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Deux faits marquants ont contribué à l’internationalisation poussée des entreprises agroalimentaires ces dernières années : d’une part, la saturation des grands marchés alimentaires des pays développés (avec des taux de croissance ne dépassant pas les 2%) combinée à la forte croissance de la demande dans les PVD (démographie, urbanisation et hausse du pouvoir d’achat), et d’autre part, la tendance à la concentration dans une vision globale d’un marché agroalimentaire mondial.

A côté de ces deux facteurs, il existe un ensemble d’éléments poussant à l’internationalisation des FMN-Agroalimentaires, certains identiques à ceux observés dans les autres industries, d’autres plus spécifiques aux IAA (Rastoin, Tozanli, 2006, 2007). Parmi les premiers, nous pouvons citer l’ouverture des marchés internationaux à la concurrence, la forte croissance économique de certains pays émergents, la pression à la rentabilité financière de la part des actionnaires accentuée par l’hyper mobilité des capitaux et enfin les stratégies globales de recherche de pouvoir de marché (manœuvres concurrentielles), de réduction des coûts dans toutes les étapes de production/ distribution du produit (chaîne globale de valeur) et de recherche de nouveaux accès aux marchés (stratégies d’implantation).

Cependant, les IAA restent caractérisées par d’autres facteurs expliquant les stratégies d’internationalisation des FMN-A et les mouvements des IDE : la concentration de la grande distribution (filières tirées par l’aval) (Rastoin, 2004b), l’accroissement des budgets marketing et R&D et l’apparition de nouveaux concurrents des pays émergents (Asie, et Amérique Latine) poussent les entreprises agroalimentaires à la concentration et à l’internationalisation. Pour d’autres auteurs, l’internationalisation est aussi expliquée par les décisions stratégiques des firmes qui se traduisent par des modifications de leurs périmètres d’activité (stratégie opérationnelle avec une logique d’activité, et stratégie structurelle avec une logique de portefeuille (Perez, 1996). Les nouvelles contraintes (exigences croissantes des consommateurs, relations avec la grande distribution, mondialisation des marchés et renouvellement permanent des produits) ainsi que les nouveaux défis auxquels sont confrontés les FMN agroalimentaires (flexibilité, réactivité et traçabilité) pourraient, in fine, aboutir à un double mouvement : accroissement du mouvement de globalisation et inversement de la tendance à l’intégration, avec une externalisation croissante notamment des activités logistiques (Brulhart, 2005).

Ce développement international global passe par un accroissement des activités de restructuration. En premier plan, les acquisitions permettent aux firmes une croissance rapide, un contrôle non partagé et le renforcement du portefeuille des produits (Lynch, 2006). En second plan, les alliances stratégiques caractérisent le développement de ces firmes dans les pays émergents ou concernant des activités périphériques lorsqu’il ne s’agit pas tout simplement d’activité de concentration. Souvent la firme multinationale « s’appuiera sur un partenaire du pays d’implantation qui l’aidera à se familiariser avec les structures de marché, les institutions et la culture de ce pays » (Perez 1996, p 31). Selon la base de données Agrodata (Rastoin et al., 1998 ; MOISA, 2007), les 100 premières FMN agroalimentaires mondiales ont réalisé près de 1000 opérations d’alliances stratégiques dans le monde entre 1987 et 2006, soit un sixième des 6000 opérations de restructuration recensées. A titre de comparaison, ces firmes n’ont crée que 219 filiales autonomes durant la même période. (Tableau N° 1 en annexe 3).

Il est généralement admis que les alliances stratégiques sont une manifestation des chocs structurels sur un marché, et qu’elles se ralentissent lorsque l’environnement concurrentiel se stabilise (Kogut, 1991). Ainsi, « sans avoir un caractère aussi général et spectaculaire (que dans les secteurs d’activité oligopolistiques et internationalisés), les pratiques de coopération sont également attestées dans les industries plutôt caractérisées par des marchés à maturité et un rythme d’innovation moins soutenu. Par ailleurs, elles concernent également les PME même si la plupart des travaux se focalisent sur les grandes entreprises.» (Ruffieux et al, 1999, p. 21).

Des réorientations géographiques des implantations des FMN-A sont aussi de plus en plus relevées. Ainsi, « les stratégies de croissance des grands groupes multinationaux multi produits visant un développement à l’échelle planétaire de leurs marques mondiales (Danone, Nestlé, Heinz, etc) orientent ceux ci vers des marchés jusqu’alors non prisés….Ils y opèrent par fusions et acquisitions des entreprises locales avec un réseau de distribution national bien développé, un savoir faire et une maîtrise de production, ayant déjà fait leurs preuves et qui offrent près d’un tiers des parts de marchés nationaux aux investisseurs étrangers » (Ghersi, 2003, p 33).

Ces mouvements stratégiques des firmes multinationales ont déjà été observés dans d’autres secteurs et dans d’autres régions. Dans les années 1980, les stratégies des multinationales ont été concentrées dans le sud de l’Europe (Espagne, Grèce, Portugal). Dans les années 1990, les mêmes mouvements ont été observés dans les pays de l’Europe centrale et de l’est (PECO). A partir du milieu des années 1990, l’intérêt stratégique des multinationales, notamment agroalimentaires, semble s’orienter vers les pays des rives du sud et de l’est de la Méditerranée (Bencharif et al, 2002).

Malgré l’intérêt croissant porté aux pratiques de coopération dans le secteur des industries agroalimentaires et le poids des alliances dans les opérations de restructuration, peu d’études se sont focalisées sur les relations coopératives agroalimentaires à un niveau international ou régional. Or, l’intérêt pour les alliances stratégiques dans un tel secteur agroalimentaire et dans la région méditerranéenne se justifie par au moins deux séries de spécificités : les premières relèvent des caractéristiques sectorielles, les secondes concernent les particularités régionales et géostratégiques de la Méditerranée.

1.1. Les spécificités sectorielles des industries agroalimentaires

Certains auteurs expliquent l’internationalisation des firmes multinationales agroalimentaires par trois séries de critères (Perez, 1996). La première série concerne les caractéristiques des produits agroalimentaires (aptitude à être transformé, facilité de conservation, paramètres physio- chimiques) et relèvent de la spécificité des industries agroalimentaires. Le second et le troisième groupes sont relatifs aux facteurs de localisation de la production d’une part (législation, protection juridique et avantages compétitifs comparés) et de consommation d’autre part (évolution des modes de consommation et dynamique de la demande alimentaire).

Plusieurs «postures » stratégiques caractérisent les stratégies des FMN-A (Hatem, 2006 ; Rastoin, 2004 a) :

- un double positionnement selon les marchés : produits nouveaux, innovation et différenciation dans les pays développés ; produits banalisés, consommation de masse et compétitivité prix pour les PVD.

- une vague de recentrage avec une concentration de plus en plus forte.

- des créations de marques globales avec une adaptation aux habitudes de consommation locales via des stratégies « multi- domestiques » (Ohamé, 1990).

- une rationalisation des activités dans les marchés matures : restructurations, externalisations et délocalisations

- des stratégies d’implantation sur les marchés à forte croissance via des IDE horizontaux (market seeking) : joint ventures, brownfields et acquisitions.

Les spécificités sectorielles intrinsèques et les principales caractéristiques industrielles (intensité concurrentielle, évolution de la demande et niveau de l’innovation) conduisent à certains mouvements de restructuration et peuvent être à l’origine de l’instabilité des relations coopératives (Harrigan, 1988, Kogut, 1989).

Aussi, l’examen des alliances asymétriques dans le secteur agroalimentaire se justifie par plusieurs raisons relevant des spécificités sectorielles (Hatem, 2005 ; Rastoin et al., 2004) : a. D’abord par rapport aux spécificités du produit agroalimentaire :

- La périssabilité : la durée de vie du produit alimentaire traduite par des dates limites de consommation (DLC), certes variables entre les conserves et les produits frais, est relativement courte. Cette limite constitue une spécificité majeure par rapport aux stratégies des firmes (exportation versus implantation directe). De même, certaines caractéristiques logistiques (chaîne de froid, délais de maturité, saisonnalité, etc.) renforcent la spécificité du produit alimentaire

- La typicité : Certains produits agroalimentaires sont caractérisés par une forte typicité liée à une localisation géographique, à un procédé de fabrication ou à l’origine des matières premières. Dans certains cas, cette typicité est traduite par des signes de qualité (Indication géographique, appellation d’origine, cahiers des charges, etc). Une telle typicité contraint les firmes agroalimentaires à adapter leurs stratégies de croissance à l’international ou sur un marché spécifique.

- La faiblesse des marges par rapport au volume transporté : Une autre caractéristique de certains produits alimentaires relève des spécificités logistiques et du transport de ces produits. En effet, certains produits alimentaires (fruits et légumes par exemple) offrent des marges bénéficiaires très faibles par rapport aux volumes transportés, notamment sur de longues distances.

- La localisation des bassins de production et de consommation : Au delà de ces contraintes logistiques, certains produits alimentaires présentent des cycles de vie très courts. Cela oblige certaines firmes à localiser leurs bassins de production au plus près des bassins de consommation afin de limiter les coûts logistiques et les risques de périssabilité. Cela s’observe pour les fruits et légumes frais, mais aussi concernant les produits transformés utilisant de telles matières premières. Ainsi, certaines grandes firmes brassicoles, se sont implantées à coté des bassins de production de houblon en république Tchèque et en Slovénie. La section « frais » de Bonduelle, a axé ses

nouvelles implantations en Europe au plus près des bassins de production mais aussi des grandes centrales d’achat de la grande distribution.

- La spécificité des habitudes de consommation : une des caractéristiques du produit agroalimentaire relève de la grande diversité des habitudes de consommation entre pays mais aussi entre les régions dans certains pays. Ainsi, des stratégies de croissance via des exportations de produits standardisés semblent compromises à cause d’un ancrage culturel de certains modes de consommation et d’utilisation des aliments. Lors de son implantation en Chine, Carrfour s’est retrouvé confrontée à des consommateurs exigeants des poissons frais et …vivants. La firme a dû réadapter sa logistique et ses poissonneries dans plusieurs régions du pays. Néanmoins, d’autres firmes semblent adopter des stratégies régionales. Ainsi, Danone centralise sa structure de R&D pour la région Afrique du Nord/ Moyen Orient. Cette structure, basée à Barcelone, adapte certaines spécificités gustatives à toute cette macro région en compilant les rapports des services marketing provenant de ses divisions nationales et en tenant compte des préférences des consommateurs locaux, dans chacun des pays concernés.

- La spécialisation des technologies par branche d’activité : une dernière spécificité liée au mode de production agroalimentaire se manifeste par une forte diversité des technologies utilisées dans le processus de production selon la branche concernée (et même au sein d’une même branche). Cela se traduit par des exigences techniques et certaines barrières à l’entrée aboutissant le plus souvent à des situations oligopolistiques (Rastoin, 1994).

b. Ensuite, par rapport aux stratégies des firmes multinationales agroalimentaires : Souvent à travers des stratégies multi-domestiques avec des adaptations des produits aux habitudes de consommation locales et des stratégies différentes selon le marché visé : produits alimentaires de consommation de masse et compétitivité prix pour les marchés des pays émergents, et différenciation, politiques marketing et d’innovation «agressives» dans les pays en développement.

Cela découle de deux facteurs que nous développerons ci dessous : D’une part, la saturation des marchés alimentaires dans les pays développés avec une quasi stagnation de la demande alimentaire notamment pour les produits standardisés, aboutit le plus souvent à des stratégies de différenciation. D’autre part, les perspectives de croissance de la demande dans les pays émergents à travers une forte croissance démographique, de la richesse par habitant et de l’urbanisation semblent donner aux multinationales des débouchés pour des produits standardisés et nécessitant peu de R&D.

L’adoption de ces stratégies globales par les firmes agroalimentaires leur permet d’optimiser la gestion de leur réseaux de distribution et d’approvisionnement mais aussi de maximiser les complémentarités inter et intra filiales. Plusieurs firmes se sont appuyées sur des produits développés par leurs filiales ou leurs partenaires dans certains pays, pour les relancer dans d’autres régions. Ainsi, la firme Danone, a relancé en Algérie via son partenaire Tessala – Algad, sa marque d’eau minérale Hayet, lancée initialement en Turquie (Cheriet, 2008). c. Enfin, d’autres contraintes sont spécifiques aux industries agroalimentaires : concentration de la grande distribution (filière « tirée» par l’aval), réglementations sanitaires strictes en matière de consommation et d’importation et forte compétition entre les FMN-A pour

l’implantation sur les marchés émergents, avec souvent des modes d’entrée spécifiques (Joint Ventures, Brownfields45). Ainsi, la concentration dans les IAA est dite intermédiaire entre deux extrêmes que sont l’aéronautique (hyper concentrée) et la confection textile par exemple (non concentrée). Aussi, les IAA sont caractérisées par la coexistence de quelques grandes firmes multinationales et une multitude de PME: Oligopole à Franges : (Rastoin, 1994). Cette configuration marquée par des stratégies globales et des réseaux d’approvisionnement, logistiques et de distribution mondialisés, est d’autant plus favorable aux alliances stratégiques entre ces firmes et de nombreux partenaires locaux (Rastoin, Tozanli, 2003). Certaines branches des industries agroalimentaires sont, à ce titre, spécifiques : les firmes multinationales engagées dans la branche des boissons gazeuses s’appuient sur de larges réseaux de partenaires pour l’embouteillage et la distribution sous licence. Cet appui sur des entreprises nationales permet entre autres, de contourner les réglementations locales en termes d’investissement étranger ou de règles sanitaires, ainsi qu’une meilleure « légitimité » institutionnelle ou auprès des consommateurs locaux dans les pays d’implantation.

Les spécificités du champ d’analyse et relevant des caractéristiques du produit alimentaire, de la stratégie des firmes multinationales ainsi que des contraintes propres aux industries agroalimentaires, permettent de justifier notre application empirique sur le plan sectoriel. Les caractéristiques de la région méditerranéenne en termes d’échéances géopolitiques et de perspectives de croissance des marchés agroalimentaires dans certains pays du sud et de l’est de la Méditerranée permettront de mieux appréhender les stratégies des firmes multinationales par rapport à leurs alliances stratégiques avec des entreprises locales agroalimentaires.

1.2. Les spécificités régionales et géostratégiques de la Méditerranée

Le dynamisme actuel des alliances stratégiques dans le secteur agroalimentaire en Méditerranée, peut avoir aussi pour explication, l’implantation récente des firmes multinationales de la grande distribution dans certains pays de l’Est et du Sud de la Méditerranée. Les alliances stratégiques avec des entreprises agroalimentaires locales constituent ainsi une réponse à « une rupture forte qui appelle à des partenariats dans l’industrie pour satisfaire des cahiers des charges exigeants en qualité, volume, délais de livraison pour les PME locales ». (Bencharif et al, 2002, p. 33).

Par rapport à la région Méditerranéenne, il faut souligner que depuis le milieu des années 1990, les FMN agroalimentaires ont accentué leur présence, sur des marchés jusqu’alors négligés au profit d’autres régions (Asie, Amérique latine et Pays de l’Europe Centrale et Orientale (PECO)) (Regnault 2004). Ainsi, l’intérêt porté aux PECO, semble se réorienter pour concerner certains pays des rives sud et est de la Méditerranée. Quelques explications peuvent être avancées quant à cet intérêt : la demande alimentaire croissante avec une insuffisance des productions locales, l’apparition d’une classe urbaine dynamique à « fort » pouvoir d’achat et l’anticipation des échéances géopolitiques (accords d’association avec l’UE et Zone de libre échange Euro-méditerranéenne, ZLEM en 2011-2013), tel qu’a été le cas pour certains PECO avant leur adhésion. (Ghersi 2003, Bencharif et al, 2002).

A notre sens, trois raisons majeures peuvent être à l’origine de ce changement géostratégique :

45 Les brownfields correspondent à des acquisitions partielles largement restructurées qui se rapprochent des

a. La perspective de la création d’une zone de libre échange à l’échéance de 2011-2013, fera des Pays du Sud et de l’Est de la Méditerranée, un marché relativement important (300 millions d’habitants avec un PIB par habitant moyen de 3000 $ (Hatem 2005)). Cela s’ajoute à une forte croissance démographique et une urbanisation de plus en plus poussée. Aussi, la plupart des pays concernés ont signé et ratifié des accords d’association avec l’Union Européenne. (Tableau N° 2, Annexe 3). Les firmes multinationales anticiperaient ainsi ces échéances géostratégiques en s’implantant quelques années auparavant afin de profiter d’une période « d’apprentissage institutionnel et compétitif ».

Les alliances stratégiques avec des partenaires locaux permettent entre autres, d’atténuer les effets de nouveauté et de firme étrangère (Newness and foreigness Liabilities). Sur un autre plan, certaines firmes profiteraient des ouvertures économiques récentes de certains pays afin de faire jouer une compétition à l’attractivité des investissements directs. Cela a été par exemple observé concernant les implantations de Calsberg et de Heineken dans les pays d’Europe Centrale et de l’Est (compétition entre la Hongrie, la Slovénie et la Croatie).

b. La proximité géographique de l’Union Européenne d’une part, la saturation de la demande alimentaire dans les pays développés et les fortes perspectives de croissance dans les marchés émergents d’autre part, peuvent expliquer l’attrait relatif de la région des IDE46 agroalimentaires (Ghersi 2003). Plus que pour d’autres secteurs industriels, il semblerait qu’il existe une forte sensibilité des industries agroalimentaires aux facteurs de demande: croissance du revenu, croissance démographique et urbanisation. Cependant, cette proximité géographique peut avoir un effet inverse en termes d’implantation, certes atténuée par les caractéristiques intrinsèques du produit alimentaire, dans le sens d’un arbitrage entre exportation et présence directe. Elle peut aussi jouer un rôle pour les firmes qui souhaitent réexporter certains produits vers les pays européens et diminuer ainsi leurs coûts de production. Ainsi, une grande firme mulinationale espagnole des produits aquacoles de conserve a implanté ses unités de production à Agadir dans le sud marocain afin de fournir les marchés européens et Nord-Américains.

c. Les comportements compétitifs de certaines firmes alimentaires et la recherche du « leadership mondial » poussent les groupes agroalimentaires à adopter des manœuvres de « premiers entrants » afin d’éviter les risques de sélection adverse dans le choix des partenaires locaux potentiels (Lynch, 2006). De même, il existerait des effets de mimétisme dans les implantations malgré une forte diversité des formes de coopération (Cheriet et al, 2008 a). Certaines firmes semblent ainsi privilégier quelques implantations pour en faire des bases d’expansion géographique vers d’autres marchés. Des pays « pivot » apparaissent par macro région, accompagnée d’une stratégie d’optimisation des liens inter-filiales et des complémentarités stratégiques à un niveau plus global. Cette recherche de leadership ne se fait plus uniquement au niveau des grands marchés des pays développés mais passe inexorablement par les marchés, certes plus étroits mais prometteurs des pays émergents, notamment pour les produits standardisés47 .

Au delà de ces options stratégiques des grandes FMN-A, des rapports de dépendances économiques, commerciales et alimentaires caractérisent les relations entre les pays des rives sud, est et nord de la Méditerranée. Certains auteurs évoquent dans ce sens une « triple

46 IDE : Investissement direct à l’étranger. IDE dans le reste du texte

47 Cf rapports d’activité de Danone et de Nestlé par exemple, 2005, 2006 et 2007 ou ceux des firmes brassicoles :

asymétrie » entre l’Europe et les pays méditerranéens (Hugon, 1999): D’abord par rapport aux poids économiques des deux ensembles (PNB, compétitivité des entreprises, taille du marché et parts dans les échanges internationaux). Ensuite par rapport aux degrés d’intégration économique et politique (l’UE est un ensemble intégré alors que les PSEM48 représentent un groupe « émietté» et négocient généralement leurs accords de manière individuelle). Enfin par rapport à la dépendance commerciale (l’UE représente 60 à 70% du commerce international des PSEM alors que ces derniers ne représentent que 5% de celui de l’UE).

De manière générale, la dépendance commerciale des PSEM est très forte vis à vis de l’UE. En 2001, 53 % des exportations des PSEM étaient à destination de l’UE et 50 % des importations en provenaient. Pour certains pays, cette situation est problématique : ainsi, 89 % des exportations et 78 % des importations tunisiennes se font avec l’UE. Cependant, les analyses prospectives en termes de population et de marché (notamment alimentaire) montrent que les plus fortes croissances seront enregistrées dans les pays du Sud (59% de la population méditerranéenne en 2015, soit une croissance de 98 % en 15 ans) et concerneront les pays à faible revenu (moins de 3000 US $/H) : En 2015, 35% du marché alimentaire estimé à 1215 Milliards US $ se fera dans les pays du Sud (Hatem, 2005, p. 20).

L’implantation des grandes FMN agroalimentaires en Méditerranée, s’est souvent faite via des joint ventures avec des groupes familiaux et des acquisitions partielles de partenaires locaux, leaders sur leur marché. L’objectif de ces firmes étant de minimiser les risques liés à une implantation type « greenfields49 » et de bénéficier d’une période d’adaptation et d’apprentissage du climat des affaires et des habitudes de consommation locales (Perez, 1994). Notre application empirique pour l’examen de l’instabilité des alliances stratégiques asymétriques s’intéresse dans ce sens à l’analyse des relations coopératives entre grandes firmes multinationales et entreprises locales agroalimentaires en Méditerranée.

Cette analyse mono sectorielle permet ainsi d’éviter les écueils méthodologiques des différences inter-secteurs pouvant altérer l’interprétation des résultats. Sur le plan