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B. Une structure, de nombreux rôles

4. Une idée lumineuse

De nombreux organismes sont capables de réguler certaines activités en fonction de la lumière. Les organismes photosynthétiques sont les premiers concernés car la lumière est le facteur environnemental qui a la plus grande influence chez ces organismes, comme Arabidopsis thaliana (Ogura, 2008), mais ils ne sont pas les seuls. Il existe différents domaines protéiques capables de percevoir la lumière, mais un chromophore est toujours impliqué. Les domaines PAS font partie de ces photorécepteurs et sont particulièrement employés dans la perception de la lumière bleue par l’intermédiaire d’un chromophore de type flavine, particulièrement la FMN (Flavine Mono Nucléotide) et sont nommés couramment domaines LOV (Light Oxygen Voltage). L’excitation par la lumière bleue va former un adduit entre une cystéine conservée et la flavine (Zoltowski et al., 2009). Un autre type de chromophore est aussi trouvé dans ces domaines, l’acide paracoumarique (ou acide hydroxycinnamique). Ici le chromophore est lié de façon covalente au domaine PAS sur sa cystéine conservée (Cusanovich and Meyer, 2003).

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On retrouve les domaines LOV dans les différents règnes du vivant (Krauss et al., 2009). Un exemple intéressant d’une bactérie pathogène dont la virulence serait en partie régulée par un système à deux composants contenant un domaine LOV a été rapporté. Il s’agit de bactéries du genre Brucella, des pathogènes animaux, et l’activation de ce système à deux composants par la lumière visible augmenterait leur pouvoir infectieux, permettant la colonisation efficace d’un nouvel hôte (Kennis and Crosson, 2007; Swartz et al., 2007).

a. PYP

La « Photoactive Yellow Protein » (protéine jaune photoactive, PYP) a été découverte chez Halorhodospira halophila, une bactérie extrêmophile halophile. PYP est une petite protéine cytoplasmique constituée d’un domaine PAS (le prototype structural de la famille, Pellequer et al., 1998) précédé par 2 hélices alpha, que nous nommerons portion N-terminale et qui interagissent avec le feuillet béta (Kumauchi et al., 2010). Il existe de nombreux homologues de cette protéine dans diverses espèces (Meyer et al., 2012). Le chromophore est l’acide paracoumarique (ou acide hydroxycinnamique) qui est lié de façon covalente à une cystéine située dans l’hélice Eα (résidu 69 de PYP de H. halophila, Cusanovich and Meyer, 2003).

L’état de repos, dit état pG, est la forme considérée inactive dans l’obscurité. Le chromophore subit une isomérisation trans-cis après excitation par la lumière bleue (λmax 446 nm), son maximum d’excitation va alors changer et être décalé vers le bleu aboutissant à un photoblanchiment. Cette modification n’est pas permanente et l’état initial est entièrement recouvré en environ une seconde à l’obscurité (Cusanovich and Meyer, 2003). L’acide paracoumarique forme des ponts hydrogène avec 2 résidus critiques, une tyrosine (Tyr42) et un acide glutamique (Glu46). Après isomérisation en cis, l’acide glutamique va céder un proton à l’acide paracoumarique induisant un changement conformationnel du domaine PAS transmis à la portion N-terminale qui se dissocie du domaine PAS et se déplie (Kumauchi et al., 2010). Une arginine (Arg52) est particulièrement impliquée dans les modifications structurales apportées après excitation (fig. 52). En effet le déplacement de l’acide paracoumarique après l’excitation relâche les ponts hydrogène qu’il forme avec les résidus tyrosine et glutamate et c’est l’arginine qui sera pontée, les précédentes interactions étant alors assurées par une molécule d’eau (Schotte et al., 2012).

Figure 52 : Alignement structural des formes pB (état actif en présence de lumière en jaune, code PDB : 4BBV) et pG (état inactif, dans l’obscurité, en vert, code PDB : 2ZOH). Le résidu cystéine de liaison covalente de l’acide paracoumarique, ainsi que les résidus tyrosine et glutamine formant un pont hydrogène avec l’acide coumarique dans l’état pG sont représentés en rouge. La position de ces résidus n’est quasiment pas affectée par le changement d’état. L’acide coumarique et le résidu arginine qui sera ponté dans la forme pB sont tous deux représentés en bleu dans la forme pB et en cyan dans la forme pG. La portion N-terminale n’est pas représentée ainsi que la boucle FG par souci de lisibilité.

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Cet état de la protéine avec l’isomère cis du chromophore est l’état actif, dit état pB, qui permet l’interaction du domaine PAS de PYP avec ses partenaires protéiques afin d’accomplir diverses fonctions selon la protéine et l’espèce concernée, par exemple la phototaxie chez H. halophila (Meyer et al., 2012).

b. Domaines LOV liant la FMN

Il existe une grande variété de domaines LOV liant la FMN, notamment celui de la protéine YtvA de B. subtilis qui régule l’expression du facteur sigma σB impliqué dans la réponse générale aux stress et qui est activé par la lumière bleue (Möglich and Moffat, 2007).

On peut aussi citer la protéine Vivid (VVD), qui contient un domaine LOV et régule la production de caroténoïdes ainsi qu’en partie l’horloge circadienne chez des champignons filamenteux (du règne des Fungi) du genre Neurospora (Zoltowski et al., 2009).

Parfois les domaines LOV se retrouvent en tandem comme chez Arabidopsis thaliana, où les phototropines 1 et 2 (Phot1, Phot2) sont des protéines membranaires contenant deux domaines PAS cytoplasmiques chacun capable de lier la FMN. Ceux-ci vont réguler l’activité d’une sérine/thréonine-kinase sous-jacente (Kaiserli et al., 2009).

Ces différentes protéines joueraient leur rôle de signalisation par l’intermédiaire d’interfaces dimériques comme dans le cas de YtvA (Möglich and Moffat, 2007).

1) Liaison de la FMN

La liaison de la FMN se fait par l’intermédiaire de plusieurs résidus (plus d’une dizaine) situés dans le feuillet β et dans les hélices Eα et Fα. Différentes structures de domaines LOV contenant la FMN ont été cristallisés et indiquent que la nature de ces résidus (aussi remarqué par alignements de séquences) et leur géométrie sont très conservées, et que les interactions sont majoritairement maintenues dans les deux états de la protéine (Möglich and Moffat, 2007). Le résidu cystéine permettant la réponse à la lumière bleue par formation d’un adduit covalent (liaison thioéther) entre son groupement sulfhydryle et le carbone 4a de la FMN, est situé dans l’hélice Eα comme celui permettant la liaison de la FAD. Ceci est illustré par le domaine LOV de YtvA (fig. 53).

Figure 53 : Représentation des formes « obscurité » (à gauche, code PDB : 2PR5) et « lumière » (à droite, code PDB : 2PR6) du domaine PAS de YtvA. La cystéine formant l’adduit à la lumière est représentée en jaune. Une partie des interactions entre la FMN (en vert) et les résidus de la poche de fixation sont représentées en tirets bleus et sont majoritairement conservées entre les deux formes. Les chaînes latérales de ces résidus ne sont pas figurées par souci d’encombrement.

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2) Réponse à la lumière

En réponse à la lumière, un adduit entre la FMN et une cystéine conservée se forme. Nous verrons donc au travers de l’exemple d’YtvA les modifications impliquées par la formation de cet adduit.

Elle induit un léger déplacement de la FMN, mais les résidus permettant sa fixation au sein du domaine LOV ne doivent que très peu se déplacer pour s’accommoder à ce changement de configuration, d’où la possibilité du maintien des interactions (à l’exception d’un résidu glutamine qui formerait une interaction avec un atome différent de la FMN entre les deux états). Ainsi le repliement du domaine LOV n’est pas perturbé.

Les différences structurales entre les deux états se situent majoritairement au niveau de l’interface dimérique. En effet, la région comprenant les brins Gβ et Hβ, l’hélice Eα et la boucle EF s’écarte de l’interface du dimère, induisant aussi un repositionnement des résidus de la face externe du feuillet béta.

Une hélice alpha (nommée Jα) se trouve en position C-terminale du domaine LOV. Elle est en contact avec les brins Hβ et Iβ, et les modifications de l’interface dimérique apportées par l’excitation par la lumière se répercutent dans cette hélice, l’écartant de l’interface dimérique. Ce mécanisme permet la transmission de l’information vers le domaine sous- jacent comme nous le verrons ci-après. Dans le cas de YtvA il s’agit d’un domaine STAS (« Sulfate Transporter and Anti-Sigma factor antagonist, Möglich and Moffat, 2007), mais ce mécanisme serait commun aux domaines LOV, voire à la famille PAS régulant un domaine C-terminal (Möglich et al., 2009b).

La formation de l’adduit entre la FMN et la cystéine conservée est réversible. Ainsi, les domaines liant la FMN sont séparés en deux grandes catégories selon la vitesse de dégradation de l’adduit formé après excitation par la lumière. La première classe correspond aux domaines dont l’adduit est peu stable (comme les domaines LOV1 des phototropines) alors que la seconde correspond à ceux dont l’adduit est stable (de l’ordre supérieur à la seconde, comme les domaines LOV2 des phototropines et ceux de YtvA ou Vivid par exemple). Les particularités induisant cette différence cinétique restent mal comprises, mais influent sur la fonctionnalité des protéines les contenant, reflétant une importance biologique (Zoltowski et al., 2009).

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