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Chapitre 4. Méthodologie 99

4.1. L’étude de cas multiples 100

L’étude de cas nous est apparue une approche de recherche particulièrement pertinente et adaptée à notre objet d’étude et ce pour deux raisons principales.

D’abord, nous voulions être en mesure d’identifier et de comprendre l’impact des nombreuses variables ayant une influence sur la nature du travail des gestionnaires ainsi que sur la représentation qu’ils ont de leur travail. Pour ce faire, l’étude de cas se révélait particulièrement adaptée. À ce sujet, nous référons à Roy qui écrit:

«L’étude de cas permet d’observer une multitude de variables d’un nombre réduit d’individus. Cela permet au chercheur de prendre en compte plusieurs facteurs de causalité et souvent, de les observer in situ » (Roy, 2006, p.171).

Ainsi, derrière le choix de cette approche se trouvait notre désir d’aborder notre objet de recherche sans nous limiter à un nombre restreint de variables identifiées a priori.

Surtout, le choix de l’étude de cas se fonde sur la nature même de notre objet de recherche. En effet, les acteurs auxquels nous nous intéressons agissent dans un contexte dont les frontières sont clairement identifiables, à savoir les frontières organisationnelles des CSSS. Ceci ne signifie pas que les connaissances produites ne soient pas généralisables au-delà de ce contexte. À ce sujet, nous croyons plutôt, à l’instar de Hamel (1997, 2000), que la prise en compte du contexte permet au phénomène étudié d’acquérir le statut d’objet de recherche. Comme l’écrit Hamel, « l’étude de cas est effectuée dans le but de saisir un phénomène dans

son contexte afin que son étude in situ puisse l’en dégager pour qu’il devienne un objet expressément destiné à être livré à l’étude » (1997, p.11).

Malgré l’importance que prend le contexte dans la compréhension du phénomène observé, Hamel (1997) rappelle qu’il importe de faire la distinction entre le cas et l’objet d’étude. Le cas n’est pas l’objet d’étude, mais bien « l’observatoire » par lequel nous accédons à cet objet (Hamel, 1997). À ce sujet Hamel écrit : « la notion de cas doit s’entendre en faisant

directement écho à l’office qu’on lui rattache : être l’intermédiaire en vertu duquel on peut circonscrire l’objet d’étude » (Hamel, 2000, p.9). Pour notre part, nous pouvons dire que notre

objet d’étude est la représentation qu’ont les gestionnaires de leur travail, le CSSS étant « l’observatoire » à travers lequel nous l’abordons.

Ainsi, nous avons fait le choix d’identifier deux cas similaires et, suivant les conseils de Jodelet (2003), nous sommes concentrés sur « chacun des cas, pris dans sa singularité, avant

de procéder à leur comparaison » (p.159). Nous avons fait l’hypothèse que cette comparaison

nous aiderait à identifier les phénomènes qui découlent des spécificités organisationnelles et ceux qui s’expliquent par les changements communs imposés dans le cadre de la mise en œuvre de la réforme (Roy, 2006). Bref, il s’agissait d’un moyen de s’assurer que les résultats de notre étude ne se limitent pas à un contexte organisationnel bien précis. Pour le dire autrement, nous cherchions à augmenter la validité externe de nos résultats (Gagnon, 2005).

La question de la représentativité des résultats constitue d’ailleurs une critique souvent formulée à l’égard de l’étude de cas. Cette critique découle cependant de l’utilisation de critères devant assurer la représentativité et n’ayant que peu à voir avec l’utilisation de méthodes qualitatives. À ce sujet, la distinction faite par Hamel (2000) entre la représentativité théorique ou sociologique et la représentativité statistique est fondamentale. À ce sujet, il convient de rappeler que notre objet d’étude est la représentation qu’ont les gestionnaires d’établissement de santé et de services sociaux de leur travail, le CSSS étant l’observatoire par lequel on y accède. Ainsi, ce n’est pas le nombre de cas à l’étude qui assure la représentativité, mais plutôt la pertinence des critères ayant été utilisés dans le choix des cas. À ce sujet, Hamel écrit :

« Cette représentativité [du cas] ne relève pas de la statistique à laquelle elle

est souvent réduite en sociologie, mais d’une représentativité qu’on peut qualifier de théorique ou sociologique. […] Le cas comporte les qualités voulues dans la mesure où il constitue le moyen par excellence pour expliquer l’objet à l’étude, leur mise en évidence en faisant foi » (Hamel, 1997, p.100).

Dans ce contexte, les critères de sélection des cas prennent une grande importance car c’est sur eux que repose la prétention de représentativité des résultats. Il convient donc d’expliciter les critères d’admissibilité que nous avons retenus lors de la sélection des cas au cœur de notre recherche.

4.1.1 Critères de sélection des cas

Rappelons que suite à la réforme Couillard, ce sont quatre-vingt-quinze CSSS qui furent créés. Ceux-ci représentaient, a priori, autant de cas pouvant potentiellement faire partie de notre étude. De manière à effectuer une sélection, nous avons identifié trois critères.

Le premier critère est la composition des CSSS en termes de missions. Dans la vision ministérielle de la réforme, les CSSS devaient théoriquement regrouper les missions CLSC, CHSLD et CH. Dans la réalité, on retrouve ces trois missions dans une majorité de CSSS, à savoir soixante-huit sur quatre-vingt-quinze (St-Pierre, 2009). La présence, ou non, de ces missions ayant possiblement un impact sur la structure d’encadrement ainsi que sur la dynamique interne à la catégorie d’acteurs à l’étude, nous avons donc fait le choix de nous limiter aux CSSS formés de ces trois missions.

Le deuxième critère est la taille du CSSS. Ce critère varie énormément d’une organisation à l’autre. Par exemple, le plus gros des CSSS ayant été créé, le CSSS de Laval, a un budget de plus de 390 millions de dollars et compte plus de 6 000 employés répartis sur dix-sept sites. À l’opposé, un des plus petits, le CSSS du Haut-St-Laurent, a un budget de vingt-six millions de dollars et compte cinq cents employés répartis sur cinq sites. Ces variations ayant probablement un impact sur la structure d’encadrement. Nous avons donc cherché à éliminer les extrêmes, soit les très petits et très grands CSSS, en termes de nombre de sites, d’employés et de budget, pour nous concentrer sur des CSSS de taille moyenne.

Finalement, le dernier critère est la situation géographique des CSSS. Il nous semblait important de faire la distinction entre les CSSS situés en milieu urbain, couvrant un territoire

plus petit avec une population plus dense et ceux situés en milieu urbain et rural couvrant un territoire plus grand avec une population dispersée. Il s’agit du seul critère que nous avons fait varier dans le choix de nos cas. Nous voulions avoir au moins un CSSS en milieu urbain et rural et au moins un en milieu urbain. Nous cherchions ainsi à éviter que les résultats auxquels nous allions arriver soient discrédités du fait de la localisation géographique des organisations.

Ce qu’il faut retenir ici, c’est que nous cherchions, avec les deux premiers critères, à identifier une sorte d’idéal type des CSSS. En ce sens, nous pourrions dire que nous cherchions à éliminer les exceptions reliées à la composition, en termes de missions, ainsi qu’à la taille. Pour ce qui est du troisième critère, la logique sous-jacente est autre. La situation géographique ne constitue pas une exception, les CSSS sont tous, soit en milieu urbain et rural, soit en milieu urbain. Ne sachant pas, a priori, si cette caractéristique aurait des impacts sur l’objet d’étude, nous avons fait le choix de sélectionner au moins un de chaque.

À l’aide de ces trois critères, nous avons créé une liste de CSSS pouvant potentiellement constituer nos cas et avons débuté la prise de contacts. Nous avons procédé en faisant parvenir des courriels, adressés aux directeurs généraux des différents CSSS, dans lesquels nous leur demandions, après avoir présenté notre recherche, ses objectifs et ce que cela impliquait d’y participer, s’il nous serait possible de faire une partie de notre cueillette des données dans leur organisation. Nous leur proposions aussi de rencontrer le comité de direction afin de nous présenter et de présenter notre recherche. En tout, nous avons dû contacter une dizaine d’organisations avant de trouver celles qui constituent nos cas.

À l’origine, nous avions prévu sélectionner trois CSSS. Cependant, deux éléments sont apparus pendant notre processus de collecte des données et nous ont amené à réduire ce nombre à deux. D’abord, il fut plus difficile de trouver des CSSS acceptant de participer à notre recherche que ce que nous avions prévu. De plus, lorsque nous avons commencé nos entrevues, nous avons pris conscience de l’ampleur des données auxquels un cas nous donnait accès. Ainsi, plus le processus de cueillette des données avançait et moins il nous apparaissait faisable de réaliser une recherche de qualité en analysant trois cas.

4.1.2 Caractéristiques des cas

Le premier CSSS (CSSS#1) dans lequel nous avons réalisé des entrevues regroupe un hôpital, cinq CLSC, quatre centres d’hébergement et deux maisons d’hébergement. Ces installations desservent une population répartie sur un territoire de près de 4 000 kilomètres carrés situé à la fois en milieu urbain et rural. L’hôpital, un CLSC et un CHSLD sont situés en milieu urbain alors que les autres installations sont situées en milieu rural. Le budget de l’organisation est d’environ 85 millions de dollars et près de 1 400 employés y travaillent (Voir tableau 2).

Le deuxième CSSS (CSSS#2) dans lequel nous avons réalisé des entrevues regroupe un hôpital, deux CLSC et quatre centres d’hébergement. Ces installations desservent une population répartie sur un territoire de près de 450 kilomètres carrés situé en milieu urbain. Le budget de l’organisation est d’environ 140 millions de dollars et près de 2 000 employés y travaillent (Voir tableau 2).

Tableau 2. Caractéristiques des CSSS visités

Type d’établissements CSSS Étendue du territoire Budget Nombre d’employés CH CLSC CHSLD CSSS#1 ± 4000 km2 ± 85 millions ± 1500 1 5 6 CSSS#2 ± 450 km2 ± 140 millions ± 2000 1 2 4