écrit, de façon à ce que l’aide-soignante qui va appeler le 15 puisse dire : « le patient a telle pathologie, voilà ce qui est mis en place», le médecin du 15 va-t-il se déplacer pour faire ça? Pour l’instant je ne sais pas. Le médecin de garde le fera ? Parce que là c’est aussi à sa propre appréciation».

E4 (IDE coordinatrice) : « La dernière fois, d’abord le médecin du 15 voulait envoyer les

pompiers pour l’hospitaliser, c’est l’aide soignante de nuit qui a dit d’envoyer le médecin de garde ».

En dehors d’un contexte d’urgence, l’appel du SAMU était aussi une alternative pour l’EHPAD quand le médecin traitant du patient était réfractaire à une prise en charge anticipatoire palliative :

E4 (IDE coordinatrice) : « Pour nous, le côté qu’on ne maîtrise pas c’est le médecin traitant.

S’il ne veut pas, on est mort. Ça nous est arrivé, si il ne veut pas venir, on attend 20 heures, on appel le 15 et on voit avec le médecin de garde, ou on attend le week-end. C’est la vérité ».

Le SAMU pouvait avoir un rôle de conseil téléphonique sans obligatoirement conduire à une hospitalisation. Cela évitait même des hospitalisations inutiles.

E5 (médecin traitant) : « A une époque, il y a avait un EHPAD où il n’y avait pas un week-end

qui passait où quand je revenais, il n’y avait pas un patient qui était parti aux urgences même pour une tension à 15 ou à 16, des trucs, je me disais « Pourquoi ils envoient ? ». Là dessus, c’est important d’avoir une validation par le 15 qui puissent dire « ça ne part pas, ce n’est pas une raison ».

La tendance des médecins généralistes était de temporiser, d’éviter d’appeler le 15. E5 (médecin traitant) : « j’ai mis de l’oxygène, on surveille, on prend le temps, on ne va pas

appeler le 15».

L’EHPAD faisait appel au SAMU essentiellement la nuit ou le week-end pour demander une hospitalisation, mais elle pouvait également les contacter en journée si le médecin traitant était réfractaire à une prise en charge palliative. Les appels conduisaient le plus souvent à une hospitalisation, mais le SAMU pouvait également avoir un rôle de conseil afin de poursuivre la prise en charge palliative du patient au sein de l’EHPAD.

Les médecins traitants avaient tendance à temporiser pour éviter de faire appel au SAMU.

3.2.7.2 SOS médecins

SOS médecins était « appelé régulièrement dans les EHPAD pour gérer des fins de vie », environ « une fois par semaine» (E9, SOS médecins).

Les deux motifs d’appel de SOS médecins concernant les troubles respiratoires en EHPAD étaient « la désaturation » et « la fréquence respiratoire » (E9, SOS médecins). Pour un patient en fin de vie en EHPAD, les IDE appelaient SOS médecins « pour se couvrir » (E9, SOS médecins), « le médecin passe juste pour rassurer », « vérifier qu’il n’y ait pas de

souffrance, vérifier qu’il n’y ait pas quelque chose à faire ».

Pour les médecins de SOS médecins intervenant en urgence, « souvent la question c’est

hospitalisation ou pas d’hospitalisation » (E10, SOS médecins)

Ils intervenaient quand les situations palliatives n’étaient pas bien cadrées, sans PAP mises en place. E9 (SOS médecins) : « Les prescriptions anticipées, de toute façon là où on intervient

c’est là où il n’y en a pas. Donc moi j’ai l’impression c’est qu’il n’y en a jamais, a priori quand il y a les prescriptions anticipées c’est qu’on n’est pas appelé. Moi, je n’en vois jamais quand j’y vais. Donc oui c’est très rare d’avoir des prescriptions anticipées, donc soit ça marche, soit il n’y en a pas.»

En cas de dossier non cadré, les craintes médico-légales étaient un frein à la démarche palliative et conduisaient à transférer le patient vers l’hôpital. E10 (SOS médecins) : « Si ce

je peux agir? Difficile! Parce qu’on a des contraintes médico-légales. Quand ça ne va pas, les familles, les établissements ils se retournent contre vous, ça c’est clair ».

E9 (SOS médecins): « Mais le problème c’est quand je n’ai pas de prescriptions anticipées,

que je ne connais pas le contexte, je suis un peu obligé pour me couvrir d’hospitaliser parce que je ne sais pas ce que souhaite la famille, je ne sais pas ce que souhaite le patient. Et donc quand on ne sait pas on hospitalise. Par contre quand c’est cadré, c’est cadré. Mais comme je te dis, la plupart des cas, 99% des cas, ça n’est pas cadré ».

La méconnaissance du patient et de la situation conduisait le plus souvent le médecin intervenant en urgence à hospitaliser le patient. « Après c’est vrai qu’on a à SOS

l’hospitalisation facile. Sur un même patient, un médecin traitant il va continuer vachement plus longtemps la prise en charge alors que nous, on hospitalise plus rapidement».

L’hospitalisation était d’autant plus fréquente qu’ils n’avaient pas le temps d’analyser les dossiers en urgence. E9 (SOS médecins) : « Je n’approfondis pas les dossiers quand on est en

urgence comme ça la nuit ».

Ils temporisaient parfois, en donnant une conduite à tenir jusqu’à ce que le médecin traitant puisse reprendre la main.

E10 (SOS médecins) : « pour moi, c’est vrai que je fais le maximum pour garder les patients

en établissement », puis « si ça se passe bien, le médecin traitant prend le relais le jour suivant ou le week-end. Le week-end, on essaie de cadrer le patient pendant les 48 heures du week-end et on demande à l’infirmière de rappeler le médecin traitant pour qu’il y ait un suivi ».

E3 (IDE coordinatrice) : « on appelle SOS médecins qui ne connaît pas la personne donc en

général il va soit l’envoyer à l’hôpital, soit nous dire «Faîtes ça» et nous faire une petite procédure, pas vraiment anticipée, mais c’est au cas où, sur un ou deux jours, les heures qui vont venir, après il faut appeler le médecin traitant ».

Il pouvait arriver que les EHPAD contournent un médecin traitant réticent à la prise en charge palliative en appelant SOS médecins le soir ou le week-end. Selon un médecin coordonnateur (E1), les médecins de SOS médecins étaient sensibilisés aux soins palliatifs : « on attend

d’être en dehors des heures du service du médecin traitant et on appelle SOS médecins. Et là par contre avec SOS médecins on n’a jamais de difficulté, on a toujours des interlocuteurs qui sont sensibilisés aux soins palliatifs, je ne sais pas si cela fait partie de leur formation mais

en tout cas on n’a jamais eu de problème. On leur montre la proposition des prescriptions anticipées, ils la font et l’infirmière exécute. Et on s’en sort comme ça ».

SOS médecins pouvait également intervenir le jour, devant l’indisponibilité des médecins traitants. E9 (SOS médecins) : « Mais le médecin traitant, surtout à Bordeaux, il aime bien ne

pas bouger de ses consultations. Donc eux-mêmes disent d’appeler assez facilement SOS médecins ». Cela pouvait être une question de distance entre l’EHPAD et le cabinet : « En EHPAD, les médecins traitant ne sont pas forcément à côté parce que les gens sont placés où il y a de la place. Le médecin traitant peut venir une fois de temps en temps, pour certains patients en tout cas, mais lorsqu’il est appelé la plupart du temps il ne peut pas se déplacer parce que si il est à l’autre bout de l’agglomération il ne viendra pas ».

Cela se passait bien si le dossier avec les prescriptions anticipées était clair. Le médecin palliait alors à l’absence d’IDE.

E2 (médecin coordonnateur) : « s’il y a un symptôme intense la nuit, vous faites appel à SOS

médecins, vous leur montrez les PAP, la prise en charge palliative, tout est écrit dans l’ordinateur, et vous demandez au médecin de faire la PAP ».

E9 (SOS médecins) : « Quand c’est cadré et que j’ai accès au dossier sur de la fin de vie, du

palliatif, je n’hospitalise pas ».

Concernant les prescriptions anticipées, les médecins de SOS médecins en établissaient peu. Ils pouvaient être appelés pour adapter les posologies établies dans les PAP :

E9 (SOS médecins) : « Sur des directives anticipées, est-ce que j’ai déjà dû intervenir pour

les modifier ?… oui pour augmenter les dosages, c’est déjà arrivé qu’il y ait du Tranxène®, des trucs comme ça, même de la morphine, et ça m’est déjà arrivé d’augmenter et d’adapter les dosages ».

La décision d’hospitaliser ou pas un patient dépendait de l’EHPAD.

E10 (SOS médecins) : « l’infirmière coordinatrice va dire « Là non ce n’est pas possible, on

va avoir des difficultés… » Pour des tas de raisons, je ne polémique pas ».

E9 (SOS médecins) : « ça va mal se finir en EHPAD, donc je ne peux pas, donc

j’hospitalise ».

E10 (SOS médecins) : « Sur le plan respiratoire, je dirais que c’est surtout infirmière

vite si c’est possible ou pas. Soit il y a une relation de confiance avec l’infirmière qui va gérer le problème. S’il y a une relation de confiance qui s’installe vite, on peut discuter entre professionnels et dire voilà « ça je peux le faire, je peux lui faire faire, ça non ».

Concernant la prise en charge, l’oxygénothérapie était utilisée si « la saturation est en dessous

de tel niveau » et si « on sent la personne encombrée, un peu dyspnéique, si fièvre supérieure à 38,5°C, on met antibiothérapie par Rocephine®, oxygène » (E9, SOS médecins).

Ce même médecin reconnaissait « met(tre) des antibiotiques assez facilement », sans être

« sûr que ça soit très utile en fin de vie mais c’est pour faire quelque chose » (E9, SOS

médecins).

Les médecins de SOS médecins étaient appelés par l’EHPAD pour la gestion de fin de vie en cas d’indisponibilité du médecin traitant ou pour contourner sa prise en charge. Ils pouvaient intervenir pour appliquer ou ajuster des PAP déjà en place, ou bien le plus souvent pour pallier à l’absence de PAP. L’absence d’identification de prise en charge palliative entraînait fréquemment une action interventionniste et une issue hospitalière, majorées par des craintes médico-légales.