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Présentation. Le terme de « revendication » (en anglais : expectation, claim) est compris ici

comme toute attente, consciente ou non, exprimée ou non, qu’une partie prenante est susceptible d’avoir vis-à-vis du projet. Il peut s’agir d’une attente vis-à-vis d’une opportunité ou d’une me- nace, d’un bénéfice ou d’un dommage potentiel, d’un impact positif ou négatif. La Situation 16 permet d’envisager l’étendue de cette notion.

Situation 16 - Sur l’étendue du concept de revendication

L’association Mobilité pour tous, implantée sur Laville, est une association pour la défense des personnes à mobilité réduite (de défense de l’accessibilité universelle). Informée du projet avant sa réalisation concrète, elle n’avait pas eu dans un premier temps de revendication exprimée vis- à-vis du projet. Elle avait pourtant l’attente que tout nouvel espace public soit conçu dans le respect des objectifs de mobilité des personnes qu’elle défend. Cette attente aurait pu s’exprimer au moment de la livraison des espaces, une fois les travaux déjà réalisés, si elle avait été avertie d’une non-conformité de ceux-ci aux règles d’accessibilité prévues par la loi. En l’absence de telles non-conformités, elle ne s’est jamais exprimée.

Analyse. Dans cette situation, même sans revendication exprimée, cette association – ainsi d’ail-

leurs que tout usager à mobilité réduite du quartier - est toutefois dès l’origine du projet une partie prenante car elle est susceptible d’en subir les dommages ou d’en tirer un bénéfice, d’en subir les impacts positifs (la mise aux normes de mobilité des espaces publics du quartier) ou négatifs (l’absence de prise en compte de ces normes).

En outre les revendications peuvent être très variables. Considérons une liste non exhaustive d’attentes qui pourraient se rencontrer dans le cadre du projet de Claytown :

-   Des attentes de la municipalité et des organismes publics, voire des citoyens à l’échelle de l’aire urbaine, que tout projet urbain contribue à la nécessaire production de logements pour faire face à la croissance démographique de la ville (1), qu’il favorise l’accueil de nouvelles entreprises pour créer des emplois (2), tout en réduisant l’étalement urbain dommageable à l’environnement (3).

-   Des attentes générales ou particulières sur la préservation ou l’amélioration du cadre de vie du quartier par ses occupants actuels ou futurs, connues d’avance ou exprimées dans le cadre de dispositifs de consultation (réunions publiques, site internet, etc.) (4). -   Des attentes des résidents d’un quartier défavorisé relatives à l’amélioration de leur mo-

bilité (le droit de se déplacer librement), demandant une meilleure desserte du quartier par les transports en commun (5).

-   Des craintes d’habitants actuels que le projet dégrade leur cadre de vie, en introduisant de nouvelles nuisances (les revendications de type NIMBY9) : une densité nouvelle de bâtiments, une population nouvelle, une augmentation du trafic, la disparition d’espaces verts (6).

-   L’opposition au projet d’un propriétaire menacé d’expropriation ou de militants opposés à toute forme de coercition de la part de la puissance publique (7).

-   La crainte d’un traumatisme psychologique associé à la transformation d’un quartier, voire à l’obligation de quitter son logement (8).

-   Des revendications relatives à la préservation de l’environnement portées par une asso- ciation de défense de l’environnement ou par un service public en charge de la protection de l’environnement (9).

-   Des revendications relatives à la préservation du patrimoine portées par une association de défense du patrimoine ou par un architecte de l’Etat en charge de la préservation du patrimoine10 (10).

-   Des attentes relatives à une plus grande implication des usagers ou de certains groupes minoritaires dans le processus de production de la ville, par des processus d’information et de consultation plus poussés (mais sans aller jusqu’à un partage de la décision) (11). -   Des attentes relatives à une plus grande implication des usagers ou de certains groupes

minoritaires dans le processus de production de la ville, en incluant des processus de co- construction et de co-décision (12).

-   Des attentes de citoyens vis-à-vis de leurs élus, exigeant d’eux qu’ils assument leur res- ponsabilité en ne favorisant pas les intérêts particuliers d’un groupe spécifique, mais en opérant des choix en vue d’un intérêt général ou d’un bien commun à assurer (13). -   Des revendications de citoyens opposés aux subventions municipales apportées aux pro-

jets d’aménagement urbain, jugeant qu’il s’agit d’investissement à perte de l’argent pu- blic, constituant une spoliation des contribuables (14).

-   La crainte de parties prenantes que des leaders d’opinion ou des acteurs économiques, non représentatifs, prennent le pas sur d’autres parties prenantes moins outillées pour faire valoir leur point de vue (15).

-   Les attentes très variables et plus difficiles à déceler d’usagers, souvent majoritaires, ne se mobilisant d’aucune manière dans l’élaboration du projet, qu’ils lui soient favorables ou défavorables : par manque de temps (16), par manque d’intérêt (17), par manque de confiance dans l’utilité des processus censés l’impliquer (18), par un manque ressenti de compétence pour intervenir dans le processus d’élaboration du projet (19), par volonté assumée de faire confiance aux élus et aux professionnels qui pilotent le projet (20) ou au contraire par absence d’espoir de faire entendre une voix opposée au projet (21). -   La revendication d’un acteur économique cherchant une rémunération proportionnelle

au travail réalisé et au risque porté par lui dans le projet (22).

-   La revendication de professionnels (architectes, urbanistes, entreprises) candidats à l’ob- tention de contrats dans le cadre du projet, et demandant que les choix se fassent de manière transparente et sur la base de critères objectifs de compétences et de prix (23). En vertu de quels principes normatifs ces attentes disposent-elles – ou non – de légitimité et est- il possible d’élaborer une typologie des attentes à partir de principes qui la fondent ?

8.2.     Introduction  aux  théories  de  l’éthique  retenues