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3 RESULTATS

3.2 R ESULTATS DES ENTRETIENS

3.2.9 Les freins à la mise en œuvre des PAP

3.2.9.6 Freins humains liés au personnel de l’EHPAD

Les médecins de SOS médecins doutaient de la capacité des EHPAD à assurer la fin de vie au sein des établissements.

E10 (SOS médecins) : « On pouvait le faire, mais le médecin coordonnateur et infirmière

coordinatrice étaient incapables de gérer le truc ».

E10 (SOS médecins) : « Ça reste compliqué quand il y a des revirements, où les gens ne se

sentent pas en sécurité pour assumer cette fin de vie parce que le patient n’est pas suffisamment cadré » ; « Ce sont les raisons pour lesquelles on hospitalise ces patients en phase palliative, la famille et l’équipe qui n’est pas prête à assurer l’issue fatale ».

Le médecin traitant E5 émettait également des doutes en pointant du doigt la variabilité de prise en charge selon la motivation des équipes des EHPAD : « Il y a cette idée qu’on peut le

faire, mais attention aux établissements, aux équipes soignantes ».

Un médecin (E9, SOS médecins) déplorait l’organisation de certains EHPAD. « Il va y avoir

des EHPAD un peu « à l’arrache », où tu vas ressentir que c’est une infirmière intérimaire, que ce n’est jamais le même personnel soignant, qu’ils sont débordés, c’est un peu le foutoir, pas de dossier informatique, pas d’observation, pas de suivi, pas de dossier avec tout de bien rangé ».

Un trop grand turn-over des soignants n’était pas favorable aux prises en charge palliatives. E7 (médecin traitant) : « avec que des intérimaires c’est un peu compliqué par contre. Mais si

on a des infirmières un petit peu rodée qui sont là régulièrement ça se passe bien en EHPAD ».

Les médecins coordonnateurs eux-mêmes avouaient ne pas être pleinement disponibles pour l'EHPAD:

E1 (médecin coordonnateur): « les familles ont juste besoin d’être rassurées sur l’idée que

l’on soit capable de les prendre en charge. Sauf que parfois on n’a pas le temps de donner toutes ces informations-là car c’est chronophage, c’est fait par le médecin coordonnateur qui n’est là qu’à temps partiel. Donc parfois on hospitalise effectivement parce qu’on n'a pas eu le temps de mettre en place ».

E2 (médecin coordonnateur) : "C’est un établissement où j’y suis deux jours dans le mois

donc je ne peux absolument pas les soutenir".

E10 (SOS médecins) : « Mais bon ils ont 0,10 équivalent temps plein dans un établissement.

Comment faire ce travail-là ? »

Certaines équipes appréhendaient la prise en charge de la fin de vie.

E5 (médecin traitant) : « c’est juste selon les EHPAD, les ressentis de l’équipe soignante,

infirmières et aides-soignantes, elles ne sont pas toutes habituées à être confronté à la mort et donc il y en a qui sont quand même sur le « reculoir ». Donc quand on fait des prescriptions anticipées, elles ne sont pas toujours respectées».

E2 (médecin coordonnateur) : « Ce sentiment de faire des soins dans un corps qui n’est plus

Un des médecins traitants (E5) décrivait des difficultés de prise en charge palliative par les soignants de l’EHPAD, en raison de la relation de l’équipe au patient. « De manière générale,

sur le palliatif, il y a du travail à faire parce que ce n’est pas évident pour eux […] Ça va leur demander beaucoup de travail physique et psychologique parce qu’ils vont essayer de s’attacher quand même à le rendre humain mais souvent quand ils sont complètement épuisés par les événements, ils n’ont souvent pas tendance à s’attacher, ils font juste le soin technique ».

Un seul des interrogés déplorait un manque de personnel en EHPAD, avec une répercussion sur les possibilités de prise en charge de fins de vie en institution.

E10 (SOS médecins) : « Le problème c’est ça, ce n’est pas tant la thérapeutique, moi le

document il n’y a pas de souci, il est bien fait mais après c’est la mise en œuvre et les moyens qu’on a derrière pour mettre en œuvre ça. L’oxygène par exemple c’est un très bon exemple. Moi j’arrive souvent je vois les lunettes comme ça. Est-ce qu’on a les moyens humains de surveiller le patient ? Ce n’est pas toujours évident».

La prise en charge palliative était chronophage pour les infirmières en EHPAD.

E5 (médecin traitant) : « on sentait qu’elles n’avaient pas envie de se donner plus dans le soin

du patient parce que techniquement ça prenait du temps, c’était difficile ».

E6 (médecin coordonnateur) : « je me suis rendu compte que ce résident avec sa

trachéotomie, ses bouchons muqueux, son anxiété, il mettait une grosse pression à l’équipe. Et vraiment il sonnait très souvent, on ne savait jamais si on allait le retrouver en dyspnée, en détresse respiratoire, il nous a fait des épisodes nuits et jours, c’était terrible et de plus en plus fréquent ».

E7 (médecin traitant) : « ils en bavent un peu parce qu’il y a des gens qui sont lourds à gérer,

il y a beaucoup de soins ».

E10 (SOS médecins) : « Le manque de temps, c’est antinomique, la démarche palliative avec

le manque de temps ».

La prise en charge de la fin de vie nécessitait une disponibilité du médecin traitant.

E7 (médecin traitant) : « D’ailleurs c’est souvent lourd dès qu’il y en a deux à trois à la fois,

ça prend beaucoup de temps parce qu’il faut y être souvent, il faut répondre au téléphone, il faut rassurer non seulement le personnel mais aussi les familles. On y passe du temps » ;

déjà débordé, on ne peut pas en faire trop. Donc quand on en fait, c’est vraiment qu’il y en a besoin ».

Les convictions religieuses pouvaient entraver les soins palliatifs : « Il y a un agent de service

qui a beaucoup de conviction religieuse. Et là c’est compliqué. Il a du mal à se conformer aux décisions de l’équipe notamment sur l’arrêt alimentaire » (E4, IDE coordinatrice).

Les médecins traitants et ceux de SOS médecins doutaient des capacités de certains EHPAD à assurer la fin de vie au sein des établissements devant le manque de moyens humains : un manque de personnel, des IDE intérimaires avec un turn-over important et des médecins coordonnateurs peu présents compliquant la transmission des informations.

Les moyens humains en EHPAD pouvaient donc s’avérer insuffisants devant le caractère chronophage de ces prises en charge de la fin de vie ressenti par les infirmiers en EHPAD mais aussi par les médecins.