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3. Description du foncier marocain

3.1 Histoire du foncier

3.1.1 L’État islamique

Le Maroc est un pays musulman, l’Islam y fit son apparition à partir du7e siècle58. Avant

l’arrivée des musulmans, le pays avait déjà une histoire et des caractéristiques géographiques et culturelles particulières. Il est généralement admis que les premiers habitants du Maroc sont les Berbères, populations apparues depuis plus de 9000 ans en Afrique du Nord suite à des vagues migratoires provenant du Proche-Orient (Tourabi, 2012). Ainsi, avant l’Islam, la terre était divisée en tribus et était utilisée principalement pour l’agriculture. À l’ouest du pays, l’urbanisation était faible, et la pénétration romaine limitée. À ce moment de l’histoire, la terre n’était pas rare, elle appartenait à la tribu, pourvu qu’elle dispose d’assez d’hommes pour l’occuper et qu’elle ne rencontre pas un autre groupe plus fort dans son extension (Bouderbala, 1999).

L’arrivée de l’Islam est un moment fondateur et essentiel dans la formation de la nation marocaine (Tourabi, 2012). L’apparition de l’Islam affecte tous les niveaux de la société. En ce qui concerne la propriété foncière, l’Islam apporta le démembrement de la propriété et le concept de l’usufruit et surtout le concept de propriété éminente du souverain sur l’ensemble du territoire. Les terres appartenaient à la communauté musulmane et l’usufruit

58 TOURABI, Abdellah, 2012, Histoire. Le Maroc avant l'islam, Magazine Telquel (12 aout 2012),

à ses occupants, qui sont regroupés en tribus (Cahen59, 1977). À cette époque, nul n’avait le droit de disposer de la pleine propriété et de l’usufruit. Le droit éminent est exercé par le souverain au nom de la communauté. Il a un pouvoir permanent sur toutes les terres. Il y avait alors le domaine de l’État, et on procédait par concession sur ce domaine avec des baux emphytéotiques permettant la constitution de domaines personnels. La récupération des impôts et des taxes est le point le plus important lors de cette période et il existe à ce moment une distinction entre musulmans et non-musulmans. Les premiers ne payent que la Zakat60, une aumône volontaire et relativement faible. Les non-musulmans payent, en contrepartie du droit éminent reconnu à la nation, la Jizya61, impôt par tête et surtout le Kharaj62, très lourd impôt foncier basé sur la terre.

Les conversions massives de la population à l’Islam diminuèrent les rentrées fiscales et menacèrent la trésorerie. À la fin de l’époque Omeyade en 750, une importante réforme vient bouleverser le droit fiscal. Elle fixait définitivement toutes les terres du domaine du Kharaj comme tel, indépendamment de la confession de ses occupants. Ainsi, une définition se dessine des terres Kharaj. Il s’agit des terres appartenant à des non- musulmans en date de leur transformation en statut définitif, essentiellement des terres de tribu que le colonisateur français dénommera « terres collectives » par la suite.

L’établissement des colons arabes développa le statut Melk que nous expliquerons plus loin dans ce mémoire, par des achats, des conversions et des héritages. L’imposition prenait la forme de la Zakat. Le concept de « terres d’État » fut développé. Il s’agit d’un domaine constitué de terres sans maître ou en déshérence ou confisquées. Il servit d’instrument principal de la politique foncière de l’État (Bouderbala, 1999). Ces lopins de terre pouvaient être concédés aux notables, aux fondations religieuses ou encore aux

59 Historien et orientaliste français, professeur à la Sorbonne spécialisé dans l'histoire de l'Islam, en

particulier le Moyen Âge islamique, les sources musulmanes sur les Croisades et l'histoire de la société islamique au Moyen Âge. Il est mort le 18 novembre 1991.

60 L’aumône légale dans l’islam, il s’agit d’une impôt sur les biens du musulman, (Dictionnaire

Antidote 8.3.727).

61 Impôt local que les gouvernants islamiques exigeaient de leurs sujets non musulmans,

(Encyclopédie Britannica).

62 Une imposition fiscale Islamique spéciale qui a été exigée dans les 7ème et 8ème siècles,

tribus Guich en guise de récompense aux services militaires rendus par ces tribus. Ces derniers porteront alors la dénomination spéciale Guich.

L’introduction du droit musulman posa aussi un impact considérable sur toutes les institutions du pays. Cet impact peut être vu au niveau du système de propriété foncière de taxation. Déjà, à cette période commença la distinction entre la ville et la campagne. Nous distinguons alors plusieurs différences entre les deux milieux.

Avant le protectorat français63, le seul bien susceptible d’individualisation est le bien Melk. Le reste de la structure immobilière, le plus souvent inaliénable, est constitué de terres domaniales, de terres collectives et de biens Habous. À l’époque, le Melk n’était pas sécuritaire, car il ne présentait pas assez de garanties, du fait qu’il ne faisait pas l’objet d’un titre, mais plutôt d’un simple acte établi par des Adouls64 qui se fiaient aux témoignages des personnes présentes. Ceci entrainait nécessairement plusieurs conflits et litiges. L’absence de clarté foncière lors de cette époque ne permettait pas au pays de se développer et d’atteindre les objectifs fixés. Il eut une première réforme immobilière dans le but de créer un régime d’immatriculation, réforme fortement influencée par l’acte Torrens65, c’est la source directe de l’apparition du système du livre foncier qui sera renforcé dans la période du protectorat, objet de la section suivante.