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L’énoncé bakhtinien : une triade vivante, un conflit structurel et développemental . 146

3. Activité dialogique et affectivité

3.1. L’énoncé bakhtinien : une triade vivante, un conflit structurel et développemental . 146

3.1.1. Le dialogue

Deux éléments nous semblent importants pour caractériser le dialogue : son caractère social d’une part, et les mouvements permanents qu’il réalise, entre le « donné » et le « créé », d’autre part.

L’approche dialogique issue des travaux de Bakhtine considère que le langage n’est pas un simple outil « qui code de la pensée préexistante ou met en mots des pensées » (Grossen, 2006, p.132). Au contraire, le langage participe du processus même de construction de la pensée, ce qui rejoint en ce sens les travaux de Vygotski que nous avons présentés précédemment.

A la suite de Grossen et Salazar-Orvig (2006), le dialogue peut être défini comme « tout échange ou interaction verbale, que celle-ci se donne entre deux ou plusieurs interlocuteurs. » (p.13). De plus, toute situation de dialogue comporte un locuteur et au moins un allocutaire. Le locuteur est celui qui produit l’énoncé, et l’allocutaire renvoie au participant à qui s’adresse effectivement le discours. Ducrot (1984) a distingué le locuteur de l’énonciateur, « qui correspond dans un énoncé à l’expression d’une parole rapportée ou d’un point de vue qui peut être celui du locuteur ou celui d’une autre instance » (Ibid., p.19). De même l’allocutaire, celui à qui s’adresse effectivement le discours, se distingue du destinataire qui peut éventuellement être absent de la situation.

La perspective dialogique met davantage l’accent sur le discours qui se construit dans l’échange, plutôt que sur sa dimension interactionnelle. En effet, « la question qui se pose au sujet du dialogue n’est pas seulement celle de l’alternance des tours de parole, mais celle de savoir ce qui en nous nous rapproche des autres ou nous en éloigne. » (François, 2006, p.47). De ce point de vue, avec Bakhtine (1984), on considère que le langage est de part en part social. Cette affirmation mérite des explications, car elle ne va pas de soi. Selon Todorov (1981) en effet, on pourrait objecter que « l’acte de phonation comme celui de perception sont purement individuels, et physiologiques, et qu’ils ne présupposent donc pas la moindre socialité » (p. 49). Mais, pour Bakhtine, l’acte fondateur du langage ne se trouve pas uniquement du côté de la phonation et de la perception, mais aussi du côté de la production et de la réception du sens. Dans le dialogue, le sens est une construction conjointe qui se réalise

147 entre les participants : « les locuteurs produisent à travers l’échange ce qu’ils n’auraient pas produit seuls. » (Salazar-Orvig, 2006, p.150).

C’est pourquoi le dialogue est considéré ici sous l’angle d’un rapport toujours présent entre ce qui est donné (ce qui est supposé partagé entre les interlocuteurs, ce qui est déjà-là) et ce qui est créé dans l’échange (Faïta, 2001). La construction conjointe du sens produit un espace discursif dans lequel viendront s’inscrire de nouveaux énoncés, constitués à partir des énoncés antérieurs.

De ce point de vue, le mot peut être envisagé comme une forme de « donné » dans la situation de l’échange verbal. Il serait d’abord « le territoire commun du locuteur et de l’interlocuteur […] le mot, comme signe, est extrait par le locuteur d’un stock social de signes disponibles. » (Volochinov, 1929/1977, p.124).

De plus, pour Volochinov, le « locuteur ne se sert pas de la langue comme d’un système de formes normalisées » (Ibid., p. 99) mais « pour ses besoins énonciatifs concrets » (Ibid.). Autrement dit, le locuteur ne cherche pas dans l’échange à rentrer en conformité avec la norme linguistique, mais cherche à utiliser la norme afin qu’elle prenne une signification adaptée au contexte concret de l’énonciation : « pour le locuteur, la forme linguistique n’a pas d’importance en tant que signal stable et toujours égal à lui-même mais en tant que signe toujours changeant et souple. » (Ibid.). Du côté de la réception, ce qui importe pour l’allocutaire n’est pas non plus la forme stabilisée de la langue, mais plutôt de « percevoir le mot comme un signe, c’est-à-dire le saisir dans un contexte et une situation précis » (Peytard, 1995, p. 35).

C’est l’un des points fondamentaux de la théorie bakhtinienne du dialogue : entre la parole réelle en situation et les formes normalisées du langage, il existe d’autres formes de la langue qui prennent place dans un milieu donné, « que seuls connaissent ceux qui appartiennent au même horizon social » (Volochinov, 1981, p.192). Ces formes langagières particulières constituent les genres de discours (Bakhtine, 1984) : « chaque sphère d’utilisation de la langue

élabore ses types relativement stables d’énoncés, et c’est ce que nous appelons les genres du

discours » (p.265).

Dans cette perspective, ces auteurs conçoivent le dialogue comme « l’interaction réalisée dans/par l’ensemble des multiples discours d’une société donnée, en un moment donné » (Peytard, 1995, p. 36).

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3.1.2. Le dialogue, une activité triplement dirigée

Quels sont les mécanismes du dialogue tel que nous l’avons envisagé précédemment ? Comment se jouent ces principes dialogiques dans la situation concrète de l’échange verbal ? La compréhension du fonctionnement du dialogue nous permettra de le définir comme une activité triplement dirigée.

Commençons par indiquer que pour Faïta « les références à l’activité occupent [dans l’œuvre de Bakhtine] une place centrale, au point de justifier l’idée selon laquelle Bakhtine aurait en fait produit une théorie de l’activité » (2001, p.14). Il nous faut donc comprendre en quoi le modèle de l’activité que nous avons proposé précédemment peut être rapproché du modèle du dialogisme. De même, il nous faut concevoir en quoi ce modèle est « développemental ». Pour Bakhtine, « l’énoncé est tourné non seulement vers son objet mais aussi vers le discours d’autrui portant sur cet objet » (1984, p.302). De plus, « le rapport à l’énoncé d’autrui ne peut être séparé ni du rapport à la chose (qui fait l’objet d’une discussion, d’un accord, d’une rencontre) ni du rapport au locuteur lui-même. C’est une triade vivante dont le troisième membre n’a pourtant, jusqu’à présent, guère été pris en compte » (Ibid., p. 332).

L’énoncé comporterait alors ce rapport immédiat du langage, à la fois au réel et au locuteur vivant dans la situation concrète de l’échange verbal. C’est pourquoi il peut être conçu comme un rapport entre un objet et un locuteur qui cherche à dire quelque chose sur cet objet.

Mais, pour Bakhtine (1978), entre le locuteur et son objet « se tapit le milieu mouvant, souvent difficile à pénétrer, des discours étranger sur le même objet, ayant le même thème […] tout discours concret (énoncé) découvre l’objet de son orientation comme déjà spécifié, contesté, évalué, emmitouflé, si l’on peut dire, d’une brume légère qui l’assombrit, ou, au contraire, éclairé par les paroles étrangères à son propos. Il est entortillé, pénétré par les idées générales, les vues, les appréciations, les définitions d’autrui. » (Ibid.). C’est pourquoi le rapport dialogique comporte un troisième terme, « autrui », qui s’intercale entre le locuteur et son objet.

On retrouve ici la modélisation triadique comme « tercéité » que nous avons empruntée aux travaux de S. Moscovici (2014) du point de vue de la psychologie, avec l’idée forte que le rapport du sujet à l’objet ne peut suffire à expliquer les phénomènes, et qu’il faut ajouter un troisième terme reliant le social à l’individuel.

Dans l’échange, le sujet ne peut produire un discours sur un objet qu’à travers les discours antérieurement tenus par les autres sur cet objet. Ces discours antérieurs constituent la part

149 sous-entendue de l’expression verbale. Mais ici, Bakhtine précise que le sujet ne fait pas que

comprendre l’objet, il le constitue dans le même temps. Il se livre, in situ, à un « dur combat

dialogique » (Bakhtine, 1984, p. 364) entre les voix multiples qui saturent déjà l’objet, alors même qu’il cherche à lui donner une signification dans le contexte de la conversation.

Ces mouvements dialogiques qui prennent place dans l’échange verbal, participent pour l’auteur d’une transformation de l’objet du discours. En effet, « l’atmosphère sociale du discours qui environne son objet fait jouer les facettes de son image » (1978, p.101) et ainsi, dans ce contexte, disparaît « le caractère d’immuabilité sémantique de l’objet, son sens et sa signification se renouvellent et grandissent à mesure que le contexte se développe » (Ibid, p.464).

L’objet du discours est donc envisagé ici à l’opposé d’un objet figé, immuable. Au contraire, Bakhtine le regarde comme un produit « en cours de construction » dans l’échange verbal. Par une sorte de réfraction réitérée dans des contextes multiples qui le chargent des intentions d’autrui, le mot et sa signification sont toujours ouverts à des développements futurs dans le contexte présent du dialogue : « grâce à son contact avec le présent, l’objet s’insère dans le processus inachevé d’un monde en devenir » (Ibid.).

Nous reviendrons ensuite sur ce point important de la conception bakhtinienne du dialogue, qui en fait dans l’échange vivant, un conflit au destin imprédictible – mais pas inexplicable – entre attendus et inattendus, ce qui, on l’a vu, caractérise pour nous l’affect.

Mais il nous faut noter pour le moment que le dialogue ainsi modélisé comme « tercéité » peut être considéré comme « développemental ». Il ne s’intéresse pas seulement à concevoir la « structure » de tout échange verbal, mais s’intéresse aussi à comprendre comment l’échange engage une transformation de la parole, entre le « déjà dit » et le « pas encore dit », c’est-à-dire comment le processus dialogique créé éventuellement quelque chose de nouveau.

3.2. Le développement de l’activité dialogique : du « déjà dit » au « pas encore dit »

C’est le phénomène d’inachèvement qui nous intéresse ici en particulier. Comme nous l’avons déjà souligné, les travaux de Bakhtine posent la question du dialogue comme un rapport dans l’échange entre l’attendu – le réitérable – et l’inattendu, le « nouveau » qui peut advenir dans la transformation du discours. Cette perspective nous paraît être à même de nous aider à concevoir à présent la question du développement de l’activité dialogique en lien avec

150 l’affectivité, entendue comme rapport entre les attendus du sujet et les inattendus de l’activité en cours.

Car c’est bien parce que le dialogue « ne s’arrête jamais » pour Bakhtine, qu’il reste ouvert à des développements. Ce qui caractérise le dialogue en premier lieu, c’est son mouvement. Ce mouvement est rendu possible parce que le dernier mot n’est jamais dit dans l’échange. Ce qui donne son caractère de « non finitude » au dialogue est lié aux rapports permanents qu’il entretient avec le réel (1978, p. 171). Ce qui compte pour Bakhtine, c’est l’horizon de la

réalité dans le dialogue. Plus précisément, c’est l’horizon de la vérité sur la réalité qui

maintient actif le rapport de la parole à l’objet réel. Or, dans le dialogue « la vérité existe, mais on ne la possède pas » (Todorov, 1984, p.21).

C’est donc parce que la vérité sur l’objet réel auquel se réfère le discours n’est la propriété de personne que le dialogue est infini. Dans la conception bakhtinienne du dialogue, la vérité n’est pas conçue comme une vérité absolue, du côté de la théorie et de la connaissance, mais

plutôt comme un horizon vers lequel on tend dans et par le dialogue17 : « on aspire ici à

chercher la vérité, plutôt qu’on ne la considère comme donnée d’avance : elle est un horizon ultime et une idée régulatrice. » (Ibid.). La recherche de la vérité dans le réel leste le dialogue, et, sans cet horizon, ce dernier disparaît au profit d’un concert monologique entre toutes les voix.

Clot (2005) commente ainsi cette idée de Bakhtine : « ne pas renoncer à s’emparer de l’objectivité du monde à la recherche de ce qui excède la vérité du moment, à la recherche de ce qu’on ne peut pas encore faire ou pas encore dire : telle est peut-être la signification essentielle du dialogisme bakhtinien, très proche d’ailleurs en cela du transformisme vygotskien. » (p. 42).

C’est le sens de la méthode en autoconfrontation croisée que nous avons déjà présentée. Il s’agit dans l’intervention de délimiter un périmètre interlocutoire qui vise à produire des ressources dialogiques nouvelles pour la transformation des situations de travail ordinaires. Nous nous sommes appuyés dans l’intervention avec les chefs d’équipe, sur cette caractéristique du dialogue pour produire avec eux l’analyse de leurs activités.

17 L’auteur utilise deux mots différents pour caractériser ces deux formes de vérités. Il emploie « istina » pour la vérité théorique, et « pravda » pour désigner la recherche de la vérité dans le réel. Or cette recherche est infinie, dans la mesure où le réel, changeant, peut se voir sous une infinité de points de vue. Le réel peut toujours être discuté à la recherche de sa vérité, chaque vérité théorique n’étant qu’un moyen de s’y mesurer.

151 Pour Bakhtine, entre les « mots neutres » de la langue et « les mots personnels » de la parole, existent les « mots d’autrui », ainsi désignés par « n’importe quel mot autre que le mien » (1984, p.363). Ainsi, « un interlocuteur ne s’adresse à autrui que par la médiation de la masse interdiscursive que constitue le discours déjà-là dans lequel il cherche, non pas à loger, mais à réaliser sa pensée. » (Bournel-Bosson, 2005, p. 78). Dans ce contexte, c’est dans une lutte pour la signification que s’engagent les sujets dans le dialogue. Ils cherchent à y réaliser leur « vouloir-dire » à l’aide des genres sociaux de discours qu’ils doivent toujours remanier. Pour Clot (2005) « c’est la motricité de l’inaccompli qui engage les attendus de la parole dans ce qui lui échappe encore, aux risques pour le sujet de se trouver à découvert » (p. 43).

L’inaccompli concerne ce que les sujets pourraient éventuellement dire, qu’ils n’ont pas encore dit sur le réel : c’est un « difficile à dire » (François, 1998, p.26) avec lequel les sujets pourraient éventuellement faire quelque chose de différent de ce qu’ils ont déjà fait.

Ce sont ces processus qui vont nous intéresser maintenant pour expliquer les mécanismes développementaux de la triade dialogique.

Pour Faïta, dont les travaux s’appuient largement sur la conception bakhtinienne du dialogue, « s’il ne fait aucun doute que la dimension symbolique des actes de travail, dont participe le langage, constitue le lieu d’une réélaboration continuelle de leurs paramètres, les jeux contradictoires traversant ce processus demeurent encore opaques. » (Ibid., p.13). Les processus du développement du dialogue méritent donc d’être rendu plus explicites.

L’activité dialogique serait l’activité au cours de laquelle le sujet transforme les genres de discours en les réalisant dans la parole : « l’énoncé ne "reflète" pas le donné, il crée quelque chose d’autre » (Ibid., p.24). Plus encore, les genres mobilisés pour produire un énoncé le sont en fonction d’un domaine d’activité déterminé, en situation : « c’est le domaine d’activité qui convoque le genre et c’est le passage de l’un à l’autre qui provoque la circulation entre les genres » (Ibid., p. 26).

Par exemple, prendre la parole pour raconter une histoire drôle est une forme d’activité qui peut faire appel à plus d’un genre potentiel, marqués de diverses façons : vulgarité du ton et choix lexicaux qui s’y rapportent ou procédés allusifs, etc. Mais le choix des genres qui permettront au locuteur de réaliser son dire se font à l’intersection de la situation concrète et de cette activité narrative, « selon que l’on agit ainsi pour conjurer l’angoisse collective, gêner quelqu’un, se livrer à une provocation » (Ibid., p. 27). L’auteur donne également l’exemple d’un conducteur de train, qui répond à ses collègues l’interrogeant sur sa façon de procéder au

152 réglage de la machine : « Je conduis un train… je fais comme s’il y avait ma femme et mes enfants dans le premier wagon » (Ibid., p.25). Ici, le sujet ne choisit pas d’expliquer les raisons de son action, « il préfère transférer l’objet du discours dans le monde des relations affectives, où l’étayage par des vécus et ressentis partagés par ses collègues, hommes, pères de famille, crée un "entour-style" (François, 1998, p. 116) radicalement différent, transformant les bases du rapport dialogique » (Ibid.).

La référence n’est plus dans le discours du conducteur la relation à l’objet technique. En invoquant le genre discursif des relations intimes et familiales, il mobilise d’autres genres de discours qui lui permettent d’achever ses énoncés de manière différente. Ce faisant il ouvre à l’objet ainsi déplacé un nouveau réseau de relations qui dirige autrement la pensée « dans cet univers » (Bakhtine, 1984, p. 383) professionnel. « Le développement de l’objet lui-même est alors une conséquence de ce déplacement, car il se transforme au même titre que les sujets et la situation » (Ibid., p. 26).

Ces rapports développementaux ont aussi été étudiés par Salazar-Orvig (2006). Pour l’auteure, les protagonistes du dialogue ne partagent pas la même interprétation de la situation. C’est pourquoi des forces de convergence et de divergence s’opposent dans la situation. Le phénomène de convergence concerne la manière dont l’espace discursif (les significations des mots par exemple) est partagé par les interlocuteurs. Mais dans la mesure où ces derniers ne sont jamais identiques ou interchangeables, et qu’ils ont une expérience différente du dialogue, tout échange se caractérise également du côté d’une forme de divergence. L’interprétation de chacun des membres de l’échange ne coïncide jamais complètement, ce qui implique de la part des sujets une activité interprétative vis-à-vis de ce qui est dit, débouchant sur une transformation du sens.

L’auteure donne l’exemple d’un entretien entre un soignant et un patient. Lorsque le soignant revient sur la parole antérieure du patient, à partir de sa propre interprétation de ce qui a été dit, il en modifie la perspective : « à partir du moment où il redit avec ses propres mots ce que le patient a avancé, il lui imprime son propre point de vue » (Ibid., p.158). Et c’est pour cette raison que les significations se développement dans l’échange, par la succession de ces mouvements qui servent à asseoir l’intercompréhension entre les participants. Ces mouvements « replacent autrement l’entendu et l’interprété dans l’espace discursif. » (Ibid., p.159), contribuant ainsi à enrichir les significations.

153 Autrement dit, le développement du dialogue consiste à transformer ce qui a déjà été dit, afin de le faire entrer dans la situation singulière dans laquelle on cherche à dire quelque chose de nouveau. C’est pourquoi, on pourrait dire que le processus de développement du dialogue prend place entre le « déjà dit », qui fait stock, et le « pas encore dit », c’est-à-dire ce qu’il faut modifier pour réaliser un « vouloir-dire » toujours singulier au contexte de l’échange verbal.

Ce faisant c’est bien d’un rapport développemental entre le donné et le créé que peut procéder le dialogue. Au risque toujours présent de rabattre tout ce qui se dit sur du « déjà dit », le dialogue organise « l’ouverture d’un "monde des possibles", offert à autrui dont l’activité propre va y puiser les éléments de son travail spécifique, sous la médiation des habitudes, des façons de faire, des "préconstruits sociaux" que le groupe, le collectif, interpose à ce moment-là entre les sujets. » (Faïta, 2001, p.29). On retrouve moment-là le conflit moteur du développement de l’activité : le sujet ne peut produire un énoncé sur un objet qu’en tenant compte des énoncés antérieurement tenus à son propos. C’est ce conflit qui transforme le « déjà dit » pour produire du nouveau dans la situation de l’échange verbal.

Il nous faut à présent investiguer les rapports entre l’activité dialogique et l’affectivité afin de mieux comprendre la fonction de l’affect dans le développement du dialogue.