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B. Les régions flanquantes du domaine PAS

2. Jonction avec les domaines en amont

Le domaine PAS de BvgS est relié aux domaines en amont grâce à une séquence protéique prédite en hélice α. Au sein d’un dimère, ces hélices seraient capables de former elles aussi un domaine de type coiled-coil. Comme discuté précédemment (cf. VIII.A.1.), ces hélices seraient potentiellement en interaction avec la boucle située entre les brins Hβ et Iβ du domaine PAS. Diverses substitutions situées dans cette boucle et dans l’hélice susnommée ont été rapportées dans la littérature. D’autre part, à partir de souches rendue avirulentes par certaines substitutions dans les domaines périplasmiques de BvgS, des mutants de BvgS sont apparus qui retrouvaient spontanément leur activité. Les mutants ainsi obtenus semblaient par ailleurs incapables de répondre à la modulation par l’acide nicotinique et le sulfate de magnésium. Nous avons donc choisi de sélectionner ces mutants et de reséquencer le gène bvgS, afin d’obtenir un catalogue de mutations compensatoires des défauts périplasmiques..

a. Matériel et Méthodes

Afin de sélectionner des souches redevenues virulentes, des mutants avirulents à cause de substitutions dans les domaines périplasmiques ont été cultivés sur milieu BG agar complémenté par 10% de sang frais de mouton. Les souches utilisées pour ce faire sont les souches F320A, Y81A+E86A, W535A ainsi qu’une souche F77A non décrite précédemment,

contenant toutes le plasmide rapporteur pFUS S1.

Les cultures se font normalement sur une durée de 2 jours. Les souches ont été passées en cultures successives de nombreuses fois (jusque dix repiquages) par étalement sur gélose fraîche et isolement. Les clones ayant récupérés une activité de BvgS et ainsi leur virulence ont été sélectionnés par apparition d’un halo d’hémolyse (lié à l’activité de l’hémolysine CyaA), autour des colonies. De façon intéressante, lorsque les cultures sur boîte sont prolongées jusqu'à 4 à 5 jours, une plus grande proportion de bactéries retrouve sa capacité de virulence au passage suivant. Ainsi, les passages successifs ont été effectués après ce temps de culture une fois cette observation faite.

Les souches virulentes ainsi obtenues ont été reséquencées pour couvrir la région codant les domaines VFT1, VFT2 et PAS (fragments de PCR SpeI-BamHI, BamHI-BglII et BglII- XbaI). Ces souches possédant un système rapporteur, leur niveau d’activité ainsi que leur capacité de réponse face à des concentrations élevées (normalement inhibitrices) de modulateurs ont été vérifiés.

b. Résultats et discussion

De façon intéressante, les mutations des domaines périplasmiques étant toujours présentes, de nouvelles mutations étaient apparues au niveau du fragment BglII-XbaI, codant la portion de BvgS comprenant le domaine PAS et l’hélice en amont. Quelque soit la souche utilisée, ces observations sont restées valables. De plus, entre les différentes souches portant des mutations initiales différentes dans le domaine périplasmique, il est arrivé régulièrement de retrouver la même mutation dans le domaine cytoplasmique, indiquant que le mécanisme permettant la

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réactivation du système n’est pas dépendant de la nature de la mutation qui inactive BvgS dans son domaine périplasmique.

Les mutations réactivant le système se font, dans tous les cas observés, par la modification d’une seule base au niveau de la séquence ADN, le plus fréquemment par transition mais aussi par transversion (la fréquence naturelle de la transition est plus élevée que celle de la transversion). On peut donc supposer que ces mutations apparaissent de façon aléatoire en suivant la fréquence naturelle de mutation. L’observation d’une augmentation de la fréquence d’apparition de telles mutations lorsque les cultures sont prolongées pourrait refléter une augmentation de la fréquence globale de mutation dans un contexte de stress général, qui serait lié ici à une carence nutritive.

Les fréquences de mutation en conditions standard de culture ou en culture « prolongée », générant probablement un stress, n’ont pas été évaluées. Les différentes mutations ainsi obtenues, et celles déjà citées dans la littérature comme rendant le système non modulable, sont représentées en figure 81 par la substitution générées au niveau protéique.

Les mutations sont donc particulièrement représentées au niveau de l’hélice précédant le domaine PAS et dans la boucle située entre les brins Hβ et Iβ de ce domaine (dénommée ci- après boucle HI). On retrouve aussi quelques mutations dans les hélices Eα et Fα, décrites comme critiques pour la signalisation dans de nombreux systèmes comme exposé dans la partie V, et ainsi il n’est pas surprenant que ces hélices soient aussi représentées.

En revanche, il est surprenant de trouver des substitutions assez conservatrices (D vers E, F vers Y…) et qui ont pourtant un effet drastique sur la capacité du système à répondre à la modulation. Notre hypothèse est que ces substitutions affaibliraient modérément l’interaction entre l’hélice en amont de PAS et la boucle HI du domaine PAS. Selon notre modèle expliqué plus haut, la modulation génèrerait une tension supplémentaire qui nécessite une interaction relativement stable entre ces éléments structuraux pour être transmise. En présence de ces mutations, la tension supplémentaire ne peut plus être transmise.

D’un autre côté, dans les mutants initiaux utilisés, le signal positif périplasmique est interrompu. Ainsi, on peut supposer que la perte d’activité proviendrait d’une mauvaise conformation de H19, qui impose alors une contrainte « négative » sur le domaine PAS (i.e. différente de la contrainte « activatrice » qui existe chez BvgS sauvage), avec comme

Figure 81 Représentation de la séquence protéique de la portion de BvgS pouvant contenir des substitutions rendant le système non modulable. La couleur bleue représente les hélices alpha, le rouge les brins béta et le noir une zone non structurée dans les prédictions de structures secondaires. La première ligne correspond à l’hélice cytoplasmique reliant le segment transmembranaire au domaine PAS, lui-même représenté en seconde ligne. Les substitutions empêchant la modulation du système sont reprises en vert à leurs positions respectives sous la séquence initiale.

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conséquence une perte de l’activité kinase. Un affaiblissement, même mineur, de l’interaction entre la boucle HI et l’hélice N-terminale flanquante, qui prolonge H19 (dénommée ci-après hélice de jonction H19), libèrerait une partie de cette tension et permettrait alors le bon repositionnement des interfaces du domaine PAS pour la transmission d’un signal activateur à la kinase. Ce positionnement correspondrait environ à celui adopté en présence d’un signal positif périplasmique dans le cas sauvage, sauf que la petite perte de tension empêcherait la transmission des signaux négatifs « nicotinate » provenant du périplasme.

Dans BvgS sauvage, la boucle HI semble donc primordiale au maintien de cette conformation tout comme, sans doute, la longue hélice de jonction H19 elle-même. Dans un tel cas de figure, les domaines périplasmiques seraient les acteurs majeurs de la régulation de l’activité kinase au travers de la conformation qu’ils imposent à l’hélice H19 et donc à la longue hélice de jonction H19. Le domaine PAS intègrerait les signaux périplasmiques au travers de cette hélice et par une connexion entre celle-ci et la boucle HI. L’état basal actif des domaines périplasmiques permettrait donc d’amener le domaine PAS en conformation activatrice, état qui serait similaire à sa conformation par défaut, en absence de contraintes fournies par l’amont, sans doute grâce au positionnement optimal de son interface dimérique. Cet état actif peut être perturbé lorsque le couplage avec l’amont ou l’aval est rompu ou lorsque le « noyau » PAS lui-même est fortement déstabilisé, ou encore en présence de modulateurs générant un message négatif périplasmique. L’état avirulent des mutants N608A et N608S indiquerait alors qu’une trop forte déstabilisation au niveau de la jonction amont du domaine PAS empêcherait la conformation normale et activatrice, certainement par perturbation de l’interface dimérique de ce domaine, nécessaire au maintien en état actif du domaine histidine-kinase.

D’autre part, la portion cytoplasmique de BvgS isolée en solution possède une activité kinase in vitro (Bock and Gross, 2002). On peut imaginer que la conformation du domaine PAS est alors peu contrainte par l’hélice en amont, comme dans les différents mutants non modulables décrits ici, et adopte alors une conformation activatrice « par défaut », ce qui est cohérent avec notre modèle. Dans BvgS complet, la conformation de l’hélice de jonction H19 et les contraintes qu’elle impose au domaine PAS apparaissent être le point clé de la régulation de l’activité kinase, le domaine PAS semblant être un relais du message, et possiblement un point de contrôle final. Comprendre l’agencement de cette hélice serait alors critique pour la compréhension globale de la transduction des signaux périplasmiques.

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