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La première hypothèse posée pour notre recherche considère que l'insertion par l'activité économique et l'aide à domicile s'insèrent aujourd'hui dans un marché, mais que les gouvernances marchandes qui les orientent font l'objet de réappropriations influencées par trois types de variables : le processus d'européanisation selon les modalités présentées dans notre première partie ; l'évolution conjointe des régimes d’État providence, et des processus de décentralisation et de régionalisation ; enfin et surtout les formes de compromis élaborées localement par des acteurs au nom de normes et de valeurs plus ou moins partagées.

Que dit l’équilibre des quatre rapports institués propre à l'insertion par l'activité économique et à l'aide à domicile dans chaque territoire, quant à l’ordre institutionnel qui en résulte, du point de vue de la construction de l’action publique ?

Quelles formes de gouvernance en émergent ?

A ce titre, quelle est la prégnance de l’action tutélaire dans ces gouvernances, qu’elle soit représentée par l’Etat central, un gouvernement régional, ou les échelons décentralisés auxquels s’exercent les compétences nécessaires aux régulations publiques de chacun des secteurs ? Comment cette action tutélaire s’organise-t-elle au regard des processus conjoints de régionalisation et de décentralisation, et d’affaiblissement de l’Etat providence ? Subit-elle, impose-t-elle, oriente-t-elle un glissement vers des logiques marchandes et concurrentielles ?

Au nom de quelles valeurs, de quels principes, les acteurs se déterminent-ils ?

Finalement, les organisations en lutte à l’intérieur de chacun des secteurs réussissent-elles à s’entendre sur un socle commun de valeurs partagées ? Observe-t-on uneentente partenariale sur d’autres bases qu’une marchandisation du social pour construire des compromis et définir des objectifs localement ?

Les dynamiques propres à l'insertion par l'activité économique et à l'aide à domicile s'appuient-elles sur celles de l'ESS dans chacun des territoires ?

En d'autres termes, contribuent-elles à régénérer ces dernières, à les renforcer ? Ou au contraire se situent-elles à leur marge ? Voit-on émerger ou se renforcer des liens entre secteurs d'activité réunis par une communauté de valeurs et de formes organisationnelles, rassemblés au sein de familles dont l'agrégation pourrait constituer le champ composite de l'ESS tel qu'il a été défini dans les matrices territoriales des deux territoires (cf. première partie) ?

Si notre approche prend assise sur une comparaison de l’ordre institutionnel (Jullien, Smith, 2008) caractérisant chacun des deux secteurs d’activité dans les différents territoires, elle commencera par présenter le cadre juridique dans lequel ils s’inscrivent aujourd’hui. Pour cela, nous nous intéresserons aux principaux textes réglementaires, susceptibles d’avoir influencé chacun des secteurs depuis les années 2000, à différentes échelles (européenne, nationale, régionale). Quelques-uns de ces textes ont été choisis en tant que révélateurs des tendances observées. C’est le cas de certaines communications européennes, par exemple. D'autres ont été sélectionnés pour leur valeur prescriptive quand ils correspondent à des textes de loi nationaux et régionaux assortis de leurs décrets.

Nous serons amenés à situer ensuite les secteurs d’activité dans chacun des territoires par le nombre d’entités, voire de bénéficiaires, en les mettant plus ou moins en perspective avec des données supra-locales (régionales, nationales). Pour chacun des secteurs, l’ordre institutionnel dynamique qui le caractérise, et les normes et les valeurs au nom desquels les acteurs interagissent, feront l’objet d’une démonstration en trois étapes :

- une présentation des quatre RI ou Rapports Institués (Achat, Salarial, Financement, Commercial) ;

- une mise en évidence des interdépendances entre acteurs selon les stratégies d’alliances à trois niveaux : les équipes de fidèles, les communautés sectorielles, les réseaux extra-sectoriels ;

- les registres de justification et les figures de compromis qui se dessinent au nom de valeurs plus ou moins partagées, selon l’approche conventionnaliste.

A travers ces trois étapes, deux dimensions apparaîtront de manière graduelle.

D’une part les normes et les valeurs au nom desquelles les acteurs justifient leurs actions, parfois en dénonçant celles menées par d’autres acteurs, ce qui nous a conduits à restituer certains de leurs propos dès la présentation des quatre RI. La qualification de ces propos selon l’approche conventionnaliste des cités intervient lors de la troisième étape, par la mise

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en évidence des valeurs qui fédèrent et de celles qui divisent. Mais leur caractérisation brute apparaîtra dès les étapes précédentes à travers le discours des acteurs.

D’autre part, la gouvernance territoriale résultera d’une lecture en filigrane tout au long de ces trois étapes. L’orientation plus ou moins tutélaire, plus ou moins marchande, plus ou moins partenariale de la gouvernance se dessinera au fur et à mesure pour apparaître plus clairement lors de la troisième étape.

Cette seconde partie de notre travail se compose de trois chapitres.

Le chapitre cinq est consacré à l’insertion par l’activité économique. Il est développé en trois temps, chacun faisant l’objet d’une comparaison entre la Communauté autonome basque (le Guipuzcoa, en particulier) et le Pays basque français : le cadre réglementaire et normatif (incluant l’échelle européenne) ; la mise en perspective du secteur au sein de ses espaces régionaux et nationaux, à travers les dispositifs publics qui le structurent et les opérateurs agissants qui interviennent ; l’ordre institutionnel, reposant sur la mise en évidence des quatre rapports institués, les trois niveaux d’interdépendances entre acteurs, et les possibilités d’élaboration de compromis au nom de normes et de valeurs plus ou moins partagées.

Le sixième chapitre traite de l’aide à domicile. Il est développé également en trois temps, à l’image de l’insertion par l’activité économique, chacun faisant l’objet d’une comparaison entre la Communauté autonome basque (le Guipuzcoa, en particulier) et le Pays basque français.

Le chapitre sept est présenté dans une perspective analytique et non plus sectorielle, autour de deux dimensions mises en évidence par l’ordre institutionnel de l’IAE et celui de l’AD. D’une part, l’empowerment, selon une acception à la fois individuelle, collective et territoriale. Ensuite, la fabrique d’une nouvelle économie territoriale, vers laquelle renvoient les décloisonnements sectoriels (socioéconomie, sociosanitaire) observés à travers l’ordre institutionnel de l’IAE et celui de l’AD.

Ces deux dimensions ont été dégagées car les questions qu’elles soulèvent touchent les dynamiques économiques territoriales dans leur ensemble, et la place qu’y occupe l’action sociale. Elles constituent des registres d’exploration sur lesquels nous nous appuierons ensuite pour orienter la troisième partie de notre travail.

Chapitre 5 L’insertion par l’activité

économique : un ordre institutionnel orienté par

des réseaux extra-sectoriels peu ancrés dans

l’économie marchande

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