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Introduction de la première partie

Chapitre 1 – L’ESS dans tous ses états Introduction du chapitre 1 Introduction du chapitre 1

1.1.3 L’économie sociale pour la fourniture de services sociaux sociaux

En situant à présent l’économie sociale dans le champ des deux secteurs d’activité (insertion par l’activité économique et aide à domicile) auxquels nous nous intéressons, nous serons tenus de la considérer sous l’angle du bien-être social. Nous nous approchons ainsi d’une ligne de travail développée par des auteurs tels Pestoff (1999), considérant l’économie sociale comme agent fondamental des théories du bien-être. A l’aune de ce prisme, l’économie sociale nous conduira à interroger les apports d’Esping-Andersen sur les régimes d’Etat providence, en identifiant un tiers-secteur d’action sociale.

Dans le cas de la Communauté autonome basque, et pour les deux secteurs comparés, nous rejoignons les analyses d’Etxezarreta et Bakaikoa (2011) sur la configuration des nouveaux modèles d’Etat providence ou welfare mix. Il s’agit de considérer que l’Etat cesse d’être le fournisseur principal de services et délègue ces fonctions à des entités privées lucratives et non-lucratives, mais en maintenant cependant un rôle central quant aux financements, à la régulation et au contrôle de ces services (Evers, 2005). La Communauté autonome basque est caractérisée par ce modèle méditerranéen d’Etat providence avec un tiers-secteur dominant, où l’incorporation de mécanismes compétitifs a atténué son particularisme, en introduisant plus de transparence dans la relation entre acheteurs et fournisseurs de services, ce qui entraîne une meilleure reconnaissance légale et institutionnelle de l’économie sociale.

Dans le cas du Pays Basque français, nous nous appuyons, pour les secteurs qui nous intéressent, sur un référentiel du modèle subsidiaire ou conservateur français, où les entités

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non lucratives (associations dans ce cas) ont joué historiquement un rôle d’allié privilégié des politiques publiques. L’introduction de mécanismes compétitifs a ensuite affaibli le pacte corporatiste existant jusqu’alors, et facilité l’incorporation de nouveaux agents privés dans ces marchés, en configurant parfois ces derniers comme des quasi-marchés, en raison de leur régulation par l’Etat. Développée notamment par Le Grand (1990), la notion de quasi-marché qui s’applique au secteur de l’aide à domicile, se réfère à un système mixte où cohabite l’idée de financer les fournisseurs privés de services à travers le choix d’acheteurs individuels tout en maintenant un contrôle direct de l’Etat (ou des collectivités) comme agent d’accréditation des services offerts.

Nous situer dans cette perspective des régimes d’Etat providence nous aidera à mieux cerner l’économie sociale (pour les deux secteurs retenus), dans sa contribution à la fourniture de services en vertu d’une distribution fonctionnelle des rôles avec l’Etat.

Nous pourrons aussi de la sorte, à travers une appréhension territoriale de l’économie sociale orientée vers la fourniture de services sociaux, restituer des lignes de tension dans le débat conceptuel sur l’Economie Sociale et Solidaire que les seuls héritages historiques qui l’ont fondée (Economie Sociale, Economie Solidaire) ne suffisent pas à décrire. Ces lignes de tension dont nous trouverons des formes d’expression sur les terrains d’étude (en matière d’hybridation des ressources par exemple) peuvent révéler des processus de convergence vers une confluence progressive entre le monde coopératif et celui des associations. De la même manière elles révèlent l’avènement de nouvelles dynamiques territoriales qui hybrident les caractéristiques des deux mondes dont l’Economie Sociale et Solidaire est issue, autour de valeurs dont elle ne serait pas l’unique dépositaire.

Notre perspective rejoint le caractère hybride de l’économie sociale qui rend possible une re-conceptualisation de l’entreprise comme de l’économie en général, autour du pari d’une économie plurielle capable d’intégrer et de rééquilibrer les trois principes économiques proposés par Karl Polanyi6 (1944) :

- le principe de l’échange marchand,

- le principe non-marchand de redistribution, - le principe non-monétaire de réciprocité.

Nous ne considérons pas que ces principes économiques relèvent de l’apanage de l’ESS, mais qu’ils se réfèrent au fonctionnement de l’économie en général. Et même si les auteurs auxquels nous nous rallions (Hély, Moulévrier) reprochent à Polanyi d’avoir négligé les

représentations morales et culturelles (à travers les institutions politiques, religieuses et familiales notamment), les relations d’interdépendances interpersonnelles sur lesquelles repose le marché, nous considérons pertinente son analyse du dés-encastrement entre les sphères de l’économique et du social, auquel conduit le système économique libéral, et son extension marchande sans ses nécessaires limites.

Ainsi, au même titre que Defourny et Pestoff (2008), nous ne considérerons pas l’économie sociale comme un secteur indépendant, mais comme un champ capable d’hybrider et de gérer, en interaction avec l’économie marchande, les trois logiques d’action ou les trois principes posés par Polanyi. Au même titre que les travaux comparatistes du CIRIEC, nous nous situons à notre tour dans une approche de l’économie sociale en tant que concept qui fait abstraction de critères juridiques et administratifs et se centre sur l’analyse du comportement de ses acteurs (Chaves et Monzon, 2008).

Tout au long de notre travail, lorsque nous évoquerons l’économie sociale, il s’agira d’un pan de l’économie orientée vers la fourniture de services répondant à des besoins sociaux (économie du social, d’une certaine manière), dont les secteurs de l’insertion par l’activité économique et de l’aide à domicile constituent une illustration. La dénomination économie sociale ne se référera donc pas à une classification historique privilégiant l’entrée statutaire (s’agissant des coopératives, associations et mutuelles, par exemple, que nous regrouperons sous la terminologie d’Economie Sociale).

Nous parlerons également d’Economie Sociale et Solidaire (ESS), en tant que champ composite résultant d’une agrégation d’acteurs, reconnu comme tel à la fois par ceux qui le composent, ceux qui l’observent, et l’action publique qui le soutient, à travers ses textes de loi notamment. L’ESS, en tant que réalité tangible, à travers ses organisations propres, les politiques publiques qui l’accompagnent en même temps qu’elles la définissent, restituera les mises en tension entre acteurs aux héritages distincts ayant produit des valeurs mettant l’accent, tantôt sur la gouvernance interne et la non-privatisation des ressources, tantôt sur l’objet et l’utilité sociale de l’activité.

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1.1.4 Un cadre juridique qui confirme le besoin

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