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L‟élection de 1897 : un homme au milieu de diverses tendances idéologiques

CHAPITRE I – DES LIENS ET DES INTERPRÉTATIONS : LA PENSÉE

1.3 Radical ou héritier de Mercier? Lomer Gouin, simple député, 1897-1899

1.3.1 L‟élection de 1897 : un homme au milieu de diverses tendances idéologiques

La candidature et la victoire de Lomer Gouin lors des élections provinciales de 1897 tendent à montrer les liens qu‟il a entretenus avec l‟ensemble des tendances idéologiques qui circule alors dans le Parti libéral. Selon l‟historien R. Rumilly, l‟entrée de celui-ci à l‟Assemblée législative indiquait la victoire de ce « petit groupe radical [qui] exerçait parmi les libéraux montréalais, une influence supérieure à son importance numérique86 ». Le lien d‟amitié du nouveau député avec Godfroy Langlois, héraut du libéralisme progressiste, était alors bien connu. Il est présumé que cette faction voulait réformer le domaine de l‟enseignement. Au moment de la désignation de L. Gouin comme candidat, deux autres fondateurs du Signal87 appuient sa candidature : Philippe Demers et Wilfrid Mercier88. Ce journal ne se prive pas au cours de la campagne de souligner sa joie en voyant « ce partisan des réformes et ami du progrès89 » se porter candidat. Au lendemain de son élection, l‟hebdomadaire présente même L. Gouin comme « l‟un des chaînons qui relient le passé au présent90 » et apte à représenter trois groupes sociaux : les ouvriers, les marchands et les gens de profession91.

Des affinités merciéristes sont aussi notées parmi les partisans du candidat dans Montréal no 2, puisqu‟il est proposé par Cléophas Beausoleil92, échevin dans le quartier Est de Montréal et député libéral fédéral de Berthier. Celui-ci était reconnu comme le

86 Robert Rumilly, Histoire de la province de Québec, t. VIII, p. 187. 87 P. Dutil, op. cit., p. 61.

88 « M. Lomer Gouin est choisi », La Patrie, 24 février 1897, p. 1. Nous ne connaissons pas de lien de parenté entre

Wilfrid et Honoré Mercier, mais cela reste à vérifier.

89 Le Signal, 27 mars 1897, p. 1.

90 « M. Gouin », Le Signal, 15 mai 1897, p. 1. 91 Ibid.

92 Sa proposition est appuyée par le pharmacien et président de la Chambre de commerce de Montréal, Joseph Contant, de

même que par Joseph-Alexandre-Camille Madore, député libéral fédéral d‟Hochelaga. J. Contant appuie aussi la candidature de L. Gouin lorsque celui-ci se présente comme échevin en 1900, alors que J.-A.-C. Madore était présent lors de la soirée animée du 25 octobre 1889 au Club national (« Club national », La Patrie, 26 octobre 1889, p. 1;

43 « conseiller intime, l‟ami de cœur, l‟agent actif et dévoué93 » d‟Honoré Mercier, en plus d‟avoir été son organisateur politique à Montréal94. Odilon Desmarais, député fédéral de Saint-Jacques et ancien allié de Saint-Hyacinthe de l‟ancien premier ministre nationaliste95, prend aussi la parole après l‟investiture. Il tente alors de rallier tous les libéraux présents derrière L. Gouin, qui vient de l‟emporter par 64 voix contre 49 sur son adversaire, Joseph Brunet96. C. Beausoleil et O. Desmarais avaient respectivement fondé un cabinet d‟avocats avec H. Mercier97. L‟ombre de l‟ancien premier ministre est très présente lors de cette campagne électorale, la première depuis son acquittement et son décès. Après la victoire libérale, une quinzaine de députés montréalais, incluant le gendre du regretté premier ministre, feraient pression sur leur chef, Félix-Gabriel Marchand, pour qu‟il nomme au sein du cabinet provincial Joseph-Émery Robidoux, un ancien membre du gouvernement Mercier. La Presse constate que cette rumeur n‟est pas fondée, mais qu‟il « y a eu cependant un mouvement en ce sens qui a été enrayé », mouvement auquel L. Gouin, Cuthbert-Alphonse Chênevert et Élie-Hercule Bisson auraient participé98. Pour l‟historien P. Dutil, ce geste indique un lien affirmé de L. Gouin à l‟endroit du libéralisme progressiste99. Pourtant, le quotidien montréalais et le sénateur R. Dandurand soulignent que ce geste visait plutôt à rendre hommage à la mémoire de H. Mercier. Le journal signale que « l‟ancien premier ministre a conservé des admirateurs jusque dans la tombe », alors que le sénateur raconte dans ses mémoires cette anecdote, montrant l‟attachement de L. Gouin à l‟endroit de son beau-père :

Lorsque M. Marchand était à organiser son ministère, Lomer Gouin, qui venait d'être élu dans Saint-Jacques me dit qu'il venait me confier sa pensée intime, qu'il était aussi celle d'un bon nombre d'amis, sur l'opportunité d'inclure dans le cabinet un ancien membre du gouvernement Mercier afin que le parti ne parût pas condamner ses anciens chefs. « Je n'ose pas m'en ouvrir directement à M.

93 Citation dont la source n‟est pas donnée, tirée de Jocelyn Saint-Pierre, « Beausoleil, Cléophas », dans

http://www.biographi.ca/009004-119.01-

f.php?&id_nbr=6550&interval=20&&PHPSESSID=51ld3rmbiiouagsp40rcgm2du3, DBC en ligne, page consultée le 8 août 2011.

94 Ibid.

95 Saint-Jacques est aussi le nom populaire du comté où veut se présenter L. Gouin au provincial. 96 « Au club ouvrier centre », La Patrie, 31 mars 1897, p. 2.

97 J. Saint-Pierre, « Beausoleil, Cléophas », http://www.biographi.ca, page consultée le 8 août 2011; Pierre Dufour et Jean

Hamelin, « Mercier, Honoré », http://www.biographi.ca/009004-119.01-

f.php?&id_nbr=6295&interval=15&&PHPSESSID=40gvt5n2n4csb2e1nf7hmfsms2, DBC en ligne, page consultée le 8 août 2011.

98 « Bulletin politique », La Presse, 26 mai 1897, p. 7. 99 P. Dutil, op. cit., p. 76.

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Marchand, mais je t'en pris, présente-lui cette pensée. Il en saisira facilement l'importance »100.

R. Dandurand indique toutefois que F.-G. Marchand était déjà parvenu à cette conclusion pour les mêmes raisons101. Pour tenter de mousser leur intégrité, les conservateurs avaient mis de l‟avant les déboires vécus par l‟administration Mercier au cours de la campagne de 1897102.

Dès son discours d‟acceptation de l‟investiture libérale, L. Gouin insiste sur son passé libéral et sur le fait qu‟il ne veut rien renier de l‟héritage de son parti : « Il est libéral comme il l'était il y a vingt ans. Il accepte sans restriction le passé du partie [sic] libéral et il se réclame de tous ceux qui l'ont précédé et qui ont toujours conduit le parti à la victoire. L'heure de la vengeance sonnera bientôt. Il ne veut ni ne peut rien renier du passé du parti libéral, et il désire que tout ce que le parti a souffert dans le passé soit vengé103 ». Lors d‟une assemblée tenue au marché Bonsecours, quelques tribuns en profitent pour souligner leur déception de ne pas voir J. Brunet comme candidat. Heureusement pour le candidat choisi, son ancien rival est sur place pour se rallier. Ce dossier réglé, le futur député espère pouvoir s‟en remettre « à l'intelligence et au libéralisme des braves ouvriers104 ».